Contenu du sommaire : Revisiting 1922
Revue | Etudes anglaises |
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Numéro | vol. 75, no 3, juillet-septembre 2022 |
Titre du numéro | Revisiting 1922 |
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Articles
- 1922 And All That; or, Modernism After All - Laurent Folliot p. 259-261
- T.S. Eliot's “significance” - Amélie Ducroux p. 262-276 L'année 1922 fut marquée, notamment, par la publication de The Waste Land et la création, par Eliot, de la revue The Criterion. Un autre événement majeur de 1922 fut la publication d'Ulysse, événement déterminant pour Eliot, qui s'empressa de louer la capacité de Joyce à « revivifier » le passé en recourant à ce qu'il appela alors la « méthode mythique ». Prenant pour point de départ la courte recension d'Ulysse qu'Eliot publia en 1923 dans The Dial, cet article s'attachera à mettre en évidence le lien établi entre Eliot et Joyce en 1922 et à envisager cette année comme un moment-clé lorsqu'il s'agit de réinterroger le lien complexe entre littérature du passé et littérature du présent et la nécessité pour tout écrivain de redéfinir son lien avec la tradition tout en affichant sa modernité. L'article se concentrera en particulier sur l'emploi du mot « significance » et sur ses possibles implications dans le contexte de certaines des affirmations les plus remarquables d'Eliot au début des années 1920.1922 was the year of publication of Eliot's poem The Waste Land, and of the creation of The Criterion. Another major event of 1922 was the publication of James Joyce's Ulysses. This event was influential, not to say determining for Eliot, who praised Joyce's ability to “revivify” the past by resorting to what he called the “mythical method.” Starting from Eliot's enthusiastic review of Ulysses, “Ulysses, Order and Myth,” published in The Dial in 1923, I would like to emphasize the importance of the connection between Eliot and Joyce in 1922 and envisage the year 1922 as a turning point regarding the poet's renegotiation of his relation to the literature of the past and his attempt to redefine modernity. The article focuses on the word significance and its implications in relation to some of Eliot's most remarkable statements in the early 1920s.
- “The Past is the Present”: Marianne Moore's Historiographical Observations - Aurore Clavier p. 277-296 Alors que les centenaires de divers « monuments » modernistes rappellent quels paradoxes entourent la « tradition du neuf » (H. Rosenberg) que leurs auteurs et critiques ont contribué à instaurer, l'œuvre poétique de Marianne Moore nous invite à réenvisager le mouvement à l'aune de temporalités alternatives, qui en compliquent radicalement l'histoire et les manières de l'écrire. Entre parutions éphémères dans des petites revues et élaboration d'un corpus de recueils perpétuellement changeant, qui finira par dissoudre les contours d'un moment faussement inaugural, le premier volume américain de l'autrice, Observations (1924), permet de mesurer l'intérêt que Moore porta à l'histoire sous toutes ses formes (littéraire, humaine, ou encore naturelle), autant que les façons dont elle s'employa à en brouiller le dess(e)in, au moment même où l'historiographie connaissait ses premiers soubresauts. Récusant tout autant quête des origines que visions prophétiques, ses « observations » s'offrent comme un montage de temporalités impures, une dialectique à la fois visuelle et textuelle, dont le pouvoir anachronique en vient à défaire et reconfigurer sans cesse l'histoire même du mouvement moderniste.While the centennials of various modernist “monuments” are eliciting the paradoxes at work in “tradition of the new” (H. Rosenberg), which their authors and critics have contributed to create, Marianne Moore's poetry invites us to reconsider the movement through alternative temporalities that radically complicate history and how it is written. Between her ephemeral publications in little magazines and the shaping of an ever-changing corpus of books, which has dissolved the significance of a falsely inaugural landmark, Moore's first American collection, Observations (1924), evinces the poet's interest for all forms of history (whether literary, human or natural), and how Moore sought to blur its designs, while historiography was under its critics' first attacks. Her “observations” reject both the quest for origins and prophetic visions, and offer a montage of impure temporalities, a visual and textual dialectics whose anachronical power ultimately unravels and reshapes the very history of the modernist movement.
