Contenu du sommaire : Géopolitique du dérèglement climatique en France et en Europe

Revue Hérodote Mir@bel
Numéro no 194, 3ème trimestre 2024
Titre du numéro Géopolitique du dérèglement climatique en France et en Europe
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  • Éditorial : Les conséquences géopolitiques du dérèglement climatique en France et en Europe - Béatrice Giblin p. 3-9 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Ce numéro aborde la question du dérèglement climatique par ses conséquences géopolitiques en France et dans d'autres États européens. Alors que ses effets négatifs sont clairement perceptibles et devraient entraîner l'adhésion des citoyens aux mesures indispensables pour les limiter, il apparaît au contraire que celle-ci est de plus en plus difficile à obtenir. Le succès des partis hostile au Pacte vert européen en est la confirmation. Des études de cas précises tant des risques que des conflits liés au dérèglement climatique permettent de comprendre la diversité des situations et des difficultés rencontrées pour mobiliser les citoyens.
    This issue addresses the issue of climate change through its geopolitical consequences in France and other European states. While its negative effects are clearly visible and should lead citizens to adhere to the necessary measures to limit them, it appears on the contrary that it is increasingly difficult to obtain. The success of the parties hostile to the European Green Pact is confirmation of this. Specific case studies of both risks and conflicts related to climate change make it possible to understand the diversity of situations and the difficulties encountered in mobilizing citizens.
  • Le Pacte vert, une ambition écologique européenne inachevée ? - Lucile Schmid p. 11-26 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Le mandat européen qui s'achève (2019-2024) a incontestablement été placé sous le signe du Pacte vert (Green Deal). En 2019, Ursula von der Layen, présidente de la Commission, en avait fait le cœur de son programme, s'appropriant des thématiques chères à la gauche. En 2020, la pandémie n'a pas stoppé cette ambition. Le Green Deal a même été pour la présidente de la Commission européenne, appuyée par une majorité au Parlement européen et au sein des États membres, une marque de fabrique pendant ses trois premières années de responsabilités. Dès 2021 pourtant, les négociations sur la réforme de la politique agricole commune (PAC) ont montré les difficultés à concilier ambition écologique, défis de compétitivité et objectifs sociaux. La remise en cause virulente du Pacte vert qui a caractérisé la campagne électorale de 2024, à la suite de mouvements d'agriculteurs qui ont touché toute l'Europe, est l'aboutissement de ces difficultés. Elle illustre les deux défis jumeaux de l'Europe : la nécessité pour l'Union européenne de définir en son sein les conditions d'une transition juste pour maintenir une ambition climatique, et celle de faire face à la concurrence verte de la Chine et des États-Unis.
    The European mandate that ends (2019-2024) has undoubtedly been placed under the sign of the Green Deal (Pacte vert). In 2019, Ursula von der Layen, President of the Commission, made it the heart of her program, appropriating themes dear to the left. In 2020, the pandemic has not stopped this ambition. The Green Deal was even for the President of the European Commission, supported by a majority in the European Parliament and within the Member States, a trademark during her first three years of responsibilities. However, as early as 2021, negotiations on the reform of the Common Agricultural Policy (CAP) showed the difficulties in reconciling ecological ambition, competitiveness challenges and social objectives. The virulent questioning of the Green Deal that characterized the 2024 election campaign, following farmer movements that affected all of Europe, is the culmination of these difficulties. It illustrates Europe's twin challenges: the need for the European Union to define the conditions for a just transition in order to maintain climate ambition, and the need to face green competition from China and the United States.
  • Trop d'eau et pas assez. Politiques publiques, rapports de force et stratégies des acteurs face à la crise de l'eau en France - Philippe Subra p. 27-44 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Après deux inondations catastrophiques (dans la vallée de la Roya et le Pas-de-Calais) et une sécheresse historique en 2022-2023 et avec le conflit des mégabassines, la question de l'eau est devenue ces dernières années un enjeu géopolitique majeur en France, percutant les politiques publiques dans le domaine de l'agriculture (faut-il développer l'irrigation ?), de l'aménagement du territoire (comment gérer le risque inondation ?), mais aussi de l'énergie, en raison de son impact sur le système de production électrique.
