Contenu du sommaire : Les professionnels de la politique de la ville : entre singularité et adaptation

Délégués du préfet, chefs de projet politique de la ville, agents de développement, chargés de mission thématique, médiateurs, référents de parcours réussite éducative… Qui sont les 758 agents publics qui animent et mettent en œuvre les 45 contrats de ville en Auvergne-Rhône-Alpes ? Comment se répartissent-ils dans les préfectures et les villes regroupant les 140 quartiers prioritaires de la politique de la ville (4 métropoles, 24 communautés d'agglomération et 17 communautés de communes) ? Réponses en infographie à partir des données recueillies par Labo Cités.*

Loin de l'idée de dresser un panorama complet de l'identité professionnelle des agents publics œuvrant en politique de la ville, il nous est apparu important d'ouvrir cette partie en les interrogeant pour tenter de répondre à la question : professionnels de la politique de la ville, qui êtes-vous ? Pour ce faire, Labo Cités a constitué à l'automne 2023 un panel d'une vingtaine de professionnels de la région Auvergne-Rhône-Alpes, aux profils variés*. Cet article est la synthèse de leurs échanges.

Faire l'histoire de la politique de la ville, mission donnée au jeune Comité d'histoire créé en avril 20221, ne peut se cantonner au seul récit des politiques conduites au plan national. Elle doit aussi s'intéresser aux acteurs et aux professionnels qui l'ont animée et mise en œuvre sur le terrain, dans les territoires dans lesquels elle s'est déployée depuis plus de 45 ans. Michel Didier, président du Comité d'histoire de la politique de la ville, nous propose un panorama des métiers de la politique de la ville et de leur évolution face aux grandes mutations intervenues en matière de gouvernance depuis le début des années 2000.

Si la politique de la ville est une machine très observée, Pascal Brenot exhorte à resserrer la focale sur les agents des collectivités locales qui en sont aux manettes. Directeur du développement territorial à la Ville de Lyon, il est aussi administrateur à Labo Cités et le représentant de l'Association des missions d'aménagement et de développement économique urbain et solidaire (AMADEUS) au Conseil national des villes. Dans cet article, Pascal Brenot pointe les difficultés auxquelles les professionnels de la politique de la ville se heurtent au quotidien, au risque de l'épuisement.

Chef de projet, délégué de la préfète, agents de développement local, chargée de projet, coordinatrices de dispositifs… huit professionnels se sont livrés à l'exercice du portrait, permettant de faire un coup de projecteur sur huit profils différents, à l'image de la diversité que l'on retrouve au sein des équipes politique de la ville.

Maillon essentiel de la mise en œuvre de la politique de la ville dans les territoires, les délégués du préfet ont été déployés à partir de 2008, dans le cadre du Plan Espoir Banlieues. Ce métier, relativement jeune au regard de l'histoire de la politique de la ville, mérite qu'on s'y attarde. En effet, la multiplicité des parcours des délégués du préfet, de leurs conditions de travail et de leurs profils, en fait des oiseaux rares particulièrement intéressants.

Ouvert en 2012 à l'Université de Saint-Étienne, en partenariat avec Sciences Po Lyon, le master de Science politique « Gouvernance et politiques urbaines alternatives (Altervilles) » n'est pas une formation conçue spécifiquement pour préparer aux métiers de la politique de la ville. Le projet scientifique et pédagogique qui le sous-tend apparaît néanmoins particulièrement adapté aux enjeux de formation des professionnels du développement social urbain. C'est ce que montre Christelle Morel Journel, enseignante-chercheure en études urbaines à l'Université de Saint-Étienne, coresponsable du master depuis sa création.

Dans la famille « Ingénierie territoriale de proximité », il peut être intéressant de se pencher sur le profil de ceux qui pourraient être considérés comme les cousins des chefs de projet politique de la ville : les agents de développement rural. Et qui mieux que Cap Rural, centre de ressources en Auvergne-Rhône-Alpes sur les pratiques et les métiers du développement local rural, pour en parler ? Parole à Marine Rouchouse, chargée de mission Emplois et métiers d'agents de développement local.

Bien malin celui ou celle qui parviendra à rendre concret pour le commun des mortels ce que font les agents publics de la politique de la ville. À défaut d'y parvenir, les professionnels redoublent d'imagination pour caractériser l'ingénierie de proximité à l'aide de différentes figures de style, se qualifiant tantôt de chef d'orchestre, de pieuvre, de colibri, tantôt d'ensemblier ou encore de tisserand. Pour aller plus loin, Labo Cités a réuni un panel régional de professionnels* et les a invités à échanger à partir d'une liste de cinq composants de leur ADN professionnel. Cet article est la synthèse de leurs discussions.

