Contenu du sommaire : Émotions révolutionnaires

Revue Annales historiques de la Révolution française Mir@bel
Numéro no 415, janvier-mars 2024
Titre du numéro Émotions révolutionnaires
Texte intégral en ligne Accès réservé
  • Introduction

  • Articles

    • Indispensables émotions révolutionnaires - Sophie Wahnich p. 13-24 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La question des émotions pendant la période révolutionnaire est un enjeu de méthode historienne et d'interprétation de l'événement révolutionnaire. Eu égard à un projet politique qui s'ouvre en valorisant immédiatement l'homme sensible et qui se referme en le congédiant, la séquence interroge le rôle des émotions non seulement en révolution mais en démocratie. La notion de dynamique émotive permet de souligner l'intérêt de ne pas seulement analyser une émotion ou un affect sur toute la durée de la période révolutionnaire, mais de repérer plutôt comment certaines émotions se succèdent souvent de la même manière. Ainsi peut-on proposer une lecture en termes de rythmique et non plus de chaos émotionnel. La question des émotions politiques permet d'analyser la manière dont une société se donne à elle-même la possibilité de sa propre transformation émancipatrice ou a contrario de sa propre soumission. À cet égard elle touche aussi bien les structures sociales que les représentations, les formes de vie que les formes du droit.
      The subject of emotions during the Revolutionary period is a matter of the method of the historian, and the interpretation of Revolutionary events. In light of a political project that opens with the immediate validation of the sensitive man, and closes with his dismissal, this sequence questions the role of emotions not only in revolution, but also in democracy. The notion of emotional dynamics underscores the importance of not simply analyzing one emotion during the entire Revolutionary period, but rather identifying how certain emotions often follow one another in the same way. In this manner, we can propose a reading in terms of rhythm rather than emotional chaos. The question of political emotions makes it possible to analyze the way in which a society gives itself the possibility of its own emancipatory transformation or, conversely, of its own submission. In this respect, it affects social structures as much as representations, the forms of life as much as forms of law.
    • Un nouveau sentiment en temps de révolution : « l'ivresse de la liberté » - Haïm Burstin p. 25-38 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'historiographie de la Révolution française a assigné traditionnellement aux émotions un rôle ambigu, voire contradictoire ; d'où un certain retard dans la conceptualisation de la place qui revient au système émotionnel en temps de révolution et une certaine réticence de la part des historiens à insérer à part entière cette dimension dans leur démarche courante. Cet article se propose de revenir sur la question par le biais de l'analyse d'un sentiment spécifique fort répandu à l'époque et que les contemporains appelaient l'« ivresse de la liberté » : une sorte d'euphorie collective qui atteint le corps social, liée à la première expérience d'une participation politique généralisée. Ce sentiment devient en effet un puissant ressort comportemental avec des conséquences remarquables sur les attitudes collectives et interfère directement sur le plan politique, conditionnant de près l'exercice de la citoyenneté.
      The historiography of the French Revolution has traditionally assigned an ambiguous, even a contradictory role to the emotions; hence a certain delay in conceptualizing the proper place of the emotional system in times of revolution, and a certain reluctance by historians to incorporate fully this dimension into their current approach. The aim of this article is to return to this question by analyzing a specific feeling widespread at the time, a sentiment contemporaries called the “l'ivresse de la liberté” − a kind of collective euphoria affecting the social body linked to the first experience of a general political participation. This feeling became a powerful behavioral force with remarkable consequences for collective attitudes, and directly intervened in politics, closely conditioning the exercise of citizenship.
    • Tracer les voies de la peur dans la Convention nationale - Marisa Linton p. 39-48 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'expérience révolutionnaire a engendré de nombreuses émotions, tant positives que négatives. La force des émotions est perceptible à la Convention nationale, où elle coexiste avec les choix tactiques et l'engagement idéologique. Les conventionnels ont été soumis à de nombreuses émotions, dont la peur. L'immunité d'arrestation des députés est levée au début du mois d'avril 1793. Dès lors, les conventionnels eux-mêmes sont soumis à la fois à la terreur comme émotion et aux lois qui permettent la pratique de la terreur. La peur affecte les conventionnels les plus en vue, influence leurs choix et les incite à se montrer impitoyables à l'égard des factions opposées de la Convention. Des émotions intenses se mêlent à une idéologie fervente. Le concept idéologique de la vertu politique joue un rôle clé dans « la terreur contre les hommes politiques » que les dirigeants révolutionnaires s'infligent les uns aux autres. 
