Contenu du sommaire : Formes de vie, formes de politique
Revue | Archives de philosophie |
---|---|
Numéro | tome 85, no 2, avril-juin 2022 |
Titre du numéro | Formes de vie, formes de politique |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Éditorial - p. 3-4
Dossier
- Formes de vie, formes de politique. Avant-propos - Estelle Ferrarese p. 5-9
- Donner à voir ce qui resterait invisible autrement : Goethe, Benjamin et la pensée des formes de la vie - Alexandra Richter p. 11-26 Comme Wittgenstein, Walter Benjamin s'inspire pour ses travaux de la morphologie goethéenne en tant que sciences des formes de la vie. Pour son livre sur Paris, capitale du XIXe siècle, Benjamin affirme avoir transposé le concept goethéen de phénomène primitif « du domaine de la nature au domaine de l'histoire ». Ce transfert s'accompagne chez lui d'une critique de l'ontologisation du concept de « nature ». Or les travaux philosophiques de Benjamin sur les villes seront à leur tour contestés (par Adorno mais aussi Derrida) pour avoir ontologisé le concept d'« histoire » en se contentant d'une simple description des phénomènes, faisant fi de tout jugement. La discussion montre déjà les arguments de fond que l'on retrouve dans le débat actuel d'une possible critique des formes de vie.Like Wittgenstein, Walter Benjamin is inspired by Goethean morphology as a scientific approach to forms of life. For his book Paris, Capital of the 19th century, Benjamin claims to have transposed the Goethean concept of primitive phenomena “from the realm of nature to the realm of history.” However, this transfer is accompanied by a critique of the ontologization of the concept of “nature.” Likewise, Benjamin's philosophical work on cities was criticized (by Adorno and also by Derrida) for ontologizing the concept of “history” by describing phenomena without theorization, excluding all judgment. The discussion already shows some of the fundamental arguments of the ongoing debate on a possible critique of forms of life.
- Former la vie : Bildung et forme de vie chez Hegel - Jean-Baptiste Vuillerod p. 27-43 Cet article cherche à comprendre en quel sens il est possible de parler de « forme de vie » dans le cadre de la théorie hégélienne de la Bildung. Par le terme de Bildung (formation, culture, éducation), Hegel pense l'activité qui consiste à former la vie, c'est-à-dire à faire passer la première nature de l'individu à une seconde nature sociale. De ce point de vue, la philosophie hégélienne entre en dialogue avec la philosophie sociale contemporaine dans une perspective naturaliste : elle permet de mettre en avant le rôle de la socialisation du corps naturel dans les relations de reconnaissance ou de domination.This article aims to understand Hegel's theory of Bildung by referring to the contemporary paradigm of “forms of life.” Hegel conceives of Bildung as an activity of forming life, an activity that turns the first nature into the second nature. In this respect, Hegel's philosophy enters into a dialogue with contemporary social philosophy from a naturalistic point of view: it makes it possible to focus on the socialization of the natural body in relations of domination or recognition.
- Formes de vie et dynamique historique chez Max Horkheimer - Raffaele Carbone p. 45-60 Cet article explore les significations de l'expression « formes de vie » chez Horkheimer et le rôle qu'elle joue dans son projet d'une Théorie critique de la société développée au cours des années 1930. Horkheimer considère les formes de vie comme des comportements et des habitudes qui se constituent dans le cadre de rapports de production spécifiques. Mais il utilise « forme de vie » également pour désigner la culture et ses domaines propres qui, imbriqués les uns dans les autres, sont des forces capables de maintenir ou de briser une forme sociale déterminée. En outre, par « forme de vie », il entend le résultat des relations entre les processus matériels d'une société et le développement des phénomènes culturels qui influencent les institutions et les hommes.This article explores the meanings of the term “forms of life” in Horkheimer's essays and the theoretical role it plays in his project of a critical theory of society developed over the 1930s. Horkheimer considers forms of life as conducts and habits that are constituted within the framework of specific relations of production. But he also uses the term “form of life” to refer to culture and its proper domains, which, interwoven with each other, constitute forces capable of preserving or breaking up a given social form. Moreover, by “form of life” he means the result of the interrelations between the material processes of a society and the development of cultural phenomena that influence institutions and men.
