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Dans les décennies qui ont précédé le concile Vatican II, un débat intense, quoique confidentiel, autour de la législation relative aux violences sexuelles cléricales sur les enfants est né dans l'Église catholique. Subissant une pression croissante, le Saint-Siège s'est trouvé contraint d'abandonner, pour une part, sa politique du secret et de divulguer de manière informelle des informations concernant ses pratiques judiciaires dans le but d'encourager à faire preuve de davantage de sévérité. Son incapacité à définir une procédure cohérente et efficace, ainsi qu'à communiquer ouvertement, cause toutefois une insatisfaction croissante, justifiant que la question soit examinée par des évêques durant la préparation du concile Vatican II. Même si, sous l'influence de la législation séculière et des sciences de l'éducation, une préoccupation croissante pour les enfants et les jeunes se fait jour, les officiels demeurent largement tributaires d'une peur du scandale, ferment d'inaction. Ainsi, l'Église n'a pu catégoriser de manière précise les violences sexuelles sur les mineurs et faire sienne les voix des victimes demandant reconnaissance et réparation. Ce débat peut être vu comme une occasion manquée, plus de quarante ans avant que la crise actuelle n'éclate, de faire évoluer la législation.

Un pogrom antijuif dans le Dijon des années 1930 ? Cet article montre que le saccage, en 1938, de deux magasins au centre d'une ville française constitue un site d'observation stratégique pour l'étude des manifestations de violence collective antijuives. L'approche micro-historique permet d'examiner les facteurs qui précipitent le saccage et les conditions administratives, judiciaires et médiatiques de sa réception. Cette affaire est à la fois un fait divers qui peine à se singulariser dans la presse française et un événement médiatique européen à la veille de la nuit de Cristal. Cet article discute finalement ce que l'usage du terme « pogrom » permet de comprendre de la situation violente dans laquelle s'insère cet événement.

Cet article se propose de réexaminer la politisation de l'industrie hollywoodienne dans les années 1930 et 1940 à l'aune des réseaux et des espaces d'interaction. À travers l'analyse de la genèse de deux films traitant de sujets européens, sortis tous deux en 1939, The Hunchback of Notre - Dame de William Dieterle et Balalaïka de Reinhold Schünzel, il interroge les croisements entre les sphères de l'émigration européenne à Hollywood et celles de l'industrie cinématographique. Il cherche à montrer la manière dont, à travers ces groupes, les cercles politiques, professionnels et caritatifs s'enchevêtrent, favorisant l'élaboration de stratégies d'expression artistiques et politiques au service d'un discours sur la situation contemporaine.

Si la formation reçue par les officiers français tout au long de leur carrière ne les prépare pas aux combats clandestins, leur expérience du terrain et de la guerre, leur capacité à fournir une instruction de base essentielle à la militarisation des maquis n'en demeurent pas moins des atouts non négligeables pour les mouvements de résistance à partir de 1942. Se pose alors la question de leur apport comme celle de l'acculturation qui émerge entre méthodes régulières et irrégulières. Y a-t-il adaptation ou bien accaparement d'un modèle au détriment de l'autre ? Selon quels critères ? Enfin, le devenir des méthodes mises en œuvre par les résistants à l'approche de la Libération doit aussi être interrogé.

En retraçant le parcours de Charles B. Fahs (1908-1980), officier de la fondation Rockefeller entre 1946 et 1961, cet article a pour objectif de montrer que la politique de réorientation idéologique des élites japonaises mise en place par les responsables américains au cours de l'occupation militaire du Japon après 1945 est, au-delà de son pragmatisme revendiqué, traversée par un héritage missionnaire protestant qui explique en partie son incapacité à répondre pragmatiquement à l'opposition frontale de la gauche marxiste japonaise.

Dans les années qui précèdent juin 1936, des méthodes de grève sur les lieux du travail dont la circulation est inédite émergent en France à mesure que la crise sociale redéfinit les scénarios grévistes. Au sein des quatre régions étudiées dans cet article (Nord, région de Belfort, rives de l'Adour et région parisienne), de nombreux secteurs industriels sont concernés et particulièrement les grandes firmes de la métallurgie comme Citroën. Trois modalités principales de grève à l'intérieur de l'usine semblent se dégager : le conflit de quelques heures pour régler un enjeu pressant, les grèves de harcèlement face à des patrons de combat et les occupations.

Les élections de 1946 puis celles de 1950 sont la première compétition organisée entre plusieurs partis politiques en Turquie. Cette étude propose d'analyser le rôle de ces élections dans le changement de régime. Au-delà de leurs résultats, ces consultations sont analysées comme un fait social, soit comme une opération concrète, mais aussi comme un objet de mobilisation et un moment fondateur. Cette contribution montre que le Parti démocrate turc, parti d'opposition fondé en 1946, joue un rôle majeur dans cette première acculturation à la civilisation électorale en se saisissant des élections pour imposer une compétition équitable et mobiliser les électeurs.

Cet article propose de rendre compte des transformations que connaît le traitement des demandes d'asile des Yougoslaves en France pendant la guerre froide. Alors que tous les nouveaux arrivants étaient en principe soumis au régime juridique de la convention de Genève de 1952 à 1990, les pratiques de l'administration de l'asile ont fortement évolué. Il s'agit de saisir comment les admissions automatiques qui étaient la norme ont progressivement pris fin à partir du milieu des années 1960 et ont été remplacées par une mise à l'écart progressive des Yougoslaves, sous l'effet d'une remise en cause de leur légitimité à obtenir le statut de réfugié et d'une volonté de requalifier juridiquement leur présence en France.

Le Touring club de France, association créée en 1890 pour promouvoir le cyclotourisme, est le creuset d'un intense activisme patriotique avant la Grande Guerre. Ses dirigeants ne gravitent cependant pas dans les mêmes sphères d'influence que les responsables des fédérations sportives, préparatistes et sportivo-touristiques, souvent proches des milieux libéraux ou radicaux. Ils puisent leurs références dans un nationalisme conservateur d'inspiration catholique (mouvement leplaysien, Ligue de la patrie française), obsédé par la décadence du pays et sa régénération. Ils se saisissent ainsi des loisirs de plein air pour développer un « patriotisme éclairé » et encourager de nouvelles formes d'éducation tournées vers l'homme d'action.

La mobilisation d'athlètes noirs de San José State College (Californie) constitue un épisode méconnu de l'activisme sportif de la fin des années 1960 aux États-Unis. Elle aboutit in fine au célèbre geste du poing levé des sprinteurs Tommie Smith et John Carlos sur le podium des Jeux olympiques de Mexico. S'appuyant principalement sur les archives de l'université (coupures de presse, correspondances, littérature grise), cet article analyse les ressorts de la contestation nourrie par la volonté de mettre fin aux différentes formes d'exclusion raciale que subissent ces athlètes sur le campus. Il entend aussi souligner le rôle du monde universitaire comme matrice du processus de politisation à l'œuvre dans la « révolte de l'athlète noir ».