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Revue | Relations internationales |
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Numéro | no 195, otobre-décembre 2023 |
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- Acteurs du sport et relations internationales. Introduction - Patrick Clastres, François Vallotton p. 3-13
- « Le football et le rapprochement des peuples » ou la Weltanschauung des premiers dirigeants de la FIFA (1904-1942) - Paul Dietschy p. 15-32 Les premiers dirigeants de la FIFA ont voulu bâtir un internationalisme dont les fondements sont l'État-nation représenté par une fédération ayant le monopole sur la pratique du football dans son pays. Très vite, le cas de l'empire austro-hongrois permet de mettre en pratique cette conception même si une exception est faite pour le Royaume-Uni. La Grande Guerre suspend les relations sportives internationales. Bien que les fédérations belge et britannique veuillent expulser au lendemain de la guerre la fédération allemande, l'internationalisme de la FIFA se teinte vite de pacifisme, notamment à la fin des années 1920. Encore européocentriste, l'organisation s'ouvre au monde et sa première Coupe du monde est organisée en Uruguay. Néanmoins, les années 1930 et les agressions fascistes mettent à l'épreuve son pacifisme et sa neutralité. Si elle doit se plier aux transformations territoriales de l'Europe, son comité exécutif parvient toutefois, sous la direction du président Jules Rimet, à conserver une neutralité bienveillante notamment pendant la Guerre d'Espagne.
FIFA's first leaders wanted to build an internationalism based on the nation-state, represented by an association with a monopoly on football in its own country. The Austro-Hungarian Empire case soon put this concept into practice, although an exception was made for the United Kingdom. The Great War suspended international sporting relations. Although the Belgian and British federations wanted to expel the German federation in the aftermath of the war, FIFA's internationalism was soon tinged with pacifism, particularly at the end of the 1920s. Although it was still Eurocentric, the organisation opened up to the world and its first World Cup was organised in Uruguay. Nevertheless, the 1930s and fascist aggression put its pacifism and neutrality to the test. Although it had to adapt to territorial changes in Europe, its executive committee, under the leadership of President Jules Rimet, managed to maintain a benevolent neutrality, particularly during the Spanish Civil War. - La fabrique des stéréotypes nationaux : les premiers France-Espagne de football dans l'entre-deux-guerres - Raphaël Benbouhou p. 33-50 Par l'étude des six premières rencontres officielles entre la France et l'Espagne (1922, 1923, 1927, 1929, 1933 et 1935) à travers les écrits de journalistes français et espagnols publiés dans les colonnes des journaux généralistes et sportifs, nous pouvons voir que chaque match relaté reprend les clichés qui ont cours sur l'une et l'autre, de part et d'autre des Pyrénées. Les France-Espagne conduisent à consolider, du côté français, une image fantasmée et exotique de l'Espagne tandis que du côté espagnol, on mobilise les symboles nationaux traditionnels les plus reconnus et les plus répandus, en particulier le coq. Les deux pays étudiés ont la particularité d'autopromouvoir leurs emblèmes nationaux et leur culture nationale, repris pour certains de l'autre côté des Pyrénées.
By studying the first six official matches between France and Spain (1922, 1923, 1927, 1929, 1933 and 1935) through the writings of French and Spanish journalists published in the columns of generalist and sports newspapers, this article illustrates how each match recounted used clichés and images made up by one another, on both sides of the Pyrenees. The France-Spain matches led to the consolidation, on the French side, of a fantasized and exotic image of Spain, while on the Spanish side, the most recognized and widespread traditional national symbols were mobilized, in particular the rooster. The two countries studied have the particularity of self-promoting their national emblems and their national culture, some of which were taken up on the other side of the Pyrenees. - L'Uruguay et ses footballeurs dans l'espace atlantique de l'entre-deux-guerres : circulations, discours, représentations - Lorenzo Jalabert d'Amado p. 51-68 En 1924, la sélection uruguayenne fut la première équipe sud-américaine à prendre part au tournoi de football des Jeux olympiques. Inconnue du public local avant son arrivée à Paris, elle fit rapidement sensation en remportant la compétition haut la main. Cette « découverte » par l'Europe de ce football allogène marqua l'avènement d'une nouvelle ère dans les relations sportives entretenues entre les deux continents : les clubs et les joueurs sud-américains commencèrent à circuler dans l'espace footballistique européen, la presse locale forgea des discours essentialisants visant à expliquer ce phénomène de suprématie sportive, tandis que la presse domestique créa en retour une narration faisant du football et de ses athlètes, une émanation de la nation.
