Contenu du sommaire : L'aventure spatiale
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Numéro | no 57, 2024 |
Titre du numéro | L'aventure spatiale |
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- L'aventure spatiale. Présentation - Laurent Martin, Laurence Guignard p. 9-17
Imaginaires et sensorialités de l'espace
- L'imaginaire olfactif de l'exploration spatiale : Savoirs, reconstructions et immersion - Érika Wicky p. 21-33 L'espace occupe une place notable dans l'histoire de la culture olfactive et s'impose fréquemment dans les récents développements de l'art olfactif. Contemporain de l'avènement des études sur l'olfaction, qui constituent un véritable laboratoire des approches interdisciplinaires, l'art olfactif a ainsi trouvé dans l'imaginaire de l'aventure spatiale un terrain privilégié à la fois pour développer un dialogue fructueux avec les sciences et pour offrir au public une expérience formatrice. Ancrées dans une tradition ancienne consistant à faire appel au sens de l'odorat pour l'analyse chimique, de nombreuses expériences olfactives croisant arts et médiation scientifique proposent une nouvelle approche, sensorielle, de l'aventure spatiale. Alors que le vide spatial exclut la respiration et donc l'olfaction, l'intérêt suscité par ces expériences olfactives et leur multiplication apparaît paradoxal et invite à s'interroger sur les enjeux spécifiques de l'olfaction en ce qui concerne les savoirs, la compréhension et l'expérience de l'espace.Space holds an important place in the history of olfactory culture and is a recurring theme in recent developments in olfactory art. With the advent of olfactory studies, a veritable laboratory for interdisciplinary approaches, olfactory art has thus found in the imaginary world of space exploration a privileged ground both for developing a fruitful dialogue with the sciences and for offering the public a formative experience. Rooted in the ancient tradition of using the sense of smell for chemical analysis, a variety of olfactory experiences, combining art and scientific mediation, offer a new sensory approach to the adventure of space. While the vacuum of space excludes breathing and therefore olfaction, the interest aroused by these olfactory experiences and their multiplication seems paradoxical and invites us to question the specific stakes of olfaction in terms of knowledge, understanding and experience of space.
- Faire disparaître le bleu du ciel : Les images des missions analogues, entre science et fiction - Élise Parré p. 35-55 Les simulations terrestres d'explorations spatiales appelées missions analogues ont lieu sur des terrains retenus pour leurs ressemblances géologiques et minéralogiques avec la Lune ou Mars. Elles ont débuté lors du programme Apollo en 1961 et ont pour objectifs scientifiques majeurs d'entraîner les astronautes, d'étudier leur physiologie et leur psychologie ainsi que les interactions avec les rovers et la robotique. Outre un travail de préparation hautement scientifique, les missions analogues participent à des récits, produisent des images, et appartiennent à des paysages où le fait de se projeter ailleurs pour se préparer à y aller « vraiment » entretient une relation ambiguë au réel et à la fiction.À partir d'un travail d'analyse des images appartenant à divers registres comme celles produites par les services de communication des agences spatiales, les rapports scientifiques ou les films de science-fiction, nous examinons comment ces missions construisent la relation au paysage et à l'exploration spatiale et comment les procédés esthétiques employés se répètent dans ces matériaux visuels. Enfin, nous étudions comment les imbrications complexes entre les productions scientifiques et les productions de fictions au cœur de ces missions analogues contribuent à façonner notre imaginaire et notre représentation collective de l'exploration spatiale.The Earth-based simulations of space exploration called analog missions take place on terrain selected for their geological and mineralogical similarities to the Moon or Mars. They began during the Apollo program in 1961 and have major scientific objectives of training astronauts, studying their physiology and psychology, as well as interactions with rovers and robotics. Beyond highly scientific preparation work, analogue missions participate in narratives, produce images, and belong to landscapes where the act of projecting oneself elsewhere to prepare to go there “really” maintains an ambiguous relationship to reality and fiction.Through an analysis of images belonging to various registers such as those produced by space agency communication services, scientific reports, or science fiction films, we examine how these missions construct the relationship to landscape and space exploration, and how the aesthetic processes employed are repeated in these visual materials. Finally, we study how the complex interplay between scientific productions and fictional productions at the heart of these analog missions contributes to shaping our imagination and collective representation of space exploration.
