Contenu du sommaire : Penser et agir dans l'incertain : l'actualité de la transaction sociale

L'article propose quelques repères utiles à la compréhension de la problématique de la transaction sociale. Il en situe la genèse dans la sociologie américaine et la sociologie européenne. Il la fonde dans un intérêt originel pour la morphologie sociale et la morphologie spatiale et dans le souci d'articuler dans l'analyse du social de l'inductif et du déductif faisant ainsi place non seulement au capital accumulé dans la pratique théorique, mais aussi à celui de ceux qui décident, innovent, agissent. Il inscrit la problématique dans la volonté d'articuler production et reproduction de la société et indique l'intérêt qu'il peut y avoir à en raisonner de manière analogique les relations avec les « nouvelles sociologies » sans en pervertir l'orientation initiale : faire de l'interaction – échange, négociation et imposition –, du conflit et du compromis des éléments centraux de la dynamique collective.

L'interview est centrée sur la construction de la transaction sociale, comme une référence pour analyser la vie sociale dans la mesure où elle repose sur l'interaction. Dans cette perspective, l'interaction permet de mettre en œuvre divers projets communs. Ainsi, les agents sociaux sont impliqués dans un processus permanent où s'entremêlent le conflit et le consensus. Le terme « transaction sociale » a été préféré à celui de « négociation », parce qu'il permet d'analyser une gamme beaucoup plus large de situations. La transaction sociale est encastrée dans un contexte présentant un champ de contraintes et de possibilités. Celles-ci opèrent au niveau symbolique (structural) et au niveau du système social (structurel). En relation avec ce contexte les agents sociaux disposent d'une certaine autonomie, rendant leurs réactions semi-aléatoires. Le modèle cybernétique élucide comment la combinaison d'un cadre et d'une action partiellement imprévisible est compatible avec une relative stabilité. Dans ce modèle, la coordination et la transformation ne reposent pas sur la centralisation comme cela est courant dans le modèle politique. La transaction sociale propose une méthodologie adaptée à un contexte où l'autonomie des agents sociaux grandit. Cette manière de faire de la sociologie est d'actualité.

Nous proposons, dans une perspective d'épistémologie sociologique de considérer que l'analyse des systèmes complexes et celle de la transaction sont deux programmes de recherche dont l'articulation s'avère utile pour interroger la fluidité. Cette hypothèse demande d'une part de préciser la notion de programme (qu'est-ce qu'un programme de recherches, à quel niveau le situer dans une démarche de connaissance) et d'autre part d'expliciter en quoi l'articulation de deux programmes peut être intéressante dans une stratégie de recherche. La composition transaction-système complexe est éclairée par la notion de réseau.

Le pragmatisme, tel qu'il a été développé en philosophie, constitue un paradigme analogique qui permet de fonder en amont la notion de transaction sociale, dont tout l'intérêt s'est vérifié d'abord dans des recherches empiriques. Nous nous inspirerons dans ce texte du pragmatisme développé par John Dewey.

L'article envisage un possible dialogue entre le paradigme de la transaction sociale (TS) et la pédagogie, à partir d'une analyse du rôle de l'incertain dans le processus de formation. En montrant l'aporie entre conformation et transformation, l'incertain fait l'objet de deux stratégies de résolution mises en œuvre dans les théories et les pratiques éducatives. La TS vise à reconnaître et à accueillir la complexité de l'incertain, en le prenant à la fois comme limite et condition du processus de devenir humain. La TS développe cette visée en traçant une posture épistémologique qui maintient ouverte la dialectique aporétique à la base de la pédagogie. Au niveau théorique, cette posture permet de repenser l'agir formatif comme une séquence d'ajustements successifs et réciproques ; au niveau pratique, elle conçoit l'intervention éducative comme un processus de réflexion et de médiation pour le développement du bien individuel et commun.