In 1924, the Uruguayan football team was the first South American national side to take part in the Olympic Games' football tournament. Previously unknown to the local crowds, it quickly made headlines by easily winning the contest. Europe's “discovery” of this foreign-made football marked the advent of a new era in the sporting relations between both continents: South American clubs and players began to widely circulate in Europe, the local press put forward essentializing discourses aimed at explaining this new-found sporting supremacy, while the domestic press, in turn, crafted a narrative which turned football and its athletes into embodiments of the nation. - Les sportifs argentins, « meilleurs ambassadeurs de la Nueva Argentina » (1946-1955) - Lucie Hémeury p. 69-84 Dès 1948, le président de la République argentine, Juan Perón, proclame que les sportifs sont les « meilleurs ambassadeurs du pays ». Cette déclaration devient un argument privilégié pour justifier le soutien gouvernemental accordé aux athlètes de haut niveau sous le péronisme. Cet article examine l'intégration progressive des sportifs au programme diplomatique du régime. Face à l'hostilité généralisée de la part de la communauté internationale, le gouvernement péroniste a recours au sport pour tenter de rompre son isolement et de redorer son image à l'extérieur. À travers l'exemple des délégations olympiques et la mise en place d'un système d'« amateurs d'État », cet article explore la transformation des athlètes en représentants de la nation et en promoteurs du péronisme, envoyés en mission à l'étranger.
In 1948, the President of the Argentine Republic Juan Perón proclaimed that sportsmen and women were the country's “best ambassadors”. This declaration became a key argument to justify the governmental support given to top athletes. This article examines the gradual integration of athletes into the regime's diplomatic agenda. Confronted with widespread hostility from the international community, the Peronist government tried to use sport to break its isolation and improve its image abroad. From the example of the Olympic delegations and the system of “State amateurs”, this article explores the transformation of athletes into national representatives and advocates of Peronism, sent as special agents abroad. - Franchir la frontière de l'URSS et ne pas revenir. Les conditions de la politisation des défections d'athlètes - Sylvain Dufraisse p. 85-98 Dans le contexte de la Guerre froide, le monde du sport international est devenu un des théâtres de l'affrontement Est-Ouest. Les athlètes soviétiques font partie en URSS des privilégiés qui franchissent régulièrement les frontières de la patrie et le rideau de fer. Pour leurs adversaires, ils sont une cible de choix, hautement symbolique. Plus que les secrets qu'ils détiennent, en faire des transfuges permet de profiter de la forte médiatisation des compétitions sportives et de prouver les vices des régimes socialistes par la défection. En se centrant sur le cas de l'URSS, cet article examine les conditions de la politisation des défections d'athlètes. Il montre que si les défections restent rares, les méthodes choisies pour les éviter contribuent à renforcer l'idée que les citoyens soviétiques ne vivent pas librement.
During the Cold War, the world of international sport became a scene of East-West confrontation. Soviet athletes were among the privileged in the USSR who regularly crossed the borders of the fatherland and the Iron Curtain. For their opponents, they were a highly symbolic target. It was possible to take advantage of the media coverage of sports competitions to prove the vices of socialist regimes through defection. Focusing on the case of the USSR, this article examines the conditions of the politicization of athlete defections. It shows that while defections remained rare, the methods chosen to avoid them contributed to reinforcing the idea that Soviet citizens did not live freely. - Les sportifs noirs américains, entre diplomatie sportive et affirmation minoritaire - François-René Julliard p. 99-114 Il peut sembler étonnant de désigner les sportives et sportifs noirs américains comme des acteurs des relations internationales. Certains, généralement des champions dotés d'une certaine notoriété par-delà les frontières, sont pourtant intervenus en qualité de représentants de la diplomatie sportive américaine, ou bien comme porte-parole de la minorité noire en lutte pour l'égalité et la justice. Depuis les années 1970, ils en sont venus à incarner un troisième rôle, au service de l'image de marque des entreprises. Cet article vise à décrire les modalités de ces participations et protestations au sein d'un espace public mondialisé.
