Contenu du sommaire : Réforme des retraites et emploi des seniors
Revue |
Revue de l'OFCE (Observations et diagnostics économiques) ![]() |
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Numéro | no 184, 2024 |
Titre du numéro | Réforme des retraites et emploi des seniors |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Réforme des retraites et emploi des seniors - Xavier Ragot, Vincent Touzé p. 5-13
Partie I. La réforme borne 2023 Analyses et principaux éléments du débat
- Vers un nouveau recul de l'âge de la retraite : La réforme Borne 2023 - Frédéric Gannon, Florence Legros, Vincent Touzé p. 17-53 Une nouvelle réforme paramétrique du système de retraite a été adoptée sous le gouvernement Borne en avril 2023. Elle prévoit un recul de l'âge de la retraite reposant sur une mesure incitative d'accélération de la réforme Touraine de 2014 qui prévoyait déjà un allongement de la durée de cotisation (43 années de cotisation à partir de la génération née en 1965 au lieu de celle née en 1973) ainsi que sur une mesure contraignante de hausse de l'âge d'ouverture des droits (64 ans au lieu de l'actuel 62 ans). Si la réforme Borne 2023 s'inscrit dans la continuité de celle de Woerth 2010 (passage de 60 à 62 ans), elle inclut un volet social renforcé : l'âge du taux plein automatique reste fixé à 67 ans ; une surcote parentale a été ajoutée ; les dispositifs « carrières longues » demeurent ; la pension minimum est fortement revalorisée et le taux de non-recours au minimum vieillesse devrait diminuer en raison d'un relèvement important du seuil de patrimoine avant récupération sur héritage. Dans cet article, nous revenons sur les différents arbitrages financiers, économiques et sociaux qui ont pu orienter vers de tels choix et tentons de répondre à quatre questions : 1) La réforme était-elle urgente ? 2) L'âge est-il le seul paramètre d'ajustement acceptable ? 3) Quels sont les principaux points de vigilance ? 4) Que faire des excédents des régimes déjà à l'équilibre financier avant la réforme ?A new reform of the pension system parameters was adopted under the Borne government in April 2023. It provides for raising the retirement age based on an incentive to accelerate the 2014 Touraine reform, which already provided for increasing the contribution period (43 years of contributions from the generation born in 1965 instead of those born in 1973) and on a measure to lift the age of entitlement (64 years instead of the current 62 years). While the 2023 Borne reform carries on from the Woerth reform in 2010 (which moved from age 60 to 62), it includes a stronger social component: the age for full entitlement stays at 67; a parental premium has been added; the “long careers” provisions remain; the minimum pension has received a significant lift; and the rate of non-use of the minimum old-age pension should fall as a result of a significant increase in the threshold for assets before inheritance tax. In this article, we look back at the various financial, economic and social trade-offs that may have led to these choices, and attempt to answer four questions: 1) Was the reform urgent? 2) Is age the only acceptable parameter to be adjusted? 3) What are the main points to watch out for? 4) What should be done with the surpluses of schemes that were already in financial equilibrium before the reform?
- Apories d'une réforme de la retraite reposant sur l'unique paramètre de l'âge pour prolonger la vie active - Anne-Marie Guillemard p. 55-77 Le vieillissement démographique et la mutation du travail mettent sous pression les systèmes de retraite, légitimant ainsi régulièrement le principe de réforme. La nouvelle réforme adoptée sous le gouvernement Borne fait de l'âge de la retraite la principale variable d'ajustement. Cet article s'interroge sur la capacité de cette mesure à répondre aux défis posés par la société de longévité. Notre analyse s'articule autour de cinq points : 1) le caractère injuste du seul paramètre de l'âge qui répartit inégalement les efforts demandés aux actifs ; 2) La portée et les limites de cette mesure pour prolonger la vie active avec un risque de précarité accrue en fin de carrière ; 3) la nécessité de politiques actives ambitieuses du travail et de l'emploi des seniors pour prolonger la durée de vie active, à l'instar du cas finlandais ; 4) les façons de remédier à la crise de la qualité et du sens du travail ; 5) l'impact de la réforme sur le pacte entre les générations.The ageing of the population and the changing nature of work are putting pressure on pension systems, thereby routinely evoking the need for reform. The new reform adopted under the Borne government makes the age of retirement the main variable to be adjusted. This article looks at how well this parameter responds to the challenges posed by the longevity society. Our analysis is based on five points: 1) the unfair nature of the age parameter alone, which unequally distributes the burden put on working people; 2) the scope and limits of this measure for prolonging working life, with a risk of heightened job insecurity at the end of one's career; 3) the need for ambitious active labour and employment policies for older people to prolong working life, following the example of Finland; 4) ways to remedy the crisis in the quality and meaningfulness of work; and 5) the reform's impact on intergenerational solidarity.
