Contenu du sommaire : Suite et prélude

Revue Réseaux (communication - technologie - société) Mir@bel
Numéro no 243, janvier-février 2024
Titre du numéro Suite et prélude
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  • Présentation

    • La recherche de la cohérence : Où va Réseaux ? - Patrice Flichy p. 11-29 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À l'occasion de la publication de plusieurs articles s'inscrivant dans quelques lignes majeures de réflexion de la revue ( suite) et de celle d'un nouveau thème de recherche ( prélude) : les méthodes agiles d'organisation du travail informatique, cet article présente la politique éditoriale de Réseaux et s'interroge plus largement sur le rôle des revues de sciences humaines et sociales. Sont-elles encore nécessaires à l'époque des plateformes ? Sont-elles un simple lieu de validation des activités de recherche ? Quelle place occupent-elles dans l'organisation du débat scientifique ? Pourquoi leur travail est-il si peu reconnu ?
      On the occasion of the publication of several articles reflecting some of the journal's main lines of thought ( continuation), as well as a new research theme – agile methods for organizing computing work – ( prelude), this article presents Réseaux's editorial policy. It also looks, more broadly, at the role of humanities and social science journals. Are they still necessary in the age of platforms? Are they simply a means of validating research activities? What role do they play in organizing scientific debate? Why does their work receive so little recognition?
  • Suite. Les différents fils de Réseaux

    • Devenir « dayan et katz » : Le récit d'un coauteur - Daniel Dayan p. 33-66 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Ce texte parle de deux amitiés et de deux livres. Disparus presque en même temps en 2022 Elihu Katz et Todd Gitlin étaient tous deux mes amis, mais aussi des adversaires résolus, les partenaires d'un débat qui a longtemps clivé la sociologie des médias. Les deux livres sont Personal Influence (en français : Influence personnelle) écrit par Elihu Katz et Paul Lazarsfeld et Media Events (en français : La Télévision cérémonielle), écrit presque 40 ans plus tard par moi-même et Elihu Katz. En combinant témoignage direct et analyse critique, je propose ici une relecture de ces deux livres et de leurs généalogies respectives, qui renvoient au post-structuralisme français et à la théologie juive.
      This article is about two friendships and two books. Elihu Katz and Todd Gitlin, who died at almost the same time in 2022, were both friends of mine, but also resolute opponents in a debate that long divided the sociology of the media. The two books are Personal Influence, by Elihu Katz and Paul Lazarsfeld, and Media Events, authored almost 40 years later by Elihu Katz and myself. Combining direct testimony and critical analysis, I propose a re-reading of these two books and their respective genealogies, which go back to French post-structuralism and Jewish theology.
    • Les logiques sociales de structuration de l'audience de l'internet français - Julien Boyadjian p. 67-101 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article interroge les logiques sociales de structuration de l'audience des 500 sites et applications internet générant le plus de trafic en France. L'analyse se focalise sur les données inédites du panel « Audience Internet Global » de Médiamétrie, qui mesure à l'aide d'un logiciel dédié les pratiques de navigation d'un panel de 25 000 individus âgés de 2 ans et plus, représentatifs de la population internaute française. L'article met au jour les trois variables « lourdes » explicatives de la distribution de l'audience numérique : le genre, l'âge et la position sociale des internautes. Alors que les inégalités d'accès à internet et les inégalités de compétences numériques ont été bien documentées dans la littérature spécialisée, cette recherche met en exergue une dimension moins souvent étudiée de la « fracture numérique » : les inégalités de navigation des internautes. Plutôt qu'évoquer une fracture numérique de « troisième génération », l'article postule plutôt l'existence d'une homologie structurale entre l'espace numérique et l'espace social « réel ».
      This article examines the social structuring of the audience of the 500 websites and applications generating the most traffic in France. The analysis focuses on unpublished data from Médiamétrie's ‘Audience Internet Global' panel, which uses dedicated software to measure the browsing practices of a panel of 25,000 individuals aged 2 and over, representative of the French population using internet. The article highlights the three key variables that explain the distribution of the digital audience: gender, age, and the social position of internet users. While inequalities in access to internet and digital skills have been well documented in the specialist literature, this research highlights a less frequently studied dimension of the digital divide: inequalities in internet users' browsing habits. Rather than evoking a ‘third-generation' digital divide, the article posits the existence of a structural homology between digital space and ‘real' social space.
