Contenu du sommaire : Éviter l'effondrement, se saisir des basculements

Revue EcoRev' : revue critique d'écologie politique Mir@bel
Numéro no 52, 2022
Titre du numéro Éviter l'effondrement, se saisir des basculements
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  • Édito - p. 4-5 accès libre
  • Classiques

    • Osez l'Exode - André Gorz p. 6-14 accès libre avec résumé
      En 1997, dans l'introduction de son livre Misères du présent, richesse du possible reproduite ici, André Gorz examine par le menu la crise de la reproduction matérielle et culturelle des sociétés soumises au régime néolibéral, qui s'affiche en particulier par les pires effets en termes de domination sociale et qui fait craindre un effondrement de la civilisation. Loin de s'apitoyer sur les basculements qui se dessinent, il nous invite à investir le présent pour entreprendre l'exode de cette société qui se meurt vers la société différente qui y est en gestation. La tâche politique est alors pour lui de définir les objectifs stratégiques intermédiaires pouvant répondre aux urgences du présent, tout en préfigurant cette autre société.
    • Un assez court manifeste concernant le concept de révolution - David Graeber p. 15-18 accès libre avec résumé
      Conçue comme une totalité imaginaire qui rompt abruptement avec le paradigme qu'elle remplace, la « révolution », dont le rêve politique est de la faire chevaucher par la « volonté collective », gagnerait en réalisme et modestie si l'accent était déplacé du côté de l'« action révolutionnaire », qui rejette la domination en reconstituant les relations sociales à travers le pouvoir instituant de communautés autonomes. Telle est la proposition que David Graeber portait dans son essai Pour une anthropologie anarchiste.
  • Dossier