      Résumé rédigé par l'auteure The experience of revolution engendered many emotions, both positive and negative. The force of emotions can be seen in the National Convention, where it co-existed alongside tactical choices and ideological commitment. The conventionnels were subject to many emotions, amongst them fear. The immunity of deputies from arrest was removed at the start of April 1793. Thereafter, the conventionnels themselves were subject both to the emotion of terror and to laws that enabled the practice of terror. Fear affected the most prominent conventionnels, influenced their choices, and encouraged them to be ruthless in their treatment of opposing factions in the Convention. Intense emotions mingled with fervent ideology. The ideological concept of political virtue played a key role in “the politicians' terror” that revolutionary leaders meted out to one another. 
    • L'histoire émotionnelle de Maximilien Robespierre, 1758-1794 - Peter McPhee p. 49-70 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La Révolution française n'a aucun sens sans une compréhension du rôle que jouent les émotions : l'euphorie du succès, la fureur contre ceux jugés responsables de la souffrance, la fierté dans le triomphe et, par-dessus tout, la peur de la violence, des complots, de la trahison et de la mort. Selon William Reddy, cependant, le sentimentalisme était l'émotion clé, et Maximilien Robespierre personnifiait les excès de son expression. La « terreur » était « un champ de bataille émotionnel ». La thèse de cet article est que, pour comprendre l'histoire émotionnelle de Robespierre, nous devons plutôt adopter une approche holistique qui intègre l'expression de ses émotions, dans toute sa complexité, aux circonstances individuelles de son existence et aux exigences de la crise révolutionnaire.
      The French Revolution makes no sense without an understanding of the role played by emotions: the euphoria of success, the fury against those judged responsible for the suffering, the pride in triumph and, above all, the fear of violence, plots, treason, and death. For William Reddy, however, sentimentality was the key emotion, and Maximilien Robespierre personified the excesses of its expression. The “terror” was “an emotional battlefield”. The argument of this article on the other hand is that to understand Robespierre's emotional history, it is necessary to adopt a holistic approach that integrates the expression of his emotions in all their complexity with the specific circumstances of his existence and the exigencies of the revolutionary crisis.
    • À qui faire confiance ? Corps électoral et choix émotionnels sous l'Assemblée Nationale constituante, 1789-1791 - David Andress p. 71-98 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Considérer les premières années de la Révolution française comme un « apprentissage de la démocratie » revient à sous-estimer la complexité de l'approche de l'Assemblée constituante en matière de participation électorale. Cet article utilise un cadre analytique autour des pratiques et des discours de la « confiance », dans un contexte de réponses hautement émotionnelles à des menaces persistantes, réelles ou imaginaires, pour observer comment les députés ont construit leur vision de l'électorat, de ses responsabilités et de ses dangers. Il apparaît que les peurs concernant les processus électoraux étaient au cœur des débats aussi bien en 1789 qu'en 1791 et que la sphère d'autonomie accordée aux électeurs et aux élus était si étroite qu'elle ne pouvait que mener inévitablement à de nouveaux conflits.
      Résumé rédigé par l'auteur Viewing the early years of the French Revolution as an apprenticeship in democracy underestimates the complexity of the Constituent Assembly's approach to electoral participation. This article uses an analytical frame around practices and languages of “trust”, in a context of highly-emotional responses to persistent real and imagined threats, to explore how deputies constructed their vision of an electorate, its responsibilities, and its dangers. It shows that fears over the corruption of electoral processes were at the core of debates in both 1789 and 1791, and that the sphere of autonomy allowed to electors and the elected, at all levels below the national legislature, was so narrow as to inevitably lead to further conflicts.
    • Un baiser entre frères ? Un symbole d'émotion fraternelle à l'époque de la France révolutionnaire, 1790-1799 - Georgia Comte p. 99-124 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article examine l'émotion fraternelle telle qu'elle apparaît à travers le phénomène du baiser. Celui-ci a reçu peu d'attention de la part des historiens malgré ses fréquentes apparitions dans les journaux et images des années 1790-1799. Cet article voudrait montrer que le baiser fraternel occupait une part majeure dans le régime émotionnel de la Révolution, et qu'il était vital pour l'expression de l'unité politique. La communauté de sentiment que suppose le baiser fraternel en fait un mode d'expression essentiel de l'engagement révolutionnaire. À travers l'analyse d'articles de journaux, de mémoires, de comptes rendus politiques et de différentes images dont le Léonidas et le Serment du jeu de Paume de Jacques-Louis David, cet article tente de souligner la nature puissante et pourtant volatile du baiser fraternel et mettre en lumière son rôle dans l'expression d'une passion révolutionnaire pour l'idéal de fraternité.