    • Les strates de la smart city : L'institutionnalisation disjointe des politiques urbaines du numérique à Bristol - Manon Laugaa, Gilles Pinson, Andy Smith p. 103-142 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article vise à reprendre le fil de la conversation scientifique autour de la smart city à partir d'un cas d'étude, celui de la ville de Bristol au Royaume-Uni et de ses politiques du numérique. Il utilise ce cas comme une parabole, autrement dit une trajectoire considérée comme typique dont on peut trouver des éléments constitutifs dans la trajectoire d'autres grandes villes ayant investi la question du numérique. Les auteurs repèrent trois « strates » ( layers) constitutives des politiques urbaines du numérique qui peuvent cohabiter au sein des agendas urbains, mais qui mettent en scène des objectifs et des réseaux d'acteurs qui entretiennent entre eux des relations faites de concurrence autant que de complémentarité. L'article met en avant le caractère fondamentalement expérimental et contesté des politiques urbaines du numérique.
      The aim of this article is to pick up the thread of the scientific conversation around “smart cities”, based upon the case study of Bristol (UK) and its digital policies. This article uses this case as a parable, i.e. the story of a spatialized trajectory we consider to be relatively typical because its key elements can be found in the histories of other major cities' digital policies. Specifically, we identify three ‘layers' that have fed into urban digital policies over time and today often coexist within urban agendas. These layers bring into play objectives and networks of players who have relationships that are both competitive and complementary. Ultimately, the article highlights the fundamentally experimental and contested nature of digital urban policies.
    • Susciter des récits d'usage de dispositifs d'autosoins « intelligents » par la méthode du récit à achever : Une occasion de révéler des pratiques pour penser le design - Sylvie Grosjean p. 143-182 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'objectif de cet article est de montrer qu'il est possible de penser les usages de technologies d'intelligence artificielle – dans notre cas des dispositifs portables ou capteurs sensoriels intelligents pour des personnes vivant avec la maladie de Parkinson – avec les utilisateurs et d'intégrer les savoirs produits au processus de conception même de ces technologies. Pour ce faire, nous prendrons appui sur un projet international dans le cadre duquel plusieurs dispositifs d'autosoin impliquant des algorithmes d'apprentissage sont en développement. À partir de récits obtenus via une méthode d'enquête nommée «  Story Completion Method » (ou méthode du récit à achever), nous examinerons les multiples pratiques révélées via les récits créés par les participants. Nous verrons que ces dispositifs, tout en équipant le travail du patient sur et avec des re-présentations numériques d'un corps « dysfonctionnel » et imprévisible, impliquent un « travail réflexif équipé » pour rendre intelligibles et signifiantes les données générées par ces technologies. Ces différentes modalités du travail mises en récit par les patients nous permettront d'ouvrir une réflexion sur la manière de penser le design des dispositifs d'autosoin dits « intelligents ».
      The aim of this article is to show that it is possible to include users of artificial intelligence technologies in reflection on the uses of those technologies, and to integrate the knowledge thus produced into their design. The article looks at wearable devices or intelligent sensors for people living with Parkinson's disease, drawing on an international project in which several self-care devices involving learning algorithms are being developed. Using stories obtained via a method known as Story Completion Method, it examines the multiple practices revealed in the stories created by the participants. We see that while these devices equip patients' work on and with digital re-presentations of a ‘dysfunctional' and unpredictable body, they also require ‘equipped reflexive work' to make the data generated by these technologies understandable and meaningful. These different ways of working, as recounted by the patients, will serve to initiate reflection on approaches to the design of so-called ‘intelligent' self-care devices.
  • Prélude. Premières réflexions sur les méthodes agiles

    • Le développement agile, une histoire d'informaticiens - Pascal Ughetto p. 185-225 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les principes, méthodes et outils de la gestion de projet dite agile ont suscité un vif intérêt dans les entreprises et dans les organisations publiques depuis les années 2010, où les efforts pour l'appliquer se sont multipliés. L'histoire du mode agile est cependant mal connue. Sans prétendre la reconstituer de façon exhaustive, l'article invite à inscrire l'agilité dans une histoire des méthodologies de conduite de projet en développement de logiciels. Largement ignorées de la littérature sociologique sur l'informatique, ces méthodologies suscitent des débats non moins vifs que d'autres habituellement analysés dans les cultures professionnelles informaticiennes. Le mode agile offre ainsi l'occasion d'un regard original sur les informaticiens.
      The principles, methods and tools of so-called agile project management have garnered keen interest in companies and public organizations since the 2010s, and efforts to apply it have proliferated. However, little is known about the history of agile project management. Without claiming to reconstruct it exhaustively, this article places agility within a history of software development project management methodologies. Largely overlooked in the sociological literature on computing, these methodologies generate debates that are no less intense than others usually analysed in professional computing cultures. The agile mode thus provides an opportunity to take an original look at computer scientists.
