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Revue | Raisons Politiques |
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Numéro | no 88, novembre 2022 |
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Varia
- Faut-il changer la définition de la guerre ? - Élie Baranets p. 5-25 Il existe en Relations internationales une définition communément admise de la guerre. Ses critères que sont ceux d'affrontement physique, de létalité, de grande échelle, de nature politique des belligérants, et de réciprocité dans l'engagement, sont largement acceptés au sein de la littérature. Ils sont néanmoins de plus en plus remis en cause. Il devient en effet courant d'en appeler à une révision de la définition de la guerre afin qu'elle puisse inclure d'autres formes de conflictualités tels que les affrontements peu voire non meurtriers. Cet article plaide au contraire pour un maintien des critères d'une définition lorsqu'elle est aussi stable que celle de la guerre. Amender cette dernière risque de générer une cacophonie théorique. Cela ne peut se faire qu'au détriment de la recherche scientifique, et ce en raison du rôle du concept dans celle-ci.There is a standard definition of war in International Relations. Its criteria of physical confrontation, lethality, large scale, political nature of the belligerents, and reciprocity in engagement are widely accepted in the literature. However, these criteria have increasingly been questioned. Scholars now often call for a revision of the definition of war so that it can include other forms of conflict such as low- or non-lethal confrontations. On the contrary, I advocate for maintaining the criteria of a definition when it is as stable as that of war. Changing it risks creating a theoretical cacophony. This can only be done at the expense of scientific research, considering the role of the concept within it.
- Théories du citoyen ordinaire et démocratie directe : la fin d'un ostracisme ? - Laurence Morel p. 27-43 L'article prend pour objet les « théories du citoyen ordinaire », en référence au courant des théories de l'innovation démocratique visant à promouvoir l'intelligence collective et le citoyen ordinaire. Il montre dans une première partie que les principales approches relevant de ce courant (mini-publics, démocratie digitale, démocratie liquide) ignorent ou critiquent les procédés de démocratie directe tels que le référendum ou l'initiative populaire et s'attachent plutôt à proposer des solutions pour démocratiser la démocratie représentative. Pour autant (deuxième partie) certains travaux récents se détachent du mainstream et réhabilitent le référendum, ou certains types de référendums, dans le cadre d'une approche procédurale mobilisant le design institutionnel, ou d'une approche globale s'intéressant moins aux qualités propres de l'instrument qu'à son rôle dans le système politique. Ces travaux témoignent d'une prise de conscience de l'impossibilité de régénérer la démocratie en faisant l'impasse sur la démocratie directe. La troisième partie de l'article esquisse les bases d'une théorie normative et empirique de la démocratie directe, et soutient qu'une telle théorie doit s'intéresser aujourd'hui prioritairement à la question de l'impact systémique du référendum, à rebours de la focalisation traditionnelle sur sa qualité démocratique.The article focuses on the “theories of the ordinary citizen”, by reference to the current in democratic innovation theories aimed at promoting collective intelligence and the ordinary citizen. It shows in the first part that the main relevant approaches in this current (minipublics, digital democracy, liquid democracy) ignore or criticise mechanisms of direct democracy such as the referendum or popular initiative, and rather seek to propose solutions to democratise representative democracy. However (second part), some recent works stand out from the mainstream and rehabilitate the referendum, or certain types of referendums, within the framework of a procedural approach mobilising the institutional design, or of a global approach interested less in the specific qualities of the device than in its role in the global political system. These works testify to an awareness of the impossibility of regenerating democracy while leaving aside direct democracy. The third part of the article outlines the foundations of a normative and empirical theory of direct democracy and argues that such a theory must today deal primarily with the question of the systemic impact of the referendum, against the traditional focus on its democratic quality.
- L'État civil : réflexion autour de la pensée de Muḥammad ‘Abduh - Mohamed Amine Brahimi, Youssouf T. Sangaré p. 45-59 Depuis plus d'une décennie, la notion d'État civil (dawla madaniyya) se trouve, de plus en plus, mobilisée dans les débats et tensions qui traversent les mondes arabes. Ainsi, elle a été largement utilisée et scandée en 2011, lors du « printemps arabe » et des débats constitutionnels qui ont suivi la révolution tunisienne, mais aussi dans des révoltes plus récentes (Hirak algérien, Révolution soudanaise). Dans cet article, nous nous proposons de procéder à un retour historique sur cette notion d'État civil ; ce qui permettra de mieux comprendre les modalités de son émergence dans la pensée arabo-musulmane ainsi que les problématiques qui y sont liées. Pour ce faire, nous nous appuyons sur les écrits d'une des figures les plus importantes de cette pensée : Muḥammad ‘Abduh (1849-1905).For more than a decade, the notion of the civil state (dawla madaniyya) has been, increasingly, mobilised in the debates and tensions that cross the Arab worlds. Thus, it was widely used and chanted in 2011, during the “Arab Spring” and the constitutional debates that followed the Tunisian revolution, but also in more recent revolts (Algerian Hirak, Sudanese Revolution). In this article, we propose to take a historical look at the notion of the civil state, which will allow us to better understand the modalities of its emergence in Arab-Muslim thought as well as the issues related to it. To do so, we rely on the writings of one of the most important figures of this thought: Muḥammad 'Abduh (1849-1905).
- Les inégalités comme problème public - Patrick Savidan p. 61-82 Un pan important de la réflexion normative consacrée au problème des inégalités dans les sociétés démocratiques contemporains s'attache à justifier la réduction des inégalités. L'étude de l'opinion et des perceptions montre que la nécessité de réduire les inégalités fait l'objet d'un consensus social très net dans la plupart des sociétés occidentales. Cet article examine donc plutôt pourquoi, en dépit de ce consensus, les inégalités restent stables voire s'aggravent. Il suggère que la raison tient à une difficulté à les constituer en tant que « problème public ».Normative theory on social justice in contemporary democratic societies often focuses on justifying the reduction of inequality. Data pertaining to opinion and perceptions shows that, in most Western societies, the desire to reduce inequality enjoys a strong social consensus. This article therefore examines why, despite this consensus, inequality remains stable or even increases. It suggests that this is due to obstacles that prevent its full constitution as a “public problem”.
- Faut-il changer la définition de la guerre ? - Élie Baranets p. 5-25
Lecture critique
- Déprovincialiser le marxisme : comment écrire une histoire globale des socialismes ? - Kolja Lindner p. 83-101