Contenu du sommaire : Relations entre agriculteurs et éleveurs: des tensions et fractures multi-causales

Revue Afrique Contemporaine Mir@bel
Numéro no 274, 2022/2
Titre du numéro Relations entre agriculteurs et éleveurs: des tensions et fractures multi-causales
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  • Éditorial - Jean-Bernard Véron p. 5-6 accès réservé
  • Dossier

    • La coexistence contrariée entre pasteurs et agriculteurs en Afrique subsaharienne : Une revue de la littérature récente - Pierre Jacquemot p. 7-50 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      Interpréter les antagonismes en milieu rural africain sous l'angle d'un « conflit pasteurs-agriculteurs » conduit à des analyses réductrices de la complexité des dynamiques à l'œuvre au Sahel, au Lac Tchad, au nord du Nigeria, dans les Grands Lacs, au Darfour ou en Afrique de l'Est. La cause des frictions et des violences ne repose pas sur une opposition ancestrale entre les deux catégories d'acteurs ; elles sont la résultante d'une crise multidimensionnelle de la gouvernance des espaces ruraux. La revue d'une centaine de travaux récents montre que l'écosystème pastoral est victime d'une série de contraintes qui entament ses conditions d'existence. Les ressources pastorales se dégradent sous l'effet du dérèglement climatique. Les fronts pionniers agricoles s'entendent et empiètent sur les parcours. La monétarisation de l'accès à l'eau et la taxation du bétail transhumant au passage des frontières engendrent de multiples conséquences péjoratives. L'enchaînement de ces causes est exacerbé par la grave insécurité ambiante. Les modes de prévention et de gestion des conflits demeurent peu efficaces quand ils ne sont pas inscrits dans la durée.
      Interpreting antagonisms in rural Africa from the angle of a "farmer-herder conflict" leads to simplistic analyses of the complex dynamics at work in the Sahel, Lake Chad, northern Nigeria, the Great Lakes, Darfur, and East Africa. The cause of the friction and violence does not rest on an ancestral opposition between the two categories of actors; they are the result of a multidimensional crisis in the governance of rural areas. The review of a hundred recent works shows that the pastoral ecosystem is the victim of a series of constraints that affect its conditions of existence. Pastoral resources are deteriorating as a result of climate change. The agricultural pioneer fronts extend and encroach on the rangelands. The monetization of access to water and the taxation of access to border crossings for transhumant livestock have multiple negative consequences. The sequencing of these causes is exacerbated by prevailing insecurity. Conflict prevention and management methods remain ineffective when they are not focused on the long-term.
    • Du conflit d'usages au prisme communautaire : penser les conflits agropastoraux et leurs réponses à l'est du Cameroun (régions de l'Adamaoua et de l'Est) - Claire Lefort-Rieu p. 51-69 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      Bien que les « conflits communautaires » soient un sujet vif au Cameroun, tous ne bénéficient pas de la même attention. On se propose d'analyser les formes et conséquences de conflits encore peu étudiés par la littérature académique, à savoir ceux opposant agriculteurs et éleveurs dans les régions de l'Adamaoua et de l'Est. Si ces derniers ne constituent pas un phénomène nouveau, ils ont cependant gagné en intensité ces dernières années. En étudiant la pluralité des facteurs à l'origine de ces tensions entre agriculteurs et éleveurs, on montrera comment des conflits d'usages sont transformés en enjeux intercommunautaires érigeant les parties en groupes rivaux. La récurrence des conflits et les approches qu'ils suscitent, à divers niveaux, mettent en lumière les profondes transformations à l'œuvre dans la zone ainsi que les recompositions et enjeux de pouvoir qui s'y jouent. En étudiant les stratégies déployées par deux types d'acteurs, nationaux (représentants de la communauté mbororo) et internationaux (ONG), on étudie les recompositions dont font l'objet ces tensions agropastorales et la manière dont elles s'articulent avec un contexte autoritaire d'« État stationnaire ».
      Although “community conflicts” are a heated topic in Cameroon, not all of them are given equal attention. This article aims to analyze the forms and consequences of conflicts that remain understudied in the academic literature, namely those between farmers and herders in the Adamawa and East regions. Although these conflicts are not new, they have become more frequent and intense in recent years. By studying the range of factors that cause tensions between farmers and herders, I will show how conflicts over land and resource use are transformed into intercommunity issues, turning the conflicting parties into rival groups. The recurrence of these conflicts and their responses at various levels highlight the ongoing transformations in the Adamawa and East regions, as well as the reconfigurations and power issues at stake. By studying the strategies of national (representatives of the Mbororo community) and international stakeholders (NGOs), I will examine how these agropastoral tensions may be reconfigured and how they interact with an authoritarian context of a “stationary state.”
