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Revue Le Mouvement social Mir@bel
Numéro no 280, juillet-septembre 2022
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  • (Socio-)histoires du sans-abrisme à l'époque contemporaine : État des lieux et pistes de recherche - Axelle Brodiez-Dolino p. 3-32 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article introductif au dossier sur le sans-abrisme propose un état des lieux des travaux sur le sujet en histoire, socio-histoire et histoire du droit depuis les années 1970, en les replaçant dans leur contexte – c'est-à-dire en liant histoire et historiographie. Il distingue en particulier les travaux fondateurs et leurs apports, portant sur les époques médiévale et moderne (années 1970) ; l'intérêt croissant pour la question, principalement impulsé par les médecins et journalistes, dans le nouveau contexte socio-économique du milieu des années 1980-milieu des années 1990 ; consécutivement, une floraison de travaux de sociologues, anthropologues et politistes (seconde moitié des années 1990), qui motive les historiens (1997-2002) comme les historiens du droit (1996-2005) ; enfin, les renouveaux les plus récents en histoire et socio-histoire du sans-abrisme depuis les années 2000, dans un contexte de fortes mutations sociologiques et législatives.
    This article introduces the dossier on homelessness and provides an overview of research on this topc in history, socio-history and legal history since the 1970s, putting it into context – that is, by closely linking history and historiography. In particular, it distinguishes between the founding works on the medieval and modern periods (1970s); the growing interest in the issue, mainly driven by doctors and journalists, in the new socio-economic context of the mid-1980s-mid-1990s; subsequently, the flourishing of studies by sociologists, anthropologists and political scientists (second half of the 1990s), which quickly led historians (1997-2002) as well as legal historians (1996-2005) to become interested; finally, the most recent renewals in the history and socio-history of homelessness since the 2000s, in a context determined by strong sociological and legislative changes.
  • Histoire des vagabonds au XIXe siècle

    • La carrière vagabonde : Résistances et sociabilités des marginaux urbains à Amiens au milieu du XIXe siècle - Florian Julien p. 33-47 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      En considérant le vagabondage comme une déviance, au sens de Howard S. Becker, cet article s'intéresse à l'usage du délit de vagabondage pour réprimer les déviances urbaines au XIXe siècle. L'étude des sources judiciaires et policières d'une agglomération moyenne, la ville d'Amiens, permet de suivre isolément certains cas, durant les années 1830 et 1840. Apparaît alors un ensemble de marginaux urbains, sans domicile fixe et pourtant presque sédentaires, car fortement liés à une ville en particulier. Les modes de sociabilité vagabonde, les étapes constitutives de ces carrières déviantes et les formes de résistance et d'adaptation à la répression de ce qui demeure avant tout un délit sont ici éclairés. Finalement, en dépeignant leur quotidien, cet article brosse un portrait de ces marginaux du XIXe siècle, à rebours des représentations traditionnelles de l'errant rural ou du clochard parisien.
      Considering vagrancy as a “deviance”, as defined by Howard S. Becker, this paper focuses on the use of the crime of vagrancy to repress urban deviance in the 19th century. A study of judicial and police sources in a medium-sized town, the city of Amiens, allows us to track certain cases on an individual basis, during the 1830s and 1840s. This period saw the appearance of marginalised groups, homeless and yet almost sedentary, because they were strongly linked to a particular city. The modes of vagrants' sociability, the milestones of these deviant careers, and the forms of resistance and adaptation to repression of what was, after all, a crime are illuminated here. Finally, by depicting their daily lives, this article paints a portrait of these 19th century outsiders, in contrast to the traditional representations of the rural wanderer or the Paris tramp.
    • Prolétaires ou marginaux ? : Perspectives socio-historiques sur les mendiants et les vagabonds au XIXe siècle - Pierre Gaume p. 49-74 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Instruments essentiels du maintien de l'ordre au XIXe siècle, les délits de vagabondage et de mendicité justifièrent l'arrestation de nombreux individus a priori sans ressources. Invitant à nuancer l'image de marginalité associée aux mendiants et aux vagabonds, cet article propose une sociologie des populations et des comportements incriminés à partir d'un corpus de dossiers judiciaires et administratifs. Ces dossiers éclairent d'abord l'intensité des mobilités géographiques et professionnelles parmi les ouvriers et les travailleurs peu qualifiés, ainsi que l'insécurité économique dont elles s'accompagnaient. Ils disent aussi la fragilité du groupe familial, qui n'offrait qu'une protection incertaine contre les situations de vulnérabilité auxquelles beaucoup étaient exposés. En définitive, vagabondage et mendicité permettent donc d'appréhender les conditions d'existence de toute une frange des classes populaires, entre polyactivité précaire et « culture de la débrouille ».
      The crimes of vagrancy and begging were key instruments of law enforcement in the 19th century, and were used to justify the arrests of many individuals who were presumably destitute. This paper puts forward a sociology of the incriminated populations and behaviours, based on a corpus of judicial and administrative records, in order to qualify the image of marginality associated with beggars and vagrants. These records shed light on the intensity of geographic and professional mobility among workers and low-skilled labourers, as well as the economic insecurity that accompanied it. They also reveal the fragility of the family group, which only provided uncertain protection from the vulnerable situations to which many were exposed. In the end, vagrancy and begging thus make it possible to understand the living conditions of a whole fringe of the working classes, caught between precarious polyactivity and a “culture of just getting by”.
  • L'aide aux sans-abri depuis 1945

