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Revue | Revue trimestrielle des droits de l'homme |
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Numéro | no 123, 2020/3 |
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Colloque « L'indépendance du juge national vue par les deux Cours européennes »
- Présentation - p. 539
- Allocution introductive de Frédéric Krenc - Frédéric Krenc p. 541-546
- Allocution introductive de Dean Spielmann - Dean Spielmann p. 547-550
- L'indépendance du juge national vue depuis Luxembourg - François Biltgen p. 551-566
Doctrine
- Changements climatiques et droits humains : l'affaire Urgenda - Olivier De Schutter p. 567-608 Dans un arrêt du 20 décembre 2019, le Hoge Raad des Pays-Bas confirme les décisions des juridictions inférieures faisant obligation à l'État néerlandais de prendre toutes mesures propres à réduire les émissions de gaz à effet de serre des Pays-Bas d'au moins 25 % pour 2020, en comparaison avec le niveau des émissions de 1990. Il prend appui pour cela sur les articles 2 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui garantissent respectivement le droit à la vie et le droit au respect de la vie privée et familiale. L'arrêt constitue une avancée historique. Ce commentaire rappelle pourquoi les changements climatiques menacent gravement les droits humains. Il décrit les efforts que la communauté internationale a faits afin de contraindre les États à ralentir la progression des émissions de gaz à effet de serre : c'est en soutien de ces efforts qu'intervient l'arrêt du 20 décembre 2019. Il examine, enfin, le raisonnement suivi par le Hoge Raad. Il aborde à cet égard l'interprétation qu'il fait de la Convention européenne des droits de l'homme. Il évalue également la pertinence des arguments mis en avant par le gouvernement néerlandais afin de contester l'obligation de relever le niveau de son ambition d'atténuation du changement climatique, fondés notamment sur la faible contribution du pays au réchauffement planétaire – de manière telle que des efforts supplémentaires de l'État néerlandais ne sauraient avoir qu'une incidence minime sur le climat – ; sur l'idée qu'en imposant à l'Exécutif de relever le niveau de son ambition de réduction des émissions de gaz à effet de serre, le juge s'immiscerait dans le domaine réservé des autres pouvoirs constitués ; ainsi que sur l'obstacle que constituerait pareille immixtion pour la conduite des négociations internationales. Il conclut sur la promesse que l'arrêt du 20 décembre 2019 constitue pour que s'ouvre une nouvelle ère dans la lutte contre les changements climatiques : une ère où cette lutte ne sera plus seulement le monopole des gouvernements, qui en définiraient seuls le rythme de progression, mais deviendra l'affaire de la société entière.In a judgment of 20 December 2019, the Dutch Hoge Raad confirmed the decisions of the lower courts requiring the Netherlands to take all appropriate measures to reduce greenhouse gas emissions by 25% by 2020, compared to the 1990 levels. It did so on the basis of Articles 2 and 8 of the European Convention on Human Rights, which guarantee the right to life and the right to respect for private and family life respectively. The judgment is of major significance. In this comment, we recall why climate change constitutes a serious threat to human rights. We describe the efforts of the international community to compel States to slow the growth of greenhouse gas emissions, which are now supported by the 20 December 2019 decision. Finally, we examine the reasoning followed by the Hoge Raad, and its interpretation of the European Convention on Human Rights. We assess the relevance of the arguments put forward by the Dutch government regarding the obligation to increase its level of ambition to mitigate climate change. The government argued that its contribution to global warming was minimal–implying that additional efforts by the country would barely make any difference to the world. It also took the view that, by imposing on the Executive to increase its level of ambition to reduce greenhouse gas emissions, the Judge was violating the principle of separation of powers. It alleged, finally, that such interference with the government's prerogatives would impede the conduct of international climate change negotiations. Our comment closes on the promise that the judgment of 20 December 2019 constitutes for a new era in the fight against climate change: an era in which this fight shall escape the monopoly of governments, which would define alone the pace of progress, and become a concern of society as a whole.
