Contenu du sommaire : Le Kremlin et les Occidentaux depuis la fin de la guerre froide. Aux origines des guerres russo-ukrainniennes (I)
Revue | Relations internationales |
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Numéro | no 196, janvier-mars 2024 |
Titre du numéro | Le Kremlin et les Occidentaux depuis la fin de la guerre froide. Aux origines des guerres russo-ukrainniennes (I) |
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- Aux origines des guerres russo-ukrainiennes : Introduction - Matthias Schulz, Matthias Schulz, Nicolas Badalassi, Nicolas Badalassi, Jussi Hanhimäki, Jussi Hanhimäki, Marie-Pierre Rey, Marie-Pierre Rey p. 3-14
- Les fondements de « l'ordre international » post-guerre froide - Nicolas Badalassi, Nicolas Badalassi p. 15-27 Depuis que la Russie a renoué avec une politique extérieure agressive, une relecture des décisions internationales prises au tournant des décennies 1980 et 1990 est apparue nécessaire pour évaluer la pertinence de l'hypothèse selon laquelle l'architecture de sécurité post-guerre froide aurait été trop fragile pour ne pas être contestée. Dans cette optique, plusieurs questions méritent d'être soulevées : sur quels fondements repose l'ordre international né de la fin du conflit Est-Ouest ? Ces fondements ont-ils fait l'objet d'un véritable consensus ? Dans quelle mesure justifient-ils les contestations à leur encontre ? Il est possible d'apporter des éléments de réponse en inscrivant les soubassements de l'ordre post-guerre froide dans le temps long du second XXe siècle et en revenant sur les tentatives faites dans les années 1990 pour adapter les institutions existantes au contexte nouveau.Since Russia's return to an aggressive foreign policy, a rereading of the international decisions taken at the turn of the 1980s and 1990s has become necessary to assess the relevance of the hypothesis that the post-Cold War security architecture was too fragile to go unchallenged. With this in mind, a number of questions need to be asked: what were the foundations of the international order born of the end of the East-West conflict? Were these foundations the subject of a genuine consensus? To what extent do they justify challenges to them? We can help to answer these questions by placing the foundations of the post-Cold War order in the long-term context of the second twentieth century, and by looking back at the attempts of the 1990s to adapt existing institutions to the new context.
- L'OTAN, l'élargissement et le problème russe : la quadrature du cercle ? - Sophie Marineau, Sophie Marineau, Matthias Schulz, Matthias Schulz p. 29-46 Contrairement aux messages du Kremlin, les élargissements de l'OTAN depuis les années 1990 n'étaient pas imposés par l'OTAN à une URSS/Russie impuissante, mais bien le résultat de plusieurs « do ut des » (dons, contre-dons) négociés entre 1990 et 1997. La seule promesse donnée en 1990 par rapport à l'OTAN fut celle donnée par les deux États allemands de ne pas stationner des troupes de l'OTAN dans la partie orientale de l'Allemagne unifiée, en temps de paix, pour rassurer les États voisins. Puis l'URSS a reconnu, dans la Charte de Paris adoptée fin 1990, le droit de chaque État de choisir librement ses alliances. En retour, les États-Unis et le Royaume-Uni concédèrent, ainsi que le Kazakhstan, Biélorussie et l'Ukraine, que la Russie obtienne le monopole des armes nucléaires en Europe de l'Est. Malgré le nouveau dilemme de sécurité ressenti par les pays d'Europe centrale et orientale et à la première guerre de Tchétchénie, les pays de l'OTAN choisissent de conclure d'abord un partenariat spécial avec Moscou pour éviter son isolement, avant de procéder à un élargissement largement symbolique et inoffensif, selon les termes agréés au préalable avec le gouvernement russe et exportant de la sécurité. La thèse poutinienne (et de John Mearsheimer) d'une OTAN expansionniste et responsable des guerres russo-ukrainiennes ne tient pas face aux documents.In contrast to the Kremlin's messages, NATO's enlargements since the early 1990s were not imposed upon a « weak » Soviet Union/Russia, but rather the result of several do ut des negotiated between 1990 and 1997. The only promise given in 1990 concerning NATO was the one given by the two German states not to establish permanent NATO bases in the Eastern part of unified Germany, in peacetime, to reassure their neighbouring states. The USSR likewise recognized the right of each state to choose its own alliances in the Charter of Paris adopted in late 1990s. In turn, the Western powers conceded, together with Kazakhstan, Belarus et Ukraine, that Russia would obtain the monopoly of nuclear weapons in Eastern Europe. Even in view of the new security dilemma felt by the societies in Eastern Central Europe and the first Chechnyan war, the NATO countries preferred to conclude a special partnership with Moscow so as to avoid its isolation, before proceeding with a primarily political and symbolic enlargement, according to the terms agreed heretofore with Russia, and exporting security. Putin's (and John Mearsheimer's) thesis of an expansionist NATO responsible for the Russian-Ukrainian wars does not stand up to the documents.