- De la TSF aux étoiles : La construction d'un imaginaire sonore de l'espace dans les années 1920-1940 - Stéphane Le Gars p. 57-76 Depuis l'Antiquité, l'idée que les sons et la musique reflètent l'organisation du cosmos est permanente. Au xxe siècle, cette connexion entre le son et l'espace s'affirme au travers de l'univers sonore des films de science-fiction dès les années 1930. La mise au point de nouveaux instruments de musique électriques et électroniques ouvre un champ de possibles inédit et contribue à façonner un imaginaire de l'espace particulier. Notre étude s'intéresse plus particulièrement au son des ondes Martenot, un instrument de musique électronique apparu en 1928. Construit sur les possibilités sonores des lampes triodes utilisées en télégraphie sans fil, cet instrument nous permet de questionner les liens entre la TSF, la musique, le cinéma de science-fiction, l'espace et l'éther, ce milieu insaisissable et mystérieux, censé transporter les ondes électromagnétiques et les messages terrestres vers d'autres mondes.Since Antiquity, the idea that sounds and music reflect the organization of the cosmos has been constant. In the 20th century, this connection between sound and space was affirmed through the sounds used in science fiction films from the 1930s. The development of new electric and electronic musical instruments opened up a field of possibilities and participates in shaping a particular imaginary of space. This study looks thorough the sound of the Ondes Martenot, an electronic musical instrument that appeared in 1928. Built on the sonic possibilities of triode lamps used in wireless telegraphy, this instrument allows us to question the links between TSF, music, science fiction cinema, Space and the ether, this elusive and mysterious medium, supposed to transport electromagnetic waves and terrestrial messages to other worlds.
- L'« imaginaire spatial » : Constitution, essence et fonctions dans l'œuvre de Jean Perdrizet (1904-1975) - Jean-Gaël Barbara p. 77-96 L'œuvre graphique du créateur emblématique de l'art brut Jean Perdrizet (1907-1975) est reconnue et exposée dans plusieurs musées en France et à l'étranger. Elle est principalement axée sur le thème de l'aventure spatiale de la période 1950-1975. Les œuvres directement dédiées à l'espace sont, par exemple, la « Balance spatiale pour hélicoptère puis astronef-treuil », le « Cerveau électrolyte – astronaute », ou encore la « Fusée palan – Rocket Tackle – Rocket Crane ». Cette œuvre dévoile comment un créateur d'art brut a pu consacrer toute sa vie au thème de la découverte et de la conquête spatiales en imaginant des robots intelligents et des engins destinés à conquérir l'espace. Cette œuvre témoigne d'un univers rêvé, puis imaginé, dans le contexte de la cybernétique, de la communication, y compris avec les morts, du spiritisme, et des neurosciences. L'analyse de cette œuvre à la croisée de l'histoire de l'art, de l'histoire des sciences et de l'histoire culturelle dévoile une culture spatiale liée à la science-fiction, la cybernétique et l'aventure spatiale qui lui est contemporaine.The graphic work of Jean Perdrizet (1907-1975), the emblematic creator of art brut, is recognised and exhibited in several museums in France and abroad. It focuses mainly on the theme of space adventure from 1950 to 1975. Works directly dedicated to space include “Balance spatiale pour hélicoptère puis astronef-treuil”, “Cerveau électrolyte—astronaute” and “Fusée palan—Rocket Tackle—Rocket Crane”. This work shows how a creator of art brut could devote his whole life to the theme of the discovery and the conquest of space, creating a visual work dedicated to intelligent robots and devices designed to conquer space. This work testifies to a universe dreamed and then imagined in the context of cybernetics, communication, including with the dead, spiritualism and neuroscience. An analysis of this work at the crossroads of art, science and cultural history reveals a space culture linked to science fiction, cybernetics and the space adventure that is its contemporary.
