Contenu du sommaire : Racisme, racialisation et production de l'espace

Revue Espaces et Sociétés Mir@bel
Numéro no 190, 2023/3
Titre du numéro Racisme, racialisation et production de l'espace
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  • I - Racisme, racialisation et production de l'espace

    • Éditorial. Racisme, racialisation et production de l'espace - Fatiha Belmessous, Maurice Blanc, Stefan Andreas Kipfer p. 9-19 accès libre
    • Ethnicisation ordinaire et relogement de bidonvilles : construire et gérer un « village d'insertion rom » en banlieue parisienne - Elise Roche p. 21-40 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article aborde comment l'usage de la catégorie Rom pour désigner les habitants d'un bidonville constitue un élément de décision de le résorber. En quoi cette catégorie est-elle constitutive des modalités de relogement ? Partant de ces questions, l'analyse se fonde en particulier sur l'étude d'un cas de résorption de bidonville en région parisienne, à Saint-Denis (93), dans les années 2010. En s'inspirant des travaux de Nancy Fraser relatifs aux théories de la justice (justice redistributive et justice par reconnaissance), cette étude établit la façon dont le projet initial d'une municipalité visant à offrir des logements dignes à des habitants de bidonvilles conduit  in fine à produire des habitations spécifiques. Elle entend ainsi contribuer à montrer comment le traitement ethnicisant des bidonvilles, hier comme aujourd'hui, aboutit à produire des logements spécifiques et à routiniser des politiques discriminatoires.
      This article explores how the use of the category “Roma” to define the inhabitants of a slum is a factor in the decision to clear it and in the rehousing options chosen. The analysis is based in particular on a case study of a slum clearance conducted at Saint-Denis in the Paris region (93) in the 2010s. Drawing on Nancy Fraser's work relating to the theories of distributive and recognition justice, this study establishes how a municipality's initial plan to provide decent housing for slum dwellers ultimately results in the production of a specific type of housing. The article thus seeks to illustrate how the racializing treatment of slums, both in the past and today, leads to the production of specific types of housing and the routinization of discriminatory policies.
    • Les mécanismes du racisme structurel perçus à travers la politique d'accueil des gens du voyage en France - Gaëlla Loiseau p. 41-61 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article s'intéresse à l'implantation des aires d'accueil des gens du voyage en France, à partir d'une analyse cartographique à l'échelle nationale et d'une enquête sociologique menée sur quatre départements entre 2020 et 2021. Après une mise en perspective des modalités de l'antitsiganisme, il décrit les processus et arbitrages qui conduisent les pouvoirs publics à choisir des sites éloignés ou exposés à une multitude de nuisances environnementales pour implanter les aires d'accueil des gens du voyage en France. Le processus de création de ces équipements est guidé par une logique destructive qui met en péril l'insertion de ces populations, mais également la santé des voyageurs qui y résident.
      This article looks at the location of Traveller settlement sites in France, based on a nationwide cartographic analysis and a sociological survey conducted in four départements between 2020 and 2021. After providing context on the nature of antigypsism, it describes the processes and choices that lead public authorities to allocate sites that are remote or exposed to multiple negative environmental conditions as settlement areas for Travellers in France. The process of creating these facilities is guided by a destructive rationale that jeopardizes both the integration of these populations and the health of the communities that live there.
    • Ciblage policier d'un quartier populaire et racialisation. Comment une action publique spatialisée rend la race saillante - Guillaume Roux p. 63-79 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Comment est-ce que les habitants d'un quartier urbain et populaire, membres de minorités racialisées, caractérisent et interprètent leur expérience avec la police ? Partant de cette question, l'article vise à montrer comment l'expérience avec la police des habitants de Mistral, un quartier populaire de Grenoble, rend saillante la dimension de l'espace et façonne la réalité vécue du quartier mais aussi, à travers elle, de la race. L'analyse d'un dispositif institutionnel spatialisé, le ciblage policier d'un quartier populaire, façonne l'expérience de l'espace à l'échelle du quartier, et rend saillante à travers elle, la race comme catégorie de sens commun, c'est-à-dire participe d'une racialisation. L'article éclaire ainsi la coproduction de l'espace et de la race par ce dispositif vu, par les habitants de Mistral, comme infériorisant et stigmatisant. L'étude s'appuie sur l'analyse d'une trentaine d'entretiens biographiques réalisés entre 2016 et 2017.
      How do racial minorities in a banlieue urban neighbourhood describe and interpret their relations with the police? This article seeks to show how their relations with the police shape the way that the inhabitants of Mistral, an inner suburb area of Grenoble, experience their neighbourhood in a manner that highlights not just spatial and territorial – but also racial – identities. It analyses how police targeting of an urban neighbourhood shapes the experience of space at local level and, through this experience, shines a spotlight on race and hence contributes to a process of racialization. Based on thirty in-depth biographical interviews (2016-2017), the article draws attention to the co-production of race and space by police actions, which are initially seen by the interviewees as legitimate but come to be interpreted as demeaning and stigmatizing in both racial and spatial terms.