    • Expériences locales et réseaux planétaires : Quelles combinaisons stratégiques face à l'hydre capitaliste ? - Jérôme Baschet, Emmanuel Dessendier p. 19-30 accès réservé avec résumé
      Jérôme Baschet part du principe que, dans un contexte de crise systémique, il ne peut y avoir d'issue civilisée post-capitaliste sans une multiplication de points d'ancrage où s'expérimentent déjà d'autres mondes possibles. Il pose le problème de l'extension et de la généralisation des alternatives locales par leur imbrication à des réseaux planétaires et à des mouvements sociaux de rupture à même de faire reculer l'« hydre capitaliste ».
    • Basculer du côté de Jérôme Baschet ? : À la lumière de Murray Bookchin - Floréal Romero p. 31-47 accès réservé avec résumé
      Le récent livre de Jérôme Baschet sur les mondes émergents et les possibles désirables avive la discussion autour des stratégies à mettre en œuvre pour relier entre elles les expériences multiples et diverses déjà en cours. Floréal Romero saisit l'occasion pour insister sur la nécessité de mettre la main à l'organisation ici et maintenant en s'appuyant sur les propositions communalistes de Murray Bookchin, dont il est un spécialiste.
    • Comment vivre l'Anthropocène ? - Christophe Bonneuil p. 48-68 accès réservé avec résumé
      L'Anthropocène est cette nouvelle époque de l'histoire de la Terre dans laquelle les activités humaines sont devenues force tellurique, à l'origine de dérèglements profonds, multiples, synergiques et difficilement prévisibles de la planète saisie dans son ensemble. Toute exigence d'émancipation et d'égalité intra-humaine ne pourra désormais faire l'impasse sur les limites et les conséquences à longue portée qu'ont générées les choix tant économiques que politiques d'un système fondé sur l'exploitation du travail hétéronome, la soumission de populations esclavisées et colonisées, la domination de genre et la destruction du milieu et du vivant. Face à cette nouvelle condition terrestre, quels récits peut-on donc échafauder pour rendre compte de « futurs possibles » ? Comment imaginer l'après-apocalypse, l'après-capitalisme, l'après-patriarcat ?
    • Imaginaires écologistes : Entre espoirs et figurations du pire - Alice Canabate, Willy Gianinazzi p. 69-79 accès réservé avec résumé
      Alice Canabate, Présidente de la Fondation de l'écologie politique et directrice de 2012 à 2015 de la revue de la décroissance, Entropia, aborde dans son récent ouvrage L'écologie et la narration du pire1 l'émergence contemporaine des récits qui décrivent et accompagnent la crise écologiste. En proposant une grande multiplicité et variété de perspectives, cette masse de récits qu'elle analyse accentue-t-elle ou dilue-t-elle les incertitudes qui traversent notre regard inquiet sur l'avenir ? Sociologue bien informée, Alice Canabate se donne pour tâche de débroussailler ce foisonnement d'imaginaires.
    • Sortir de la production et de l'économie - Dusan Kazic, Emmanuel Dessendier p. 80-91 accès réservé avec résumé
      Depuis le 18e siècle, le récit des économistes a construit un espace de l'économie purement fictif où les humains s'attachent à produire en vase clos, sans aucun rapport avec tout ce qui est autre qu'humain, sinon pour dominer et détruire. Qu'elles soient fondées sur le capitalisme ou sur les idéaux du socialisme, les relations sociales contemporaines, décrites par des sciences sociales souvent aveuglément engagées, sont trop longtemps restées imperméables à un autre type de relation, pourtant essentiel à notre être-dans-le-monde. Il s'agit des relations matérielles de co-domestication que nous entretenons avec tout ce qui n'est pas humain. Formé d'êtres animés et doté d'une « puissance d'agir », c'est à ce non-humain que Dusan Kazic en appelle pour supplanter la notion anthropocentrique de « production ».
    • Les nouvelles infrastructures civiques : Au cœur d'une stratégie de transformation - Michel Bauwens p. 92-110 accès réservé avec résumé
      Partant de son travail très riche autour de la théorie du pair-à-pair, notamment au sein de la Fondation P2P, comme susceptible d'apporter des réponses aux « failles » du système capitalisme – dommages environnementaux, injustices sociales ou encore dégradations des relations sociales –, Michel Bauwens se propose de considérer notre entrée dans « une nouvelle phase de mutualisation des communs ». Une phase de « cosmo-localisation » qui donne l'opportunité, à partir des nombreux basculements en cours – environnemental, civique, anthropologique ou encore productif –, de structurer un basculement civilisationnel à la mesure des enjeux.
    • Reconstruction en écologie ? : John Dewey : vivre une expérience, définir des situations, faire l'environnement - Olivier Gaudin p. 111-128 accès réservé avec résumé
      Comment articuler, sans les opposer, la démarche scientifique et les enjeux politiques de l'écologie ? Les conceptions pragmatistes de John Dewey, fondées sur le recours à l'expérience, à l'enquête et à l'exigence démocratique, peuvent inspirer une « reconstruction » critique de cet enjeu si contemporain. Au nom d'une version « continuiste » du naturalisme et de l'environnement, le philosophe américain défendait une approche de l'écologie positionnée en amont des bifurcations en apparence inconciliables entre le point de vue scientifique des écologues, la posture critique des écologistes et les propositions de l'écologie politique.
    • L'écosocialisme comme « utopie concrète » : En partant d'Ernst Bloch - Michael Löwy p. 129-139 accès réservé avec résumé
      Ernst Bloch s'est revendiqué d'une utopie radicale qui saisisse la vérité dernière en s'opposant à la facticité du monde « tel qu'il existe ». De ce projet quasi prophétique, Michael Löwy en fait un point de départ pour asseoir sa conception de l'écosocialisme, fondée sur l'utopie concrète qui est telle parce qu'elle conjugue l'élan de Bloch avec la prise en compte de la possibilité réelle de sa réalisation.
    • La révolution autrement : Comment préparer le basculement avec Georges Sorel et Gustav Landauer - Willy Gianinazzi p. 140-151 accès réservé avec résumé
      En critiquant une conception traditionnelle et aujourd'hui anachronique de la révolution, Sorel et Landauer ont tenté, au début du 20e siècle, de poser les conditions et les modalités d'un procès de transformation sociale qui soit à même de rompre radicalement avec la domination, les inégalités et le règne de la marchandise de l'ancien monde. Leur vision continue de nous parler en ce qu'ils comptaient sur des actions concrètes et immédiates ayant pour but de forger des espaces d'autonomie, prémices d'une vie collective entreprenante faite de coopération et de solidarité.