- L'imaginaire olfactif de l'exploration spatiale : Savoirs, reconstructions et immersion - Érika Wicky p. 21-33
Conquête spatiale et culture de masse
- L'omniprésence de l'espace dans les illustrés francophones au temps des premiers vols spatiaux - Catherine Radtka p. 99-118 Cet article contribue à l'examen en profondeur du temps des « premières spatiales » en analysant les illustrés francophones pour la jeunesse publiés dans la seconde moitié des années 1950 et au début des années 1960. Il montre que ces publications ont été une voie privilégiée d'intégration de références, images, et informations liées à l'actualité et à l'imaginaire spatial dans la culture jeune et dans la culture populaire. La multiplication des récits d'actualité et de fiction, de reportages documentaires mais aussi d'histoires et images humoristiques, de suggestions de jeux et bricolages ainsi que d'annonces publicitaires crée une accumulation qui contribue à consolider des conventions visuelles et narratives et à construire des représentations collectives rassembleuses. En particulier, le spatial est abordé à travers un angle scientifique et technique qui permet d'en neutraliser les dimensions militaires, politiques et idéologiques pour lui substituer une image d'activité pacifique donnant lieu à une compétition internationale. Cependant, les variations de traitement proposées par les différents titres complexifient ce constat général, en particulier dans les magazines qui ciblent un lectorat féminin.This article contributes to an in-depth examination of the beginning of the space era by analyzing francophone children's magazines published in the second half of the 1950s and early 1960s. It shows that these publications were a privileged means of integrating references, images and information linked to space news and imaginary into youth culture and popular culture. The multiplication of factual and fictional articles, documentary reports, humorous stories, suggestions for games and do-it-yourself projects, as well as advertisements, creates an accumulation that helps consolidate visual and narrative conventions and build collective representations. In particular, space is approached from a scientific and technical angle, neutralizing its military, political and ideological dimensions and replacing it with an image of peaceful activity and international competition. However, the variations in treatment offered by the various titles complicate this general observation, particularly in magazines targeting a female readership.
- Imag(in)er la colonisation spatiale : Conceptions et évolutions de la couverture du roman de science-fiction depuis 1968 - Guylaine Guéraud-Pinet, Benoît Lafon p. 119-135 L'aventure spatiale et la conquête du système solaire sont des thèmes phares de la littérature de science-fiction. L'imagerie associée est particulièrement visible sur les couvertures de romans du genre. Cet article souhaite montrer comment cet objet spécifique évolue depuis près de cinquante ans dans un contexte mêlant enjeux socio-culturels (tendances artistiques ; imaginaires populaires), sociopolitiques (avancées scientifiques, représentations des activités de colonisation) et socio-économiques (captation des lecteurs). À partir d'une analyse statistique et sémiologique de 197 couvertures d'ouvrages édités entre 1968 et 2022, l'article montre que l'imagerie associée à la conquête spatiale dans la science-fiction reste particulièrement réaliste. Elle produit un équilibre entre des horizons d'attente en tension, lointains pour rester à l'état de potentialités, mais assez proches pour être rendus visualisables.The space adventure and the conquest of the solar system are key themes in science fiction literature. Related images are particularly visible on the covers of SF novels. The aim of this article is to show how this specific object has evolved over the last fifty years in a context that combines socio-cultural issues (artistic trends; popular imagination), socio-political issues (scientific advances, representations of colonisation activities) and socio-economic issues (attracting readers). Based on a statistical and semiological analysis of 197 book covers published between 1968 and 2022, the article shows that the imagery associated with the conquest of space in science-fiction remains particularly realistic. It strikes a balance between horizons of expectation in tension, distant enough to remain in the state of potentialities, but close enough to be made visualisable.
- Mourir pour l'espace ? : Les astronautes crépusculaires du cinéma de science-fiction contemporain - Simon Bréan p. 137-154 Au cours du xxe siècle, les figures d'astronautes, réelles comme fictionnelles, ont été représentées comme ayant « l'étoffe des héros », comprise comme une masculinité exacerbée, en particulier au cinéma. Ces représentations connaissent une inflexion récente, sous la forme de « l'astronaute crépusculaire », dont l'hypercompétence est associée à une fragilité et une sensibilité douloureuses. Cet article en déterminera les dynamiques narratives et symboliques à partir de l'étude d'Interstellar (Christopher Nolan, 2014) et d'Ad Astra (James Gray, 2019), ainsi que de Gravity (Alfonso Cuarón, 2013), de Seul sur Mars (Alfonso Cuarón, 2015).Throughout the 20th century, astronauts—both real and fictional—have been portrayed as having the « right stuff », that is an exaggerated masculinity, particularly in the cinema. These representations have taken a turn toward the figure of a « twilight astronaut », whose hypercompetence is associated with a measure of painful fragility and sensitivity. This article aims at discerning the narrative and symbolic dynamics of this kind of representation, based on a study of Interstellar (Christopher Nolan, 2014) and Ad Astra (James Gray, 2019), as well as Gravity (Alfonso Cuarón, 2013) and The Martian (Alfonso Cuarón, 2015).
