Contenu du sommaire : L'entreprise

Si l'on envisage les rapports qu'entretiennent l'évolution des télécommunications et celle de la compétitivité dans l'entreprise, il convient tout d'abord de lever un certain nombre d'ambiguïtés terminologiques. Trois situations peuvent ensuite être étudiées, selon que l'on accorde aux télécommunications un rôle neutre, passif ou actif. Le talent de chaque entreprise, la nature du secteur d'activité et l'état de la concurrence déterminent une grande variété d'utilisation des TI & С (Technologies d'Information et de Communication).

Issue des travaux de Coase et de Williamson, la théorie des coûts de transaction éclaire les choix des agents économiques en matière d'arrangements contractuels et organisationnels. Or les technologies de l'information et de la communication (TI & C) affectent l'environnement informationnel des agents et la nature de leur rationalité qui sont des déterminants essentiels du niveau des coûts de transaction. Un certain nombre de travaux ont donc utilisé la problématique des coûts de transaction afin de mieux appréhender les conséquences organisationnelles de la diffusion des TI & C. Deux thèses principales s'opposent. La première conclut à une efficacité accrue des marchés et, par conséquent, à la disparition des grandes organisations. La seconde constate, au contraire, un renforcement de l'efficacité interne des firmes et prévoit une intensification des mouvements de concentration au sein du système productif. Une revue critique de ces travaux permet de mettre au jour certaines de leurs faiblesses. Elles expliquent pour une large part le caractère contradictoire de leurs conclusions. Cela nous conduit à proposer des pistes de réflexion en vue d'une meilleure appréhension de l'impact organisationnel des TI & C. Plutôt que vers « plus de marché » ou « plus de hiérarchie », il semble qu'on voie simultanément apparaître des marchés et des hiérarchies plus « contrôlés » et plus « rationalisés ». Encore convient-il de relativiser ce type de conclusion car les TI & С ne peuvent pas, pour des raisons à la fois techniques, économiques et stratégiques, devenir le support de tous les rapports entre agents économiques.

A l'exception des entreprises à culture informatique d'origine (IBM, HP, etc.), le développement des messageries professionnelles n'est pas aussi irrésistible qu'on pourrait le penser. Les contraintes du formatage des données et de la saisie clavier-écran rendent tout modèle convivial difficile à maintenir face aux autres médias (téléphone et fax). A l'opposé, un modèle strictement fonctionnel se trouve mieux satisfait par l'EDI. Quelle niche reste-t-il pour les messageries et quelles sont leurs conditions de développement ? A partir d'une étude exhaustive récente des applications existantes en France dans deux secteurs professionnels : le transport et la santé, nous établissons ce diagnostic en nous appuyant sur des exemples précis recueillis en entreprise.

Dans cet article nous proposons de considérer l'EDI (« Electronic Data Interchange » ou « Echange de données informatisées ») non pas tant en lui-même, que comme un des « chantiers » à partir desquels s'expérimentent et se cherchent de nouveaux modèles d'entreprises et d'organisation du travail, au sein et entre les entreprises. Les évolutions que tente de fédérer le « projet EDI » sont en bonne part empiriques, pragmatiques, faites de tâtonnements, parfois de « régressions », introduisant des décalages au regard d'autres transformations. C'est à partir de l'observation de ces orientations, tâtonnements et décalages que sont formulées des hypothèses : - sur la façon dont s'élabore ce que l'on peut désigner globalement comme un nouveau modèle industriel ; - et sur les contradictions ou les limites réparables entre les priorités ou les dimensions concernées, les unes et les autres soulignant le caractère encore inachevé des évolutions en cours.

Si l'on part du principe que changement technique et changement social sont intimement liés au sein des entreprises, une question se pose dès lors : comment ces deux composantes s'articulent, s'opposent, se complètent. Cette monographie diachronique d'une entreprise du secteur agroalimentaire tente de cerner, sur une dizaine d'années, de quelle manière l'histoire sociale a structuré les enjeux sociaux autour des changements techniques et comment l'introduction de nouvelles technologies a permis d'ouvrir de nouveaux espaces de négociation. L'analyse sociologique menée étudie plus particulièrement un nouveau mode de management social du changement technique, qui repose sur l'information et la consultation des instances représentatives du personnel (plus spécifiquement le comité d'entreprise) et le recours à l'expertise technologique pour le compte de celui-ci.

Reprenant la thèse de son premier article de 1937 (la nature de la firme) Coase conserve une vision originale de l'économie plongeant jusqu'aux racines de la nature humaine et prône un système théorique introduisant la notion de « coût de transaction ». Une attitude faite d'humilité face à la complexité encore mal connue des relations entre les systèmes économique et juridique le conduit à reprendre à la base les déterminations, en amont de tout ce qui est, à tort estime Coase, considéré come acquis : le rôle fondamental de la firme, du marché et de la loi...