Contenu du sommaire : Musées partagés

La Coalition internationale des sites de conscience (CISC) est un réseau international de sites historiques, de musées et d'initiatives de mémoire reliant les luttes passées aux mouvements contemporains pour les droits humains et la justice sociale. Ses financements, son réseau et ses formations permettent à des sites du monde entier d'impliquer leurs communautés dans la construction d'un avenir plus pacifique. La Coalition comprend plus de 300 membres dans plus de 65 pays. À partir d'une chronologie des musées appartenant à ce réseau, il s'agit de réfléchir aux enjeux liés à la trajectoire, à la complexité et à la possibilité de l'existence de musées des migrations.

Les musées et les expositions consacrés aux questions migratoires se sont développés ces dernières décennies. Il s'agit de comprendre pourquoi et dans quel contexte ces institutions se sont emparées de ce sujet de société, en relevant leurs partis pris et en étudiant les formes muséales qu'ils proposent. Du musée entièrement dédié aux migrations aux expositions temporaires en passant par la création d'espaces consacrés aux migrations dans des musées ayant une thématique plus large, la forme même de l'exposition, qui oscille entre proposition d'une expérience singulière et volonté de faire patrimoine, est révélatrice des enjeux propres aux musées de migrations.

La réouverture du Rijksmuseum d'Amsterdam après rénovation en 2013, comme l'ouverture prévue en 2024 du FENIX, le nouveau musée des migrations de Rotterdam, offrent deux exemples pour questionner le renouvellement des offres muséales et leur place dans les sociétés contemporaines. Ces deux musées se veulent des lieux de convivialité où mettre en scène le partage d'une expérience authentique fondée sur l'imagination et le plaisir, qui commence avant et se poursuit après la visite.

Les musées de migrations font face au défi de la mise en récit des histoires qui ont façonné les pays et les cultures à travers les siècles. Les archives, les traces des trajectoires migratoires faites d'objets et de récits personnels, mais aussi le recours à l'art contemporain contribuent à rendre accessibles et à révéler ces histoires. L'interdisciplinarité et le croisement des regards sont au cœur des réflexions des musées de migrations. Tout concourt au décloisonnement et à la transversalité des disciplines dans un équilibre entre médiation et esthétique, entre les différents types d'œuvres et d'objets, la participation de la société civile, les choix scénographiques et pédagogiques.

À une époque marquée par des contestations sociales et identitaires, parfois exprimées de façon radicale, les musées sont en prise directe avec l'actualité la plus brûlante. Comment les musées appréhendent-ils le monde qui les entoure ? Comment prennent-ils en compte la demande sociale et contribuent-ils à la lutte contre les discriminations et à la promotion de la diversité ?

Les musées sont d'abord et avant tout la propriété des citoyens et sont susceptibles de devenir, en fonction des contextes, des lieux de contre-pouvoir et de contre-culture. En tant qu'outil de transformation sociale, le musée prend part au combat des représentations de soi et des autres en s'appuyant sur l'expérience des vivants et la transmission des mémoires. Son rôle ne saurait se limiter à « rendre compte » de l'histoire. Les questions d'identité qui traversent l'actualité et les musées invitent à davantage d'écoute, d'humilité et de respect pour la parole des premiers concernés.

De simple posture rhétorique, la diversité est devenue un enjeu majeur pour la légitimité des musées. Dans les faits, cette problématique peine à trouver sa place dans le fonctionnement des institutions culturelles malgré la pression exercée par la société civile. Quels sont les leviers pour faire évoluer les pratiques, être plus inclusif et représentatif ? Financement, programmation, dispositif d'accueil, participation des usagers, diversification du recrutement : si les exemples ne manquent pas pour concrétiser cet effort, ils doivent reposer sur l'engagement des musées de refléter la société.

Concernant les restitutions d'œuvres d'art africain, le philosophe Souleymane Bachir Diagne est revenu sur les enjeux de la nouvelle éthique relationnelle à mettre en œuvre entre les institutions muséales du Nord et du Sud. Sujet déjà ancien des relations culturelles entre l'Afrique et l'Europe, la démarche de restitution des œuvres spoliées durant la période coloniale comporte une signification postcoloniale qu'il est crucial de mettre au jour.

La question des restitutions d'objets à l'Afrique et à l'Asie s'est imposée comme un élément central de justice et de réparation. Si « restituer » signifie littéralement rendre un bien à son propriétaire légitime, cet acte n'est pourtant pas à sens unique. Il s'agit de préciser l'objet de ces demandes de restitution, la façon dont elles sont reçues par les musées et la manière dont les institutions y répondent. Outre la définition des modalités de la restitution d'artefacts, il en va de la représentation du vol colonial à l'origine de la présence de ces objets dans les collections des musées occidentaux, et des conditions de leur circulation renouvelée.

Les restitutions du patrimoine africain menées depuis la France invitent au renouvellement des modalités de collaboration entre institutions muséales du Nord et des Suds. Sur les plans administratif, politique et patrimonial, il s'agit de repenser ensemble le statut des œuvres et le cadre législatif de leur circulation. L'exemple du musée du quai Branly-Jacques Chirac révèle combien le travail de connaissance de l'histoire de ses propres collections nourrit le dialogue et les échanges internationaux entre les professionnels des musées.

Une nouvelle éthique relationnelle pourrait être la condition nécessaire d'un rééquilibrage postcolonial du patrimoine mondial, entre les pays du Nord et ceux du Sud. Les relations se transforment sous l'impulsion des restitutions, d'un point de vue politique, culturel et patrimonial. Est-il possible de penser à nouveaux frais une civilisation de l'universel marquée par la circulation mondiale des œuvres, des personnes et des savoirs ? Les restitutions des œuvres invitent-elles, dans le sillage de Senghor, à un nouveau « rendez-vous du donner et du recevoir » ?

Le Musée national de l'histoire de l'immigration propose depuis de nombreuses années une carte blanche aux Rendez-vous de l'histoire de Blois, rendez-vous incontournable pour les historiens et historiennes qui se retrouvent chaque année pour exposer l'état de leurs recherches, leurs publications récentes et confronter leurs points de vue. Les Rendez-vous de l'histoire fêtaient en 2022 leurs 25 années d'existence et présentaient pour cette occasion un riche programme sur le thème de « la mer », du 5 au 9 octobre 2022.

Le 19 octobre 2022, le Musée national de l'histoire de l'immigration a accueilli ses collègues membres du Migration Museums Network (MMN) pour leur deuxième rassemblement en personne.

Si la musique peut aujourd'hui trouver sa place dans un parcours muséographique, sa nature même d'art de l'instant, nécessitant une diffusion pour prendre tout son sens, lui confère un statut différent de celui des œuvres d'art plastiques conservées comme objets dans les collections des musées. Cette particularité de l'objet musical ou de l'objet sonore ne cesse d'interroger les professionnels des musées. Deux d'entre eux nous donnent leurs points de vue. Le muséographe, designer d'expositions et de spectacles Marc Benaïche, enseignant le design de l'expérience utilisateur à l'université Paris 8, concepteur de la future exposition permanente pour la Seine musicale dans les Hauts-de-Seine. Le conservateur du patrimoine Alexandre Girard-Muscagorry, chargé des collections d'Afrique, d'Asie, d'Océanie et des Amériques à la Philharmonie de Paris, co-commissaire de l'exposition Fela Anikulapo-Kuti : Rébellion Afrobeat à voir au musée de la Musique jusqu'au 11 juin 2023.