- Agency beyond Action: Modernist Charactersas Interpreters and Readers - Olivier Hercend p. 297-312 S'appuyant sur la distinction proposée par Bruno Latour, cet article s'intéresse à la façon dont les textes modernistes tendent à se détourner des moments d'action, pour focaliser l'attention sur les réseaux de « puissance d'agir » ( agency) qui informent ces actions. Cette tendance, qui sous-tend de nombreux choix narratifs ou poétiques, décentre les personnages. Ceux-ci ne sont plus définis par leurs choix, mais constituent des points focaux sur lesquels s'exercent diverses influences antagoniques. Via les notions d'« interpellation » et de « contre-interpellation » développées par Jean-Jacques Lecercle, je défends l'idée que la force des personnages modernistes tient à ce statut décentré : ils sont contraints de construire leur identité dans un constant mouvement d'interprétation et de réappropriation de puissances d'agir externes. Ainsi, l'acte de lecture, en tant que confrontation au texte écrit mais aussi à d'autres agents et à des pressions sociales, constitue une scène paradigmatique : il représente la tension inhérente à la réception, mais aussi les potentialités créatives et expressives que celle-ci recèle, et que les personnages modernistes doivent intégrer pour s'affirmer dans leur propre histoire.Drawing on a distinction theorized by Bruno Latour, this article focuses on how modernist texts tend to divert attention from climactic actions toward the more complex networks of human and non-human agencies that underlie these actions. This trend encompasses very different processes, both narrative and poetic, which break up the centrality of characters. Instead of being defined by their choices, these are construed as focal points, reflexive nodes where influences collide. Using Jean-Jacques Lecercle's concepts of “interpellation” and “counter-interpellation,” I argue that the strength of modernist characters lies in this decentred status: they are forced to construct their identities in a never-ending movement of interpretation and reappropriation of external agencies. Hence the reading scene, a moment of confrontation with written texts as well as other readers and social conventions, constitutes a paradigmatic trope: it epitomizes the tension inherent to reception, but also the potentialities for creative readings and self-expression, which modernist characters harness to come into their own.
- Rethinking Modernism with Sylvia Townsend Warner's Lolly Willowes (1926) - Christine Reynier p. 313-329 Alors que le modernisme a été redéfini au fil des ans et a connu une expansion temporelle et spatiale, 1922 continue d'être cité comme l'annus mirabilis du modernisme britannique. Cent ans plus tard, quelles sont les raisons de conserver cette date comme point de repère ? Une tendance récente dans les études modernistes a commencé à identifier une conscience écologique dans des œuvres modernistes jusqu'ici passées sous silence ou souvent contournées. Une telle approche peut signifier que l'apogée du modernisme ne se situe pas en 1922, ou peut au moins contribuer à élargir le canon moderniste conventionnel et mettre en avant une autre définition du modernisme, fondée sur un style de vie alternatif, voire une idéologie alternative. Cet article se concentre sur un roman qui illustre ce style de vie alternatif et définit différemment la modernité, à la fois comme synonyme d'émancipation des femmes et comme posture humaine spécifique. En se fondant sur certains concepts introduits par la théorie néo-matérialiste, il montre que le premier roman de S.T. Warner, Lolly Willowes, est novateur et témoigne d'une authentique conscience écologique. Sa publication pourrait ainsi apparaître comme un tournant dans l'histoire littéraire, qui remettrait en cause la définition conventionnelle du modernisme et le réorienterait vers une vision plus écologique.While modernism has been redefined over the years and has undergone a temporal and spatial expansion, 1922 has ceaselessly been quoted as being the annus mirabilis of British modernism. A hundred years later, what are the grounds for keeping this date as a landmark? A recent trend in modernist studies has begun to identify an ecological awareness in modernist works so far silenced or often bypassed. Such an approach may mean shifting the heydays of modernism away from 1922, or at least, may help to widen the conventional modernist canon and to foreground an alternative definition of modernism, based on an alternative lifestyle, and possibly ideology. This paper focuses on a novel that exemplifies this alternative lifestyle and defines modernity differently, both as synonymous with women's emancipation and as a specific human posture. Basing its analysis on some concepts introduced by new materialist theory, it shows that S.T. Warner's first novel, Lolly Willowes, is innovative and displays an authentic eco-consciousness. Its publication may thus appear as a turning point in literary history that would challenge the conventional definition of modernism and reorientate it towards a more ecofriendly one.
- The Token Woman of 1922? Virginia Woolf and the Gendered Battles of Anglo-American Modernist Criticism - Valérie Favre p. 330-344 Cet article propose d'explorer l'histoire de la réception de 1922 dans la critique littéraire anglo-américaine au prisme du genre, des années 1950 à la célébration de son centenaire. Il examine l'apparition du topos critique de l'« annus mirabilis », tout en retraçant l'inclusion progressive de Virginia Woolf aux côtés de T.S. Eliot et de James Joyce dans le canon de 1922, en tant que « femme alibi ». Il interroge ainsi la place des femmes dans l'année la plus emblématique du modernisme, ainsi que l'impact de la critique littéraire féministe sur l'histoire du modernisme et, plus particulièrement, sur « le genre de 1922 ». Enfin, il analyse les différentes fonctions de l'exceptionnalité woolfienne dans la construction du mythe de 1922, avant d'évoquer brièvement, en guise de conclusion, la réflexion que Woolf développe, dans Jacob's Room, sur l'écriture de l'histoire, la célébration des « grands hommes » et l'invisibilisation des femmes dans la tradition et le canon littéraires.This essay explores the history of 1922 in Anglo-American literary criticism through the prism of gender, from the 1950s to the celebration of its centenary. It examines the appearance of the “annus mirabilis” critical topos, while retracing Virginia Woolf's progressive inclusion besides T.S. Eliot and James Joyce in the canon of the modernist year of wonders, as the token woman of 1922. It thus questions the place of women writers in modernism's most celebrated date, as well as the impact of feminist literary criticism on the history of modernism and, most specifically, on “the gender of 1922.” It finally analyzes the various functions of Virginia Woolf's tokenism in the construction of the myth of 1922, before briefly evoking, in lieu of conclusion, Woolf's own 1922 reflections, in Jacob's Room, on the writing of history, the celebration of “great men,” and women's tokenism in the literary tradition.
