Contenu du sommaire : Sexualité et procréation, bioéthique et droits des femmes musulmanes
Revue | Maghreb-Machrek |
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Numéro | no 252-253, 2022/3-4 |
Titre du numéro | Sexualité et procréation, bioéthique et droits des femmes musulmanes |
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- Introduction - Nouzha Guessous p. 5-8
Articles
- Droits des femmes, bioéthique et procréation médicalement assistée : perspectives islamiques - Nouzha Guessous p. 9-26 La dissociation de la sexualité et de la reproduction, et la technicité et l'extériorisation croissantes de ces dernières par la médecine reproductive contemporaine, perturbent la procréation, la filiation et la parentalité. Cela soulève des questions éthiques, sociales et juridiques que les individus et les sociétés abordent en fonction de leur contexte social et culturel. En outre, ces nouvelles possibilités bouleversent les normes patriarcales qui sous-tendent les relations de genre, et remettent la sexualité et le corps des femmes au cœur du problème. Pourtant, les croyances culturelles et religieuses peuvent empêcher l'accès à certaines possibilités de procréation assistée, tandis que certaines de leurs utilisations peuvent conduire à de nouvelles formes de coercition et de discrimination contre les femmes. Qu'en est-il de la situation dans les sociétés musulmanes où les normes sociales juridiques et traditionnelles, essentiellement religieuses, peuvent entrer en conflit avec ces pratiques nouvellement accessibles ? Comment ces nouvelles possibilités de parentalité sont-elles comprises dans les sociétés musulmanes, où l'organisation sociale, la culture et les lois patriarcales restent prédominantes ? Quelles répercussions peuvent-elles avoir sur les droits des femmes et des enfants ? Cet article aborde ces questions à partir de perspectives historiques islamiques et à la lumière des besoins exprimés aujourd'hui par les musulmans à la recherche d'alternatives respectueuses des droits humains.The dissociation of sexuality and reproduction, and the increasing technicity and externalisation of the latter by contemporary reproductive medicine, disrupt procreation, filiation and parenthood. This raises ethical, social and legal issues, which individuals and societies address according to their social and cultural contexts. In addition, these new possibilities upset the patriarchal norms underlying gender relationships, and put back women's sexuality and bodies at the core of the issue. Yet, cultural and religious beliefs may prevent access to certain possibilities for assisted reproduction, while some of their uses may lead to new forms of coercion and discrimination against women. What about the situation in Muslim societies where legal and traditional social norms that are essentially religious can come into conflict with these newly accessible practices? How are understood these new possibilities of parenthood in Muslim societies, wherein social organization, culture and patriarchal laws remain predominant? What impacts can they have on the rights of women and children? This article is addressing these questions from historical Islamic perspectives and in light of the needs expressed today by Muslims in search of human rights-respecting alternatives.
- Bioéthique et droits des femmes en Tunisie : sexualité, procréation et liberté - Salwa Hamrouni p. 27-39 Les acquis juridiques en matière de libertés individuelles et d'égalité entre les hommes et les femmes sont loin de clore le débat sur la sexualité, l'enfantement, les rapports familiaux et la santé physique et mentale de la femme. Le corps des femmes reste au cœur des préoccupations sociales, notamment sur la sexualité et la reproduction. Il est parfois objet de la science mais il est surtout le symbole de toutes les transgressions sociales. La légalisation de la contraception et de l'avortement dans la Tunisie post-indépendante est aussi liée à une politique démographique et à un certain féminisme d'État. Cependant, les défis rencontrés par ces acquis expriment cette quête identitaire et cette volonté de donner à la société un droit de regard sur la décision de donner la vie. D'un autre côté et devant le désir de l'enfantement, la médecine tunisienne a précédé le droit pour aider les couples à procréer. C'est alors l'intervention du législateur avec la loi relative à la médecine de la reproduction. Les conditions d'accès à la procréation, restent totalement déterminées par les interdits sociaux culturels : la condition du mariage, l'interdiction des donneurs et des mères porteuses en sont des exemples. La filiation reste enfin un moyen de pression sur les femmes/mères victimes avec leurs enfants de perceptions sociales les réduisant à leurs généalogies. Il s'agit ici de questionner la cohérence d'abord entre les différents textes juridiques mais aussi entre les choix législatifs et la perception sociale du corps en général et du corps féminin en particulier.Legal achievements in terms of individual freedoms and equality between men and women are far from closing the debate on sexuality, childbirth, family relations and women's physical and mental health. The body of women remains at the heart of social concerns, especially with regard to sexuality and reproduction. It is sometimes the object of science but above all, it is the symbol of all social transgressions. The legalization of contraception and abortion in post-independent Tunisia is also related to population policy and to a particular State feminism. Nevertheless, the challenges faced by these achievements express this quest for identity and the willingness to give society a say in the decision to give birth. On the other hand, with regard to the desire for childbirth, Tunisian medicine preceded the law in order to help couples procreate. It is therefore the intervention of legislation with the law related to reproductive medicine. The conditions of access to procreation remain totally determined by socio-cultural prohibitions: the condition of marriage, the prohibition of donors and surrogate mothers are among the examples. Parentage finally remains a means of pressure exerted on women / mothers who, together with their children, are victims of social perceptions reducing them to their genealogies. This article examines the consistence between the various legal texts and the legislative choices vs. the social perception of the body in general and the female body in particular.
