Contenu du sommaire : Temporalités et incertitudes dans le travail de relation
Revue | Les Politiques sociales |
---|---|
Numéro | no 3-4, 2023 |
Titre du numéro | Temporalités et incertitudes dans le travail de relation |
Texte intégral en ligne | Accès réservé |
Temporalités et incertitudes dans le travail de relation
- Temporalités et incertitudes dans le travail de relation : À l'encontre de l'engrenage - Flora Bastiani, Jacques Berton, François Coppens, Joëlle Libois p. 4-8
- Le petit moine de Brecht, l'indisponible et la responsabilité - François Coppens p. 9-20 Faut-il écarter la raison pour ouvrir un espace à l'humain dans ses espoirs, ses souffrances et sa quête de sens ? Cet article interroge une perplexité qui vient embarrasser notre modernité, à la fois éblouie par les résultats extraordinaires de la science moderne et attentive aux prix dont se paie ce succès. Cette attention à ce que la rationalité scientifique rejette dans l'ombre peut se déployer hors du travail de la raison, voire contre celle-ci, ou au contraire le dynamiser par le renouvellement d'une dimension critique qui lui serait essentielle. Tel est l'enjeu qui se joue très directement dans la mobilisation des savoirs par les professionnels de la relation de soin.Is it necessary to set aside reason in order to open up a space for human beings in their hopes, sufferings and quest for meaning? This article examines a perplexity that is an embarrassment to our modernity, which is both dazzled by the extraordinary results of modern science and attentive to the price paid for this success. This attention to what scientific rationality pushes into the shadows can be deployed outside the work of reason, or even against it, or, on the contrary, can energize it by renewing a critical dimension that is essential to it. This is what is at stake in the mobilization of knowledge by professionals in the care relationship.
- À l'heure du malade – temporalité et altérité dans le soin psychique - Flora Bastiani p. 21-32 Cette communication se propose de réfléchir à l'importance du temps dans les soins. Considérant que le temps vécu par chacun relève d'une construction individuelle, cette dimension peut-elle devenir un obstacle à la relation de soin ? L'impossibilité de la synchronie dans le soin peut-elle rendre impossible la rencontre entre le soignant et le patient ? Tout en abordant le rapport au temps particulier de la maladie psychique (renvoyant à différentes structures psychiques), nous souhaitons montrer comment chacun des vécus du temps renvoie à une relation à l'altérité.This paper looks at the importance of time in care. Considering that the time experienced by each person is an individual construct, can this dimension become an obstacle to the care relationship? Can the impossibility of synchrony in care make the encounter between caregiver and patient impossible? While addressing the particular relationship to time in psychic illness (referring to different psychic structures), we wish to show how each experience of time refers to a relationship with otherness.
- Sommes-nous des véliplanchistes ? Microtemporalités et soins palliatifs - Michel Gustave Joseph Binet, Alexandre Cotovio Martins, David Monteiro, Oriana Rainho Brás p. 33-46 L'article propose une exploration des microtemporalités constitutives des interactions, qui a pour base empirique un corpus d'enregistrements sonores de réunions et d'échanges téléphoniques au sein d'une Équipe intra-hospitalière en soins palliatifs, collecté dans le cadre d'une recherche sociologique et interdisciplinaire menée au Portugal. Cette exploration a pour principal cadre théorique et méthodologique l'analyse de conversation ethnométhodologique. L'enregistrement et la transcription du travail des professionnels de la santé et du travail social permettent de dresser des cartes détaillées des « basses terres marécageuses » (Donald Schön) où s'exercent ces métiers, pleines de contingences irréductibles que les praticiens gèrent dans l'ici-et-maintenant de leur agir professionnel, avec une expertise et des compétences qui tendent à échapper au radar des instruments d'évaluation du travail et du management des organisations. Chemin faisant, l'article développe une discussion qui rejoint une métaphore proposée par Bruno Latour, celle de la planche à voile, pour penser l'ordre microtemporel des actions situées et concevoir les dispositifs de recherche les mieux adaptés à son étude.This article explores the microtemporalities that make up interactions, using as its empirical basis a corpus of sound recordings of meetings and telephone exchanges within an intra-hospital palliative care team, collected as part of a sociological and interdisciplinary research project conducted in Portugal. The main theoretical and methodological framework for this exploration is ethnomethodological conversation analysis. Recording and transcribing the work of health and social work professionals enables us to draw up detailed maps of the “swampy lowlands” (Donald Schön) where these professions are practiced, full of irreducible contingencies that practitioners manage in the here-and-now of their professional action, with expertise and skills that tend to escape the radar of work evaluation and organizational management instruments. Along the way, the article develops a discussion that ties in with a metaphor proposed by Bruno Latour, that of the windsurfer, to think about the microtemporal order of situated actions and design the research devices best suited to its study.
