Contenu du sommaire : Agriculture européenne : enjeux de souveraineté et de soutenabilité environnementale
Revue |
Revue de l'OFCE (Observations et diagnostics économiques) ![]() |
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Numéro | no 183, 2023 |
Titre du numéro | Agriculture européenne : enjeux de souveraineté et de soutenabilité environnementale |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Varia
- L'élasticité de l'offre de travail et des revenus dans la littérature : Une analyse comparative des méthodes et des résultats sur données microéconomiques - Michaël Sicsic p. 5-40 L'élasticité de l'offre de travail est un paramètre clé pour l'évaluation des politiques publiques ou pour calibrer les modèles macroéconomiques. Cet article propose une revue de littérature internationale des élasticités de l'offre de travail et des revenus par rapport à la fiscalité. Les différentes méthodes d'estimation sont présentées (structurelles et en forme réduite), avec un approfondissement particulier pour la méthode ETI ( Elasticity of taxable income) qui a fait l'objet d'un développement fulgurant ces dix dernières années. Je propose une classification des sources d'hétérogénéité (selon la marge étudiée, le type de population, le type de réforme, le pays ou encore l'horizon temporel) et présente les résultats obtenus en France et à l'international à l'aune de cette classification. Des explications des faibles élasticités estimées sur données microéconomiques, notamment par rapport aux élasticités utilisées dans les modèles macroéconomiques, sont fournies ainsi que des applications de l'utilisation des élasticités pour des analyses normatives et de politiques économiques.The elasticity of labour supply is a key parameter for evaluating public policies or calibrating macroeconomic models. This article provides a review of the international literature on labour supply and income elasticities with respect to taxation. The different estimation methods are presented (structural and reduced form), with a particular focus on the ETI ( elasticity of taxable income) method, which has been developed rapidly over the last decade. I propose a classification of the sources of heterogeneity (according to the margin studied, the type of population, the type of reform, the country or the timing) and present the results obtained in France and internationally in the light of this classification. Explanations for the low elasticities estimated in microeconomic data, particularly in comparison with the elasticities used in macroeconomic models, are given, as well as applications of the use of elasticities for normative and policy analysis.
- Fiscalité du patrimoine : L'efficace, l'optimal et le juste : quel critère ? - Guillaume Allègre p. 41-76 Les deux textes discutés ici entendent changer nos représentations sur le patrimoine. Le grand retour de la terre propose une grande réforme fiscale sur la base d'une taxe sur la valeur de marché du foncier tandis que Repenser l'héritage propose une grande réforme des droits de donations et successions dans le sens d'une plus grande progressivité, d'une suppression des exonérations, d'une augmentation des recettes et d'une réduction des droits pour les petites successions. Il existe trois modes de justification d'une politique fiscale. Une politique est efficace lorsqu'elle maximise la production ou la consommation globale ou qu'elle minimise les pertes. Une politique optimale répond à un arbitrage entre efficacité et équité souvent réduites à la taille et au partage du gâteau. L'argumentation en termes de justice prend aussi en compte efficacité et équité mais ne les met pas sur le même plan : par construction, l'efficacité doit se mettre au service de quelque chose, en l'occurrence au service de l'équité dans toutes ses dimensions. Le premier texte argue principalement du point de vue de l'efficacité : l'idée d'imposer le foncier est principalement justifiée par l'inélasticité de l'assiette et donc par l'efficacité. Les questions pratiques et la question de l'équité horizontale sont évacuées trop vite. Le deuxième texte s'intéresse beaucoup plus aux questions pratiques, démontrant l'inutilité des exonérations en termes d'efficience économique. Toutefois si les droits de succession sont justes, pourquoi les réduire pour 99 % de la population ? Un impôt est juste si son mécanisme est perçu comme juste, et non parce qu'il exonère suffisamment de personnes. Il existe des impôts perçus comme justes et ayant des effets similaires sur la réduction des inégalités de transmission et notamment l'imposition de la fortune et celle des hauts revenus. Dans ce cadre, imposer toutes les plus-values réelles, y compris lors des successions, pourrait obtenir un plus grand consensus en articulant réduction des inégalités et équité horizontale.The two texts discussed here aim to change the way we think about wealth. The Grand retour de la terre proposes a major tax reform based on a taxing the market value of property, while Repenser l'héritage proposes a major reform of gift and inheritance tax to make it more progressive, abolish exemptions, increase revenue and reduce tax on small inheritances. There are three ways of justifying a tax policy. A policy is efficient when it maximises overall production or consumption or minimises losses. An optimal policy deals with a trade-off between efficiency and equity, often reduced to the size of the cake and how it's shared. Arguments in terms of justice also take into account efficiency and equity, but do not put them on the same level: by construction, efficiency must serve something, in this case equity in all its dimensions. The first text argues mainly from the point of view of efficiency: the idea of a property tax is justified mainly by the inelasticity of the tax base, and therefore by efficiency. Practical issues and the question of horizontal equity are dismissed too quickly. The second text is much more concerned with practical issues, demonstrating the uselessness of exemptions in terms of economic efficiency. However, if inheritance tax is fair, why reduce it for 99% of the population? A tax is fair if its mechanism is perceived as fair, not because it exempts enough people. There are taxes that are perceived as fair and that have a similar impact on reducing inequalities in transmission, in particular the taxation of wealth and of high incomes. In this context, taxing all real capital gains, including on inheritance, could secure a greater consensus by combining a reduction in inequalities with horizontal equity.