- Vers un nouveau recul de l'âge de la retraite : La réforme Borne 2023 - Frédéric Gannon, Florence Legros, Vincent Touzé p. 17-53
Partie II. Réforme et âge de la retraite dans des modèles macroéconomiques
- Quelles conséquences macroéconomiques doit-on attendre d'une réforme des retraites à court et moyen termes ? : Une analyse d'impact à l'aide d'un modèle macroéconométrique trimestriel - Bruno Ducoudré, Éric Heyer, Jack London p. 81-100 Notre étude utilise le modèle e-mod.fr de l'OFCE pour examiner les conséquences macroéconomiques à court et moyen termes d'une réforme du système de retraite en France. Après avoir présenté succinctement ce modèle néokeynésien, nous identifions les chocs macroéconomiques à simuler pour différents types de réformes : baisse des dépenses, hausse des recettes ou recul de l'âge de la retraite. Par la suite, nous évaluons l'impact macroéconomique de ces chocs et discutons des différents canaux de transmission (demande globale, coût de production, inflation et marché de travail). Enfin, nous analysons la sensibilité des résultats à la conjoncture ainsi qu'à l'élasticité de l'emploi à son coût et à la nature de l'ajustement des salaires (« wage setting » vs courbe de Phillips).Our study uses the OFCE's e-mod.fr model to examine the short- and medium-term macroeconomic consequences of reforming France's pension system. After briefly presenting this neo-Keynesian model, we identify the macroeconomic shocks to be simulated for different types of reform: a reduction in expenditure, an increase in revenue or a rise in the retirement age. We then assess the macroeconomic impact of these shocks and discuss the various transmission channels (aggregate demand, production costs, inflation and the labour market). Finally, we analyse the sensitivity of the results to the business cycle as well as the elasticity of employment to its cost and the nature of the wage adjustment (“wage setting” vs the Phillips curve).
- Choix d'âge de départ en retraite et emploi des seniors en France : que nous ont appris les réformes passées ? : Fondements microéconomiques, bouclage macroéconomique et évaluations des réformes - François Langot p. 101-155 Depuis plus de 30 ans, des réformes du système de retraite français ont permis d'assurer sa soutenabilité financière dans un environnement démographique changeant. En plus de la pérennité des retraites à la française, elles ont réduit l'exclusion prématurée des seniors de l'emploi. Cet article vise à remettre en perspective ces deux résultats, sur la base des réformes des retraites en France. Premièrement, le recul de l'âge du taux plein crée un premier dividende en réduisant le nombre de retraités et en augmentant le nombre de cotisants au-delà de l'âge du taux plein, diminuant une première fois les déficits des caisses de retraite. Deuxièmement, le recul de l'âge de la retraite « cause » un accroissement de l'emploi des seniors avant l'âge du taux plein et augmente donc le nombre de cotisants, ce qui génère alors un second dividende pour les caisses de retraite et pour l'ensemble de l'économie. Pour reculer l'âge effectif de départ en retraite, on montre que les mesures incitatives telles que des surcotes sont un instrument puissant pour un recul volontaire de l'âge de la retraite, et non imposé comme dans le cas du recul de l'âge légal. Les effets positifs du recul de l'âge de la retraite sur l'emploi des seniors sont fragiles car ils reposent sur l'absence de mesures qui viendraient briser l'anticipation d'un allongement de l'horizon de travail des seniors, telles que les différentes mesures spécifiques aidant au non-emploi en fin de cycle de vie.For over 30 years, reforms to the French pension system have ensured its financial sustainability in a changing demographic environment. In addition to ensuring the system's sustainability, they have avoided prematurely excluding older people from employment. The aim of this article is to put these two results into perspective, on the basis of the pension reforms carried out in France. Firstly, raising the age for full retirement creates an initial dividend by reducing the number of pensioners and increasing the number of contributors with the new age for full entitlement, thereby reducing pension fund deficits for the first time. Secondly, raising the retirement age “causes” an increase in the employment of older people before they reach full retirement age, and therefore increases the number of contributors, which then generates a second dividend for the pension funds and for the economy as a whole. To raise the effective retirement age, we have shown that incentives such as premiums are a powerful tool for voluntarily raising the retirement age, rather than imposing this by raising the statutory retirement age. The positive effects of raising the retirement age on the employment of older people are tentative, because they are based on the absence of measures that would break up the anticipation of a lengthening of the working life of older people, such as the various specific measures that help to prevent non-employment at the end of the life cycle.