    After two catastrophic floods (in the Vallée de la Roya and Pas-de-Calais) and a historic drought in 2022-2023 and with the mega-basin conflict, the question of water has become a major geopolitical issue in France in recent years, impacting public policies in the field of agriculture (should we develop irrigation?), land use planning (how to manage flood risk?), but also energy, because of its impact on the electricity production system. The clashes in Sainte-Soline in October 2022 and March 2023, after the conflicts around the Sivens (2010-2014) and Caussade (2011-2019) dam projects, highlighted both the radicalization of stakeholders (ecologists versus irrigating farmers) and the ambiguities of the State, which maintains a discourse on sobriety, while being incapable of resisting pressure from the FNSEA and supporters of the intensive agricultural model.
  • Conflits environnementaux : plus de gouvernance, moins de démocratie - Léa Sébastien p. 45-60 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    La « démocratie environnementale », entendue comme le droit de participer aux décisions en matière environnementale, a été instituée via la Convention internationale d'Aarhus en 1998 puis via la Charte de l'environnement en France en 2005. Depuis, l'État a mis en place des processus participatifs à toutes les échelles pour accompagner sa politique de transition écologique. Pourtant, dans le même temps, les conflits environnementaux et d'aménagement ont explosé sur tous les territoires et les désastres écologiques s'accélèrent. Cet article explore ce paradoxe et montre que la participation institutionnelle répond à un modèle de gouvernance et non de démocratie, une nuance importante. Car si la démocratie environnementale vise à ouvrir les processus décisionnels à une multitude d'acteurs, la gouvernance maintient le pouvoir aux mains des acteurs forts, n'interroge pas la notion d'intérêt général, nie les conflits, dépolitise les enjeux environnementaux. Cette absence d'espaces de négociation entre acteurs pour décider collectivement est préoccupante dans la perspective des crises climatiques, de sécheresses, etc. Les outils de la démocratie environnementale doivent s'étoffer et permettre de tenir compte des intérêts des humains et non humains, du statut de bien commun de l'environnement, des asymétries de pouvoirs et de savoirs, des dimensions affectives locales.
    “Environmental democracy”, understood as the right to participate in environmental decisions, was established by the Aarhus International Convention in 1998 then by the Environmental Charter in France in 2005. Since then, the State has implemented participatory processes at all scales to support its ecological transition policy. However, at the same time, environmental and planning conflicts have exploded in all territories and ecological disasters are accelerating. This article explores this paradox and shows that institutional participation responds to a model of governance and not of democracy, an important nuance. Because if environmental democracy aims to open decision-making processes to a multitude of actors, governance maintains power in the hands of strong actors, does not question the notion of general interest, denies conflicts, depoliticizes environmental issues. This lack of spaces for negotiation between actors to decide collectively is worrying in the perspective of climate crises, droughts, etc. The tools of environmental democracy must be expanded and make it possible to take into account the interests of humans and non humans, the status of the environment as a common good, the asymmetries of power and knowledge, the local affective dimensions.
  • Les systèmes géopolitiques locaux du nouveau programme nucléaire français - Teva Meyer p. 61-76 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Annoncé en février 2022 par Emmanuel Macron, le nouveau programme nucléaire français envisage la construction de six réacteurs supplémentaires dans le pays dès 2027. Cet article propose d'analyser dans une approche multiscalaire la reconfiguration des systèmes géopolitiques qui permettent aujourd'hui ce projet. S'appuyant sur des espaces déjà nucléarisés et organisant la concurrence entre territoires pour l'accueil des nouveaux réacteurs, EDF a réussi à s'assurer le soutien des acteurs locaux, même si l'accès au foncier pour ces chantiers reste un enjeu délicat. À l'échelle nationale, le mouvement antinucléaire entame une difficile reconstitution après son éclatement au début des années 2010, se heurtant à l'émergence de nouveaux acteurs pronucléaires. Ici, l'irruption de la question climatique comme enjeu central des politiques de protection de l'environnement constitue l'élément principal de ces reconfigurations.
    In February 2022, Emmanuel Macron announced plans to build six new nuclear reactors in France, starting in 2027, and to consider eight further constructions by 2050. In this paper, we aim at analyzing the geopolitical systems which sustain this new nuclear program, as well as their reconfigurations. To develop its projects, Electricité de France (EDF) relied on already nuclearized places and structured the competition between these communities to ensure the support of local stakeholders. However, these plans face new difficulties triggered by the availability of lands, which needs to be bought to farmers, and of cooling waters. At the national scale, the antinuclear movement struggles to coordinate its response, as it begins a difficult reconstitution after breaking up in the early 2010 and faces a growing network of pronuclear associations. Here, the emergence of climate change as the central issue of environmental protection policies constituted the main factor of these reconfigurations.