- L'élasticité de l'offre de travail et des revenus dans la littérature : Une analyse comparative des méthodes et des résultats sur données microéconomiques - Michaël Sicsic p. 5-40
Dossier. Agriculture européenne : enjeux de souveraineté et de soutenabilité environnementale
- Introduction - Sandrine Levasseur p. 79-83
- Éclipse puis résurgence de la souveraineté alimentaire : Une approche en termes d'économie politique - Thierry Pouch, Marine Raffray p. 85-129 La notion de souveraineté économique a connu une longue éclipse, indissociable d'une globalisation des économies qui portait en elle l'ambition de voir les États s'effacer devant le principe de fluidité dans la circulation des hommes, des biens et des capitaux. Le recul de la souveraineté a parfois même été associé à un objectif d'apaisement des intérêts des nations par le commerce, signifiant par là que la globalisation constituerait un mode d'organisation des sociétés. La souveraineté alimentaire n'a pas échappé à ce processus de fond, que ce soit par la voie d'échanges internationaux que l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), puis l'OMC, ont réorganisés à partir de 1994, ou au travers des réformes de la Politique agricole commune de l'Union européenne. Toutefois, à la faveur de la pandémie de Covid-19 et, surtout, de la guerre en Ukraine, on assiste à une résurgence de la notion de souveraineté économique et, singulièrement, dans le registre de l'alimentation. Cet article entend revenir sur les conditions économiques et politiques de ce retour de la souveraineté et sur l'interprétation qu'il convient d'en donner.The notion of economic sovereignty has been in eclipse for a long time, due to its inseparable link to the globalisation of economies, which aimed to see States give way to the principle of fluidity in the movement of people, goods and capital. The retreat of sovereignty has sometimes even been associated with the goal of curtailing the interests of nations through trade, thereby signifying that globalisation is a way of organising societies. Food sovereignty has not escaped this fundamental process, whether through the reorganisation of international trade effected in the General Agreement on Tariffs and Trade (GATT), then the WTO, from 1994 onwards, or through the reforms of the European Union's Common Agricultural Policy (CAP). However, in the wake of the Covid-19 pandemic and, above all, the war in Ukraine, we are witnessing a resurgence of the notion of economic sovereignty, particularly in regard to food. This article looks at the economic and political conditions underpinning this return of sovereignty and how it should be interpreted.
- La transition du système agroalimentaire européen dans le cadre du pacte vert : Mécanismes économiques et points de tension - Hervé Guyomard, Louis-Georges Soler, Cécile Détang-Dessendre p. 131-180 Les systèmes agricoles et alimentaires européens ont un impact négatif sur le climat et la biodiversité, et les régimes alimentaires, trop déséquilibrés, ont des effets délétères sur la santé. Le Pacte vert européen adresse ces enjeux dans le cadre d'une approche holistique. En s'appuyant sur un modèle original d'équilibre partiel, nous montrons que l'amélioration substantielle des performances climatiques, environnementales et de santé des systèmes agroalimentaires passe par la mobilisation conjointe des trois leviers agroalimentaires principaux du Pacte vert, soit 1) l'adoption à large échelle de pratiques agroécologiques, 2) la réduction des pertes et gaspillages alimentaires, et 3) la transition vers des régimes alimentaires moins riches en produits d'origine animale. Les principaux points de tension que ces trois leviers induisent et les arbitrages politiques qui en découlent sont discutés. Ceux-ci ont trait 1) aux conditions d'adoption des pratiques agroécologiques, 2) aux effets du Pacte vert sur les importations agroalimentaires européennes, 3) aux modifications des préférences et des comportements des consommateurs qui les amèneraient à modifier substantiellement leurs consommations, et enfin 4) aux enjeux pour l'élevage dans un contexte de forte baisse de la consommation et donc de la production de produits animaux.European agro-food systems have negative impacts on the climate and the biodiversity, and unbalanced diets have harmful effects on health. The European Green Deal addresses these issues through a systemic approach to the food chain. Using an original partial equilibrium model, we show that substantially improving the climate, biodiversity, and nutrition performance of European agri-food systems requires jointly using the three main levers of the Green Deal, that is, 1) extensifying agricultural practices, 2) reducing food losses, and 3) shifting toward healthier average diets containing lower quantities of animal-based products. We identify four main tension points that require attention from public authorities and actors. They concern 1) the conditions for success of the agro-ecological transition of farming practices, 2) the impact of the Green Deal on European agri-food trade, 3) changes in consumers' preferences and behaviours that would lead them to adopt more sustainable and healthier eating patterns, and 4) the challenge for the livestock sector in a context where such eating patterns imply a sharp reduction in the consumption and production of animal products.
