Contenu du sommaire : L'art du combat spontané

Revue L'Homme et la société Mir@bel
Numéro no 219, 2023/2
Titre du numéro L'art du combat spontané
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  • Éditorial

  • Dossier

    • L'art du combat spontané : vers une reconfiguration des luttes sociales ? - Ivan Sainsaulieu, Alexandre Rodrigue Mbassi, Manuel Cervera-Marzal p. 15-36 accès réservé
    • Les primo-manifestants de l'estallido chilien en 2019 : Spontanéité disruptive et politisation latente - Carolina Aguilera, Emmanuelle Barozet, Nicolás Angelcos, Vincente Espinoza, Francisca Gutiérrez Crocco, Daniela Jara, Violeta Montero p. 37-70 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article examine la façon dont l'explosion sociale ( estallido social) de 2019 au Chili pose la question de l'(in)organisation et de la spontanéité de l'action collective. Nous décrivons et analysons la séquence des mobilisations sociales, en nous concentrant sur les primo-manifestants. Nous étudions la participation de ce groupe sous deux angles : d'une part, leur (in)organisation et l'absence de leadership, et d'autre part, les cadres latents et émergents qui les ont motivés à descendre dans la rue. Cet article est fondé sur le matériel recueilli par le groupe de recherche Escucha Activa du Centre d'Études sur la Cohésion Sociale et les Conflits (COES) entre janvier et août 2020, composé d'un groupe délibératif et de 47 entretiens avec les primo-manifestants de l'explosion sociale.
      We examine how the social outburst in Chile in 2019 raises the question of collective action's (in)organisation and spontaneity. We describe and analyse the sequence of social mobilisations, focusing on first-time demonstrators. We study the participation of this group in the outburst from two dimensions: on the one hand, its (in)organisation and lack of leadership and, on the other hand, the latent and emerging frames that motivated them to take to the streets. This paper uses the material collected by the Escucha Activa research group of the Center for Social Cohesion and Conflict Studies (COES) between January and August 2020, consisting of a deliberative group and 47 interviews with first-time protesters of the outburst.
    • Les ouvriers sont-ils nationalistes ? : Mobilisation nationale et politisation spontanée en Ukraine - Denys Gorbach p. 71-100 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article interroge la nature spontanée de la politisation des ouvrier·ère·s habitant une région russophone ukrainienne. Leur mobilisation face à l'invasion russe récente est d'autant plus paradoxale que la ville en question a toujours été considérée comme « pro-russe », et que la population locale n'a pas ressenti d'intérêt pour la politique. En s'appuyant sur un travail de terrain mené entre 2018 et 2022, l'auteur montre qu'aucune idéologie ne prend racine parmi les ouvrier·ère·s, qui se méfient du monde de la politique. Pourtant, ils et elles instrumentalisent les structures et les récits politiques pour les mettre au service de leurs stratégies individuelles de distinction et d'accumulation de différents types de capital. Cela dit, l'article montre l'existence de structures et mécanismes sociaux qui rendent possibles les pratiques solidaires, même lorsqu'elles passent inaperçues par les ouvrier·ère·s elles et eux-mêmes.
      This paper questions the spontaneous nature of the politicisation of workers living in a Russophone region of Ukraine. Their mobilisation against the latest Russian invasion is especially paradoxical since their city has always been considered pro-Russian, and the local population did not have any interest for politics. Relying on the fieldwork conducted between 2018 and 2022, the author shows that no ideology is able to take roots among the workers, who distrust politics. Nevertheless, they instrumentalise political structures and narratives in the pursuit of their individual strategies of distinction and of accumulation of various types of capital. That being said, the paper shows the existence of social structures and mechanisms that enable solidary practices even though they often remain unnoticed by the workers themselves.
    • Centralité de la spontanéité dans les mobilisations contemporaines contre les injustices - Réjane Sénac p. 101-128 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      En quoi l'analyse de ce qui fait « commun » dans les mobilisations contemporaines contre les injustices interroge-t-elle la place de la spontanéité dans les luttes sociales en France ? Nous répondrons à cette question à partir d'une enquête qualitative, menée en 2019-2020, auprès de 130 responsables d'association et d'activistes pour la justice sociale et écologique, contre le racisme, le sexisme et/ou le spécisme. Dans ces mobilisations, la réhabilitation d'une radicalité politique rend centrale une « spontanéité disruptive », au sens où elle n'est pas une étape à dépasser, mais un processus toujours à actualiser. Ces mobilisations allient la dénonciation des inégalités dans leurs causes structurelles et l'attachement à une fluidité dans le « qui », le « quoi », le « comment » et le « quand » de l'émancipation. La volonté de se déprendre du risque de recomposition de hiérarchies dans les luttes s'exprime en effet par une méfiance vis-à-vis de tout cadrage déterminé a priori et de manière stable, que cela soit d'un point de vue organisationnel, idéologique ou en termes de temporalité de l'engagement.
      How does the analysis of what makes “common” in contemporary mobilisations against injustices address the place of spontaneity in French social struggles? We will answer this question from a qualitative survey conducted in 2019-2020 of 130 association officials and activists on social and environmental justice, fight against racism, sexism and /or speciesism. In these mobilisations, the rehabilitation of a political radicality makes central a “disruptive spontaneity”, whose specificity is that it is not conceived as a stage to be overcome, but as a process to be actualised. These mobilisations combine a denunciation of inequalities that goes back to their root causes with an attachment to fluidity concerning the “who”, the “what”, the “how” and the “when” of emancipation. Indeed, they counter the risk that hierarchies might be reconstituted within their struggles by mistrusting any pre-determined and fixed framing at the levels of organisation, ideology, and temporality of commitment.
    • Le politique est dans la place : La dynamique de la spontanéité dans les mouvements 15M, Gezi, Nuit debout - Arthur Guichoux p. 129-166 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Pour qui refuse de réduire la démocratie au gouvernement représentatif, les mouvements d'occupation de places comme le 15M (Espagne, 2011), Gezi (Turquie, 2013) et Nuit debout (France, 2016) constituent un gisement d'expériences précieux. Souvent présentés à l'aune du renouveau et de l'inattendu, ces rassemblements protestataires posent la question de la spontanéité des mouvements sociaux à travers leur contexte d'émergence, le rôle des collectifs pionniers et l'influence des parcours d'engagement. Davantage que des mouvements structurés dans le temps, les occupations de places renvoient à des espaces fluides où circulent novices et virtuoses de la contestation. La mise en regard des expériences individuelles retrace comment les mobilisations « prennent » et échappent aux groupes qui les initient sous l'effet conjugué de la surprise et du retour de flamme répressif. Le texte dialogue ensuite avec les analyses théoriques de la « démocratie de la place publique » et nuance le prisme délibératif souvent apposé sur les « mouvements de places ». Ce qui se joue sur les places espagnoles, turques et françaises tient davantage à l'expression d'un refus collectif de celles et ceux qui partagent la condition de gouvernés que d'une revendication d'autogouvernement, ce qui n'enlève rien à la portée politique de ces actions contestataires.
      Who refuses to reduce democracy to representative government, “square movements” such as 1 5M (Spain, 2011), Gezi (Turkey, 2013) and Nuit debout (France, 2016) are a rich source of experience. Acknowledging their spontaneous nature should not lead us to underestimate the context of their emergence, the role of ad hoc collectives and the influence of the pathways of engagement. More than movements structured in time, the occupations of squares refer to fluid spaces where novices and virtuosos of protest circulate. The comparison of individual experiences allows us to trace how mobilisations “take hold” and escape the groups that initiate them, under the combined effect of surprise and repressive backlash. The paper goes on to discuss theoretical analyses of the “democracy of the public square”, and qualifies the deliberative prism often applied to “square movements”. What is happening in the squares of Spain, Turkey and France is more the expression of a collective refusal on the part of those who share the condition of being governed than a demand for self-government, which in no way removes the political significance of these protest actions.
    • Le barrage et l'émeute : Interdépendance des répertoires d'action collective et construction militante de la spontanéité en Guadeloupe - Pierre Odin p. 167-194 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article interroge la construction militante de la spontanéité, en prenant pour exemple le rôle du syndicalisme guadeloupéen et les mobilisations d'ampleur en opposition à l'obligation vaccinale et aux restrictions sanitaires qui se sont déroulées en Guadeloupe au cours des mois de novembre et décembre 2021. Partant d'un travail d'observations  in situ et d'entretiens auprès de syndicalistes, cette contribution pointe la façon dont le travail d'encadrement syndical tente de répondre au recours à l'action spontanée de groupes mobilisés étrangers au syndicalisme. On analyse notamment le degré d'interdépendance entre les formes d'actions désignées comme conventionnelles (barrages routiers) et violentes (affrontements et émeutes) qui se succèdent dans le cadre de ce mouvement.
      This paper examines the militant construction of spontaneity, taking as an example the role of Guadeloupean trade unionism in the large-scale mobilisations in opposition to mandatory vaccination and health restrictions that took place in Guadeloupe in November and December 2021. Based on in situ observations and interviews with trade unionists, this paper highlights the way in which trade union management attempts to respond to the use of spontaneous action by mobilised groups that are foreign to trade unionism, by analysing in particular the degree of interdependence between the forms of action designated as conventional (roadblocks) and disruptive (confrontations and riots) that succeeded one another in the context of this movement.
  • Débats & Perspectives

