Contenu du sommaire : L'économie mixte et l'aménagement urbain
Revue | Histoire urbaine |
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Numéro | no 68, décembre 2023 |
Titre du numéro | L'économie mixte et l'aménagement urbain |
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Dossier. L'économie mixte et l'aménagement urbain, XXe-XXIe siècles
- Économie mixte et aménagement urbain au XXe siècles : Une histoire balisée, mais un champ à explorer - Julien Aldhuy, Clément Orillard p. 5-15
- La SCET à Nantes : l'économie mixte et la (dé)centralisation dans les années 1960-1970 - Raphaël Frétigny p. 17-32 La Caisse des dépôts et consignations (CDC) a créé en 1955 la Société centrale d'équipement du territoire (SCET), filiale spécialisée dans le service aux Sociétés d'économie mixte (SEM). Cette filiale a joué un rôle majeur dans le développement des SEM dans les années 1960-70 dans le cadre de la politique des grands ensembles. Si la SCET a été un acteur-clé d'une politique très centralisée, la société a également soutenu l'autonomisation des pouvoirs locaux, surtout dans les années 1970. En prenant notamment appui sur le cas de Nantes, cet article explique ce paradoxe en distinguant d'une part le rôle opérationnel de la SCET et d'autre part les circuits de financements que la CDC met à la disposition de sa filiale et des SEM. La libéralisation progressive des circuits de financement du développement urbain à partir du milieu des années 1960 a poussé la SCET à développer des dynamiques partenariales avec les pouvoirs locaux. Ce cas montre ainsi le poids des dynamiques financières dans les mutations de l'économie mixte et de la gouvernance urbaine en France.In 1955, the Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) created the Société centrale d'équipement du territoire (SCET), a subsidiary specialising in services for sociétés d'économie mixte (SEMs; companies with mixed public and private ownership). The SCET played a major role in the development of SEMs in the 1960s-70s, as part of the policy of building large housing estates. While the SCET was a key player in a highly centralised policy, the company also supported the empowerment of local authorities, especially in the 1970s. Drawing on the case of Nantes in particular, this article explains this paradox by distinguishing between the SCET's operational role, on the one hand, and the financing channels made available by the CDC to its subsidiary and the SEMs, on the other. The gradual liberalisation of urban development financing circuits from the mid-1960s onwards led the SCET to build partnerships with local authorities. This case study illustrates the influence of financial dynamics on changes in the mixed economy and urban governance in France.
- Paribas et l'économie mixte locale : un réseau pionnier au service d'un développement dans l'immobilier - Clément Orillard p. 33-54 Si l'importance du groupe public de la Caisse des dépôts et consignations dans le développement massif des opérations d'urbanisme en France à partir des années 1950 est reconnue, l'implication d'un autre groupe financier, la Banque de Paris et des Pays Bas, nom officiel de Paribas, l'est beaucoup moins. Acteur privé majeur de l'histoire bancaire, il a participé dès l'entre-deux-guerres à la naissance de l'économie mixte locale. Après la guerre, les archives de Paribas montrent que la banque se lance dans un développement frénétique de filiales spécialisées dans l'immobilier. Parmi celle-ci, elle constitue un réseau pionnier de sociétés d'économie mixte municipales ou intercommunales s'occupant d'abord de construction de logement avant que certaines soient spécialisées en aménagement. Le réseau de Paribas a ainsi piloté des opérations d'aménagement publiques dans plus d'une vingtaine d'agglomérations de tailles très différentes mais très majoritairement de droite. Comme le montre les cas de Vélizy, Dijon et Tours, sa force était d'être très intégré et de pouvoir s'appuyer sur les autres filiales de Paribas, notamment les bureaux d'études en construction ou en aménagement.While the importance of the state-owned Caisse des Dépôts et Consignations in the significant increase of urban developments in France from the 1950s is recognised, the involvement of another financial group, the Banque de Paris et des Pays Bas (better known simply as ‘Paribas'), is much less so. During the interwar period, Paribas, a major private sector bank, participated in the birth of the ‘local mixed economy sector'comprising companies combining private and public ownership. The archives of Paribas show that, after the war, it embarked on a frenetic developmentof subsidiaries specialised in real estate. Among these was a pioneering network of municipal or inter-municipal SEMs dealing first with housing construction, before some went on to specialise in urban development. This network piloted urban planning projects for municipalities in more than twenty cities of very different sizes although the majority were right-wing. As the case studies of Vélizy, Dijon and Tours show, the strength of this network was that it was very integrated and could rely on other Paribas subsidiaries, in particular construction or planning consultant firms.