- Une fusée en plastique : La pratique participative dans la culture populaire spatiale - Guillaume de Syon p. 155-172 Cet article propose de discuter d'une représentation spécifique de l'aventure spatiale sous la forme de modèles réduits devenus populaires dans les années 1950 et qui a continué d'attirer un certain public jusqu'à nos jours, comme en témoigne la vente de répliques en ligne dans divers matériaux, et la collection enthousiaste d'itérations antérieures de tels modèles. Ce faisant, il cherche à montrer comment le public a favorablement accueilli une familiarisation avec le potentiel des voyages spatiaux, mais en est également venu à confondre les réalités potentielles avec les fantasmes associés de la science-fiction qui capitalisaient également sur le modélisme. Ainsi, des modèles spatiaux de toutes sortes, qu'ils soient réalistes ou fantastiques, en sont venus à susciter l'intérêt pour les voyages planétaires ou même à maintenir l'espoir d'une telle entreprise lorsque les activités spatiales connaissaient une accalmie. Le défi de la compréhension de ces activités spatiales résidait dans le mélange des faits scientifiques et de la science-fiction : la fascination pour les fusées réelles a entraîné une demande des consommateurs pour des modèles à plus grande échelle (tels que les modèles du véhicule lunaire Saturn V) capables de coexister avec des modèles de science-fiction de vaisseau spatial (comme le vaisseau spatial Enterprise) qui n'existait pas. Les maquettes en sont ainsi venues à représenter un matérialisme élémentaire qui a aidé les jeunes (et moins jeunes) générations à comprendre certains concepts du voyage spatial. Ce faisant, ils offraient un degré de plausibilité qui dépassait les réalités actuelles du voyage spatial, mais pas son potentiel.This paper proposes to discuss a specific representation of the space adventure in the form of scale models that became popular in the 1950s and have continued to draw a popular following to the present day, as evidenced by the sale of replicas online in various materials, and the eager collecting of earlier iterations of such models. In so doing, it seeks to show how the general public welcomed a familiarization with the potential of space travel, but also came to confuse potential realities with the associated fantasies of science fiction that also capitalized on model making. As such, space models of various kinds, whether realistic or fantasies came to elicit interest in planetary travel or even in maintaining hope for such endeavor when space activities incurred a lull. The challenge of understanding such space activities lay in mixing together science fact and science fiction: The fascination for actual rockets brought about a consumer demand for bigger scale models (such as models of the Saturn V moon vehicle) capable of coexisting with science fiction models of spacecraft (like the starship Enterprise) that did not exist. Model kits thus came to represent an elemental materialism that helped young (and not so young) generations grasp some concepts of space travel. In so doing, they offered a measure of plausibility that exceeded the current realities of space travel, though not its potential.
- L'omniprésence de l'espace dans les illustrés francophones au temps des premiers vols spatiaux - Catherine Radtka p. 99-118
Une question spatiale ? Enjeux et débats politiques
- Victor Coissac et Ary Sternfeld : Une science spatiale populaire dans la France de l'entre-deux-guerres - Matthias Cléry, Florian Mathieu p. 175-201 L'article met en évidence certaines racines populaires du vol spatial. Victor Coissac et Ary Sternfeld ont en effet chacun proposé des productions originales et pionnières dans le domaine des sciences spatiales, dans la mesure où elles tentent de prouver la faisabilité des voyages interplanétaires. Tous deux engagés dans le mouvement ouvrier, ils témoignent d'une forme de science populaire caractérisée par une dimension politique explicite. Cette dimension politique se manifeste notamment par leur investissement dans des œuvres de vulgarisation à destination des classes populaires. Leurs productions révèlent un usage des représentations visuelles qui s'inscrit en continuité avec une certaine culture scolaire des sciences et du dessin, caractéristique de la Troisième République. Ces auteurs ayant été longtemps oubliés, l'article revient également sur les conditions historiographiques de leur redécouverte.The article highlights some of the popular roots of space flight. Victor Coissac and Ary Sternfeld each put forward original and pioneering productions in the field of space science, insofar as they attempted to prove the feasibility of interplanetary travel. Both were involved in the workers' movement, and their work reflects a form of people's science with an explicitly political dimension. This political dimension is particularly evident in their investment in popular science aimed at the working classes. Their productions reveal a use of visual representations that is in keeping with a certain school culture of science and drawing, characteristic of the Third Republic. As these authors were long forgotten, the article also looks at the historiographical conditions of their rediscovery.