- Les grandes espérances : la Grande-Bretagne et l'inclusion de la Russie soviétique et post-soviétique dans le système de sécurité européen (1984-1994) - Massimiliano Guderzo, Massimiliano Guderzo p. 47-61 L'article veut contribuer au thème de l'inclusion/exclusion de la Russie dans les organisations régionales à la fin de la guerre froide et peu après, avec une référence particulière à l'intégration européenne et atlantique. Quels ont été la perception et le rôle de Londres face aux initiatives de Mikhaïl Gorbatchev dans les années où l'Union soviétique pouvait encore être perçue comme une superpuissance, bien qu'en déclin, puis face à la Fédération de Russie dans les premières années de l'administration Eltsine ? Des éléments de continuité ou de discontinuité ont-ils prévalu dans la transition Thatcher-Major en 1990 ? Dans quelle mesure la politique britannique a-t‑elle influencé les politiques européennes dans la sphère atlantique et au moment très délicat de la constitution de l'Union européenne ? L'article vise aussi à étudier l'hypothèse qui voit dans l'échec du décollage d'un sujet fédéral européen fort au début des années 1990 l'une des principales causes du désordre international des trente dernières années.The article looks at the inclusion/exclusion of Russia in regional organizations at the end of the Cold War and shortly afterwards, with reference to European and Atlantic integration. What was London's perception and role in relation to Mikhail Gorbachev's initiatives in the years when the Soviet Union could still be perceived as a superpower, albeit in decline, and then in relation to the Russian Federation in the early years of the Yeltsin administration? Were there elements of continuity or discontinuity in the Thatcher-Major transition in 1990? To what extent did British policy influence European policies in the Atlantic sphere and at the very delicate moment of the creation of the European Union? The article also examines the interpretative hypothesis that points to the failure of a strong European federal subject to take off in the early 1990s as one of the main causes of the international disorder of the last thirty years.
- La Hongrie et l'Alliance atlantique : contextes et logiques d'adhésion - Csaba Békés, Csaba Békés, Gusztáv D. Kecskés, Gusztáv D. Kecskés p. 63-80 L'intégration euro-atlantique était un objectif clé de la politique étrangère hongroise après le changement de régime en 1989-1990, étroitement lié à la modernisation du pays. L'article présente les conditions internationales du processus d'adhésion qui a duré environ 9 ans, les aspirations des dirigeants hongrois, la dynamique des interactions de l'OTAN et de ses pays membres avec la Hongrie, ainsi que les circonstances, les principales étapes et l'efficacité de la préparation de la Hongrie. L'étude examine le sujet pour la première fois à partir de sources d'archives, de documents diplomatiques hongrois et français, ainsi que d'entretiens avec d'anciens diplomates hongrois et français et des chefs militaires hongrois.Euro-Atlantic integration was a key goal of Hungarian foreign policy after the regime change in 1989–1990. It was closely related to the modernization of the country. The article presents the international conditions of the approximately 9 year-long accession process, the aspirations of the Hungarian leadership, the dynamics of NATO's and its member countries' interactions with Hungary, as well as the circumstances, main steps and the effectiveness of Hungary's preparation. The study examines the topic for the first time based on archival sources, Hungarian and French foreign policy documents, and interviews with former Hungarian and French diplomats and Hungarian military leaders.
- S'échapper vers l'ouest ? La Pologne en quête de nouvelles alliances, 1989-1991 - Wanda Jarzabek, Wanda Jarzabek p. 81-96 Après 1989, la Pologne a pu décider plus librement des orientations de sa politique étrangère. Elle restait membre du Pacte de Varsovie, l'URSS existait et un nouvel ordre international commençait tout juste à émerger. L'article traite de la politique étrangère polonaise jusqu'à la dissolution de l'URSS. Il cherche à montrer comment Varsovie a profité des changements intervenus dans les relations Est-Ouest pour sortir la Pologne de sa dépendance à l'égard de Moscou et l'ancrer à l'Ouest. La majorité des Polonais était convaincue que c'était la direction à prendre, pensant que le pays appartenait culturellement à la civilisation latine et occidentale et que les liens traditionnels séculaires avec celle-ci avaient été brutalement rompus par les décisions des Trois (Quatre) Grands qui avaient fixé l'ordre international après la Deuxième Guerre mondiale.After 1989 Poland was able to decide more freely about the directions of its foreign policy. It remained a member of the Warsaw Pact, the USSR existed and the new international order was only emerging. The subject of the article is Polish foreign policy in the period to the dissolution of the USSR. The aim is to show how Warsaw used the time of change in East-West relations to pull Poland out of its dependence on Moscow and anchor it in the West. There was a widespread belief that this was the right direction to take, as the majority of Polish society believed that culturally the country belonged to Latin and Western civilization, and that the traditional age-old ties had been brutally broken by the decisions of the Big Three (Four) which fixed the international order after World War II.
