Contenu du sommaire : Entre pairs

En psychanalyse, le complexe fraternel n'a été reconnu que tardivement comme un véritable organisateur de la vie psychique, au même titre que le complexe d'Œdipe. Il met en évidence le travail psychique nécessaire à l'élaboration des difficultés qui surgissent dans les relations entre frères et sœurs, réels ou imaginaires, au sein du triangle « ma fratrie, mes parents et moi ». Le complexe fraternel prend une forme qui dépend du niveau auquel le sujet a accès à l'objet et de la manière dont il s'entrecroise avec son complexe d'Œdipe. On peut penser que l'issue du complexe fraternel détermine les relations que le sujet est capable d'établir avec ses pairs.

La notion d'intimité parcourt différents champs théoriques et différents temps du développement psychique. Dans le cadre d'une thérapie psychanalytique de groupe d'enfants en âge de latence, les auteurs s'intéressent à la construction de l'espace psychique groupal à travers la constitution de son intimité. À partir d'une situation clinique, ils abordent l'évolution de la nature et des limites de cette intimité, soumise à la modification du cadre imposée par la pandémie et le confinement, tant du point de vue du groupe que des thérapeutes. L'importance du passage des cris, dans le premier temps du groupe, aux chuchotements dans le temps de confinement illustrera les changements de modalités de partage de l'intimité.

L'article met en évidence la complexité du lien aux pairs à partir de l'expérience de groupes thérapeutiques pour enfants. La relation à l'autre éveille les passions telles que l'amour et la haine. Elle favorise également l'agressivité et offre la possibilité de l'amitié. La présence de l'autre permet l'identification. Les groupes, les collectivités peuvent mener à l'élection d'un bouc émissaire. Les groupes thérapeutiques permettent d'expérimenter ces différents enjeux au sein d'un cadre balisé qui limite la destructivité réelle d'autrui.

Au moment de l'adolescence, le sujet vit une crise de l'identité, une crise de la langue articulée à l'Autre. De nos jours, du fait du déclin de la fonction paternelle et de l'autorité, nombre de sujets refusent d'en passer par le savoir de l'Autre, que ce soit celui de la famille ou celui transmis à l'école qui devient alors un lieu impossible. Ainsi, la question de l'adolescence s'affirme-t-elle clinique et politique. Qu'est-ce que le monde pratiqué, vécu et examiné à partir de la différence et de l'erreur et non à partir de l'identité, voire de l'idéal ? Quel est le destin de l'amour et du désir à l'heure de la déchéance du père et de la fragmentation des corps et des histoires ? Si la langue s'appuyant sur la transmission du père ne fait plus autorité, nous proposons de rencontrer dans les conversations que nous mettons en place avec des adolescents l'autorité de la langue en prenant le risque de la parole en s'appuyant sur la paire des mots qui, en s'articulant l'un à l'autre, apporte une signification sur ce que chacun vit.

À l'époque contemporaine, les modes horizontaux de transmission chez les adolescents gardent une spécificité quant à l'élaboration d'un nouveau savoir et d'un nouveau nom à la jouissance avec le passage par la puberté. Mobilisant les notions psychanalytiques d'inconscient et de mémoire, nous partirons de l'expérience avec la méthodologie psychanalytique des récits mémorialistiques qui impliquent l'énonciation du jeune, l'écoute du psychanalyste et la production esthétique du récit par un artiste. Dans la « dévolution », où le jeune remporte l'œuvre d'art, les trois constituent une nouvelle scène où l'écriture de soi favorise le traitement de la jouissance.

La question de la construction narcissique et identitaire s'origine à partir du lien d'inscription et d'intériorisation du « nom du père ». Dès lors, l'emprise pulsionnelle, figurée par la violence du père primitif, adviendra-t-elle par son meurtre (réel), trace du Père mort, point zéro de la reconnaissance subjective dans un lien d'affiliation et par voie de conséquence, d'une tentative d'exister, mais aussi empreinte indélébile du désir de mort comme fondement de la vie psychique. Cet article propose une prolongation théorico-clinique du meurtre du père, à partir de la figure du pair – et l'achoppement de ce dépassement symbolique à l'adolescence, forclos par un agir meurtrier et relevant de ce que nous avons qualifié d'un passage par la folie.