- Difformer la vie : Réflexions adorniennes sur la transformation sociale - Estelle Ferrarese p. 61-46 De multiples théories contemporaines font de la politique une affaire de création d'une nouvelle forme de vie ; il est postulé que c'est en vivant (autrement) que l'on transforme le monde. Deux logiques se distinguent : une politique de la discipline, et une politique de l'exubérance ou de l'informe. Cet article s'en détache pour dégager de la pensée d'Adorno les éléments d'une politique du difforme : il confère à la forme (et non à la vie) le rôle de maintenir une indétermination, pensant une forme qui n'oublie pas qu'elle est forme, qu'elle est issue d'un mouvement qui aurait pu être autre.Multiple contemporary theories see politics as a matter of creating a new form of life; they assume that it is by living (differently) that we transform the world. Two logics can be distinguished: a politics of discipline, and a politics of exuberance or formlessness. This article breaks away from them to extract from Adorno's thought the elements of a politics of the deformed. He assigns to form (and not to life) the role of maintaining an indetermination, considering a form that does not forget that it is form, that it results from a movement that could have been different.
- La forme logique de la vie - Sandra Laugier p. 77-97 Les discussions contemporaines du concept fécond de forme de vie ont permis de mettre en évidence à quel point le concept de forme lui-même est essentiel chez Wittgenstein, structurant la continuité entre le premier et le second Wittgenstein. En passant de la « forme logique » au concept de forme de vie, Wittgenstein entend renoncer à une unité « de forme » pour passer à une « famille » de structures apparentées. Mais la logique ne disparaît pas – au contraire. Le point sur lequel s'appuie sa recherche reste bien la forme, entendue désormais comme pluralité de façons pour le langage de décrire le réel. Il importe donc de comprendre le concept de forme (de vie), Lebensform, non seulement comme une alternative au concept de règle, mais comme expression d'une nouvelle entente de la forme.Contemporary discussions of the fruitful concept of form of life have made it possible to highlight the extent to which the concept of form itself is essential in the work of Wittgenstein, structuring the continuity between the early and later Wittgenstein. In moving from “logical form” to the concept of form of life, Wittgenstein intends to give up the unity of “form” in order to turn to a “family” of related structures. But logic does not disappear—on the contrary. The point on which his research is based is still form, understood now as a plurality of ways for language to describe reality. It is therefore essential to understand the concept of form (of life), Lebensform, not only as an alternative to the concept of rule but as an expression of a new understanding of form.
- Famille et formes de vie : Une discussion à partir de Hegel - Alain Patrick Olivier p. 99-112 Plusieurs auteurs utilisent le concept de « forme de vie », Lebensform, dans le domaine de la philosophie politique et sociale, en se référant à la philosophie de Hegel. Mais l'on ne trouve guère un tel concept dans son système. Dans cet article, nous menons une enquête sur l'origine et le sens de cette expression. Nous partons d'abord de la théorie de Rahel Jaeggi, nous faisons un détour par Eduard Spranger, avant de remonter à Hegel. Ensuite, nous discutons de la question de la famille comme cas particulier de forme de vie en confrontant la conception de Jaeggi aux textes de Hegel.Several authors use the concept of “form of life,” Lebensform, in the field of political and social philosophy with reference to the philosophy of Hegel. But such a concept is hardly to be found in his system. In this article, we investigate the origin and meaning of this expression. We start with the theory of Jaeggi, make a diversion via Spranger, and ultimately go back to Hegel. We then discuss the question of the family as a special case of a form of life by comparing Jaeggi's conception with Hegel's texts.