- Longévité, pénibilité et nouvel impératif de sobriété : Quelles incidences sur le choix de l'âge de la retraite ? - Didier Blanchet, Vincent Touzé p. 157-190 Trois arguments structurent traditionnellement le débat sur l'âge de la retraite : 1) l'idée que l'allongement de la durée de vie impose logiquement de le relever en proportion, 2) le fait que la pénibilité du travail plaide, à l'inverse, pour limiter cette hausse et 3) le fait que, au demeurant, on a longtemps su combiner élévation de l'espérance de vie et baisse du temps travaillé, et qu'il pourrait continuer d'en être ainsi. L'urgence environnementale introduit un quatrième argument semblant aller dans ce même sens. Si moins polluer impose de moins produire, il faut travailler moins plutôt que davantage. Mais cet argument de la sobriété est moins unilatéral qu'il n'en a l'air. Ce sont les énergies fossiles qui ont, en large part, permis le découplage passé entre espérance de vie et âge de la retraite : c'est en polluant plus qu'on a pu vivre mieux en travaillant moins. Peut-on se passer de ces énergies fossiles sans avoir à remobiliser davantage de travail ? Un modèle heuristique simple permet de mettre à plat les principaux éléments du débat. Le choix de l'âge de la retraite doit trouver le point d'équilibre entre des contraintes qui ne vont pas toutes dans le même sens.Three arguments have traditionally framed the debate on the retirement age: 1) the idea that longer life expectancy logically requires a proportional increase; 2) the fact that the hardship of work argues to the contrary for limiting this increase; and 3) the fact that, incidentally, we have long been able to combine increased life expectancy with a reduction in time worked, and that this could continue to be the case. Environmental urgency introduces a fourth argument that seems to go in the same direction. If less pollution means less production, then we need to work less rather than more. But this sobriety argument is not as one-sided as it seems. Fossil fuels have generally made possible the past decoupling of life expectancy and retirement age: it is by polluting more that we have been able to live better by working less. Can we do without these fossil fuels without having to make use of more labour? A simple heuristic model can be used to set out the main elements of the debate. The choice of retirement age has to strike a balance between constraints that do not all point in the same direction.