  • EDF et les énergies renouvelables : une relation ancienne en plein essor - Camille Martin p. 77-87 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Bien qu'étant un producteur d'énergie renouvelable depuis sa création en 1946 avec l'hydroélectricité, EDF n'est pas perçu comme tel par la majorité de l'opinion publique, mais comme producteur d'énergie nucléaire qui représente il est vrai l'essentiel de sa production d'énergie électrique. Cependant, EDF est depuis 2015 en train d'essayer de rattraper son retard dans le domaine des énergies renouvelables, en particulier dans le solaire et l'éolien. Trois raisons à cette nouvelle orientation de politique énergétique : les immenses besoins électriques de la transition énergétique qui nécessite un mix énergétique bas-carbone ; les obligations imposées à EDF par l'État pour atteindre les objectifs d'économie d'énergie qu'il s'est fixé ; ne pas abandonner le marché en pleine expansion des énergies renouvelables à ses concurrents.
    EDF although being a producer of renewable energy since its creation in 1946 with hydroelectricity is not perceived as such by the majority of public opinion, but as a producer of nuclear energy, which represents the bulk of its electricity production. However, since 2015, EDF has been trying to catch up in the field of renewable energies, especially in solar and wind. Three reasons for this new energy policy orientation: the huge electricity needs demanded by the energy transition that requires a low energy mix-carbon; the obligations imposed on EDF by the State to achieve the energy saving objectives it has set for itself; not to abandon the expanding renewable energy market to its competitors.
  • « Il va falloir renforcer et adapter le réseau électrique pour réussir la transition énergétique » - Olivier Houvenagel p. 89-99 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    RTE, le gestionnaire du réseau électrique à haute tension français, vient de publier une grande étude prospective autour de plusieurs scénarios de consommation et de production. Tous prévoient que la géographie de l'électricité sera profondément modifiée en 2050, avec une part plus importante d'ENR, une production qui variera selon la force du vent et l'ensoleillement et l'électrification des grands sites industriels. Il va falloir à la fois régénérer un réseau construit pour l'essentiel dans les années 1950-1970, le rendre résilient aux nouvelles conditions climatiques et raccorder les nouveaux sites de production (éolien en mer et terrestre, photovoltaïque) et de consommation.
    RTE, the manager of the French high-voltage grid, has just published a major prospective study on various consumption and production scenarios. All of them predict that the geography of electricity consumption and production will change fundamentally by 2050, with a greater share of ENR, production that will vary according to wind strength and solar radiation, and the electrification of large industrial sites. It will therefore be necessary to renew a grid that was mainly built in the 1950s-1970s, to adapt it to the new climatic conditions and to connect new production sites (offshore and onshore wind power, photovoltaics) and consumption sites. Accelerating the energy transition therefore requires considerable investment (100 billion euros in fifteen years) and the construction of thousands of kilometers of additional high-voltage lines (from a few thousand to 30,000). However, most of these high-voltage lines cannot be built underground for both technical and economic reasons. This raises the question of their acceptability.
  • Changement climatique, érosion côtière et enjeux politiques sur le littoral français métropolitain - Jean-Philippe Lacoste p. 101-113 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Le littoral est particulièrement exposé aux effets du changement climatique. La bande littorale cumule en effet les aléas continentaux auxquels s'ajoute une accélération des phénomènes d'érosion et de submersion liés au renforcement de la fréquence des phénomènes extrêmes et aux effets de l'élévation du niveau marin.La bande côtière est de plus en plus densément peuplée, l'objet d'une intense activité touristique et d'un marché immobilier particulièrement actif et spéculatif.Après une très longue période d'immobilisme où la défense contre la mer par des ouvrages constituait la solution privilégiée par les pouvoirs publics pour assurer la stabilité du trait de côte, la philosophie évolue sensiblement vers des solutions d'adaptation et d'anticipation qui relèvent plus de l'aménagement du territoire que de l'ingénierie.Ce mouvement s'accompagne d'un transfert de responsabilité de l'État vers les collectivités locales qui doivent assurer, sans moyens particuliers, ce réaménagement du littoral et obtenir son acceptation sociale.
