Contenu du sommaire : Qualifier disqualifier le travail des personnes âgées
Revue | Sociétés contemporaines |
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Numéro | no 129, 2023/1 |
Titre du numéro | Qualifier disqualifier le travail des personnes âgées |
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Qualifier et disqualifier le travail des personnes âgées
- Repousser les frontières du travail : Propositions pour une autre approche de la vieillesse - Marie Derrien, Mathilde Rossigneux-Méheust, Martin Sarzier p. 5-21
- L'âge des travailleuses du care : une propriété sociale invisible ? : Enquête sur les nourricières des colonies familiales d'aliéné·es (1892-1992) - Marie Derrien, Mathilde Rossigneux-Méheust p. 23-52 Créées au tournant du XXe siècle, les colonies familiales d'aliéné·es de Dun-sur-Auron et d'Ainay-le-Château constituent une expérience pionnière de prise en charge à domicile de personnes atteintes de maladies mentales. Leur fonctionnement repose sur les soins délivrés par des femmes appelées « nourricières » qui accueillent chez elles ces « pensionnaires » contre une maigre indemnité journalière. Totalement profanes, celles-ci ont plus de 44 ans (âge médian) lorsqu'elles commencent à exercer cette activité et 71 ans lorsqu'elles cessent. Comment expliquer que l'âge de ces travailleuses sans statut ni salaire reste une constante pendant un siècle, sans jamais faire l'objet d'un débat pour leurs employeurs ? En analysant le bassin d'emploi dans lequel elles sont recrutées, les formes de valorisation liées à leurs fonctions et la mise à l'écart des travailleuses âgées provoquée dans les années 1990 par une professionnalisation tardive, nous proposons de revisiter le rôle de l'âge dans la complexité des rapports sociaux en contexte de care.The family colonies of Dun-sur-Auron and Ainay-le-Château, created at the turn of the 20th century, were pioneering experiments in home care for the mentally ill. They relied on the care of women, known as “nourricières”, who took in these “residents” in return for a meagre daily allowance. Completely untrained, these women were over 44 years old (median age) when they began this work and 71 when they stopped. How can we explain that the age of these workers, who have no status or salary, has remained constant for a century without ever being a subject of debate for their employers? By analysing the labour pool from which they were recruited, the forms of recognition associated with their tasks and the marginalisation of the oldest among them caused by late professionalisation in the 1990s, we propose to rethink the role of age in the complexity of social relations in a care context.
- Appartenance et valorisation : Agentivité et travail dans une usine de la Nouvelle-Angleterre - Caitrin Lynch, Jean-Charles Khalifa p. 53-75 De 2006 à 2011, l'anthropologue Caitrin Lynch s'est immergée dans la vie quotidienne d'une usine de la banlieue de Boston spécialisée dans la production d'aiguilles en acier. Cette entreprise familiale a pour particularité d'employer des travailleurs et des travailleuses dont l'âge médian s'élève à 74 ans. En observant et en interrogeant ces femmes et ces hommes, elle a enquêté sur le sens que revêt le travail pour les personnes âgées aux États-Unis. En plus des revenus que celui-ci leur apporte et qui constituent un complément souvent nécessaire à leurs pensions bien maigres, Caitrin Lynch montre que le travail leur confère un double sentiment d'appartenance à un groupe ( membership) et de valorisation ( mattering). Il leur permet ainsi d'échapper à la marginalisation sociale à laquelle ils et elles s'estiment condamné·es en les maintenant dans des réseaux de sociabilité professionnels.Caitrin Lynch is an anthropologist. From 2006 to 2011, she observed the daily life of a suburban Boston factory specializing in the production of steel needles. This family-run business employs workers with a median age of seventy-four. By observing and interviewing these men and women, she investigated the meaning of work for the elderly in the USA. In addition to the income it brings them, which is often a necessary supplement to their meagre pensions, Caitrin Lynch shows that work gives them both a sense of belonging to a group (membership) and of being valued (mattering). It thus enables them to escape the social marginalization to which they feel condemned, by keeping them in professional social networks.
