Contenu du sommaire : Migration d'ambiances et expériences habitantes
Revue | Ambiances |
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Numéro | 2023 |
Titre du numéro | Migration d'ambiances et expériences habitantes |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Introduction : Migration d'ambiances et expériences habitantes - Anne Bossé, Ariane Wilson
- “Home” away from home? - Myriame Ali-Oualla Les anciens combattants marocains présents en France s'inscrivent dans une des nombreuses traditions migratoires nées de la domination coloniale. À la fin des années 1990, des septuagénaires et octogénaires marocains arrivaient dans la ville de Bordeaux, espérant accéder à leur pension de retraite après s'être mobilisés dans les troupes françaises. Dès lors, engagés dans une dynamique de « sur-mobilité » entre le Maroc et la France, ils sont passés par différentes formes d'hébergement jusqu'à être pris en charge en résidence sociale. En partant de l'approche des « cultures matérielles », l'investigation de leur espace domestique révèle des tendances d'appropriation diverses se manifestant par le biais de trois ambiances, liées aux conditions de résidence temporaires de ces vétérans. Malgré un détachement manifeste, ils trouvent des moyens pour satisfaire leur besoin d'un « chez-soi », en cultivant une atmosphère familière en dehors de leur espace domestique d'accueil. Les entretiens semi-directifs, ainsi que les observations in situ restituées grâce à des méthodes visuelles, permettent de traduire la condition d'habiter particulière des anciens combattants marocains en France et les atmosphères spatiales qui résultent de leurs appropriations et leurs usages.In the late 1990s, Moroccan veterans in their 70s and 80s arrived in the city of Bordeaux, hoping to claim the retirement pensions that they were owed for serving in the French army. From then on, moving back and forth between Morocco and France, they entered a dynamic of “over-mobility.” In France, they experienced various forms of accommodation until they were housed in social residences. Using an approach drawn from Material Cultures studies, the investigation of their domestic space reveals divergent trends in their appropriation, manifested through three atmospheres linked to the temporary living conditions of these veterans. Despite their apparent detachment, they fulfil their need for “home” connections by cultivating a familiar atmosphere outside their host domestic space. Semi-directive interviews as well as in situ observations rendered through visual methods translate the particularities of the living conditions of Moroccan veterans in France and the spatial atmospheres resulting from their appropriations and uses.
- L'espace domestique des migrants marocains : les extensions transnationales de l'intimité familiale - Jordan Pinel, Thomas Lacroix Le vieillissement des migrants maghrébins a suscité un renouvellement de la recherche sur leurs pratiques résidentielles. En effet, nombreux sont les retraités qui ont choisi de partager leur existence entre leur logement en France et celui qu'ils ont acquis au Maroc. La retraite serait donc l'âge des allers-retours plutôt que celui du retour. En étudiant l'aménagement intérieur de leurs logements, cet article remet en question l'idée d'un surinvestissement dans la maison construite au pays afin de s'y afficher comme « notable ». Ce qui ressort de l'analyse est bien plutôt celui d'une mise en continuité des espaces résidentiels par la mise en résonnance des aménagements. Ils démontrent la volonté de construire un espace de l'intimité familiale par-delà les ruptures légales et culturelles.The aging of North African migrants has spurred a renewal of scholarly interest in their residential practices. Many of them have chosen to share their existence between their housing in France and the one they acquired in Morocco. Retirement appears more like the age of back-and-forth movements rather than the one of return. Studying the interior design of their home, this paper questions the idea that migrants overinvest in their homeland housing in order to appear as a member of the local elite and hide the stigma of their working-class condition. What stands out of the field study is rather the will to build a residential continuum through the mise en resonance (i.e. the building of a space through interconnected objects) of interior designs. Migrants display the will to build a space for family intimacy beyond legal and cultural discontinuities.
- The permeable and the pervasive: Approaching an understanding of atmospheres of home among Tanzanian Indians - Cecil Marie Schou Pallesen Que veut dire le chez-soi dans une situation où le sentiment d'appartenance est ambivalent ? Que devient le foyer si le cadre physique de ce que l'on appelle sa maison est contesté ? Est-il possible de saisir l'ambiance des qualités persistantes mais vulnérables du chez-soi ? Pour les Indiens de Tanzanie, sujets de cet article, les limites immédiates de la demeure sont matérialisées par de lourdes portes en bois et des treillis métalliques verrouillés. Le dehors est tenu à distance mais ne cesse de s'imposer sous diverses formes matérielles. Une anxiété sous-jacente perdure depuis la nationalisation des maisons indiennes après l'indépendance : de nombreux Indiens de Tanzanie luttent toujours pour redevenir propriétaires de leurs maisons. Cet article s'intéresse à l'expérience de la perméabilité du foyer, analysant diverses mesures prises par les habitants pour empêcher certaines choses d'entrer dans leur maison, alors même que l'ouverture à l'autre est essentielle au sentiment du chez-soi. Puisant dans des recherches au sein de la communauté migrante indienne en Tanzanie, l'article porte son attention sur les subtils détails sensoriels et matériels des pratiques quotidiennes du foyer et applique les notions de perméabilité et de pénétrant pour interroger ce qui peut constituer une ambiance du chez-soi. Il tente ainsi de mieux saisir la politique intime et les enjeux, pour une minorité migrante marginalisée mais ingénieuse, de la création et du maintien d'un sentiment de chez-soi.What does it mean to be at home when your sense of belonging is ambivalent? What is home if the physical frames of what you call home are contested? And is it possible to grasp an atmosphere of a home's firm, yet vulnerable qualities? For Tanzanian Indians, on whom this article focuses, the immediate boundaries of their dwelling are solid and materialised in heavy wooden doors and massive metal lattice doors with padlocks. The outside is kept at a distance but constantly imposes itself in different forms of materiality. Behind this lurks the anxiety sparked by the nationalisation of Indian houses that took place after Independence: many Tanzanian Indians are still fighting to regain ownership of their houses. Exploring experiences of permeability of the home, the article shows how different measures are taken by the inhabitants to prevent certain things entering the home, while openness to others is essential to creating a feeling of home. Permeability conveys and enables certain atmospheres of belonging and non-belonging. Based on long-term ethnographic fieldwork in an Indian migrant community in Tanzania and working with subtle details of everyday sensory and material practices in the home, the article explores how studying the atmosphere of home through permeability and the pervasive allows a closer understanding of the intimate politics of what it means to create and sustain a feeling of home as a marginalised but resourceful migrant minority.
- Touaregs en ZAD - Jérémy Sauvineau Face au sous-dimensionnement chronique du parc d'hébergement des demandeurs d'asile en France, les militants de la cause des étrangers se sont mobilisés en expérimentant divers types d'habitats alternatifs. Cet article souhaite documenter une de ces formes particulières d'accueil : celle de migrants en Zone à Défendre [ZAD] dans une métropole française. En privilégiant les manifestations du mode d'existence des Touaregs accueillis, je me propose de rendre compte de la manière dont les Touaregs élaborent des ambiances alternatives au sein de la ZAD, dont le concert de blues touareg est l'exemple caractéristique.Faced with chronic lack of accommodation for asylum seekers in France, activists defending the cause of foreigners have experimented with various types of alternative living spaces. This article aims to document one of these: the ZAD (Zone to be Defended) of a certain French metropolis. By focusing on the way of living of Tuaregs hosted in this ZAD, this study describes how the Tuaregs develop alternative atmospheres, of which the Tuareg blues concert is a typical example.