    The coastline is particularly exposed to the effects of climate change. The coastal strip in fact combines continental hazards with the addition of an acceleration of erosion and submersion phenomena linked on the one hand to the increased frequency of extreme phenomena and the effects of rising sea levels. The coastal strip is increasingly densely populated, the subject of intense tourist activity and a particularly active and speculative real estate market. After a very long period of immobility where defense against the sea through structures constituted the solution favored by the public authorities to ensure the stability of the coastline, the philosophy is evolving significantly towards solutions of adaptation and anticipation which are more land planning than engineering. This movement is accompanied by a transfer of responsibility from the State to local authorities who must ensure, without special means, this redevelopment of the coastline and obtain its social acceptance.
  • Premiers résultats de l'évaluation des effets de l'élévation du niveau de la mer à échelle opérationnelle : le cas de la Communauté d'agglomération de l'Espace Sud de la Martinique (CAESM) - Yoann Pélis, Pascal Saffache p. 115-129 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    À l'image de nombreux territoires caribéens, la Martinique est soumise à quasiment tous les risques naturels majeurs : séismes, éruptions volcaniques, ouragans, inondations, etc. Cependant, il en est un, plus insidieux, qui grignote ses marges, accroît la vulnérabilité de ses populations côtières et met ainsi en péril une partie non négligeable de son potentiel économique : l'élévation du niveau de la mer et son corrolaire, l'intrusion marine. À travers l'exemple de la Communauté d'agglomération de l'Espace Sud de la Martinique, une évaluation cartographique de l'intrusion marine a été réalisée. Il ressort de cette étude que contrairement à ce qui avait été annoncé, la dynamique d'intrusion est plus importante que prévu et que le phénomène ne cesse de s'accentuer. Ces premiers résultats devraient inciter les décideurs à agir.
    Like many Caribbean territories, Martinique is subject to almost all major natural risks: earthquakes, volcanic eruptions, hurricanes, floods, etc. However, there is one, more insidious, which is eating away at its margins, increasing the vulnerability of its coastal populations and thus endangering a significant part of its economic potential: the sea level rise. Through the example of the Urban Community of the South Area of Martinique, a cartographic evaluation of marine intrusion was carried out. It emerges from this study that contrary to what had been announced, the intrusion dynamic is greater than expected and the phenomenon continues to increase. These initial results should encourage decision-makers to act.
  • Face au dérèglement climatique, les Outre-mer sont des laboratoires de la transition écologique - Pascal Margueritte p. 131-144 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    L'article aborde la question des conséquences du dérèglement climatique sur l'environnement des îles et notamment des Outre-mer. D'où une approche volontairement géopolitique, notamment inspirée d'une écologie décoloniale qui lie changement climatique et « habiter colonial ». L'île, espace fini et local, pose aussi des questions globales et planétaires. À l'échelle insulaire, la catastrophe écologique finale de l'engloutissement des îles basses pose la question du devenir planétaire. Leurs dépendances et « colonialités » historiques les fragilisent face aux dommages environnementaux, au changement climatique, du fait du comportement dysfonctionnel de l'Homme envers la biosphère, mais aussi de leur oubli. Pourtant, des expériences innovantes Outre-mer permettent de penser qu'un autre chemin que celui de la catastrophe est possible, à condition de sortir de schémas convenus et dominateurs et de redéfinir des politiques financières et structurelles globales. Cette démarche suppose aussi, pour tous, îliens comme continentaux, un changement radical de nos modes de vie, de pensée et économiques, où l'humain reprendrait ses droits.
    The article addresses the question of the consequences of climate change on the environment of the islands, and in particular of the Overseas Territories. Hence a deliberately geopolitical approach, notably inspired by a decolonial ecology that links climate change and “colonial inhabiting”. The island, a finite and local space, also raises global and planetary questions. On the island scale, the final ecological catastrophe of the engulfment of the low-lying islands raises the question of the planetary future. Their historical dependencies and “colonialities” weaken them in the face of environmental damage, climate change, due to the dysfunctional behavior of humans towards the biosphere, but also to their oblivion. However, innovative experiences in the Overseas Territories suggest that a path other than that of disaster is possible, provided that we move away from conventional and dominating patterns and redefine global financial and structural policies. This approach also presupposes, for everyone, islanders and continentals, a radical change in our lifestyles, thoughts and economies, where humans would regain their rights.