Dans cet article nous interrogeons les différentes fonctions de la construction d'avatars esthétiques au sein des réseaux sociaux. Des effets subjectifs se perçoivent pour celui qui crée comme pour celui qui regarde ces images d'autosuffisance illusoire et temporaire. Le sujet entame ainsi une relation particulière avec le regard supposé de ses pairs. Il y cherche une réparation narcissique de son image métamorphosée ou encore l'effacement de la castration. Ces nouveaux modes d'interaction du sujet avec ses pairs questionnent les formes contemporaines de la quête identitaire.

En complément de la rêverie poétique sur le thème de la gémellité, l'auteur propose quelques hypothèses interprétatives, tout en soulignant qu'en l'absence des associations libres de l'auteur de la rêverie, ces hypothèses interprétatives ne sont que la projection de ses propres a priori théoriques et de sa propre subjectivité.

Qu'est-ce que la « manière de faire monde » aujourd'hui met en mouvement de la place de l'autre ? Tantôt un autre « moi » auquel le sujet est appelé à s'identifier, tantôt un étranger, son contact m'altère. Le « pair » est ici interrogé à l'aune des prémices de l'empowerment au sein des associations américaines d'usagers et d'ex-usagers de la psychiatrie. Alors, si « Je est un autre » (Rimbaud, 1871), qu'en est-il du « pair » ?

Cet article se propose d'analyser le rôle joué par les collectifs de pairs dans le parcours de personnes à la fois salariées en contrat à durée déterminée d'insertion (CDDI) et bénéficiaires d'un accompagnement social et professionnel dans un atelier ou chantier d'insertion (ACI) sous l'angle des ressources mais également des contraintes induites par l'appartenance au collectif. L'investigation clinique s'appuie sur le matériel issu d'une enquête en psychodynamique du travail dont la méthodologie implique la constitution de groupes de pairs volontaires. Après avoir décrit la constitution du collectif de salarié·es en insertion dans le travail en commun sur le chantier, il s'agira de montrer comment le collectif de pairs contribue à la préservation de la santé mentale des travailleurs en favorisant les conditions d'une résistance à un destin social prédéterminé. Revers du soutien apporté par les pairs : les règles de métier du collectif comportent une dimension de contrainte liée au mimétisme qu'il impose. Outre une réflexion autour du soutien et des ambiguïtés du collectif de pairs dans le parcours singulier d'insertion des individus qui le composent, il s'agira de déterminer dans quelle mesure le rôle joué par les pairs permet que la mission d'insertion puisse être menée à bien.

Un groupe de pairs d'entendeurs de voix (EV) est un temps d'arrêt qui permet à chacun d'exprimer la réalité subjective de ce qu'il vit et ressent de manière profondément singulière. C'est un moment d'écoute mutuelle qui rend partageable le vécu de l'entente de voix – par nature a priori intrinsèquement non partagées. Pour comprendre la réalité subjective des participants à ce type de groupe, nous proposons de revenir sur les résultats d'une recherche utilisant l'analyse phénoménologique interprétative (API, Smith et al., 2009). Par le biais de cette méthode ancrée dans la psycho-phénoménologie, notre article vise à illustrer le vécu de l'EV et celui au sein d'un groupe de pairs d'EV de quatre participants, et ce, dans le but de démystifier le phénomène mais aussi, de mieux comprendre les processus inhérents à ce type de fonctionnement collectif.

Cet article constitue le récit de membres d'un groupe d'hommes ayant subi des abus sexuels durant l'enfance. À la suite de leur démarche ensemble, ces hommes rendent compte de leur cheminement. Ils relatent leur parcours de vie, leurs besoins face à la demande d'aide, leur parcours de groupe, notamment les difficultés et les facteurs ayant favorisé leur expérience, ainsi que les retombées associées à leur participation à ce travail collectif. Selon la perspective des acteurs concernés, le présent article donne des indications sur le parcours de demande d'aide des hommes victimisés sexuellement durant l'enfance ainsi que sur les facteurs facilitants et les défis liés à la demande d'aide face à ce problème.