- La transformation nucléaire de l'OTAN à la fin de la guerre froide - Leopoldo Nuti, Leopoldo Nuti p. 97-114 L'article examine le processus d'adaptation stratégique qu'a connu l'OTAN à la fin de la guerre froide, entre 1989 et 1992, lorsque sa posture nucléaire a été radicalement modifiée. Il conclut que l'OTAN a fait preuve d'une remarquable capacité d'adaptation et, dans une certaine mesure, a réagi de manière créative à la transformation la plus significative de l'ordre nucléaire mondial depuis la création de l'Alliance. Toutefois, dans le même temps, l'évolution stratégique de l'Alliance tout au long de cette période a montré les limites de l'OTAN ainsi que sa flexibilité, révélant l'importance persistante de la dissuasion nucléaire dans un scénario stratégique en évolution rapide.The article looks at the process of strategic adaptation which NATO went through at the end of the Cold War, between 1989 and 1992 when its nuclear posture was radically altered. It concludes that NATO showed a remarkable capacity to adapt, and to a certain extent to creatively react to the most significant transformation of the global nuclear order since the Alliance's foundation. At the same time, however, the Alliance's strategic evolution throughout this period showed NATO's limits as well as its flexibility, revealing the persistent salience of nuclear deterrence in a rapidly evolving strategic scenario.
- Les fausses promesses de l'Occident ? La diplomatie économique de la fin de la guerre froide - Mattia Ravano, Mattia Ravano p. 115-130 L'article explore les relations économiques entre les principaux pays occidentaux et l'URSS, puis la Russie, durant la transition qui mit fin à la guerre froide. Il remet en question l'idée selon laquelle les pays du G7 ont sciemment abandonné Moscou à un destin de profonde crise économique. Cette étude, en se penchant sur les flux commerciaux et financiers, tente de déterminer les motivations politiques et économiques occidentales vis-à-vis de Moscou. Malgré de nombreuses prises de position qui tentèrent de souligner la divergence entre les États-Unis et ses principaux alliés européens, l'analyse montre une convergence substantielle du front des pays occidentaux en ce qui concerne les politiques bipolaires. L'article souligne que les décisions des gouvernements occidentaux furent davantage influencées par des contraintes politiques et économiques immédiates, surtout internes, plutôt que par une vision géopolitique ou idéologique.The article explores the economic relations between the major Western countries and the USSR, then with Russia, during the transition that ended the Cold War. It challenges the notion that the G7 countries deliberately abandoned Moscow to a fate of economic regression. This study, focusing on trade and financial flows, seeks to determine the political and economic motivations of the West towards Moscow. Despite numerous stances that attempted to highlight the divergence between the United States and its main European allies, the analysis shows a substantial convergence of the Western front concerning bipolar policies. The article emphasizes that the decisions of G7 governments were more influenced by immediate political and economic constraints, especially internal ones, rather than by a geopolitical or ideological vision.
- Les G7 et les relations économiques russo-occidentales après la guerre froide : coopération ou hostilité ? - Noël Bonhomme, Noël Bonhomme p. 131-146 Au cours des années 1990, l'intégration de la Russie au G7 symbolise sa transition économique et politique vers le modèle occidental, traduit la mise en place d'un nouvel ordre international et compense l'élargissement de l'OTAN vers l'est. Cette intégration reste cependant partielle, la Russie ne pouvant être traitée comme une grande puissance sur le plan économique. Celle-ci prend progressivement ses distances à partir de 2006, en se tournant vers les grands émergents, jusqu'à assumer la rupture avec ses anciens partenaires. Ce divorce résulte cependant moins d'une position hostile des « Occidentaux » que de la marginalisation économique et financière de la Russie dans la mondialisation.During the 1990s, Russia's integration into the G7 symbolized its economic and political transition towards the Western model. It shaped the establishment of a new international order, and NATO enlargement in Eastern Europe was balanced by G8 membership for Russia. However, its integration remained incomplete, because Russia was not treated as a great power in the economic field. Russia gradually distanced from the G8 until 2006, turning towards the major emerging countries, and eventually broke with its former partners. Nevertheless, this divorce results less from a hostile position of the « West » than from the economic and financial marginalization of Russia in globalization.
- Sylvain Dufraisse, Une histoire sportive de la guerre froide, Paris, Nouveau monde éditions, 2023, 380 p. - Sylvie Bossy-Guérin, Sylvie Bossy-Guérin p. 153-155