- Albert Denvers, l'État et la SEDN : politique urbaine fragmentée et économie mixte à Dunkerque dans les années 1960 - Olivier Ratouis p. 55-75 Dans les années 1960, l'implantation de la sidérurgie sur l'eau et l'aménagement de la grande ZUP des Nouvelles Synthes, paraît trouver à Dunkerque le terrain idéal du dirigisme d'État. La création de la société d'économie mixte SEDN en aurait été l'outil. Pourtant, une autre lecture peut être faite. Présidée par le député, conseiller général du Nord et maire de Gravelines Albert Denvers, une rupture dans la fabrication de la ville après la Reconstruction qui suit la Seconde Guerre mondiale apparaît avec la mise en place d'un accord négocié entre acteurs de l'aménagement. Denvers, qui est en outre président de la Fédération des offices HLM et des offices HLM locaux, trouve avec la SEM SEDN un outil adapté au morcellement administratif de l'État comme aux capacités limitées de la Chambre de commerce et d'industrie locale, pour faire lien entre un développement économique exceptionnel et une forte expansion urbaine, en instaurant un type de municipalisme au second degré.In the 1960s, the establishment of the steel industry on the coastline and the development of the large housing complex ‘ZUP des Nouvelles Synthes' seemed to make Dunkirk an ideal terrain for the French State's dirigisme, led by the creation of the SEDN (a société d'économie mixte). Yet another interpretation can be made. After the post-War reconstruction, a break occurred in the city's development, with the brokering of an agreement between urban development stakeholders. This agreement was spearheaded by Albert Denvers, who served as a member of Parliament, general councilor of the North, and mayor of Gravelines. Denvers, who was also president of the Federation of HLM offices and local HLM offices, found the SEDN to be an instrument adapted to the administrative fragmentation of the French State and the limited capacities of the local Chamber of Commerce and Industry. It could make the link between exceptional economic growth and strong urban expansion, by establishing a type of second-degree municipalism.
- La SEMAEC de 1965 à 1980 : « Pilote » de l'opération d'urbanisme du Nouveau Créteil - Laurent Coudroy de Lille p. 77-96 L'itinéraire de la SEMAEC montre certains aspects originaux de l'Économie mixte dans les années 1960-1970. Alors que dans le reste de la France, c'est la Caisse de dépôts et consignations qui soutient financièrement ce type de montage, c'est avec l'appui important du capital bancaire privé que cette société est créée en 1966 pour réaliser l'opération d'urbanisme de Créteil, nouvelle préfecture du Val-de-Marne, en région parisienne.Sa trajectoire jusqu'au début des années 1980 montre comment ses hommes et principes fondateurs traversent la conjoncture : une intense activité programmatique puis d'aménagement durant les dix premières années, puis un effondrement d'activité lié à la crise de l'immobilier déclenchée par la crise des années 1970, avant une redéfinition sous la tutelle d'une municipalité passée à gauche en 1977, équilibre persistant encore aujourd'hui.L'urbanisme et les paysages du Nouveau Créteil sont durablement marqués par ces événements. Si la singularité originelle de la SEMAEC, associant ancrage local et capital privé, est forte, le soutien constant de l'État donne aussi à cette trajectoire une certaine ambiguïté.The itinerary of the SEMAEC highlights unique aspects of the mixed economy of the 1960s and 1970s. While in the rest of France, the Caisse des Dépôts et Consignations gave financial support to this type of arrangement, the SEMAEC was created in 1966 with significant support from private banking capital and tasked with developing the city of Créteil, the new prefecture of the Val-de-Marne département, in the Paris region.The SEMAEC's trajectory until the early 1980s shows how its founders and guiding principles weathered the economic situation: intense planning and then development activity during the first decade, then a collapse in activity linked to the real estate downturn triggered by the 1970s economic crisis, followed by a redefinition under the supervision of a municipality that shifted to the left in 1977 – a balance that continues even today.The town planning and landscapes of ‘Nouveau Créteil' were lastingly shaped by these events. While the SEMAEC's unique profile, combining local roots and private capital, was strong, the constant support of the French central government also lent a certain ambiguity to its trajectory.