- Quelles conséquences macroéconomiques doit-on attendre d'une réforme des retraites à court et moyen termes ? : Une analyse d'impact à l'aide d'un modèle macroéconométrique trimestriel - Bruno Ducoudré, Éric Heyer, Jack London p. 81-100
Partie III. Une mise en perspective européenne
- The Financial Burden of Pensions in Europe : A Cross-country Comparison - Anne Lavigne, Antti Mielonen, Niko Väänänen, Mika Vidlund p. 193-226 Across Europe, ageing populations strain national budgets as pension costs rise. This article aims to provide a comprehensive view on how much is being contributed and by whom into pension systems in eight European countries: Denmark, Finland, France, Germany, Italy, the Netherlands, Norway and Sweden. To obtain comparable results, the pension systems addressed in this paper include basic and earnings-related pensions organised in statutory (first pillar) and occupational (second pillar) pension schemes, but exclude private pension savings. Using 2020 data, the paper analyses contributions from employees, employers and taxes. When all pension schemes are combined, contribution levels converge across countries, averaging 14.6% of GDP. Italy and Denmark contribute the most (16.8% and 16.7%), while Sweden and Finland contribute the least (12.1% and 12.5%). Focusing on the contribution breakdown, employers' contributions generally account for the greatest share (50% on average), followed by tax revenue (30%) and employee contributions (20%). Denmark relies heavily on taxes (60%), while Sweden relies on employers (67%). At the individual level, financing costs are progressive in Denmark, France and (somewhat) Sweden, meaning higher earners pay more. They are flat in Finland and Italy, and regressive in the Netherlands and Germany.
- Maintien des seniors dans l'emploi en Europe : Quel bilan face au défi posé par le recul de l'âge de la retraite ? - Gilles Le Garrec, Vincent Touzé p. 227-272 Cet article dresse un bilan de la capacité que les principaux pays européens ont eue à faire face au vieillissement accéléré de leur population active depuis 2008. L'analyse se concentre précisément sur dix pays : l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, la Finlande, la France, l'Italie, les Pays-Bas et la Suède. Les réformes des systèmes de retraite depuis les années 1990 ont entraîné un recul progressif de l'âge moyen de la retraite, ce qui a augmenté le taux d'activité des seniors. S'est alors posée la question de leur maintien dans l'emploi, en considérant les spécificités liées à leur âge, telles que l'expérience acquise, l'obsolescence du capital humain ou encore un état de santé potentiellement dégradé, et comment elles peuvent influencer leur intégration professionnelle (productivité, salaire et contrat de travail). Les stratégies européennes et nationales ont visé à adapter les marchés du travail afin de répondre aux caractéristiques des seniors. Elles se sont notamment appuyées sur les axes suivants : formation professionnelle tout au long de la vie, lutte contre la discrimination basée sur l'âge, adaptation des postes, management des âges, flexibilité du temps de travail. Malgré des performances différenciées, une convergence des taux d'emploi des seniors s'est observée, les pays ayant eu un retard important en 2008 connaissant les plus fortes hausses par la suite. Deux groupes se distinguent néanmoins : ceux historiquement en avance et qui ont maintenu une certaine dynamique (Allemagne, Pays-Bas, Suède, Danemark et Finlande) et ceux en retard qui s'inscrivent aussi dans un schéma de convergence mais qui sont à la traîne sur l'emploi des 60-64 ans (France, Espagne, Italie, Belgique et Autriche).This article takes stock of how well the main European countries have coped with the accelerated ageing of their working populations since 2008. The analysis focuses on ten countries: Austria, Belgium, Denmark, Finland, France, Germany, Italy, the Netherlands, Spain and Sweden. The reforms of the pension systems carried out since the 1990s have led to a gradual increase in the average retirement age, which in turn has raised senior citizens' participation rate. This poses the question of how to keep older workers in employment, considering specific characteristics such as their age, the experience they have acquired, the obsolescence of human capital or potential deteriorations in their health, and how all this can influence their professional integration (productivity, salary and employment contract). The strategies adopted at European and national level have aimed to adapt labour markets to the needs of older workers. They have focused on the following areas in particular: lifelong vocational training, combating age discrimination, adapting working situations, age management and flexible working hours. Despite differing performances, there has been a convergence in the employment rates of older workers, with the countries that lagged significantly in 2008 experiencing the biggest increases thereafter. Nevertheless, two groups stand out: those countries that have historically been frontrunners and have maintained a certain momentum (Germany, the Netherlands, Sweden, Denmark and Finland) and those that are lagging behind which, despite the tendency to converge, are still flagging in terms of the employment of 60-64 year-olds (France, Spain, Italy, Belgium and Austria).
- The Financial Burden of Pensions in Europe : A Cross-country Comparison - Anne Lavigne, Antti Mielonen, Niko Väänänen, Mika Vidlund p. 193-226