  • Les discours retardant l'action climatique dans l'industrie du ski française - Anouk Bonnemains p. 145-159 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Lorsqu'en février 2024, la Cour des comptes française publie un rapport sur « les stations de montagne face aux changements climatiques », les acteurs de l'industrie du ski réagissent très rapidement sur les réseaux sociaux à ce qu'ils considèrent comme une attaque. Cet article s'intéresse aux différents discours médiatiques déployés par l'industrie du ski concernant leurs stratégies de lutte contre les changements climatiques. Ces discours peuvent être caractérisés comme « retardant l'action climatique » puisqu'ils ont comme conséquence de limiter les capacités d'action et de mener à des impasses. Afin de mettre en exergue, les différents types d'arguments nous nous sommes appuyés sur la grille des discours « retardant l'action climatique » définie par Lamb et al. [2020].
    When, in February 2024, the French Cour des Comptes published a report on “mountain resorts in the face of climate change”, operators in the ski industry reacted very quickly on social networks to what they saw as an attack. This article investigates the various media discourses deployed by the ski industry concerning their strategies for fighting climate change. These discourses can be characterized as “climate delay”, since they have the effect of limiting the capacity for action and leading to impasses. In order to highlight the different types of arguments, we have drawn on the grid of discourses of climate delay defined by Lamb et al. [2020].
  • Limites et risques économiques et environnementaux de l'Energiewende en Allemagne - Michel Deshaies p. 161-180 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    La politique de l'Energiewende dans laquelle l'Allemagne s'est engagée depuis les années 2000 consiste à développer massivement les énergies renouvelables en substitution à l'énergie nucléaire et aux énergies fossiles. Les insuffisances techniques des énergies intermittentes ont nécessité de conserver un important parc de production de centrales à charbon et à lignite et d'accroître fortement les importations de gaz naturel en provenance de Russie. La guerre en Ukraine et les embargos décidés contre les hydrocarbures de Russie viennent brutalement remettre en cause cette politique énergétique. Pour sortir de l'impasse, le gouvernement allemand veut accroître considérablement le développement des énergies renouvelables. Il est aussi prévu de substituer au gaz de l'hydrogène « vert » en partie produit par les parcs éoliens offshore et en grande partie importé de régions plus ou moins lointaines, entraînant un accroissement du prix de l'énergie.
    The Energiewende policy in which Germany has been engaged since the 2000s consists of massively developing renewable energies to replace nuclear energy and fossil fuels. The technical inadequacies of intermittent energy have made it necessary to maintain a large production base of coal and lignite power plants and to significantly increase imports of natural gas from Russia. The war in Ukraine and the embargoes decided against Russian hydrocarbons have suddenly challenged this energy policy. To break the deadlock, the German government wants to significantly increase the development of renewable energies. It is also planned to replace gas with “green” hydrogen, partly produced by offshore wind farms and largely imported from more or less distant regions, leading to an increase in the price of energy.
  • Du refus du nucléaire aux mobilisations contre le charbon : les mouvements environnementalistes allemands entre bifurcation et imbrication - Jules Hébert, Lucile Schmid p. 181-198 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Au long de la décennie 1970, alors que l'Allemagne est séparée par le rideau de fer, des mouvements environnementalistes puissants se développent. En Allemagne de l'Ouest le refus de l'implantation des centrales nucléaires réunit agriculteurs, militants pacifistes et écologistes ; à l'Est ce sont les enjeux de qualité de vie face à aux pollutions industrielles qui sont déterminants. Le parti des Verts allemands (Grünen) créé en 1980, est issu de ces mouvements. Il a installé sa légitimité institutionnelle en confortant les mouvements environnementalistes par son action au pouvoir dans les Länder, à l'échelle fédérale ensuite. Autour d'épisodes emblématiques comme le renoncement à construire la centrale de Wyhl, ou l'action des rebelles de l'électricité de Schönau qui préfigurait la transition énergétique citoyenne (Bürgerenergiewende), les enjeux énergétiques sont devenus un sujet de débat démocratique. En 2023, la sortie du charbon, et particulièrement du lignite, se pose désormais avec acuité alors qu'un tiers de l'électricité allemande en est issue. De nouveaux mouvements, comme Ende Gelände, nourris par les mobilisations climatiques de la jeunesse dans le monde et en Europe, occupent mines et villages, dénonçant la mollesse des gouvernements et exigeant des engagements immédiats. Alors que les Grünen sont partie prenante du gouvernement depuis 2021, et que la guerre en Ukraine retarde la transition vers une économie décarbonée, ces mouvements déterminés, organisés et médiatiques annoncent une nouvelle étape de l'écologie politique allemande.