    • De la confiscation capitaliste à l'appropriation collective : Plateformes, lutte des coursiers et créativité sociale - Patrick Cingolani p. 152-166 accès réservé avec résumé
      C'est en sociologue que depuis les années 1980 Patrick Cingolani s'intéresse à la figure sociale émergente des précaires. Son intérêt pour le tournant du capitalisme de plateforme est étroitement lié à la manière dont le numérique semble accentuer et amplifier le processus d'externalisation, de segmentation et de fragmentation du travail qui entre dans la définition même du travail précaire. Le présent article se propose d'analyser le nouvel accent donné par les plateformes à la dérégulation néolibérale et à l'hégémonie du modèle nord-américain. Après avoir envisagé les formes de minage de l'emploi et du travail provoquées par ce capitalisme, il envisage des mobilisations et des formes d'organisations alternatives pouvant s'inscrire dans une réflexion sur la catégorie de « basculement ».
    • La production de soi : Un concept éclairant pour ne pas basculer du côté obscur de l'effondrement - Emmanuel Dessendier, Anita Rozenholc p. 167-172 accès réservé avec résumé
      La production de soi est un concept qu'André Gorz a développé sur la base de ses analyses portant sur les basculements à l'œuvre au sein du capitalisme mondialisé. À l'heure où la peur de l'effondrement s'instille largement dans les champs politique et culturel, qu'elle tend à écraser les imaginaires et à provoquer des attitudes réactionnaires, les individus comme les collectifs aspirant à faire société autrement peuvent se sentir dépasser par la situation, jusqu'à en subir une anxiété spécifique écrasante – l'« éco-anxiété » ou « solastalgie ». Dans ce contexte, la production de soi apparaît comme un concept qui éclaire les possibilités de faire société autrement et dès maintenant, à l'échelle individuelle et locale comme à l'échelle humaine et mondiale.
    • L'avenir du développement humain comme libertés concrètes - Jean Zin p. 173-177 accès réservé avec résumé
      De façon optimiste, Jean Zin table sur le développement humain dans l'entreprise, qui serait déjà à l'œuvre tant celle-ci compte désormais sur la reconnaissance de l'utilité, de la productivité, du savoir-faire et de l'implication de la main-d'œuvre. Surtout, sa valorisation du travail autonome hors de l'entreprise devrait rendre l'économie moins insoutenable et sortir du productivisme. Un revenu social garanti permettrait en effet à plus de gens de s'affranchir du salariat sans perdre leurs droits sociaux et donnerait une large place aux services et aux activités locales.
    • L'irruption de la Web-politique : La Primaire populaire : vers une repolitisation de l'espace public ? - Patrick Dieuaide, Emmanuel Dessendier p. 178-191 accès réservé avec résumé
      L'irruption de la Primaire populaire dans la campagne présidentielle française de 2022 a traduit une forme originale d'intervention politique dans l'espace public. Initié par une poignée de militants, ce mouvement organisé en réseau s'est glissé dans les interstices des discours et des partis politiques pour tenter d'imposer une candidature commune de la gauche. Si le projet s'est révélé être un échec, il a déjoué les pronostics d'une régression, voire d'une mort prochaine de la politique. La « web-politique » a montré à cette occasion une puissance non négligeable de mobilisation. Mais elle a révélé aussi les limites d'une dynamique qui n'est pas parvenue à sortir la politique et ses représentations du monde virtuel d'où elles ont émergé.
    • Reprendre la main sur les conflits : Pour une action politique réellement émancipatrice - Sarah Schulman, Emmanuel Dessendier p. 192-194 accès réservé avec résumé
      Sarah Schulman – entre autres, romancière, dramaturge, essayiste et militante féministe américaine – laisse entendre qu' en matière de conflictualité, il n'y a pas de solution de continuité entre les relations intimes et les pratiques politiques. Les individus comme les États sont parties prenantes de conflits qu'ils tournent souvent en agression en criminalisant leurs opposants pour couper court à la contradiction et échapper ainsi à leurs propres responsabilités dans les conflits. L'autrice ouvre un fil de réflexion en lien avec le sujet de ce dossier dans la mesure où nous percevons dans l'idée de « basculements » développée par Jérôme Baschet une nécessité de devoir articuler responsabilités individuelles et responsabilités collectives, notamment en matière de justice.
    • Le confusionnisme : Un basculement qui a à voir avec un quasi-effondrement - Philippe Corcuff, Stéphane Lavignotte, Emmanuel Dessendier p. 195-216 accès réservé avec résumé
      Auteur de La grande confusion1, Philippe Corcuff revient sur son concept de confusionnisme qui permet de penser à la fois l'affaiblissement des gauches classiques, l'extrême-droitisation de l'ensemble du champ politique et l'incapacité des gauches radicales à y répondre. L'écologie n'échappe pas à ce moment. Pour se renouveler, il invite, plutôt qu'à s'essouffler pour maintenir des institutions désormais dépassées, à se saisir des nouvelles potentialités émancipatrices. Il s'agit, selon lui, de créer une organisation politique d'un nouveau type, dès maintenant.
    • L'urgence écologique en Chine - Nathalie Bastianelli, Anita Rozenholc, Emmanuel Dessendier p. 217-228 accès réservé avec résumé
      Autrice d'un livre qui documente la prise de conscience écologiste qui, depuis une décennie, se répand en Chine aussi bien au niveau gouvernemental que dans la société civile1, Nathalie Bastianelli brosse dans cet entretien un tableau détaillé des politiques institutionnelles et des initiatives écologistes mises en œuvre. Mais ce qui apparaît comme l'essor d'un « capitalisme vert » à la chinoise n'empêche pas la naissance larvée – quoique aussitôt réprimée… – d'une génération urbaine de jeunes Chinois réclamant sobriété et détachement vis-à-vis du travail.
  • Kit militant

  • Piste(s)

    • Pour une décroissance écosocialiste - Bengi Akbulut, Sabrina Fernandes, Michael Löwy, Giorgos Kallis p. 235-238 accès réservé avec résumé
      Michael Löwy, membre de la rédaction, nous fait parvenir cette déclaration écrite par des universitaires décroissants et écosocialistes, que nous publions volontiers. Elle a paru initialement dans la Monthly Review de New York en avril 2022.
  • Lectures