Ce texte montre comment l'activité sociale émerge dans l'exercice concret du travail, de manière plus ou moins explicite ou clandestine, pour appréhender les modalités d'une socialité requise dans les lieux du travail (entreprise industrielle, exploitation agricole). L'activité sociale de travail se déploie sur une pluralité de registres et elle tisse des liens complexes par des échanges transactionnels qui déterminent le sens de l'action. Dans ces transactions, l'engagement et l'émancipation des individus sont posés comme des enjeux démocratiques pour un développement durable et solidaire.

Avec la fin des Trente glorieuses, la crise de la modernité organisée et l'affaiblissement de l'État social (Castel) marquent l'avènement de la société du risque (Beck), caractérisée par la complexité des systèmes et l'imprévisibilité des évolutions. Dans la dialectique du risque et de la complexité, l'incertitude occupe une place centrale. Si le risque est probabilisable, l'incertitude ne l'est pas. Le passage de l'incertitude au risque est une démarche cognitive, impliquant une mutation de nos dispositifs de savoir. Ce changement s'inscrit dans une transformation des représentations de la société, autour de la notion de développement durable, analysée ici comme « formation discursive » (Foucault). Dans cette perspective, la maîtrise des risques est une démarche transactionnelle inscrite dans des processus délibératifs inspirés par un « agir communicationnel » (Habermas).

Le Dunkerquois est marqué par une forte densité de sites SEVESO et plus encore par une imbrication des zones industrielles et des zones résidentielles. Ce faisant, il constitue un exemple pertinent de compréhension de modes de gestion et de gouvernance de ces risques, tant à l'échelle des habitants dans leur quotidien qu'à celle des territoires, via les dispositifs participatifs de concertation et de gestion des risques. Prenant appui sur les différents travaux développés depuis 2006 par le collectif Irénée Zwarterook, il s'est agi de les relire et de les mettre en perspective au prisme du paradigme de la transaction sociale pour montrer qu'existent deux niveaux de compromis pratiques – sphère privée et sphère publique – qui permettent d'envisager le vivre au quotidien avec les risques industriels.

M. Foucault employait assez fréquemment le terme de « transaction » dans son analyse de la gouvernementalité libérale, en lui donnant un sens bien plus large que le sens juridique ou économique. De même, F. Ewald a étudié la naissance de l'État-providence français basé sur le système assurantiel dans le sillage de la généalogie foucaldienne du libéralisme. Pour Ewald, l'idée de transaction apparaît même au fondement du mécanisme assurantiel qui s'appuyait sur la notion de risque professionnel. Nous pouvons situer cette perspective dans le contexte contemporain en relation avec la notion de « subpolitique » de U. Beck en abordant le thème de la vulnérabilité sociale. Par rapport au problème de vulnérabilité déstabilisant le fondement existentiel de la société, la sociologie de la transaction prend de l'importance en articulation avec cette perspective généalogique de la société du risque, notamment en interrogeant les modes d'engagement même des acteurs de la transaction du social.

Cet article propose une réflexion sur l'engagement dans un processus de construction de la connaissance en contexte de crise relatif au séisme intervenu en Haïti, le 12 janvier 2010, afin de distinguer comment les contraintes empiriques ont pu conduire certains membres d'une jeune équipe de recherche à occulter des biais interprétatifs et d'autres à les objectiver. Le décalage de postures a-t-il eu des conséquences sur la production des résultats d'enquête et explique-t-il, à lui seul, la production d'une transaction sociale plurielle, de coopérations conflictuelles interindividuelles en vue de respecter les principes de recherche arrêtés collectivement ?

Le parcours transidentitaire obéit à une logique de « contrainte à la métamorphose » et peut se déployer en six phases (Sironi, 2011). Le paradigme de la transaction sociale est utilisé ici pour analyser les différentes transactions biographiques et relationnelles (Dubar, 1994) à l'œuvre dans chacune de ces phases. Par ailleurs, la distinction entre les innovations de croissance et les innovations de rupture (Rémy, 1996) sert à déterminer le caractère des différentes transitions identitaires de quelques personnes assignées dans un genre à la naissance, mais ayant engagé ou conclu une réassignation dans le genre revendiqué.