    • Resolving conflicts affecting pastoralists and farmers in rural Nigeria: Main issues and best practices - Adam Higazi p. 71-95 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      Les conflits impliquant au Nigeria les pasteurs et les agriculteurs prennent différentes formes et nécessitent une pluralité de politiques et d'interventions pour les prévenir et les résoudre. L'objectif de cet article est d'esquisser les principales dimensions de ces conflits. L'accent est mis sur un pays, le Nigeria, qui dans l'ensemble a probablement les niveaux les plus élevés de violence entre les groupes pastoraux et agricoles en Afrique. Pourtant, même dans ce contexte, il existe des exemples de coexistence pacifique. On observe des variations importantes des situations entre les États du centre et du nord. Les questions abordées sont relatives au foncier, à la mobilité pastorale, aux acteurs de la sécurité, aux défis que rencontrent les jeunes pasteurs et aux capacités internes de dialogue.
      Conflicts involving pastoralists and farmers take different forms in Nigeria and require a mixture of policies and interventions to prevent and resolve them. The aim of this study is to outline the main dimensions of these. The focus is on a country, Nigeria, which overall likely has the highest levels of violence between pastoral and farming groups in Africa. However, even in this context, there are examples of coexistence. There is significant variation in the level of violence across the central and northern states. The topics, touched on in varying levels of details, are land, pastoral mobility, armed conflict and security actors, integrating livelihoods, the challenges faced by young pastoralists, and internal dialogue capacity.
    • Conflits intercommunautaires au Cameroun : une rationalisation néo-causale au prisme des interférences intra et extraterritoriales - Jean Émile Mba, Léopold Ngueuta Nouffeussie p. 97-121 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      Le traitement des conflits intercommunautaires ne peut plus se réduire aux seules querelles foncières, politiques et agropastorales. Au-delà de ces causes traditionnelles, il faut désormais saisir le rôle joué par les forces et groupes armés, ainsi que d'autres formes d'allégeances transfrontalières, dans l'incitation et l'exploitation des lignes de fractures préexistantes en leur faveur. Une perspective encore marginale au Cameroun, que cette recherche vise à explorer. Elle montre comment les conflits armés se superposent aux rivalités intercommunautaires comme une nouvelle grammaire de la conflictualité.
      Dealing with intercommunity conflicts can no longer be reduced to land, political, and agro-pastoral disputes alone. Beyond these traditional causes, it is now necessary to understand the role played by armed forces and groups, as well as other forms of cross-border allegiances, in inciting and exploiting preexisting fault lines in their favor. This perspective is still marginal in Cameroon. This research therefore aims to explore this perspective, to show how armed conflicts are superimposed on intercommunity rivalries as a new dimension of conflictuality.
    • Mécanismes de prévention et de gestion des conflits au Tchad - Pabamé Sougnabé, Frédéric Réounodji p. 123-145 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      Face à la recrudescence de conflits liés à l'accès aux ressources pastorales et dans l'objectif d'adapter l'accès aux ressources agro-pastorales pour les pasteurs du Tchad, des dispositifs traditionnels de prévention et de gestion existent. S'y ajoutent depuis quelques années de nouveaux mécanismes comme les comités de prévention et de médiation mis en place par les associations, les ONG et l'État. Cet article présente une revue détaillée de ces mécanismes. Certains de ces mécanismes ont prouvé́ localement leur efficacité, mais dans l'ensemble, ils peinent à transformer positivement les conflits de manière durable. En fin de compte, il faut repenser la gouvernance locale en matière de gestion foncière et surtout renforcer les capacités des communautés et des acteurs à la base dans la médiation et la négociation. Cela leur permettra de faire une transformation positive des conflits dans un contexte respectueux des diversités socio-culturelles des acteurs en conflit.
      In the face of the resurgence of conflicts related to access to pastoral resources and with the aim of adapting access to agro-pastoral resources for pastoralists in Chad, traditional prevention and management mechanisms exist. In recent years, new mechanisms have been added, such as prevention and mediation committees set up by associations, NGOs, and the state. This article presents a detailed review of these mechanisms. Some of them have proven their effectiveness locally, but overall, they struggle to positively transform conflicts in a lasting way. Ultimately, we must rethink local governance in terms of land management and above all strengthen the capacities of communities and grassroots actors in terms of mediation and negotiation. This will allow them to positively transform the conflicts in a context respectful of the socio-cultural diversities of the actors in conflict.
  • Repères