    During the 1970s, when Germany was separated by the Iron Curtain, powerful environmental movements developed. In West Germany the refusal of the implantation of nuclear power plants brings together farmers, pacifist activists and ecologists; in the East it is the quality of life issues facing industrial pollution that are decisive. The party of the German Greens (Grünen) created in 1980, comes from these movements. It established its institutional legitimacy by strengthening the environmental movements in its action in power in the Länder, then at the federal level. Around emblematic episodes such as the renunciation to build the Wyhl power plant, or the action of the Schönau electricity rebels who foreshadow the citizen energy transition (Bürgerenergiewende), energy issues have become a subject of democratic debate. In 2023, the exit of coal, and particularly lignite, is now acute, while a third of German electricity comes from it. New movements, such as Ende Gelände, fuelled by the climate mobilizations of youth around the world and in Europe, occupy mines and villages, denouncing the weakness of governments and demanding immediate commitments. While the Grünen have been part of the government since 2021, and the war in Ukraine is delaying the transition to a decarbonised economy, these determined, organized and media movements are heralding a new stage in German political ecology.
  • L'Écosse : du nationalisme pétrolier au nationalisme éolien ? - Mark Bailoni p. 199-216 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    À partir des années 1970, les nationalistes écossais ont construit leur projet indépendantiste sur les retombées potentielles des ressources pétrolières de la mer du Nord, qui sont gérées par l'État britannique. Alors qu'ils sont au pouvoir, ils entendent aujourd'hui promouvoir un développement massif des énergies renouvelables et faire de l'Écosse un modèle. Reste à savoir si la décarbonation annoncée de l'économie écossaise est possible, et comment doit s'insérer l'Écosse dans un système énergétique britannique administré par le gouvernement central. Cet article étudie ainsi la place des questions énergétiques dans le discours des nationalistes écossais, les enjeux qu'elles suscitent dans les rapports avec le gouvernement britannique et la politique des nationalistes au pouvoir en matière de transition énergétique.
    From the 1970s onwards, Scottish nationalists built their independence project on the potential benefits of the North Sea's oil resources, which are managed by the British government. Now that they are in power, they intend to promote the massive development of renewable energies and make Scotland a model. The questions are to understand whether the announced decarbonisation of the Scottish economy is possible, and how Scotland should fit into a British energy system administered by central government. This article examines the place of energy issues in the discourse of Scottish nationalists, the issues they raise in relations with the British government and the policy of the nationalists in power with regard to the energy transition.
  • Enjeux géopolitiques d'un aménagement hydraulique : le transfert d'eau Tage-Segura en Espagne - Darío Salinas Palacios p. 217-233 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article examine les enjeux du partage de l'eau en Espagne en se concentrant sur l'aménagement hydraulique du transfert Tage-Segura, dans un contexte marqué par des défis écologiques et climatiques croissants qui remettent en question le modèle hydro-socio-économique traditionnel. Il met en évidence les différentes représentations géopolitiques autour de la pénurie d'eau et l'évolution des rivalités de pouvoirs politiques et territoriaux entre le besoin de soutenir l'agriculture intensive et les impératifs de conservation des écosystèmes. Ces enjeux sont exacerbés par la montée en puissance des élites et des lobbies régionaux, les sécheresses récurrentes et l'application des directives européennes favorisant une gestion plus durable des ressources. L'équilibre des pouvoirs dans ces négociations est influencé par les dynamiques locales, l'intégration des politiques nationales et européennes, et par les stratégies adoptées pour aborder les défis socio-économiques et environnementaux.
    This article examines the complexities of water allocation in Spain, centering on the Tagus-Segura water transfer project amidst increasing ecological and climate-related challenges that bring into question the established hydro-socio-economic framework. It discusses diverse geopolitical perspectives on water scarcity and tracks the evolution of political and territorial power struggles between the demands of intensive agriculture and the imperatives for ecosystem conservation. These issues are intensified by the growing clout of regional elites and lobbying groups, persistent droughts, and the implementation of European directives aimed at promoting sustainable resource management. The power dynamics in these negotiations are shaped by local circumstances, the harmonization of national and European policies, and the approaches taken to tackle the interconnected socioeconomic and environmental issues.