Contenu du sommaire : Mines et eaux, même désastre
Revue | EcoRev' : revue critique d'écologie politique |
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Numéro | no 54, 2023 |
Titre du numéro | Mines et eaux, même désastre |
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- Édito - Willy Gianinazzi, Michael Löwy p. 3-4
Classique(s)
- La société de gaspillage - René Dumont p. 5-8 Sur la lancée des dénonciations des périls menaçant la planète, qui s'élevèrent de tous côtés en cet annus mirabilis que fut 1972, « an 1 de l'écologie » comme le proclama Edgar Morin, l'agronome René Dumont – qui allait être choisi comme porte-drapeau des écologistes à l'élection présidentielle de 1974 – entama une critique aussi circonstanciée que précise des logiques productivistes à l'œuvre dans les pays et capitalistes et socialistes. Le libéralisme économique destiné à s'imposer de plus en plus dans le monde, y compris bientôt par le rétablissement du capitalisme en Chine, se paraît des objectifs de développement censés faire reculer la faim et la misère dans le monde alors qu'il accroissait en réalité l'exploitation dudit Tiers-Monde et mettait à sac les ressources naturelles non renouvelables. Contrairement à son collègue en hétérodoxie, Serge Latouche, qui évolua vers la décroissance, Dumont resta un développementaliste, mais il ne cessa d'alerter sur les mauvaises pratiques productives qui favorisaient le gaspillage, l'épuisement des ressources minérales et fossiles, la dégradation des sols, la raréfaction de l'eau douce, la pollution des rivières, le réchauffement climatique et, last but not least, le creusement dramatique des inégalités entre les riches du Nord et les pauvres du Sud.
- La société de gaspillage - René Dumont p. 5-8
Dossier
- Extraire à tout prix ? : Introduction - Michèle Leclerc-Olive p. 9-19
- Sainte-Soline, le retour des luttes écologiques en France : Contre l'accaparement des terres et du sous-sol - Charles Fournier, Jérôme Gleizes p. 20-28 Depuis les événements du 25 mars 2023, marqués par la répression sanglante des manifestants écologistes, la commune de Sainte-Soline est devenue le symbole de la lutte contre les méga-bassines. Cette lutte s'inscrit dans le cadre de l'Appel des Soulèvements de la Terre, réunissant une multitude d'associations, réseaux et syndicats, se mobilisant activement contre toute nouvelle implantation d'infrastructures inutiles ou dommageables pour l'environnement. Au regard des milliers de personnes qui composent ce front, la dissolution prononcée par le Conseil des ministres le 21 juin est tout aussi inique que dérisoire.
- Ce que l'extractivisme fait aux eaux souterraines au Maroc : La mine d'argent d'Imider contestée par ses riverains - Mohammed Benidir p. 29-49 Dans une rétrospective de la manière dont une mine d'argent a installé au Maroc l'accaparement et l'exploitation des ressources locales (terre, minerai, eau et sable), Mohammed Benidir1 constate que dès l'origine la communauté riveraine s'y est opposée. Il montre que la lutte contre la logique extractiviste de la compagnie minière et ses effets délétères est à la croisée de démarches militantes, autochtones, techniques et scientifiques ancrées et intriquées. Une dynamique de lutte qui tire sa force d'un tissage entre connaissances scientifiques et profanes, fruit de la rencontre entre des protagonistes évoluant souvent dans des milieux socioculturels séparés. En s'inscrivant dans le temps long de la contestation et surtout dans celui d'un apprentissage collectif structuré par les individus concernés, la lutte a su évoluer dans le sens d'un « intérêt général local » capable de s'opposer aux assauts technocratiques et capitalistes.
- De la colonisation aux prédations actuelles des ressources non renouvelables : L'extraction de l'or au Mali - Guillaume Bagayoko p. 50-68 Cet article a pour objet d'examiner les prédations actuelles des ressources non renouvelables dans les anciennes colonies françaises de l'Afrique subsaharienne. En affrontant la question sous l'angle de la sociologie des relations internationales, il souligne la continuité entre le passé colonial et la situation contemporaine, sauf à montrer qu'aujourd'hui les firmes transnationales, appelées par les États africains eux-mêmes, sont encore plus présentes et participent d'une intensification des activités extractives dont on ne cesse pourtant de dénoncer les dégâts environnementaux. En partant du constat selon lequel l'exploitation industrielle de ces ressources est la forme la plus importante de leur prédation, cette recherche prend pour point focal le cas de l'extraction de l'or au Mali.
- Une rivière en péril : La Falémé en Afrique de l'Ouest - Ange Bouramanding, Anzoumane Sissoko, Françoise Carrasse p. 69-82 Depuis une vingtaine d'années, l'extraction de l'or le long de la rivière Falémé, qui concerne autant le Mali que le Sénégal, a pris une grande ampleur à cause de l'arrivée d'investisseurs étrangers qui pratiquent le dragage à grande échelle sur les fonds et les berges de la rivière. L'orpaillage, qui se pratique aussi par forage, s'est particulièrement développé à cette occasion à l'initiative d'entrepreneurs locaux. Dans les deux cas, qu'elle soit de type industriel ou artisanal, l'exploitation aurifère — qui place le Mali au troisième rang des exportateurs d'or africains —, requiert un usage massif des eaux, pompées du sous-sol, qui sont restituées dans un état de toxicité qui les rend impropres à la consommation animale et humaine. Les dégâts environnementaux et humains sont considérables. Face à l'inaction des autorités, souvent elles-mêmes impliquées localement dans l'activité, il est une société civile sénégalaise et malienne, appuyée par la diaspora, qui se bat activement pour sauver la Falémé.