      This article examines fraternal emotion as seen through the phenomenon of the embrace. This phenomenon has received little attention from historians, despite its frequent appearance in newspapers and pictures from 1790-1799. This article aims to show that the fraternal embrace played a major role in the emotional regime of the Revolution, and was vital to the expression of political unity. The community of feeling implied by the fraternal embrace makes it an essential mode of expression of Revolutionary commitment. By an analysis of newspaper articles, memoirs, political accounts and various images, including Jacques-Louis David's Leonidas and The Tennis Court Oath, this article seeks to highlight the powerful yet volatile nature of the fraternal embrace, and its role in expressing a Revolutionary passion for the ideal of fraternity.
    • Émotions et ordre public autour de la peine capitale. Une lecture sensible des débats sur la peine de mort et sa réalisation (1789-1792) - Guillaume Debat p. 125-146 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article s'inscrit dans le sillage de l'appel à « reconstituer la vie affective d'autrefois » lancé par Lucien Febvre, mais aussi dans celui des travaux de Barbara Rosenwein sur les « communautés émotionnelles » et de ceux de William M. Reddy sur les «  emotives » et les « régimes émotionnels ». Le but de cet article est d'interroger la place des émotions et des sensibilités lors des débats sur la peine de mort et sa réalisation à travers les concepts de « communautés émotionnelles » et de « régimes émotionnels ». En étudiant de façon précise les prises de parole de plusieurs députés, il s'agit d'abord de montrer que les émotions et la sensibilité sont utilisées dans une perspective rhétorique : y recourir permet de renforcer une argumentation et donner du poids à une position, que ce soit l'abolition ou la conservation de la peine de mort. Par ailleurs, les débats, de 1789 à 1792, participent également d'une redéfinition d'une « communauté émotionnelle ». En effet, ils soulignent que les députés partagent les mêmes réticences sensibles quand ils doivent aborder frontalement les dimensions concrètes de l'exécution capitale. Les discussions révèlent que la peine de mort et sa réalisation sont des prismes pour interroger le degré d'acceptabilité de certaines émotions. Ces débats, entre 1789 et 1792, sont donc un cas d'étude pour appréhender la construction d'un espace émotionnel à propos de la peine de mort et de l'ordre public.
      This article is in accordance with Lucien Febvre's call to “reconstitute the emotional life of the past”, as well as Barbara Rosenwein's work on “emotional communities” and William M. Reddy's writings on “feeling” and “emotional regimes”. The aim of this article is to investigate the place of emotions and sensibilities in debates on the death penalty and its realization through the concepts of “emotional communities” and “emotional regimes”. A detailed study of the speeches of several deputies will demonstrate that emotions and sensibility are used from a rhetorical perspective − to reinforce an argument and lend weight to a position, whether the abolition or the retention of the death penalty. The debates from 1789 to 1792 also helped redefine an “emotional communites”. Indeed, they illustrate that deputies share the same sensitive reticence in dealing directly with the concrete dimensions of capital punishment. The discussions reveal that the death penalty and its execution are prisms for questioning the degree of the acceptability of certain emotions. The debates between 1789 and 1792 provide a case study for understanding the construction of an emotional space surrounding the death penalty and public order.
    • L'émancipation, l'événement et ses émotions : orateurs et patriotes juifs sous l'arbre de la liberté (Italie, 1796-1799) - Davide Mano p. 147-170 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cette étude comporte l'analyse des textes de quatre discours patriotiques prononcés par des orateurs juifs italiens pendant le triennio révolutionnaire (1796-1799). Quatre documents complémentaires − une chronique, un chant, une protestation et un poème − sont également présentés dans le but de restituer une vision d'ensemble des émotions entraînées par un événement : l'émancipation juive. Nourris de nombreuses références bibliques, ces textes réactivent une image de l'histoire juive entendue comme traversée et passage de l'esclavage à la liberté. Première manifestation et exercice d'émancipation, la prise de parole politique marque pour les juifs le début d'un processus de retour dans l'Histoire, ou pour mieux dire, de réhabilitation dans le présent historique, qui suscite des émotions intenses de joie, de délivrance, de renouveau et de gratitude. Les juifs d'Italie y expriment une idée de citoyenneté politique fondée sur les valeurs de la religion, de la charité et de la fraternité universelle. Le sentiment politique juif prend également des tonalités messianiques accentuées.
      This study analyzes the texts of four patriotic speeches delivered by Italian Jewish orators during the Revolutionary “triennio” (1796-1799). Four complementary documents − a chronicle, a song, a protest and a poem − are also presented to provide an overview of the emotions generated by the event of Jewish emancipation. Nourished by numerous biblical references, these texts revive an image of Jewish history understood as the passage from slavery to freedom. As the first manifestation and exercise of emancipation, for the Jews, political discourse marks the beginning of a process of re-entry into history, or rather, of rehabilitation in the historical present, which arouses intense emotions of joy, deliverance, renewal, and gratitude. Italian Jews expressed an idea of political citizenship rooted in the values of religion, charity, and universal brotherhood. Jewish political sentiment also took on strong messianic tones.
  • Hommage

  • Échos Révolutionnaires

  • Glanes

  • Compte rendu