Contenu du sommaire : I. Travaux
Revue | Travaux de linguistique |
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Numéro | no 83, 2021 |
Titre du numéro | I. Travaux |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Du fonctionnement des syntagmes prépositionnels d'ultériorité dans x temps et x temps plus tard - Jacques Bres p. 7-36 L'article étudie le fonctionnement de dans x temps, contrastivement à x temps plus tard, avec lequel il est parfois interchangeable, à partir de l'interaction de ces deux SP d'ultériorité avec les temps de l'indicatif. Alors que x temps plus tard a un fonctionnement anaphorique, dans x temps a un fonctionnement énonciatif : (i) à partir de l'énonciation à t0, il permet d'inscrire le procès auquel il est incident comme non factuel dans l'ultériorité ramifiée de l'époque future, ce, avec le présent, le futur et les prospectifs du présent ; et (ii), à partir d'une énonciation antérieure rapportée, il permet d'inscrire le procès dans l'ultériorité ramifiée du passé, ce, avec le conditionnel, l'imparfait et les prospectifs du passé. Mais, à la différence de x temps plus tard, il ne peut inscrire le procès comme factuel dans la linéarité de l'époque passée.This paper offers an analysis of the behaviour of dans x temps, in contrast with x temps plus tard, with which it is sometimes interchangeable. It focuses on the interaction of these two prepositional phrases of ulteriority with the indicative tenses. It argues that x temps plus tard has an anaphoric function, while dans x temps has an enunciative function: (i) from the utterance's reference point S, the latter allows the speaker to actualize the process it relates to as non-factual in the branching time of the future, with the present tense, the future tense and the prospective uses of the present tense. And (ii), from an anterior reported speech reference point, it allows the speaker to actualize the process in the branching time of the past, with the conditional tense, the imperfect tense and the prospective uses of the past tense. However, unlike x temps plus tard, dans x temps does not entail that the process is factual in the linear time of the past.
- Les emplois de donc au C.H.U. : étude linguistique appliquée au contexte du soin - Aline Delsart, Julie Pironom, Emmanuèle Auriac-Slusarczyk p. 37-66 Les fonctions de donc analysées au sein d'échanges entre patients et soignants, à partir d'un corpus de paroles authentiques recueillies en C.H.U., se ventilent en trois grandes catégories : interactionnelle, discursive et logicoïde. Sur 142 emplois étudiés, dix fonctions sont révélées parmi les treize recensées dans la littérature et sa poly-fonctionnalité s'équilibre entre fonctions prépondérantes et secondaires. Employé comme logicoïde explicatif, conséquentiel puis causal, et ce, indifféremment par les médecins et les thérapeutes, donc connaît un aspect interactionnel qui s'ajoute préférentiellement à ses emplois explicatifs. La fonction discursive est sous-représentée. En contexte de soin, l'emploi de donc contraste tendanciellement les rôles du soignant (médecin vs thérapeute) : le médecin emploie donc en fréquence standard quand le thérapeute réduit ses emplois au tiers.The functions of donc analyzed in discourse between patients and caregivers, based on a corpus of authentic speech collected in U.H.C. (University Hospital Center), are divided into three categories: interactional, discursive and logical-argumentative. Among the 142 occurrences retrieved in the corpus, ten functions can be identified (out of thirteen known from the literature). The poly-functionality of donc appears both in predominant and secondary functions. Used as a logical explanatory marker, rather than causal or consequential, both by doctors and therapists, donc displays a majority of explanatory uses, to which an interactional aspect is added. Discursive functions are under-represented. In the context of care, there is a (non significant) tendency to use donc differently according to the role of the caregiver (doctor vs therapist): doctors use it with its standard frequency, while therapists reduce the number of occurrences to one third.