- « Revoir les arbres », l'incidence des espaces de Réanimation sur la relation de soin - Charlotte Piarulli p. 47-58 Il s'agit ici de considérer l'espace consacré à la réanimation au sein de l'Oncopole de Toulouse, et de montrer comment son organisation matérielle exerce un impact sur la relation entre les sujets soignés et les professionnels du soin. Le service de Réanimation de l'Oncopole suppose, dans sa scénographie, que les personnes soignées n'y passent qu'un temps très court – il s'agit en effet d'y prendre en charge les stades critiques des situations pathologiques des personnes soignées, accueillies initialement dans d'autres services de l'établissement. Nous voudrions montrer qu'en réalité, les séjours des personnes prises en charge en Réanimation peuvent être amenés à s'étirer dans le temps. Cette présence étirée des personnes soignées entre alors en contradiction avec l'organisation matérielle du service lui-même. C'est cette dissonance – entre la permanence d'une présence et un espace conçu pour « des instants » – que nous nous proposons d'étudier ici, en croisant notre expérience de terrain à la lecture du philosophe Maurice Merleau-Ponty.This article looks at the space dedicated to intensive care at the Toulouse Oncopole, and shows how its material organization impacts on the relationship between patients and care professionals. The Oncopole's intensive care unit is designed in such a way as to ensure that patients spend only a very short time in the unit - the aim being to care for patients in the critical stages of their illness, who are initially admitted to other departments within the hospital. We would like to show that, in reality, the stays of people cared for in the ICU can be stretched over time. This prolonged presence of patients then contradicts the physical organization of the department itself. It is this dissonance - between the permanence of a presence and a space designed for “instants” - that we propose to study here, crossing our field experience with a reading of the philosopher Maurice Merleau-Ponty.
- La peur s'insinue : tranquille ! - Joëlle Libois p. 59-70 Cet article s'appuie sur un exemple empirique analysant une situation professionnelle dans laquelle des travailleurs sociaux sont confrontés au doute de ce qui peut advenir. Tout en œuvrant à la constitution de rapports de confiance, ils soutiennent une posture calme dans une temporalité en devenir. Il s'agira de comprendre ce qui se trame dans les interactions, ce qui les constitue et comment ces professionnels aguerris développent leur capacité à travailler avec l'imprévu. Pour ce faire, nous nous appuierons sur des extraits d'autoconfrontation croisée qui révèlent des savoirs d'action en miroir, comme la magnanimité d'une présence face à l'incertitude, ou la peur qui prévaut en certaines situations en regard d'une posture tranquille, malgré l'impondérable part de risque engagé dans l'intervention.This article is based on an empirical example analyzing a professional situation in which social workers are confronted with doubts about what might happen. While working to build relationships of trust, they maintain a calm posture in a temporality in the making. Our aim is to understand what goes on in interactions, what constitutes them, and how these seasoned professionals develop their ability to work with the unexpected. To do this, we'll draw on extracts from cross and self-confrontations that reveal mirrored knowledge of action, such as the magnanimity of a presence in the face of uncertainty, or the fear that prevails in certain situations with regard to a calm posture, despite the imponderable share of risk involved in intervention.