- Les Yanomami au risque de l'extermination : Orpaillage, déforestation et persécutions en Amazonie - Arlindo Rodrigues, Willy Gianinazzi p. 83-92 Cet article a pour objectif de faire réfléchir à la situation du peuple Yanomami, qui vient de subir une crise sanitaire et alimentaire sans précédent lui faisant côtoyer l'extermination. Au lieu de remplir leur devoir constitutionnel de protection, les autorités brésiliennes ont longtemps couvert et favorisé le massacre des populations autochtones afin de mettre en œuvre un projet d'exploitation foncière et minière de l'Amazonie, qui implique la destruction à très grande échelle de la forêt. Le récent retour au pouvoir de Lula semble changer partiellement la donne.
- Y a-t-il une malédiction des ressources en RDC ? : Le cas des mines d'or au Sud-Kivu - Frank Lumoo Birongo, Jacques Usungo Ulungu-Kinyamba p. 93-106 Les richesses minières et en particulier aurifères de la partie méridionale du Kivu, au Congo-Kinshasa, ont attisé très tôt les convoitises coloniales. L'orpaillage des populations locales ne s'y est développé qu'en un second temps, dans les années 1980, en profitant de la faiblesse du secteur industriel, obéré par la chute des rendements et paralysé par les guerres et l'insécurité récurrentes de la région. L'extraction, le transport et le pilage des roches, qui emploient aussi des femmes et des enfants, se font dans des conditions inhumaines et dangereuses. Loin de sortir la population de la pauvreté, cette activité, qu'elle soit artisanale ou industrielle, détériore la santé des habitants et détruit le milieu naturel – flore et faune aquatiques, nappes phréatiques, berges et cours d'eau. S'attaquant en particulier au cas des mines d'or de Kamituga et de Lugushwa, les auteurs, membres d'un institut de recherches au Sud-Kivu1, estiment possible de redresser la barre par des mesures favorisant un « développement durable ».
- L'extractivisme en RDC ou les empreintes du numérique : Du désastre écologique à la catastrophe humanitaire - Fabien Lebrun p. 107-120 Auteur d'un ouvrage sur ce qu'il a appelé « la barbarie numérique »1, Fabien Lebrun s'enquiert de l'emploi croissant de matières, souvent des terres rares, qui composent les appareils informatiques. L'empreinte écologique du numérique est particulièrement prégnante dans la République démocratique du Congo (RDC) d'où proviennent en bonne part les métaux à usage high-tech. L'extraction de minerais de toute sorte, associée à la pollution des eaux servant aux procédés de production ou voisinant les mines, entraîne la dégradation dramatique des milieux naturels et de la santé des populations locales. Financées par le commerce de minerais, les guerres qui dévastent la région du Kivu s'accompagnent de massacres et de viols. Quant à la fin de vie des matériaux utilisés, accélérée par l'obsolescence marketing, elle aboutit très peu à leur recyclage, mais à leur entassement dans les pays pauvres du Sud avec les mêmes conséquences environnementales et sanitaires. En ayant montré le rapport étroit que le numérique entretient aussi bien avec l'extractivisme qu'avec la contamination et la pénurie de l'eau, l'auteur conclut par une envolée provocatrice drapée de décroissance.
- SystExt, une association qui fait son trou ! - Emmanuel Dessendier p. 121-130 L'association SystExt (Systèmes extractifs et environnements), basée en France, se présente comme un regroupement de professionnels en activité ayant un intérêt commun pour les systèmes extractifs, en particulier miniers1. Elle dévoloppe depuis sa création les compétences nécessaires pour apporter un regard critique sur les problématiques techniques qui y sont associées. Cet article propose une présentation synthétique de ses travaux.
- Annexe. Le diable est-il dans le numérique ? - Emmanuel Dessendier p. 131-137
Kit militant
- Un engagement pour l'eau - p. 138-143 Née en 1990 et implantée dans les Hauts-de-France, l'association EDA se donne pour objectif de s'impliquer dans la préservation des éléments vitaux que sont l'eau, l'air et les sols. Elle a pour fil rouge de ne jamais dissocier santé et environnement. Sa vice-présidente Anita Villers présente ici les engagements de l'association avec une référence particulière aux problématiques de l'eau.
- Un engagement pour l'eau - p. 138-143
Lectures
- André Gorz, Leur écologie et la nôtre. Anthologie d'écologie politique : Françoise Gollain & Willy Gianinazzi (eds.), Éd. du Seuil, coll. « Anthropocène », 2020, 376 p. - Agnès Sinaï, Lou Lefort p. 144-147
- La lettre Mansholt. 1972 : Dominique Méda (introd.), Les Petits Matins, 2023, 78 p. - Willy Gianinazzi p. 147-149
- Dipesh Chakrabarty, Après le changement climatique, penser l'histoire : Gallimard, 2022, 396 p. - Arnaud du Crest p. 150-155
- Édouard Morena, Fin du monde et petits fours : La Découverte, 2023, 168 p. - Laure Constant p. 156-166