- Dire la période classique : analyse prosodique de l'enregistrement par Ferdinand Brunot d'un sermon de Bossuet - Christelle Dodane, Fabrice Hirsch, Gilles Siouffi p. 67-86 Le présent article analyse la manière dont on peut oraliser la période classique, telle que présentée dans un passage du « Sermon sur la mort » de Bossuet (1662). Il s'appuie pour ce faire sur le témoignage enregistré que nous a laissé Ferdinand Brunot en 1912. La première partie pose le problème de la séquentialité et de la segmentation dans la période classique. La deuxième partie commente sous cet angle les différentes versions, manuscrite et éditées, dont nous disposons pour le texte de base. La dernière partie confronte l'analyse en termes rhétoriques que Ferdinand Brunot a réalisée de son propre enregistrement, grâce à une analyse prosodique réalisée avec les instruments d'aujourd'hui. On montre ainsi que l'oralisation de Brunot révèle une gestion des pauses privilégiant un usage de pauses fréquentes et relativement longues, mais qui ne permettent pas de clore des ensembles, un mode de segmentation assez différent de ce qui est pratiqué de nos jours.This paper discusses the way in which the classical period, such as presented in a passage from Bossuet's Sermon sur la mort (1662), may be orally expressed. To do so, it relies on the recorded testimony left to us by Ferdinand Brunot in 1912. The first part of the paper presents the problem of sequentiality and segmentation in the classical period. The second part comments on the various manuscripts and edited versions available of the basic text. The last part of the paper compares Brunot's analysis of his own recordings in rhetorical terms with a prosodic analysis with today's tools. Brunot's oralization reveals a management of pauses that favors the use of frequent and relatively long pauses, which do not allow the closing of sets, a mode of segmentation quite different from today's practice.
- La pragmaticalisation des noms d'humains généraux mec / man. Étude sur corpus montrant un changement linguistique en cours - Paul Cappeau, Catherine Schnedecker p. 87-114 L'article vise à documenter le processus qui conduit certains noms d'humains généraux (NHG) vers un emploi de marqueur discursif. Ce type d'évolution, bien identifié dans d'autres langues, a été peu analysé en français. La difficulté tient tout autant aux unités manipulées (comme celle de marqueurs discursifs rarement reliés à des NHG), qu'aux cadres d'analyse (le recours à des paramètres phonologiques, morphologiques, syntaxiques et pragmatiques pas toujours faciles à préciser car multifonctionnels) ou à la multiplicité des facteurs à prendre en compte (les caractéristiques – de genre, de milieu, etc. – des locuteurs, leur proximité, les thèmes abordés dans les échanges, la position des termes dans l'énoncé, etc.).This article aims to document the process that causes some General Human Nouns to become discourse markers. This type of evolution, well-documented in other languages, has got little attention in French linguistics. The difficulty lies as much in the units manipulated (such as discourse markers being rarely linked to General Human Nouns) as in the frameworks of analysis (the use of phonological, morphological, syntactic and pragmatic parameters that are not always easy to specify because they are multifunctional) or in the multiplicity of factors to be taken into account (the characteristics – gender, social environment, etc. – of the speakers, their proximity, the topics discussed in the conversation, the position of the terms in the utterance, etc.).
- Les emprunts verbaux du français à l'anglais : une analyse sémantique - Ahmad Zayed p. 115-145 Ce travail est consacré à la sémantique des anglicismes verbaux du français. Le sens de verbes français créés à partir d'un lexème anglais, comme cheater, liker, zoomer, est comparé au sens des verbes d'origine dans la langue source (cheat, like, zoom) et à celui des éventuels concurrents dans la langue cible lors de l'adoption du néologisme (tricher, aimer). L'analyse met en avant plusieurs mécanismes importants dans la compréhension des aspects sémantiques de l'emprunt en général et des emprunts verbaux en particulier, comme la réduction de la polysémie, la spécialisation sémantique, les extensions métaphoriques ou métonymiques et les changements de structure valencielle. Lorsqu'un terme concurrent existe dans la langue cible au moment de l'emprunt (cheater vs tricher), la question de l'utilité du néologisme verbal se pose. La spécificité sémantique paraît jouer un rôle crucial dans l'adoption du nouveau verbe, tout comme le marquage pragmatique.This article investigates the semantics of French verbal anglicisms. The meaning of French verbs borrowed from English, like cheater, liker, zoomer, is compared to the meaning of the original verbs in the source language (cheat, like, zoom) and to the meaning of the potential competing native verbs (tricher, aimer). The analysis puts forward several important mechanisms in understanding the semantic aspects of borrowing in general, and of verbal borrowings in particular, like the reduction of polysemy, semantic specialization, metaphoric and metonymic extensions, and changes in argument structure. If a competing native verb exists when the borrowing takes place, one must question the utility of the verbal neologism. Semantic specificity and pragmatic markedness seem to be crucial in explaining the adoption of the new verb.