Varia
- Leo Strauss et le sionisme politique dans l'Allemagne de Weimar : Questions juives et problèmes allemands - Carlo Altini p. 113-129 Leo Strauss achève sa formation intellectuelle dans une Allemagne où le sionisme est une réalité consolidée et où le phénomène du « retour » (teshuvah) au judaïsme distingue une large partie de la jeunesse judéo-allemande, qui est insatisfaite du statut juif dans la modernité. Cet essai vise à identifier le parcours philosophique et politique du jeune Strauss qui, à partir de la crise de modernité caractéristique de la culture de Weimar, se démarque de celui de tous les auteurs (Cohen, Rosenzweig, Buber, Scholem etc.) et mouvements juifs (Wissenschaft des Judentums, sionisme politique, sionisme culturel, sionisme religieux etc.) du début du xxe siècle en Allemagne.Leo Strauss completed his intellectual training in Weimar Germany, where Zionism was a consolidated reality and where the phenomenon of “return” (teshuvah) to Judaism distinguished a large part of the Judeo-German youth, which was dissatisfied with the Jewish status in modernity. This essay aims to identify the philosophical and political path of the young Strauss, which, starting from the crisis of modernity characteristic of Weimar culture, stands out from that of all other Jewish authors (Cohen, Rosenzweig, Buber, Scholem, etc.) and movements (Wissenschaft des Judentums, political Zionism, cultural Zionism, religious Zionism, etc.) of the early twentieth century in Germany.
- La logique du fondement selon Hegel - Victor Béguin p. 131-151 L'article propose une étude de la conception hégélienne du fondement (Grund) telle que la présentent les textes de Hegel sur la logique. Son objectif est double : il s'agit de proposer une caractérisation du concept hégélien de fondement, et d'étudier, sur un cas précis, la manière dont la logique hégélienne produit une critique en acte de la métaphysique et de sa critique kantienne. Pour ce faire, l'analyse s'appuie non seulement sur les textes publiés par Hegel (Science de la logique et Encyclopédie), mais aussi sur des cahiers d'auditeurs des Leçons sur la logique, récemment publiés et encore peu exploités.This paper studies the Hegelian concept of Grund as presented in Hegel's texts on logic. The aim of the study is twofold: to propose a characterization of the Hegelian concept of Grund, and to study, on a specific case, the way in which Hegel's logic acts as a critique of both metaphysics and its Kantian critique. In order to do so, we rely not only on Hegel's published texts (the Science of Logic and the Encyclopedia) but also on the recently published and still little exploited students' notebooks of the Lectures on Logic.
- Participer à un groupe selon Sartre : Agir « avec » ou « comme » les autres - Yoann Malinge p. 153-170 Nous interrogeons la participation d'un individu à un collectif dans la pensée de Sartre. Bien qu'ils agissent de la même manière, les agents n'ont pas toujours conscience qu'ils participent à un collectif ou bien telle n'est pas leur intention. Il faut alors se demander à quelles conditions l'action des agents peut devenir commune. Pour traiter ces perspectives, l'article étudie la série avant d'expliquer comment elle peut devenir un véritable groupe. Ainsi, il est possible de montrer l'originalité de la pensée sartrienne, comme forme d'individualisme qui met l'action au principe de la constitution du groupe.This article examines the participation of an individual in a collective in Sartre's work. Although they act in the same way, agents are not always aware that they are participating in a collective, or else this is not their intention. The question then arises as to the conditions under which agents' actions can become common. To deal with these issues, the article studies the series before explaining how it can become a real group. In this way, it is possible to show the originality of Sartrean thought, as a form of individualism, which places action at the principle of the constitution of the group.
- Leo Strauss et le sionisme politique dans l'Allemagne de Weimar : Questions juives et problèmes allemands - Carlo Altini p. 113-129
Bulletin de philosophie
- Bulletin de philosophie anglaise I - p. 171-207