- La SODÉDAT 93 dans la ZAC Basilique de Saint-Denis. Une SEM départementale en mission pour l'architecture (1974-1994) - Sébastien Radouan p. 97-122 La SEM départementale SODÉDAT 93 mène de 1974 à 1994 une action significative dans l'aménagement des villes de la Seine-Saint-Denis, qualifié par son directeur, Jean-Pierre Lefebvre, de « laboratoire urbain ». Militant du parti communiste français (PCF) et originaire de Seine-Maritime, ce dernier est proche de Roland Leroy, dirigeant influent de l'organisation politique, qui agit, dans un souci de démocratie, en faveur de son ouverture, en y affirmant le rôle des praticiens et en particulier des artistes. « Don Quichotte » de l'architecture, comme il se raconte dans un livre en guise de bilan Une expérience d'écologie urbaine, Jean-Pierre Lefebvre en appelle en Seine-Saint-Denis à la liberté de création des architectes pour fonder une « nouvelle urbanité» dans ce département, marqué depuis les années 1960 par la construction des grands ensembles et l'urbanisme de dalle. Faisant le bilan de son action, le directeur de la SODÉDAT considère la zone d'aménagement concerté (ZAC) Basilique de Saint-Denis comme « exemplaire par la démarche et le résultat ». Cette ZAC témoigne du rôle à la fois politique et culturel que peut jouer ce type d'organisme au tournant des années 1980 dans les opérations d'urbanisme.Described by its director, Jean-Pierre Lefebvre, as an ‘urban laboratory', SODÉDAT 93 played a significant role in the urban development of the Seine-Saint-Denis département from 1974 to 1994. Originally from Seine-Maritime, Lefebvre was a member of the French Communist Party (PCF). He was close with Roland Leroy, a PCF leader who, in the interests of open society and democracy, supported practitioners and especially artists. A self-styled ‘Don Quixote' of architecture, Jean-Pierre Lefebvre worked with SODÉDAT to liberate architects' ‘creativity' in an area known since the 1960s for the construction of large housing estates and urban regeneration based on the massive use of concrete. In his book Une expérience d'écologie urbaine (‘an urban ecology experiment'), in which Lefebvre reviews his work as director of SODÉDAT, he describes the Basilique development area in Saint-Denis as ‘exemplary in its approach and results'. This ZAC (urban development area) in the vicinity of the St Denis Basilica demonstrates the political and cultural role that SEMs like SODÉDAT played in urban development projects in the early 1980s.