- Corps et sexualité des femmes au Maroc entre les lois, la culture et les pratiques sociales - Leila Tauil p. 41-55 Depuis des décennies, les féministes marocaines historiques réclament l'égalité des sexes à tous les niveaux de la société en dénonçant systématiquement le Code de la famille et le Code pénal qui les privent d'une égalité pleine et entière dans les sphères privées et publiques. Jusqu'au « printemps arabe », les questions liées au corps des femmes et à la sexualité étaient encore des sujets tabous, bien que ces questions soient au cœur du Maroc et de la majorité des sociétés musulmanes où « l'honneur des hommes dépend des corps des femmes ». Depuis les soulèvements au Maroc et dans le monde arabe, de jeunes féministes subversives n'hésitent plus à aborder publiquement la question du corps et de la sexualité en défendant le droit des femmes à disposer librement de leur corps. Le manifeste historique du collectif 490 « Hors-la-loi », publié au Maroc en septembre 2019 – équivalent au « Manifeste des 343 salopes en France » en 1971 – illustre parfaitement cette révolution en cours. Soutenus par un large éventail de la société civile, les auteurs de ce manifeste dénoncent le caractère obsolète des lois répressives pénalisant l'avortement et les relations sexuelles hors mariage qui poussent la société marocaine, divisée entre un projet social conservateur et moderne, à l'hypocrisie sociale et aux pratiques clandestines jugées illégales. Ce moment historique peut-il révéler les prémisses d'une véritable révolution égalitaire et démocratique au Maroc ?For decades, historical Moroccan feminists have been calling for gender equality at all levels of society by systematically denouncing the Family Code and the Penal Code that deprive them of full and complete equality in both the private and public spheres. However, until the “Arab Spring”, issues related to the bodies of women and to sexuality were still taboo subjects. Yet, these issues are the heart of the problem of Morocco and of the majority of Muslim societies where 'the honour of men depends on the bodies of women‘. Nevertheless, since the Arab uprisings, in Morocco and across the Arab world, young subversive feminists no longer hesitate to publicly address the issue of the body and sexuality by advocating the right of women to freely dispose of their bodies. The historical manifesto of the Collectif 490 ‘Hors-la-loi', published in Morocco in September 2019 – equivalent to the ‘Manifeste des 343 salopes' in France in 1971 – perfectly illustrates this on-going revolution. Supported by a wide array of civil society, the authors of this manifesto denounce the obsolete nature of the repressive laws penalising abortion and sexual relations outside marriage that push Moroccan society, divided between a conservative and a modern social project, to social hypocrisy and to resort to clandestine practices deemed illegal. Lastly, this historic moment may reveal the premises of a true egalitarian and democratic revolution in Morocco.