    • Les conditions sociales d'une assistance « sans condition » : L'asile de nuit de La Mie de Pain pendant les Trente Glorieuses - Mauricio Aranda p. 75-97 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Période de croissance économique et de renforcement de la protection sociale des salariés, les Trente Glorieuses constituent aussi une phase de redéfinition des liens entre pouvoirs publics et associations autour d'un hébergement de réadaptation sociale pour les marginaux. Comment comprendre que, dans ce contexte, des œuvres veuillent maintenir des asiles de nuit gérés de manière autonome, au lieu de bénéficier des subsides et de la reconnaissance de l'État ? L'article analyse les conditions sociales autorisant celles-ci à persévérer dans une charité privée, dite sans condition. En étudiant le cas de La Mie de Pain, œuvre emblématique de l'aide aux sans-abri, l'objectif consiste à montrer la manière par laquelle toute une chaîne d'interdépendances, reliant donateurs, bénévoles et accueillis, permet à cette assistance d'exister aux marges de l'action publique. Ce n'est qu'à la fin de la période que ce type d'accueil à la nuitée reçoit des subventions et le nom d'hébergement d'urgence.
      The “Trente Glorieuses” was a period of economic growth and strengthened social protection for wage earners. It also saw a reshaping of the ties between public authorities and non-profits with regard to shelters for the socially marginalised. In this context, why did certain charities want to maintain independently-managed night shelters, instead of benefiting from state subsidies and recognition? This paper analyses the social conditions that allowed them to continue as private charity, said to be “unconditional”. Through the case of La Mie de Pain, an emblematic charitable organisation that provided aid to the homeless, the objective is to show how a whole chain of interconnections, linking donors, volunteers and the people they serve, allowed this assistance to exist on the margins of public action. This type of overnight shelter did not receive subsidies and was not officially termed “emergency accommodation” until the end of the Trente Glorieuses.
    • De chrétiens à professionnels : L'Association baptiste pour l'entraide et la jeunesse (Abej) et la prise en charge des personnes sans domicile (1975-2019) - Vianney Schlegel p. 99-118 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      À partir d'une monographie de l'Association baptiste pour l'entraide et la jeunesse (Abej), association lilloise précocement investie dans le traitement de la « question SDF », cet article analyse les processus qui ont nourri la professionnalisation de la prise en charge des personnes sans domicile en France. Issue d'une communauté de vie baptiste, l'Abej s'impose rapidement comme un acteur de référence en matière de traitement des situations d'exclusion. Son développement s'opère à travers un ensemble de changements qui affectent le milieu associatif, le secteur médico-social, et celui de la lutte contre la pauvreté à partir du milieu des années 1970. Ce développement est concomitant de la formation d'un système de prise en charge dédié aux personnes sans domicile, de sorte que le cas de l'Abej fournit un éclairage original des processus qui y ont participé. L'article montre enfin la reconfiguration identitaire de l'association : sans que son identité religieuse ne disparaisse, elle s'estompe au profit d'une reconnaissance croissante de son professionnalisme.
      Based on a monograph of the Association Baptiste pour l'Entraide et la Jeunesse (Abej), an association based in Lille that was active early on in dealing with homelessness, this article analyses the processes that drove the professionalisation of care for homeless people in France. Having started in a Baptist community, the Abej soon became a key player bringing aid to the excluded. It developed through a series of changes that affected the non-profit sector, health and social care policies, and anti-poverty movements since the mid-1970s. This development coincided with the formation of a professionalised care system for the homeless, so that the case of Abej provides unique insight into the processes involved. Lastly, the article shows the reconfiguration of the association's identity: its religious identity, while not disappearing, faded away in favour of a growing recognition of its professionalism.
  • Syndicalisme des auxiliaires de la fonction publique

    • Le syndicalisme des auxiliaires de la fonction publique d'État (1917-1946) - Quentin Lohou p. 119-138 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      En tenant compte de l'évolution du droit de la fonction publique de l'État et de sa conception défendue par le syndicalisme des fonctionnaires – agents titulaires –, cet article retrace l'évolution du syndicalisme des auxiliaires – agents non titulaires – depuis son déploiement à compter de 1917, en marge de la puissante Fédération des fonctionnaires, jusqu'en 1946. La période ouverte en 1936 par le Front populaire constitue un moment fondateur dans l'unification du syndicalisme des agents de l'État. Les syndicalistes de ladite Fédération modifient en effet sensiblement leurs pratiques à l'égard des auxiliaires. Désormais bienvenus dans la Fédération, les auxiliaires voient leur situation juridique considérée différemment dans le cadre, plus global, d'une réforme du droit de la fonction publique soutenue par la Fédération : la défense du modèle du fonctionnariat et l'amélioration du sort des auxiliaires, tout en limitant drastiquement leur recrutement.
      This paper considers legislative changes affecting the civil service, and the conception of the civil service as defended by the unions of career civil servants. It tracks the trends in unionism of civil service auxiliaries (i.e., temporary or non-career staff) since its inception in 1917, as a side movement to the powerful Federation of Civil Servants, until 1946. In 1936, the Popular Front ushered in a key period that would bring all government employees together into a single labour movement. The unionists of the Federation significantly modified their practices with regard to auxiliaries, who were then welcomed into the Federation, and whose legal status was regarded differently within a more general framework of civil service reform supported by the Federation: the defence of a model based on career civil servants, and an improvement in the situation of auxiliaries while drastically curbing their recruitment.
  • Notes de lecture