    • La production politique du vrai au XXIe siècle - Bernard Hours p. 197-210 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article s'interroge sur les conditions de production de la vérité en politique à l'heure d'une crise manifeste des systèmes politiques auparavant qualifiés de démocratiques. Dans une première partie est analysé le développement de fake news et de vérités alternatives, c'est-à-dire de vrais mensonges faisant vérité par la seule puissance de leur énoncé et de sa diffusion. L'afflux d'émotions morales est ensuite abordé à partir du ressort de l'indignation morale, qui tend à se substituer à la contestation politique et sociale sous l'emprise d'une interdépendance vertueuse qui produit des marchandises morales partagées. On observe enfin que le citoyen politique fait place à un citoyen du marché, le citoyen consommateur, doté d'un pouvoir d'achat, dans un capitalisme des parties prenantes où le marché fait société en dictant les normes. Outre la soumission par le marché, apparaît une aliénation numérique spécifique de capture de l'attention de citoyens numériques, dont la nature renvoie à une autre démocratie, celle du marché des parties prenantes, de l'environnement, des réseaux sociaux, qui modifie l'espace, le champ, la nature du débat démocratique, le sens et la complexité de la vérité politique.
      This paper questions the conditions for the production of truth in politics at a time of manifest crisis in political systems previously described as democratic. In the first part is analysed the development of fake news and alternative truths, that is to say real lies that make truth by the sole power of their statement and its dissemination. The influx of moral emotions is then approached from the spring of moral indignation, which tends to replace political and social contestation under the influence of a virtuous interdependence which produces shared moral goods. Finally, we observe that the political citizen gives way to a citizen of the market, the consumer citizen, endowed with purchasing power, in a capitalism of stakeholders where the market makes society by dictating standards. In addition to submission by the market, there appears a specific digital alienation of capturing the attention of digital citizens, whose nature refers to another democracy, that of the market of stakeholders, the environment, social networks, which modifies the space, the scope, the nature of democratic debate, the meaning and complexity of political truth.
  • Notes critiques

  • Comptes rendus