Cette contribution analyse les questions de sexe, de genre et de sexualité au prisme du paradigme de la transaction sociale. La déclinaison de « TRANSactions » se déploie à travers des développements épistémologiques et méthodologiques, théoriques et empiriques. De l'imposition de conventions à la critique de leur naturalisation, du blocage de l'action aux processus d'actorialisation, cet article illustre la mise en incertitude des normes établies et la remise en cause des rapports de pouvoir qui les traversent. La discussion sur la mise en débat actuelle des questions sexuelles met en exergue leurs enjeux scientifiques comme sociétaux et politiques, dans une perspective de décloisonnement.

De façon paradoxale, la question de la séduction a trouvé une impulsion nouvelle dans le débat médiatique autour de ce qui est devenu « l'affaire DSK ». Curieuse manière de discuter de l'« art de séduire à la française » dans la suite d'une accusation pour violences sexuelles d'un des présidentiables favoris de la France d'alors. Nous proposons de questionner cet événement à l'aune d'une enquête ethnographique menée en France au sein d'un groupe constitué de jeunes hommes, actant leur hétérosexualité lors des transactions de séduction : la « Communauté de la séduction ». Une telle focale s'avère doublement heuristique dans la mesure où les membres de la Communauté de la séduction, dont l'origine est nord-américaine (Seduction Community), s'érigent en défenseurs d'une « séduction à la française » apte à saisir les plaisirs qui résultent des transactions de séduction hétérosexuelles asymétriques, tandis qu'ils réfutent simultanément les normes de la galanterie traditionnelle qui perdureraient en la défaveur des hommes.

La ruse, « l'échange économico sexuel » et la transaction sociale sont trois éléments qui se recoupent dans l'analyse de la constitution des groupes de sociabilités homosexuelles des garçons rencontrés au Maroc. Les apports mutuels de ces trois notions font apparaître des zones tacites à travers lesquelles se bricolent les rapports sociaux. Je propose ici une lecture situationnelle de la transaction sociale qui permettra de comprendre comment les jeunes hommes casablancais côtoyés s'émancipent grâce aux événements quotidiens qui surgissent.

Les chercheurs ne peuvent ignorer que la réalité de la vie des jeunes est une réalité complexe et changeante, souvent dissimulée et déformée. Il est important de comprendre les incertitudes et les défis de cette réalité, en tenant compte du contexte. En prenant appui sur une étude exploratoire de terrain, nous présentons les enjeux des loisirs nocturnes des étudiants dans la ville de Braga et les transactions menées, en nous centrant sur les effets qui en découlent pour leur santé.

La régulation sociale des rapports interreligieux met en jeu des acteurs plus ou moins représentatifs de leur communauté d'appartenance et plus ou moins acceptés par elle. Les manifestations dans l'espace public résultent de compromis à différents niveaux : la préparation, la publicité, la négociation avec l'administration locale et/ou la participation d'élus locaux. Deux manifestations toulousaines sont analysées, sous l'angle de la sociologie de la décision et de la transaction : la Marche Interreligieuse pour la Paix (MIP) et « lecture de la Bible à Toulouse » (BAT). L'auteur les suit par observation participante depuis quelques années. Elles reflètent les rapports entre les communautés religieuses et à l'intérieur de chacune. Le choix des porte-parole et des thèmes abordés témoigne de l'évolution des mentalités et de la réinterprétation locale des règles de la laïcité en France et en Europe.

Cet article traite des manifestations du hijâb. Il analyse, à partir d'entretiens faits en 2008 avec des étudiantes voilées, une pratique quotidienne qui marque les conduites sociales sur la scène publique. Les données recueillies révèlent bien l'importance des bricolages individuels et des transactions sur le fait religieux, dans un contexte hostile au port du voile, vu comme une forme de dissidence politique. On souligne également l'adéquation entre le vécu des femmes et leurs dispositions culturelles dans la réactivation du port du hijâb. Cet usage social fait l'objet de conflits et de compromis. Le port du hijâb n'exprime pas une quête identitaire, mais un malaise sociétal profond.