Avec cette frise, nous avons souhaité éclairer les liens entre les principales dates de la politique de la ville et l'évolution de son ingénierie*. Par souci de simplification, nous avons choisi une présentation par grandes étapes. La décennie 1980-1990 est celle de l'expérimentation de ce qui deviendra la politique de la ville. De 1990 à 2000, c'est la période d'institutionnalisation de la politique de la ville et de constitution des équipes. La décennie 2000-2010 se caractérise par l'explosion des dispositifs et la sectorisation des métiers. La réforme de 2014 est un tournant majeur dans la décennie 2010-2020, qui renforce les phénomènes d'accroissement et de diversification des professionnels. Enfin, le récent Comité interministériel des villes de l'automne 2023 marque une nouvelle page de la politique de la ville à écrire par les professionnels.

Pour tenter de comprendre et d'appréhender les évolutions professionnelles du domaine de la politique de la ville, l'Inter-Réseaux des professionnels du développement social et urbain (IRDSU) mène tous les ans une enquête nationale auprès de ses adhérents. Mathieu Frioux, chargé du développement, et Nathalie Dupont, administratrice de l'IRDSU, reviennent sur l'enquête menée en 20201 mettant en lumière la mutation des missions des chefs de projet politique de la ville.

Taille et histoire du territoire, type de collectivité, choix institutionnels, orientations du contrat de ville… sont autant de paramètres à l'origine de la diversité des fonctions et des missions des agents publics qui pilotent les contrats de ville. À travers l'interview de trois professionnelles exerçant en Auvergne-Rhône-Alpes, nous avons cherché à illustrer cette diversité. Leurs témoignages permettent également de saisir toute la richesse de ces métiers dont les profils ne cessent d'évoluer selon les besoins des habitants des quartiers populaires.

Le programme de réussite éducative (PRE) a introduit dans la politique de la ville la prise en charge de la globalité des difficultés qui freinent l'épanouissement éducatif de l'enfant de 2 à 16 ans. Pour cela, une pluralité de professionnels collaborent, créant de nouvelles méthodes de travail, ce qui n'est pas sans répercussion sur les pratiques professionnelles de ces partenaires. Hamid Hassnaoui, président de l'Association nationale des acteurs de la réussite éducative (Anaré), propose une lecture de l'influence des PRE sur le travail social.

Quel regard les professionnels du droit commun portent-ils sur leurs partenaires de la politique de la ville ? Cécile Allard, responsable du pôle santé publique à la direction départementale de l'ARS Loire1, Jean-Jacques Bartoli, directeur de la cohésion sociale chez Alliade Habitat, et Bruno Gallice, conseiller au pôle action culturelle et territoriale de la DRAC Auvergne-Rhône-Alpes2, ont accepté de livrer leur point de vue sur cette question. Leurs propos font écho à ceux développés dans ce numéro3 par les acteurs de la politique eux-mêmes et oscillent entre bienveillance et critique constructive.

Quelles que soient les dimensions et particularités d'un territoire, le binôme élu à la politique de la ville-technicien est indispensable pour mener à bien l'action de la collectivité. Comment se caractérise ce binôme et comment fonctionne-t-il ? A-t-il évolué ces dernières années ? Telles sont les questions que nous avons posées à Maurice Charrier, figure importante de la politique de la ville dans la métropole lyonnaise. Il a en effet été élu pendant 37 ans, de 1977 où il a débuté en tant qu'adjoint puis maire de Vaulx-en-Velin, jusqu'en 2014 où il a terminé sa carrière politique en tant que vice-président de la Communauté urbaine de Lyon chargé de l'urbanisme et de la politique d'aménagement du territoire. Ayant travaillé avec plusieurs chefs de projet politique de la ville, il livre son témoignage, donnant ainsi un éclairage à la fois historique et concret sur ce duo incontournable.

Et si, un jour, notre société n'était plus anthropocentrée ? Et si, dans un futur pas si lointain, les animaux prenaient une place encore jamais occupée jusqu'à présent ? Et si, dans vingt ans, les équipes politique de la ville accueillaient parmi leurs membres des caméléons, colibris et ornithorynques ? Et si, en 2048, la politique de la ville organisait sa propre disparition ? C'est le futur imaginé par Fabien Bressan, directeur de Labo Cités, inspiré par les photographies et articles du présent numéro et par l'univers d'Alessandro Pignocchi1.