- Mettre la vieillesse au travail : Les pratiques de stimulation en gérontopsychiatrie et leurs effets - Martin Sarzier p. 77-106 À partir d'une enquête ethnographique, cet article étudie les pratiques de « stimulation » de patient·es par les membres du personnel de deux services de psychiatrie spécialisés dans la prise en charge de la vieillesse. Il s'agit de montrer qu'à condition d'être systématisée et rigoureusement contrôlée, l'analogie de la « mise au travail » des patient·es permet d'ouvrir l'imagination sociologique et de questionner le travail des professionnel·les, l'expérience des personnes hospitalisées ainsi que les rapports entre « soignant·es » et « soigné·es ». Après avoir décrit les spécificités de la prise en charge stimulante et montré qu'elle sert des intérêts professionnels, l'article met en évidence des modalités socialement différenciées d'appropriation du métier de malade. Il interroge notamment l'hypothèse d'un ajustement spontané entre un dispositif de prise en charge et certaines dispositions.Based on an ethnographic survey, this article studies the practices of “stimulation” of patients by staff members of two psychiatric services specialized in the care of the elderly. The aim is to show that the analogy of “putting patients to work”, provided that it is systematised and rigorously controlled, opens up the sociological imagination and allows us to question the work of professionals, the experience of hospitalised elderly people and the relationship between carers and patients. After describing the specificities of stimulating care and showing that it serves professional interests, the article highlights socially differentiated modalities of appropriation of the “patient's profession”. In particular, it questions the hypothesis of a spontaneous adjustment between a care system and certain dispositions
Varia
- Des cégétistes en Sorbonne : Conflits pédagogiques et adaptations collectives de syndicalistes entrés à l'université (1983-2001) - Nicolas Simonpoli p. 107-136 À partir du cas de responsables cégétistes entrés à l'université dans le cadre d'une reconversion professionnelle, cet article étudie la manière dont des militants syndicaux rescolarisés à l'âge adulte s'approprient la relation pédagogique. L'objectif est de comprendre comment leur expérience militante interfère dans leur apprentissage universitaire. L'analyse revient sur les relations conflictuelles nouées avec une partie du corps enseignant et sur ce que ces tensions révèlent des modes d'appropriation des savoirs opérés par ces étudiants atypiques. Entre posture de défiance et logiques d'entraide, ils adoptent des attitudes hybrides qui leur permettent de s'adapter au travail universitaire.This article analyses the experience of trade union officers who entered university as part of a professional retraining. Atypical students, with fewer qualifications and older than other students, they do not accept the rules imposed by teachers. They fight against school norms. As a result, many of their relationships with teachers are conflictual. But this article demonstrates that these conflictual relationships are also a way to collective adaptation to the demands of university. In particular, the conflicts enable them to use their union knowledge and skills to succeed at university.
- Origine sociale et configurations amicales parmi des élèves de collège - Timothée Chabot p. 137-191 Plusieurs travaux ont montré que les représentations de l'amitié et la structure des réseaux amicaux varient avec le milieu socioprofessionnel parmi les français·es adultes. En revanche, une telle comparaison n'a pas été entreprise auprès des enfants et adolescent·es. Le présent article s'attache donc, à partir d'une enquête dans quatre collèges socialement mixtes, à comparer les configurations amicales des élèves au sein de l'établissement selon leur origine socioprofessionnelle. Il s'appuie sur l'analyse des réseaux amicaux de 820 élèves suivi·es pendant un an et demi, notamment à l'aide de modèles statistiques de type TERGM (Temporal Exponential Random-Graph Model). Le degré de transitivité des relations et la force de l'homophilie résidentielle ne varient pas selon l'origine sociale. En revanche, l'homophilie de goûts musicaux et de personnalité déclarée est plus marquée chez les enfants des classes supérieures, une fois prises en compte les principales propriétés structurelles des réseaux. Ces résultats soulignent le rôle conjugué du contexte scolaire et des socialisations extra-scolaires dans la structuration des sociabilités collégiennes.Several works have shown that the images of friendship and the structure of friendship networks vary by socioprofessionnal background among French adults. However, such a comparison has yet to be conducted for children and adolescents. Therefore, the present article aims at comparing friendship patterns among middle school students of different socio-professionnal backgrounds, based on a research conducted in four French middleschools with high levels of social diversity. It relies on the analysis of the friendship networks of 820 students followed during a year and a half, using the class of models known as TERGM (Temporal Exponential Random-Graph Model). Results show that the strength of transitivity and residential homophily does not change with students' background. However, homophily in musical tastes and declared personnality does appear stronger among upperbackground students, once the main structural properties of the networks are accounted for. This pattern of findings stresses the joint impact of the school context and of out-of-school socialization in shaping students' sociability.
- Des cégétistes en Sorbonne : Conflits pédagogiques et adaptations collectives de syndicalistes entrés à l'université (1983-2001) - Nicolas Simonpoli p. 107-136
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