- “Mine was a dislocated journey”: Reflexivity and Fragmentation in Mina Loy's Autobiographies and Archives - Diane Drouin p. 345-360 S'appuyant sur les autobiographies en prose inédites de Mina Loy, cet article suggère que ces textes en constante évolution articulent les images de soi multiples et fragmentées qu'elle a élaborées tout au long de sa vie. En effet, Loy a pris activement part à la construction du mythe entourant son œuvre et ses diverses personae, comme le montrent les révisions constantes de ses textes en prose entre les années 1920 et sa disparition en 1966. Loy encourage cette lecture autobiographique de ses textes dans les notes marginales qu'elle appose sur ses manuscrits, offrant par là-même à la critique une grille de lecture précieuse. L'objectif de l'article est d'identifier les influences de Loy, tant dans le Londres victorien de sa jeunesse que dans les avant-gardes transatlantiques qui ont façonné son image aux multiples facettes. En s'appuyant sur la notion de « self-fashioning », il propose d'explorer les stratégies de fragmentation visuelle et textuelle à l'œuvre dans les autobiographies et les archives de Loy, qui mènent à la réinvention du sujet autobiographique.Relying on Mina Loy's unpublished autobiographical texts in prose, this article argues that Loy's autobiographical work in progress convincingly intertwines the multiple and fragmented images of the self that she carefully fashioned throughout her life. Indeed, Loy actively took part in the construction of the myth surrounding her own work and personae, as shown in the constant redrafting of her texts in prose from the 1920s until her death in 1966. She encouraged this autobiographical reading of her texts through notes scribbled in the margins of her manuscripts, thereby offering scholars an invaluable interpretative framework. The aim of this article is to identify Loy's influences both in the Victorian London of her youth and in the transatlantic avant-gardes that shaped her self-fashioning. This article proposes to explore the visual and textual strategies of fragmentation at work in Loy's autobiographies and archives that led to the reinvention of the autobiographical subject.
Varia
- Un chevalier dans la tourmente révolutionnaire : les ancêtres français de Virginia Woolf et de Julia Margaret Cameron - Ronald Lessens p. 361-381 La photographe victorienne Julia Margaret Cameron (1815-1879) et l'écrivaine Virginia Woolf (1882-1941) étaient parentes, puisque Maria Pattle, sœur de la photographe (née Julia Margaret Pattle), était la grand-mère de l'écrivaine. Les nombreuses biographies consacrées aux deux artistes mentionnent sans réellement s'y attarder un ancêtre quelque peu mythique, le « chevalier de L'Étang ». Virginia Woolf, dans son Journal intégral, a plusieurs fois fait référence à quelques ancêtres, mais il semble que ses connaissances n'allaient pas au-delà de ce que la tradition familiale lui avait transmis. C'est sur les traces de ce mystérieux chevalier que se lance cet article, fondé sur un minutieux travail d'archives. Il ne propose pas une étude littéraire de l'œuvre de Woolf, ni une analyse artistique des photographies de Cameron, mais plutôt une enquête de type généalogique et historique sur des antécédents familiaux lointains qui éclairent aussi un pan de l'histoire de la présence anglaise dans le sud de l'Inde. L'article commence par retracer la légende du chevalier, avant de pousser plus avant dans les documents d'archives.The renowned Victorian photographer Julia Margaret Cameron (1815-1879) was the sister of Virginia Woolf's maternal grandmother, Maria Jackson née Pattle. Although a lot has been written about Cameron and Woolf, biographers usually do not try to go further back than the Pattles' maternal grandfather, Ambroise-Pierre, the so-called “chevalier de L'Étang.” Even Virginia Woolf, who frequently mentioned members of her family in her Diaries, does not seem to have known more than the family legends. This article, based on extensive archival work, presents itself as an investigation into Cameron's and Woolf's distant ancestors, while also shedding light on British presence in South India. One will not find here a study of Cameron's photographic production, nor of Woolf's literary work, but a genealogical and historical analysis, uncovering new material. The article starts with the legends around the “chevalier,” before examining original archival material.
- Un chevalier dans la tourmente révolutionnaire : les ancêtres français de Virginia Woolf et de Julia Margaret Cameron - Ronald Lessens p. 361-381