- À bout de souffle - Jacques Berton p. 71-82 Dans un contexte d'essoufflement des institutions du travail social, les groupes d'analyses de pratiques deviennent les témoins du malaise de ces institutions ayant subi l'impact d'un contexte sanitaire qui n'a fait que renforcer les fragilités des métiers du travail social. L'incertain constitutif de l'activité imprègne le cadre d'un travail en quête de sens. Ces espaces réflexifs sont aujourd'hui incontournables pour des équipes exténuées, et comme toute soupape, ils peuvent éviter une pression trop importante. Mais la surchauffe est réelle.Against a backdrop of social work institutions running out of steam, practice analysis groups are becoming witnesses to the malaise of these institutions, which have suffered the impact of a health context that has only served to reinforce the fragility of social work professions. The uncertainties inherent in the work impregnate the framework of a job in search of meaning. Today, these reflective spaces are essential for exhausted teams, and like any safety valve, they can help avoid excessive pressure. But overheating is real.
- Travailleurs sociaux libanais à l'épreuve de l'histoire et de l'altérité - Houwayda Matta, Rita Chouchani, Maguy Salameh p. 83-95 La pratique professionnelle des travailleurs sociaux auprès des populations migrantes expose ces professionnels à des dilemmes majeurs relevant de différents registres. Au Liban, la question des liens interculturels pacifiques entre la population hôte et les déplacés syriens se situe au cœur des préoccupations. Pris dans cette dynamique, les travailleurs sociaux libanais se retrouvent parfois confrontés à leurs propres biais et incertitudes. Ces dilemmes nous ont incité à inviter certains d'entre eux qui travaillent dans ce contexte à faire un retour réflexif sur leurs rapports à cette altérité. Des enjeux profonds issus de cette réflexion interpellent foncièrement la formation.The professional practice of social workers working with migrant populations exposes them to major dilemmas of various kinds. In Lebanon, the question of peaceful intercultural ties between the host population and displaced Syrians is at the heart of concerns. Caught up in this dynamic, Lebanese social workers sometimes find themselves confronted with their own biases and uncertainties. These dilemmas prompted us to invite some of them working in this context to reflect on their relationship with this otherness. The profound issues arising from this reflection are of fundamental importance to training.
- Tous dans le même sac ? Vieil âge et soin chez les Santals - Kumkum Bhattacharya p. 96-108 Les Santals font partie des plus grandes tribus de l'Inde, répartis dans l'est du pays. Leurs habitats sont essentiellement ruraux et ils sont généralement voisins d'autres communautés et membres de sociétés plurielles. Le présent article cherche à comprendre les caractéristiques distinctives, s'il y en a, de l'expérience des Santals en matière de vieillissement, de bien-être, de capabilités et de soins aux personnes âgées – et éventuellement à comprendre les réactions à ces expériences et pratiques en général. En corollaire, l'article cherche également à explorer, d'une part, les discours autour des dimensions de l'individualité et de la communauté, et d'autre part les transformations ou les changements qui s'opèrent dans les idées de vieillissement et de soins. Comment les personnes âgées sont-elles conceptualisées dans la communauté, dans la famille, par elles-mêmes ou par les individus qui entrent en contact avec elles ? Chez les Santals, les personnes âgées se conforment-elles aux idées ou aux normes attendues de la génération correspondante présente dans d'autres communautés, en particulier dans une situation plurielle ? L'article met en lumière le vieillissement et sa prise en charge dans une perspective d'incertitude et de temporalité.The Santals are among the largest tribes of India spread across the eastern part of the country. Their habitats are largely rural in nature and they are usually found as neighbours of other communities and as a member of plural societies. The present article is interested in understanding the distinguishing features if any, with reference to the Santals' experience of aging, understanding wellbeing, capabilities and elderly care among the Santals and if there could be some insights into understanding responses to these experiences and practices in general. The article as a corollary also seeks to explore the discourses around the dimensions of individuality and community on one hand and the transformations or changes in the ideas of aging and care that are coming into play on the other. How is the elderly conceptualized in the community, in the family, by the elderly or by individuals who come in contact? Do the aged among the Santals conform to the ideas or standards of their cohorts in other communities especially in a plural situation?The article highlights aging and its care from the perspective of uncertainty and temporality.
- Recensions - p. 118-120