  • Entretien

  • Varia

    • Perspectives socio-historiques du courant salafiste tchadien - Cécile Petitdemange p. 187-207 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      Cet article retrace sur le temps long la trajectoire de l'identité salafiste au Tchad et vise à éclairer les dynamiques « du dedans et du dehors », procédant à sa construction. Loin du récit d'une « saoudisation », la foi salafiste s'est propagée de manière « nomade », par le fait d'entrepreneurs non encadrés et guidés par une vocation prosélyte. Les événements climatiques ou politiques ont également favorisé la circulation migratoire de ces derniers. Travaillé par des dynamiques transnationales informelles, le champ salafiste est également le produit de régulations étatiques qui contribuent à redéfinir ses répertoires d'action et représentations.
      The aim of this article is to retrace the trajectory of Salafist identity in Chad over time and to identify the dynamics "from within and without" that have led to its construction. Far from the narrative of a "Saudization," the Salafist faith has spread in a "nomadic" way, through unsupervised entrepreneurs guided by a proselytizing vocation. Climatic or political events have also favored migratory circulation. The Salafist field, which is built on informal transnational dynamics, is also the product of state regulations that contribute to redefining its "repertoires of action" and representations.
  • Controverse

    • L'Accord sur la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d'Alger de 2015, est-il encore pertinent ? - Nicolas Normand p. 209-227 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      L'Accord d'Alger signé en 2015 entre le gouvernement malien et deux coalitions de groupes armés du nord du pays vise principalement à changer l'architecture institutionnelle du Mali et à intégrer les ex-combattants dans l'armée ou l'administration ou à les aider à s'insérer socialement et économiquement. L'Accord n'a presque pas été mis en œuvre en raison d'une forte défiance entre Bamako et les mouvements signataires, chacun estimant que l'autre ne joue pas le jeu. Les groupes armés auraient dû disparaitre par le désarmement et les élections, mais ceci ne s'est pas produit. Quatre éléments expliquent le non-désarmement : les conflits entre les mouvements signataires, leur propre protection contre les djihadistes de l'EIGS, la défense contre les velléités de reconquête du gouvernement et enfin le lien établi entre le désarmement et les avancées des réformes institutionnelles. À terme, les risques de non-application de l'Accord sont la partition de fait, voire la reprise du conflit. À ce stade, les groupes armés contrôlent déjà le nord du pays. Sortir de cette impasse suppose de surmonter les ambiguïtés initiales. À défaut de pouvoir réécrire quelques articles de l'Accord qui pourraient mettre en cause le caractère unitaire du Mali, il serait possible de prendre des lois d'application rectifiant des points litigieux, avec l'accord des mouvements signataires. Le déblocage suppose enfin que les ex-rebelles touaregs et arabes, ethniquement minoritaires au nord du Mali, acceptent de renoncer aux armes au profit des règles électorales.
      The Algers Accord signed in 2015 between the Malian government and two coalitions of armed groups is aimed at a new institutional structure for Mali and at the integration of ex-fighters either into the army or the administration, or at helping them to integrate socially and economically. The Accord has hardly been implemented because of strong mistrust between Bamako and the signatory movements, with both parties judging that the other is not sincere. The armed groups should have disappeared through disarmament and elections, but this did not take place. Four elements account for the failure of disarmament: infighting among signatory groups, protection against ISGS jihadists, protection against the risk of the resumption of conflict, and finally, the link made by the groups between disarmament and the implementation of structural reforms. In the long run, the risks of failing to implement the Accord are the division or even the resumption of the conflict. At this stage, armed groups already control the north of the country. Breaking the deadlock entails overcoming the initial uncertainties. Although Bamako is not able to rewrite some of the articles of the Accord that might call into question the unitary status of Mali, it may be possible to enact laws correcting the moot points, provided that the signatory groups accept it. Overcoming this impasse also requires that the former rebels, who belong to the Arab and Tuareg minority groups, agree to give up their weapons in favor of electoral rules.
  • Chronique

  • Notes de lecture