    • D'un jeu de cartes à des lignes de code : Comment l'Extreme Programming redonne corps à la programmation sous la forme d'une pratique collective - Adrian Mackenzie, Simon Monk, Paco Libbrecht p. 227-275 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article traite de l'Extreme Programming (XP), une approche assez nouvelle du génie logiciel « orienté utilisateur », qui rencontre un succès croissant dans son domaine. L'Extreme Programming propose de centrer le développement collaboratif de logiciels sur les pratiques de programmation. Cette proposition le distingue nettement d'autres méthodologies de génie logiciel plus dépendantes de leurs instruments, plus formalisées et gérées d'une manière plus centralisée. Cet article décrit les interactions d'une équipe d'Extreme Programming œuvrant au développement d'un progiciel de gestion de connaissances organisationnelles. En nous appuyant sur des techniques ethnographiques, nous y analyserons le développement de ce mode particulier de production de logiciels dans un lieu donné et l'hybridation singulière de documents, de conversations, d'outils logiciels et d'un agencement des bureaux qu'il y a provoqué. Nous examinerons quelques éléments parmi la vaste gamme de dispositifs, d'appareils, de techniques et de discours qui s'assemblent au cours de la production d'un système logiciel complexe contemporain. Nous soutiendrons que l'accent que met l'XP sur la programmation en tant qu'activité centrale et métaphore directrice ne peut être compris qu'à l'aune de sa concurrence avec des approches de génie logiciel expressément formelles et en lumière des cadres organisationnels du développement de logiciels. Comme nous le verrons, l'XP prend son essor en ré-incarnant les habitudes des métiers de la programmation en une pratique collective.
      This paper discusses Extreme Programming (XP), a relatively new and increasingly popular ‘user-centred' software design approach. Extreme Programming proposes that collaborative software development should be centred on the practices of programming. This contrasts sharply with more heavily instrumented, formalized and centrally managed software engineering methodologies. The paper maps the interactions of an Extreme Programming team involved in building a commercial organizational knowledge management system. Using ethnographic techniques, it analyses this particular style of software development in a given locality, and how it uniquely hybridized documents, conversations, software tools and office layout in that locality. It examines some of the many artifices, devices, techniques and talk that come together as a complicated contemporary software system is produced. It argues that XP's emphasis on programming as the core activity and governing metaphor can be understood only in relation to competing overtly formal software engineering approaches and the organizational framing of software development. XP, it suggests, gains traction by re-embodying the habits of programming as a collective practice.
    • Une direction des systèmes d'information en « transformation agile » : Le pouvoir des informaticiens et ses limites - Pascal Ughetto p. 277-317 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les principes et méthodes agiles ont connu un grand succès qui a conduit des directions d'entreprises, à partir des années 2010, à vouloir les intégrer dans des programmes de transformation des modes de fonctionnement internes. On parle parfois de transformation agile. La nouvelle mode managériale a pour particularité de tenter d'intégrer dans une régulation de contrôle ce qui se présente d'abord comme une régulation professionnelle profondément inscrite dans le métier de développeur. Les cadres de gestion de projet, en matière de développement de logiciels, sont le cœur du débat ouvert par le manifeste agile mais ce sont des cadres partagés avec d'autres acteurs de ces projets, comme les directions financières. L'article étudie le cas d'une direction des systèmes d'information qui réussit d'autant mieux son appropriation des méthodes agiles qu'elle s'y est engagée en toute autonomie. Plus encore, l'activité même conduit les individus à pratiquer une veille constante, à explorer et à se constituer par eux-mêmes une doctrine, des méthodes et des outils de gestion de projet légitimes. Les limites sont moins le maintien de logiques hiérarchiques que la contradiction avec une gouvernance des projets en termes de contrôle de gestion qui demeure profondément classique et témoigne de la difficulté durable des informaticiens à transformer les normes organisationnelles de gestion des projets.
      Agile principles and methods have been so successful that, from the 2010s onwards, company managements have wanted to integrate them into programmes to transform internal operating methods. This is sometimes referred to as agile transformation. The particularity of this new managerial trend is that it attempts to integrate into a control system what is primarily a professional regulation system deeply rooted in developers' profession. Project management frameworks in software development are at the heart of the debate initiated by the agile manifesto, but they are frameworks shared with other players in these projects, such as finance departments. This article examines the case of an information systems department that has been particularly successful in adopting agile methods insofar as it has committed itself to them completely autonomously. Moreover, the activity itself leads the individuals involved to constantly monitor, explore and create their own doctrine, methods and legitimate project management tools. The limits are not so much the maintenance of hierarchical logics as the contradiction with project governance in terms of management control, which remains profoundly traditional and attests to the enduring difficulty computer scientists have in changing the organizational norms of project management.
    • Glossaire de la gestion de projet agile - p. 319-325 accès libre
  • Notes de lecture