    • La dimension spatiale des luttes contre les « crimes racistes » à Lyon au début des années 1980 - Foued Nasri p. 81-97 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article analyse la formation d'un espace incarnant le mouvement de contestation autour des « crimes racistes » au sein de l'agglomération lyonnaise au début des années 1980. Il se focalise sur Zaâma d'Banlieue, un collectif féminin et composite ancré dans le quartier central de la Croix-Rousse, qui entend mobiliser les jeunes « français et immigrés » contre les déviances policières et/ou les « crimes racistes ». Son action consiste à soutenir les luttes locales et à organiser des événements protestataires à Lyon visant à conférer une centralité géographique et symbolique à un groupe et à une cause illégitimes. Nous éclairons ici la mobilisation des ressources dans la formation de l'espace protestataire en portant une attention singulière aux capitaux d'autochtonie, d'une part, et aux circulations qui se déploient dans le sillage des trajectoires résidentielles et des mobilités professionnelles de certains membres de Zaâma, d'autre part.
      This article analyses the emergence of a space of contention in resistance to “race crimes” in the Lyon area in the early 1980s. It focuses on Zaâma d'Banlieue, a plural women's group based in a central district called “la Croix-Rousse,” which sought to engage young people, both “French and immigrants”, in opposition to police abuse and/or “race crimes.” Its work consisted in supporting local resistance and organizing protest in Lyon with the aim of bringing geographical and symbolic prominence to an illegitimate category and cause. The article seeks, on the one hand, to cast light on how resources were deployed to shape a space of contention by mobilizing the symbolic capital authenticity, and on the other hand to show how ideas circulated through the residential trajectories and professional mobilities of certain members of Zaâma.
    • Futurité blanche en crise à Montréal : temps et espaces de la gestion de la race - Leïla Benhadjoudja, Ted Rutland p. 99-113 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article porte sur la géographie de la futurité blanche au Québec, autour du cas de la ville de Montréal. Par ce concept, qui rend compte de la manière dont la blanchité est construite par rapport à l'avenir et comment l'imagination du futur façonne les discours et les pratiques raciales actuels, notre but est de saisir la gestion de la race dans ses dimensions temporelles et géographiques. Nous proposons alors une analyse générale de la futurité blanche et de la manière dont des crises de cette futurité ont émergé au Québec à partir des années 1970. Ces crises sont liées à l'augmentation des flux de migrations globaux, mais s'expliquent aussi par le déclin de la natalité blanche. Nous examinons ensuite deux moments qui mettent en évidence comment les altérités noire et musulmane sont mobilisées comme étant opposées à la blanchité et construites comme mettant en péril son futur.
      This article examines the geography of white futurity in Quebec, specifically in the city of Montreal. The subject of a growing literature, the concept of white futurity captures how whiteness is constructed in relation to the future and how the imagination of the future shapes racial discourses and practices in the present. Using this concept, we analyze the management of race in both its temporal and geographical dimensions. This is undertaken empirically by examining how a series of crises of white futurity erupted in Quebec from the 1970s onward. These crises, we show, were linked to changes in global migration flows, but also to dynamics internal to the dominant white francophone population itself, including a declining birth rate and anxieties about Quebec's collective values in a period when the Quebec sovereignty movement was in decline. These crises, visible in public debates, had major real-world effects in Black and Muslim communities, where new images of the threatening Other emerged and new social and spatial practices were implemented to keep this otherness at bay and preserve a white future that they seemed to imperil.
    • La construction d'un « habitus blanc » : le cas des quartiers de la Goutte d'Or et de La Chapelle - Charlotte Corchète p. 115-131 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À la suite d'une polémique liée à des problématiques genrées et ethno-racialisées, cet article s'intéresse à la construction d'un habitus blanc au sein d'un quartier parisien diversifié ethno-racialement, les quartiers de La Chapelle et de la Goutte d'Or. Basé sur une recherche ethnographique menée par observation participante et entretiens semi-directifs (2019-2020), il analyse spécifiquement les discours et les pratiques des habitantes blanches de ce quartier par rapport à certains hommes ethno-racialisés. Les résultats montrent que cet habitus est produit par la construction de frontières symboliques et sociales qui maintiennent des espaces racialisés et se manifestent sous plusieurs formes : par des espaces de socialisation homogènes, par une attitude ambiguë par rapport aux aspects exotiques et dangereux du quartier et par une adhésion ambivalente à des valeurs communes.