L'équipe multidisciplinaire de la clinique de diabétologie de l'HUDERF a mis en place des ateliers de groupe pour les patients atteints de diabète axés sur le partenariat avec le patient. En 2022, 6 ateliers ont effectivement eu lieu, avec un total de 36 participant.e.s d'âges et de genres variés. Outre les thèmes définis des ateliers, divers sujets liés à l'impact du diabète sur la vie quotidienne ont été abordés. Afin d'évaluer la pertinence du projet, nous avons soumis un questionnaire de satisfaction aux sujets. L'appréciation globale a été très positive. Le partage d'expériences avec les autres a été apprécié et a permis de co-construire ensemble des émotions ainsi que d'éprouver un sentiment d'appartenance. Les ateliers ont aussi permis une contenance de l'angoisse des sujets, une (ré)appropriation de la maladie, mais également une augmentation des connaissances théoriques concernant la gestion du diabète. Le modèle proposé engage une redéfinition des rapports entre soignants et soignés en rendant les patients davantage acteurs de leurs soins. En conclusion, ces ateliers ont mis à jour un autre pan de notre clinique, venant compléter notre offre de soins. Nous avons à cœur de poursuivre cette proposition en co-construisant davantage encore le modèle avec les sujets.

Se référant à son expérience personnelle et aux publications de quelques collègues, l'auteur envisage successivement les avantages de la cothérapie en cas de thérapie de couple : intervision sur le vif, élargissement de l'écoute, partage des tâches, maniement plus aisé des débordements transférentiels, dédoublement des styles d'intervention, abord plus aisé des clivages et de la différence des sexes, évocation plus rapide des transferts parentaux et possibilité de formation de stagiaires. Il envisage aussi les risques de conflit ou d'énamoration entre les thérapeutes et l'exigence de quelques qualités des cothérapeutes, entre autres : ouverture bienveillante à l'autre, aptitude au partage des pouvoirs, fonctions et savoirs, faible tendance à la rivalité, et tolérance à la (re)mise en question.

Cet article aborde dans une perspective psychanalytique groupale la rencontre thérapeutique entre les parités que représentent un couple et des cothérapeutes. Nous y interrogeons la structuration du couple sous un regard anthropologique et faisons l'hypothèse d'une évolution d'un lien sacré unissant les partenaires du couple vers celui d'un lien narcissique. À l'aide d'une vignette clinique, nous illustrons la groupalité psychique mise au travail au sein du néo-groupe ainsi formé, laquelle implique une mobilisation des systèmes narcissiques. Nous précisons certains aspects du cadre lequel implique le choix d'un.e cothérapeute et nous interpellons les différences d'un tel travail thérapeutique opéré dans un cadre institutionnel ou libéral.

Les autrices s'arrêtent sur trois temps différents de l'histoire d'un groupe thérapeutique de patients délinquants sexuels. En parallèle, elles se questionnent sur leur de travail en cothérapie. Pour survivre à la destructivité psychique émanant de cette clinique, elles travaillent leur contre-transfert à l'épreuve de leur altérité.Leurs réflexions s'étayent également sur l'introduction de médias (images, photos) destinés à soutenir l'énonciation subjective de leurs patients, mais aussi sur les réunions d'équipe en tant qu'espace de transformation psychique et de mise en liens.Cet article témoigne des effets émanant des échanges entre participants d'un même groupe, des effets émanant de la dynamique de travail entre deux thérapeutes animatrices de groupe et enfin, de l'élaboration faite en équipe, entre les différents thérapeutes individuels et de groupe. Le travail entre pairs mobilise de multiples processus de différenciation et d'individuation. Projection, conflictualité, altérité et bisexualité psychique seront systématiquement mises en tension sur les différents plans, comme en miroir, pour réintroduire du jeu là où le relationnel est en souffrance.