- Perceptions par les soignant.e.s des demandes de patient.e.s musulman.e.s en milieu hospitalier belge - Marie-Geneviève Pinsart p. 57-73 Nous partons d'un contexte où le patient est une femme, et la demande discriminatoire est fondée sur la religion musulmane. Pour commencer, nous analysons deux situations hospitalières belges où la soignante est en désaccord avec le refus de traitement exprimé par une patiente musulmane enceinte. Après cela, nous considérons la perception de discrimination à son égard de la part d'une patiente musulmane. Premièrement, nous montrons que l'appel à l'autonomie du patient ne peut justifier une demande discriminatoire contre la personne soignante. Deuxièmement, l'identité de genre entre le patient et le soignant est mentionnée comme une garantie de compréhension, mais cette hypothèse ne peut être généralisée. Troisièmement, la soumission de la femme à l'homme défendue par une religion justifierait que l'homme prenne des décisions à la place de la femme et que celle-ci ne soit soignée que par une femme. L'acceptation de cette discrimination à l'égard des hommes soignants renforce la discrimination dont les femmes sont généralement victimes. Aucun « accommodement raisonnable » ne peut justifier une telle dynamique qui s'oppose aux droits de la personne. Quatrièmement, le soignant doit néanmoins cultiver une sensibilité culturelle et religieuse. Cela ne signifie pas qu'il divulgue ses convictions ou qu'il inclut a priori un patient dans une catégorie donnée. En conclusion, la perception du soignant est un bon indicateur de la façon dont une pratique culturelle ou religieuse respecte les droits de la personne dans un contexte pluraliste et démocratique.We start from a context where the patient is a woman, and the discriminatory demand is based on the Muslim religion. For a start, we analyze two Belgian hospital situations where the caregiver disagrees with the refusal of treatment expressed by a pregnant Muslim patient. After that, we consider the caregiver's perception of discrimination against him on the part of a Muslim female patient. First, we show that the appeal to patient's autonomy cannot justify a discriminatory request against the caregiver's person. Second, the gender identity between the patient and the caregiver is mentioned as a guarantee of understanding, but this assumption cannot be generalized. Third, the submission of the woman to the man advocated by a religion would justify that the man makes decisions in the place of the woman and that the latter be cared for only by a woman. Accepting this discrimination against the male caregiver reinforces the discrimination that women generally suffer. No ‘reasonable accommodation' can justify such a dynamic that opposes Human Rights. Fourth, the caregiver must nevertheless cultivate a cultural and religious sensitivity. This does not imply that he discloses his convictions or that he includes a priori a patient in a given category.In conclusion, the perception of the caregiver is a good indicator of the way in which a cultural or religious practice respects human rights in a pluralist and democratic context.
- Droits des femmes, bioéthique et procréation médicalement assistée : perspectives islamiques - Nouzha Guessous p. 9-26
Notes de lecture, études et documents
- Santé, art et spiritualité : l'installation du mètre cube d'infini de Michelangelo Pistoletto au centre de lutte contre le cancer de Marseille - Dominique Maraninchi p. 75-82 Les séjours à l'hôpital sont des moments de questionnements intenses autour du devenir, de la vie et de la mort. Dans ces moments intenses, lieu de soin et d'hospitalité, l'hôpital peut et devrait offrir aux patients et à leurs proches un ou des espaces de paix, de méditation où émotions et spiritualité peuvent s'exprimer de façon naturelle et intime. Ceci a guidé la démarche d'installation du « mètre cube d'infini » du maître italien Michangelo Pistoletto à l'Institut Paoli Calmettes, le Centre régional de lutte contre le cancer de Marseille-France.Inauguré en 2000, ce lieu de rencontre entre santé et spiritualité, centré autour l'œuvre de Pistoletto, est un espace multiconfessionnel dédié à la méditation et à la prière. Présenté à travers des alcôves ouvertes et contiguës, l'espace accueille les patients de toutes les confessions, y compris les agnostiques, leur permettant de méditer face aux questions douloureuses soulevées par la rencontre avec la maladie dans un environnement radicalement nouveau, dont la beauté invite à une réflexion spirituelle au-delà d'une pratique stricte des cultes religieux.Periods of hospitalization are intense moments of questioning revolving around issues of life and death during which the hospital, a place of care and hospitality, can and should offer patients and their loved ones peace and meditation, where spirituality and emotions can be expressed naturally and discreetly. This is what guided the conception of the Infinite Cubic Meter “metrocubo d´infinito” by the Italian artist Michelangelo Pistoletto at the Institut Paoli Calmettes, Centre Régional de Lutte contre le Cancer de Marseille. Inaugurated in the year 2000, this meeting place of spirituality and health revolving around the shared artistic work of Pistoletto, is a multi-faith space for meditation and prayer. Arranged in open and contiguous alcoves, it welcomes patients of all faiths and agnostics, allowing them to meditate on the painful questions raised by the encounter with illness in a radically new environment, the beauty of which invites spiritual reflection beyond the strict practice of religious cults.
- Santé, art et spiritualité : l'installation du mètre cube d'infini de Michelangelo Pistoletto au centre de lutte contre le cancer de Marseille - Dominique Maraninchi p. 75-82
- Annonces de colloques - p. 91-93
- Appel à communication - p. 94-95
- Recommandations aux auteurs - p. 96
- Authors' guidelines - p. 97