- Reducing EU cattle numbers to reach greenhouse gas targets - Sandrine Levasseur p. 181-216 Cattle are directly responsible for half of the greenhouse gas (GHG) emissions from EU agriculture, once enteric fermentation and manure management are taken into account. Faced with the need to achieve a rapid curbing of GHG, voices in some EU circles have been calling for reducing the size of cattle herds, a radical option whose impact has not even been roughly estimated. As a working assumption, this paper first analyses the decrease of EU cattle numbers required to achieve 30% of the GHG reduction targets in agriculture for 2030. Based on the Effort Sharing Regulation (ESR), the corresponding decrease in EU cattle numbers would be 16.3 million head, a 22% reduction compared to 2022. We then discuss the implications of such a downsizing for trade and beef consumption within the EU, taking stock of current data and formulating some assumptions about supply and demand behaviour. Finally, we briefly consider other mitigation measures less radical than downsizing.
- Agriculture « durable » et alimentation « saine » en europe : De la ferme à la fourchette…, un très long chemin - Jacques Le Cacheux p. 217-237 Dans le cadre du Green Deal, vaste plan de transformation des modes de production, de consommation et de vie de l'Union européenne (UE) destiné à réduire l'impact des activités humaines sur les ressources naturelles, l'environnement et les écosystèmes, la stratégie « De la ferme à la fourchette » ( From Farm to Fork, F2F) dévoilée en 2022 par la Commission européenne vise à réduire drastiquement l'empreinte environnementale du secteur agroalimentaire européen, à fournir aux consommateurs une nourriture plus saine et abordable, et à rendre les pratiques agricoles plus soutenables, tout en assurant la souveraineté alimentaire de l'UE. À l'aune des impacts de ce secteur vital, imbriqué dans une chaîne de valeur complexe, sur les ressources naturelles, l'environnement et la santé humaine, l'objectif est ambitieux et le chemin à parcourir considérable. Mais la mise en œuvre de cette stratégie intervient dans un contexte difficile, marqué par la recrudescence de l'inflation, notamment sur les produits alimentaires, et par la montée des tensions créées par la guerre en Ukraine, suscitant des oppositions parmi les acteurs des filières agricoles, les industries qui fournissent les principaux intrants, mais également de la part des gouvernements et au sein du Parlement européen. Il y a pourtant urgence à agir et une ambitieuse transformation du secteur agroalimentaire européen est possible, à condition qu'elle concerne l'ensemble des acteurs de la chaîne, des exploitants aux consommateurs.As part of the Green Deal, the “From Farm to Fork” (F2F) strategy unveiled by the European Commission in 2022 constitutes a vast plan to transform the way the European Union (EU) produces, consumes and lives, with the aim of reducing the impact of human activities on natural resources, the environment and ecosystems. The plan seeks to drastically reduce the environmental footprint of the European agri-food sector, provide consumers with healthier and more affordable food, and make farming practices more sustainable, while ensuring the EU's food sovereignty. Given the major impact of this vital sector, which is part of a complex value chain, on natural resources, the environment and human health, its objectives are ambitious, and the road ahead is long. Furthermore, this strategy will have to be implemented in a difficult context, marked by a resurgence in inflation, particularly for food products, and by the rise in tensions created by the war in Ukraine, giving rise to opposing views among stakeholders in the agricultural sector, the industries that supply the main inputs, and also on the part of governments and within the European Parliament. Yet there is an urgent need for action, and an ambitious transformation of the European agri-food sector is possible, provided that it involves all those concerned in the chain, from farmers to consumers.
- Introduction - Sandrine Levasseur p. 79-83