- Les entreprises publiques locales au début du xxie siècle : Un paysage et des logiques d'action en recomposition - Joël Idt p. 123-144 Les Entreprises Publiques Locales (EPL) ont été des acteurs clefs de l'aménagement urbain en France tout au long de la seconde moitié du xxe siècle. Cet article met en évidence leurs principales évolutions dans la période plus récente, depuis le début des années 2000. À partir d'entretiens et d'un travail documentaire, nous retraçons les grandes tendances de recomposition de ces entreprises, avec en particulier la création des Sociétés Publiques Locales (SPL) aux cotés des anciennes Sociétés d'Économie Mixte (SEM). Nous montrons que les évolutions de ces structures ont été marquées par un fort décloisonnement entre l'amont (la planification urbaine et l'aménagement) et l'aval (la construction et la gestion) de la filière. Nous montrons enfin que les transformations des Entreprises Publiques Locales reflètent la montée en puissance des dynamiques de structuration intercommunale sur la période, en même temps qu'elles restent paradoxalement des outils aux mains des maires pour contrôler l'aménagement de leur commune.In France, entreprises publiques locales (EPLs, companies owned by local government) were key players in urban development throughout the second half of the 20th century. This paper explains their main changes in more recent times, since the early 2000s. Based on interviews and documentary research, we highlight the main trends in the reorganisation of these companies, in particular the creation of sociétés publiques locales (SPLs) alongside the former sociétés d'economie mixte (SEMs). We show that the changes reflect a sharp reduction in barriers between the upstream (urban planning) and downstream (construction and management) segments of the urban development sector. Finally, we show that the transformations of these EPLs reflect the increasing power of inter-municipal government bodies over the period, while at the same time, paradoxically, they remain instruments in the hands of mayors to control urban development in their municipalities.
Études
- Les heures locales : horloges de rue et espace urbain à l'époque moderne (Paris, XVIIe-XVIIIe siècles) - Louis Georges p. 145-162 Le privilège donné par les historiens des techniques à la singularité de l'objet horloger a amené l'historiographie à voir dans l'horlogerie privée le moteur de la diffusion du temps mécanique à l'époque moderne, masquant les modes d'acquisition majoritaires de l'heure, dont les horloges de rue. Cet article entend interroger la géographie, la disponibilité et la gestion de celles-ci à Paris aux XVIIe et XVIIIe siècles. En se fondant sur les archives des fabriques de paroisses, il argue que la production de l'information horaire ordinaire relève davantage de logiques pratiques de pouvoirs politiques locaux que d'un cadre technique et normatif. Les horloges de rue produisent une géographie signalétique et sont marquées par l'économie des fabriques qui en délèguent longtemps la gestion aux bedeaux et sacristains. Une approche urbaine de l'heure permet de concevoir sa relation à l'espace local, sa valeur signalétique pour des corps politiques concurrents, et rappelle que les vingt-quatre heures du jour, loin de former un cadre de vie anhistorique, sont le produit d'actions en société.Within an historiography of timekeeping dominated by technological and economic narratives, domestic clocks and watches have been held as the main cause of the diffusion of horology within early-modern European societies. Shifting the focus toward street timepieces, this article aims to grasp the location, the supervision and the ordinary maintenance of parish clocks in Pars in the 17th and 18th centuries. Based on churchwardens' accounts, it argues that the display of clock time had more to do with local practices than technological or normative considerations. Public clocks produced a geography of hour-information, but were often neglected by parishes, leading to them being criticised by private clockmakers. An urban approach to timekeeping allows for a critique of the technological narrative of clock time: for early-modern Parisians, time was deeply embedded in a local space and depended on the signage politics of a deeply polycentric city.
- Les heures locales : horloges de rue et espace urbain à l'époque moderne (Paris, XVIIe-XVIIIe siècles) - Louis Georges p. 145-162
In memoriam
- Jean-Louis Cohen (1949-2023) : historien de l'architecture et de l'urbanisme - Corinne Jaquand, Laurent Coudroy de Lille, Olivier Ratouis p. 163-168
- Hommage à Hubert Biscaye - p. 169-171
Événements
- Urban History : La revue a 50 ans - Laurent Coudroy de Lille, Cédric Feriel, Rosemary Sweet, Roseamary Wakeman p. 173-183