- Les juristes à la rencontre d'une vie intelligente extraterrestre : Composition d'une astroculture disciplinaire (années 1950 et 1960) - François Rulier p. 203-215 Dès les années 1950, alors que les anticipations autour d'une exploration spatiale se concrétisent, plusieurs juristes à travers le monde s'interrogent sur les conséquences d'une rencontre entre l'humanité et une vie intelligente extraterrestre. Ils développent en réponse des propositions juridiques pour encadrer ces rencontres de façon à assurer leur caractère pacifique. Ces propositions s'inscrivent dans l'imaginaire social de juristes internationalistes, formés au droit international et pour beaucoup au droit aérien, et fréquentant assidument le milieu astronautique. Il en résulte une grille de lecture au croisement de l'astroculture dont le milieu astronautique est un moteur, et des espoirs d'un certain milieu juridique internationaliste et anticolonialiste.As early as the 1950s, as anticipations of space exploration began to take shape, lawyers around the world were pondering the consequences of an encounter between mankind and extraterrestrial intelligent life. In response, they developed legal proposals to regulate such encounters in such a way as to ensure their peaceful nature. These proposals are rooted in the social imagination of international lawyers, many of whom had been trained in international law and air law, and were part of the astronautical community. The result is a reading grid at the crossroads of astroculture, of which the astronautical milieu was a driving force, and the hopes of a specific internationalist and anti-colonialist legal community.
- Sous l'utopie, la critique : L'Association des astronautes autonomes ou la critique artiste contre l'exploitation de l'espace - Jérôme Lamy p. 217-234 Le groupe artistique d'intervention publique l'Association des astronautes autonomes (l'AAA), s'est, dans les années 1990, proposée d'élaborer une critique des activités spatiales. Par ses manifestations collectives, le groupe dénonçait l'oppression, l'individualisme, la misère et le désenchantement qui sous-tendent le secteur du spatial. L'AAA mobilise toute une gamme d'actions. Les performances et les happenings ont visé un réenchantement de l'exploration spatiale. Les pastiches dénoncent les cadres oppressifs des expériences spatiales. La production théâtralisée du conflit à propos du spatial pointe davantage la polarisation des opinions. In fine, la critique artiste marque ici un écart entre un discours radical contre les activités spatiales et une production esthétique plus pondérée.In the 1990s, the Association of Autonomous Astronauts, a public intervention art group, set out to develop a critique of space activities. Through their collective demonstrations, the group denounced the oppression, individualism, misery and disenchantment that underpin the space sector. The AAA mobilised a whole range of actions. Performances and happenings aimed to re-anchor space exploration. Pastiches denounced the oppressive framework of space experiments. The dramatised production of conflict about space was more concerned with the polarisation of opinions. Ultimately, artistic criticism here marked a gap between a radical discourse against space activities and a more balanced aesthetic production.