- Comment rendre crédible et effective la protection des droits humains écologiques par le Conseil de l'Europe ? - Elisabeth Lambert p. 609-628 Dans le contexte d'une réflexion initiée pour la Conférence organisée sous l'égide de la présidence géorgienne le 27 février 2020 pour laquelle l'auteure été sollicitée comme experte, il importe de s'interroger sur la façon dont l'Europe des 47 pourrait donner un nouvel élan à une meilleure garantie des droits humains environnementaux. Après avoir justifié le caractère insuffisant et inadapté d'un protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, l'auteure expose les arguments qui militent pour une approche inclusive et dresse les lignes d'un nouveau régime à inventer. Elle conclut que les obstacles éventuels pour l'adoption d'un nouveau régime sont politiques et non juridiques.On 27 February 2020, a Conference was organized under the aegis of the Georgian Presidency, in which the author was involved as an expert. In this context, she reflected on how environmental human rights could be better guaranteed in the Europe of 47. In this article, after justifying the inadequacy and inappropriateness of an additional protocol to the European Convention on Human Rights, the author sets out arguments for an inclusive approach and draws the lines of a new regime. She concludes that the obstacles to the adoption of a new regime are political, not legal.
- Regards comparatifs sur le Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination raciale et la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance - Régis de Gouttes p. 629-638 Deux organes d'experts internationaux ont été chargés de la même mission de prévenir et de combattre la discrimination raciale sous toutes ses formes : l'un au niveau universel des Nations Unies (le « CERD »), l'autre au niveau régional du Conseil de l'Europe (« l'ECRI »).À la lumière de son expérience tirée des mandats successifs exercés dans ces deux Comités, l'auteur propose une brève analyse comparative de leur fonctionnement et de leurs méthodes, de manière à faire apparaître ce qui différencie ces organes, ce qui les rapproche, mais aussi ce qui justifie une coopération et une complémentarité dans leur action.Two international expert committees have been in charge of preventing and fighting racial discrimination in all its forms: one at the universal level of the United Nations (the “CERD”), and the other at the regional level of the Council of Europe (the “ECRI”).From his experience in the successive mandates he served in those two committees, the author proposes a brief comparative analysis of their methods and operation so as to underline the differences in their approaches, their similarities, and what requires cooperation and complementarity in their action.
- L'ordre public et la sécurité nationale comme instruments de contrôle étatique en matière migratoire : quelles limites la jurisprudence européenne fixe-t-elle à l'exercice de ces prérogatives étatiques ? - Christelle Macq p. 639-682 L'ordre public est un élément central des législations nationales relatives aux étrangers. Les notions d'ordre public et de sécurité nationale sont omniprésentes en droit des étrangers tant au niveau européen qu'au niveau national. Ces notions ne sont pas clairement définies et leur plasticité offre aux États une large marge de manœuvre dans l'exercice de leurs prérogatives de contrôle de l'entrée et du séjour des non-nationaux. La présente contribution sera consacrée à une analyse des contours que les Cours européennes posent à l'exercice de ces prérogatives étatiques.Public order is a key element of national legislation relating to the admission and residence of foreigners. The concepts of public policy and national security are omnipresent in migration law at both the European and national levels. These concepts are not clearly defined and their plasticity offers States a wide margin of appreciation in the exercise of their prerogatives to control the entry and residence of foreign nationals. This contribution will analyze the limits set by the case law of the European courts on the exercise of these State prerogatives.