      Following a controversy relating to gendered and ethno-racial issues, this article focuses on the construction of a “white habitus” within an ethno-racially diverse Parisian neighbourhood, “La Chapelle and La Goutte d'Or.” Based on ethnographic research conducted through participant observation and semi-structured interviews, the article specifically analyses the discourses and practices of white female residents of this neighbourhood in relation to certain ethno-racialised men. The findings show that this habitus is produced by the formation of symbolic and social boundaries that maintain racialised spaces. These boundaries manifest themselves in several forms: through homogeneous spaces of socialisation, by an ambiguous attitude towards the exotic and dangerous aspects of the neighbourhood and through an ambivalent adherence to shared values.
    • Gentrifier l'altérité : diversité et blanchité dans les restaurants du quartier du canal Saint-Martin à Paris - Jiyoung Kim p. 133-149 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le phénomène de gentrification rime souvent avec l'éloge de la « mixité sociale » des habitants, ainsi que de la « diversité » des commerces de proximité. Dans ce contexte, comment cette dernière est-elle construite et travaillée par les entrepreneurs ? À partir d'une enquête de terrain menée entre 2017 et 2020 sur les restaurants du quartier du canal Saint-Martin, situé dans le Xe arrondissement de Paris, l'article a pour but de mettre en lumière le processus de construction de la diversité, allant de pair avec la construction d'une altérité (in)acceptable. Nous étudions d'abord le travail de blanchité réalisé par les entrepreneurs minoritaires racisés qui ouvrent un restaurant représentant leur propre origine ethnique et/ou nationale. En tant que groupe minoritaire dans l'Hexagone, l'identification entre leur origine et l'offre culinaire oscille entre les frontières internes et externes d'une conception de soi traversée par l'expérience du racisme. Contrastant avec cette première vision, l'article s'intéresse ensuite au travail réalisé par les entrepreneurs blancs, racialisés comme groupe majoritaire et issus de classes supérieures, qui ouvrent des restaurants dont les offres culinaires représentent une culture « extra-occidentale ». Ce contraste permet d'élucider le mécanisme de la construction d'une altérité (in)acceptable, qui s'articule avec les rapports sociaux de classe et de race.
      Gentrification often goes hand in hand with positive rhetoric about a socially mixed population and local business diversity. This raises the question of how diversity is applied and practiced by entrepreneurs. Drawing on a case study on restaurants in the Canal Saint-Martin neighbourhood in Paris, this article sheds light on the ongoing process of constructing diversity, entailing the production of an (un)acceptable otherness. It begins by looking at the effort of whiteness undertaken by restaurant owners from racialised minorities who supply dishes representing their own ethnic or national origin. As a minority group in France, the identification between their origins and the food they supply fluctuates between the internal and external boundaries of a conception of self based on the experience of racism. From a contrasting perspective, the article goes on to look at the work undertaken by White restaurant owners, racialised as a majority group from a more privileged social background, who open restaurants that propose dishes representing “extra-occidental” culinary culture. This contrast elucidates the mechanism involved in the construction of an (un)acceptable otherness, which reflects social relations of class and race.
    • Spatialité racialisante et (im)mobilités professionnelles : carrières humanitaires en Afrique de l'Ouest et au Sahel - Verena Richardier p. 151-168 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article vise à comprendre un régime de spatialité racialisante qui agit sur la répartition géographique et la mobilité professionnelle des travailleurs humanitaires africains en Afrique de l'Ouest et au Sahel. La recherche est construite à partir d'entretiens biographiques menés avec des personnes en début de carrière et avec d'autres plus expérimentées, ainsi qu'à partir de l'observation des stratégies d'apprenants d'une « école d'humanitaire » à Dakar. Différents types de mouvements s'articulent autour d'une hiérarchisation mouvante des espaces, dépendante des moments de carrières, mais aussi de vestiges postcoloniaux, tour à tour déconstruits, renforcés ou reconfigurés. L'espace étudié est relationnel, il rend compte du rapport entre des lieux et la place professionnelle dans la chaîne des acteurs de l'aide humanitaire.
      This article seeks to understand a system of racializing spatiality that influences the distribution of African aid workers in West Africa and the Sahel and their geographical and professional mobility. The research is based on biographical interviews both with people starting out on their careers and with experienced people, as well as on the observation of learners' strategies in a “humanitarian school” in Dakar. Various types of interlinked movements emerge around a shifting hierarchy of spaces. This hierarchy depends on career stages, but is also the product of postcolonial vestiges which are in turn deconstructed, reinforced or reconfigured. The space studied is relational and reflects the connections between locations and professional position in the chain of humanitarian aid actors.
  • II - Traduction

  • III - Compte rendu de thèses

  • IV - Compte rendu thématique