It may seem surprising to single out Black American athletes as actors in international relations. Some of them, usually champions with a certain amount of international fame, have acted as representatives of U.S. sports diplomacy, or as spokespersons for the Black minority in their struggle for equality and justice. Since the 1970s, they have come to embody a third role, in the service of corporate branding. This article aims to describe the modalities of these participations and protests within a globalized public space. - L'élection à la présidence de la FIFA en 1974 au prisme des relations internationales : Guerre froide, agentivité historique et la question des « deux Chines » - Luiz Guilherme Burlamaqui p. 115-129 Cet article analyse l'élection du Brésilien João Havelange à la présidence de la Fédération internationale de football amateur (FIFA) comme une fenêtre ouverte sur une question théorique plus large : les relations diplomatiques propres au sport reproduisent-elles, ou non, les relations entre les États ? En l'occurrence, les deux principaux compétiteurs, Havelange et le Britannique Rous, ont pris des décisions qui semblent contredire les buts des politiques étrangères menées par leurs pays respectifs. Aussi, pour comprendre leurs positions, sera-t‑il nécessaire d'examiner les alliances et logiques internes à la FIFA.
This article analyses the history of João Havelange's election to the FIFA presidency as a political window to understand a broader theoretical issue: do sports diplomatic relations follow the international relations between Nation-States? In this instance, the main competitors, Havelange and Rous, made decisions that seemed to contradict the aspirations of their respective countries' foreign policies, Brazil and England. Therefore, to understand the attitudes of Rous and Havelange, it is necessary to examine the political arrangements within FIFA. - Une diplomatie sportive sans l'État : l'exemple de la ville de Lausanne, capitale olympique - Quentin Tonnerre p. 131-146 Siège du Comité international olympique (CIO) depuis 1915, la ville suisse de Lausanne est connue dans le monde en tant que « Capitale olympique ». Ce titre prestigieux masque toutefois les difficultés qu'ont eu jusqu'à nos jours acteurs privés et pouvoirs publics à s'entendre sur les contours d'une diplomatie sportive sub-étatique. Le CIO a cherché à positionner Lausanne par le sport jusqu'à la Deuxième Guerre mondiale, pour servir son propre développement et bâtir un lobby olympique en Suisse. Cette mise en réseau d'acteurs a permis les premières initiatives diplomatiques lausannoises dans le domaine du sport dans l'après-guerre et jusqu'aux années 1970. En pleine croissance, le CIO s'appuie sur les ressources locales des milieux sportifs et politiques pour inventer une « diplomatie helvétique » portée par son président Juan Antonio Samaranch. Les scandales dans le sport international à la fin des années 1990 aurait pu mettre à mal cet équilibre, mais la force du lobby olympique est telle à Lausanne que cette crise se mue en opportunité. Le manque de soutien et de coordination avec la Confédération helvétique reste toutefois une épine dans le pied des autorités publiques lausannoises et vaudoises qui se heurtent ainsi à la place toujours centrale des États dans les relations internationales et, par voie de conséquence, aux limites de la diplomatie sub-étatique.
Home to the International Olympic Committee (IOC) since 1915, the Swiss city of Lausanne is known throughout the world as the “Olympic Capital”. However, this prestigious title masks the difficulties that private stakeholders and public authorities have had to date in agreeing on the contours of a sub-state sports diplomacy. Up until World War II, the IOC sought to use sport to position Lausanne, in order to promote its own development and build an Olympic lobby in Switzerland. This allowed the creation of the first Lausanne diplomatic initiatives in the sport field in the post-war period and until the 1970s. The IOC, which was in full expansion, drew on the local resources of sports and political circles to invent a “Helvetic diplomacy” led by its president Juan Antonio Samaranch. The period of scandals in international sport at the end of the 1990s could have undermined this balance, but the Olympic lobby in Lausanne was strong enough to turn this crisis into an opportunity. However, the lack of support and coordination with the Swiss Confederation remains to date a major obstacle for the Lausanne and Vaud public authorities, who are confronted with the centrality of states in international relations and, ultimately, the limits of sub-state diplomacy. - Leonid LIVAK, Histoire culturelle de l'émigration russe en France, Paris, Eur'Orbem Editions, 2022, 364 p. - Coline Saintherant p. 153-157