- Changements climatiques et droits humains : l'affaire Urgenda - Olivier De Schutter p. 567-608
Chronique
- Les juridictions de l'Union européenne et les droits fondamentaux : Chronique de jurisprudence (2019) - , Christophe Maubernard, Katarzyna Blay-Grabarczyk, Laure Milano, Carole Nivard, Romain Tinière p. 683-728 Au cours de l'année 2019, la Cour de justice a rendu cent trente arrêts dans lesquels au moins une question renvoyait à l'interprétation et/ou à l'application des dispositions de la Charte des droits fondamentaux de l'Union. Si les solutions apportées par le juge de l'Union demeurent très hétérogènes en fonction des cas d'espèce et des voies de recours, deux tendances – presque contradictoires – peuvent être observées. D'une part, la Charte révèle peu à peu ses potentialités, au-delà des articles les plus couramment invoqués (droit au respect de la vie privée et familiale, protection des données à caractère personnel ou droit à un recours juridictionnel effectif), comme par exemple la protection des consommateurs (art. 38) ou encore l'accès aux services d'intérêt économique général (art. 36). D'autre part, et malgré ses potentialités, la Charte se trouve toujours doublement limitée : d'un côté, par la portée très variable de ses dispositions aggravée selon nous par l'arrêt Poplawski et, d'un autre côté, par l'interprétation fluctuante de la Cour de justice à l'égard du champ d'application de la Charte au cours de la mise en œuvre du droit de l'Union par les États membres.In 2019, 130 judgments were delivered by the Court of Justice in which at least one question referred to the interpretation and/or the application of the provisions of the Charter of Fundamental Rights of the European Union. While the solutions provided by the Court remain very heterogeneous depending on individual cases and remedies, two–almost contradictory–trends can be observed. On the one hand, the Charter is gradually revealing its potential beyond its most commonly invoked provisions (respect for private and family life, protection of personal data or right to an effective remedy), for example consumer protection (Article 38) or access to services of general economic interest (Article 36). On the other hand, and despite its potential, the Charter is still doubly limited: firstly, by the very variable scope of its provisions, and notably social rights, aggravated in our view by the Poplawski case, and secondly, by the fluctuating interpretation of the Court with regard to the scope of application of the Charter itself in the implementation of EU law by Member States.
- Les juridictions de l'Union européenne et les droits fondamentaux : Chronique de jurisprudence (2019) - , Christophe Maubernard, Katarzyna Blay-Grabarczyk, Laure Milano, Carole Nivard, Romain Tinière p. 683-728
Jurisprudence
- Les conditions de détention en France dans le collimateur de la Cour européenne des droits de l'homme : coup de tonnerre ou… coup d'épée dans l'eau ? : (obs. sous Cour eur. dr. h., arrêt J.M.B. et autres c. France, 30 janvier 2020) - Damien Roets p. 729-749 Le 30 janvier 2020, dans son arrêt J.M.B. e.a. c. France, la Cour européenne des droits de l'homme brosse, sans surprise, un tableau peu reluisant des conditions de détention en France, dont, dans les maisons d'arrêt, une désastreuse surpopulation carcérale. Elle constate par ailleurs, une nouvelle fois, l'absence de recours de nature à empêcher la perpétuation de ces traitements dégradants ou, au moins, susceptibles de permettre une amélioration des conditions matérielles de détention. Alors qu'elle identifie un phénomène structurel, elle n'utilise cependant pas la procédure de l'arrêt pilote, se contentant de recommander à la France « d'envisager l'adoption de mesures générales » pour limiter, à l'avenir, les violations des articles 3 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme.On 30 January 2020, in its judgment J.M.
B. and Others v. France, the European Court of Human Rights unsurprisingly painted a gloomy picture of detention conditions in France, among which a disastrous overcrowding in prisons. It also noticed, once again, the absence of remedies to prevent those degrading treatments or, at least, to improve the material conditions of detention. While it identified a structural phenomenon, it did not however use the pilot judgment procedure, merely recommending that France “consider the adoption of general measures” so as to limit future violations of Articles 3 and 13 of the European Convention of Human Rights.
- Les conditions de détention en France dans le collimateur de la Cour européenne des droits de l'homme : coup de tonnerre ou… coup d'épée dans l'eau ? : (obs. sous Cour eur. dr. h., arrêt J.M.B. et autres c. France, 30 janvier 2020) - Damien Roets p. 729-749
Du côté des Nations Unies
- À propos des observations finales du Comité des droits de l'homme concernant le sixième rapport périodique de la Belgique - Cécile Jadot p. 753-756
- À propos des observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels concernant le cinquième rapport périodique de la Belgique - Alix Ernoux p. 757-759
- À propos des observations finales du Comité des droits de l'enfant concernant les cinquième et sixième rapports périodiques de la Belgique - Anne-Catherine Rasson p. 761-766