- Victor Coissac et Ary Sternfeld : Une science spatiale populaire dans la France de l'entre-deux-guerres - Matthias Cléry, Florian Mathieu p. 175-201
Lieux et ressources
- Une visite à l'observatoire de Juvisy-sur-Orge - Évelyne Cohen p. 237-245
- Partager la passion de l'astronomie avec le plus grand nombre : Quelques questions à Sylvain Bouley, professeur de planétologie et sciences de la terre à l'université Paris Saclay, président de la Société astronomique de France (SAF) - Sylvain Bouley, Laurence Guignard, Julie Verlaine p. 247-249
- Une visite à l'observatoire de Juvisy-sur-Orge - Évelyne Cohen p. 237-245
Regards croisés
- Quand le cinéma recrée les manifestations de Mai 1968 - Sébastien Le Pajolec p. 253-263 Si les commémorations successives des « événements » ont donné lieu à une profusion éditoriale, dans les librairies comme dans les kiosques, et à une inflation de programmes télévisuels – des émissions spéciales, des débats ou des documentaires – le cinéma de fiction est resté le parent pauvre de la famille des représentations médiatiques des journées de Mai. Le faible nombre de longs métrages qui leur est consacré ne permet pas de développer une réflexion globale sur la figuration du moment 68, c'est pourquoi nous avons préféré déplacer la focale sur un motif singulier : la mise en scène fictionnelle de la manifestation. Recréer une manifestation de Mai 68 à l'écran, quels que soient les moyens dont on dispose, repose sur une série de choix de mise en scène et de mise en sons. L'examen des procédés utilisés et des points de vue adoptés par les cinéastes met en évidence les différentes visions de 68, et plus largement du politique, que leurs œuvres élaborent.Many books have been published about May 68 and a lot of television programs dealt with it but few fiction films have shown these events. Despite the low number of movies concerned, in this text we try to study how these filmmakers have shot the May 68 protests and to highlight the different ways these directors have choose to represent this historical period.
- Quand le cinéma recrée les manifestations de Mai 1968 - Sébastien Le Pajolec p. 253-263
Trames
- « Cosmo-Rallye » et Jeu de l'oie spatial dans Les aventuriers du ciel, voyages extraordinaires d'un petit Parisien dans la stratosphère, la Lune et les planètes (1935-1937) de René-Marcel de Nizerolles - Fleur Hopkins-Loféron p. 267-287 Cet article s'attache à étudier, dans la série fasciculaire de René-Marcel de Nizerolles Les aventuriers du ciel, voyages extraordinaires d'un petit Parisien dans la stratosphère, la Lune et les planètes (1935-1937), le recours au Jeu de l'oie, offert comme prime avec le 12e fascicule de décembre 1935. Très présent dans la culture populaire et médiatique de son temps, ce jeu permet de mettre en évidence les principes sériels et visuels qui président à l'œuvre, à savoir la subversion du modèle du tour du monde contre la montre, pour privilégier celui d'une exploration stellaire aléatoire, à distinguer de l'expression anachronique de space opera, que l'on trouve parfois associée au feuilleton.In René-Marcel de Nizerolles' fascicular series Les aventuriers du ciel, voyages extraordinaires d'un petit Parisien dans la stratosphère, la Lune et les planètes (1935-1937), this article examines the use of the Jeu de l'Oie, offered as a bonus with the 12th fascicular of December 1935. Very much a part of the popular and media culture of the time, this game highlights the serial and visual principles at work here, namely the subversion of the round-the-world-against-the-clock model in favor of that of random stellar exploration, distinct from the anachronistic expression space opera, which is sometimes associated with the serial.
- « Cosmo-Rallye » et Jeu de l'oie spatial dans Les aventuriers du ciel, voyages extraordinaires d'un petit Parisien dans la stratosphère, la Lune et les planètes (1935-1937) de René-Marcel de Nizerolles - Fleur Hopkins-Loféron p. 267-287
Retours sur…
- À la croisée des épistémé : les peintures photographiques d'Hippolyte Guénaire - Charly Pellarin-Régis p. 291-307 Cet article propose d'analyser les différentes attitudes épistémiques qui déterminent la réalisation et la diffusion d'une peinture qui confronte deux représentations de la nébuleuse des Chiens de Chasse. Réalisée en 1878 par Hippolyte Guénaire, astronome auxiliaire à l'Observatoire de Paris, l'élaboration de cette image de vulgarisation, à destination du nouveau musée astronomique, n'en demeure pas moins complexe. En effet, son processus de production emprunte largement au modèle de la vérité d'après nature. Pourtant, en étant attentif aux discours relatifs à ces représentations, à la polyvalence de Guénaire ainsi qu'aux différents indices d'une hybridité intermédiale (à mettre en lien avec l'essor de l'astrophotographie), il semble clair qu'elle s'inscrit dans un contexte charnière où s'affirme l'idéal régulateur de l'objectivité mécanique. Non sans faire écho à la circulation des images issues de nos télescopes spatiaux contemporains, la peinture de Guénaire permet de mettre en lumière le caractère hybride de l'imagerie astronomique du second xixe siècle.This article analyzes the different epistemic attitudes that determine the production and distribution of a painting that confronts two representations of the Whirpool galaxy (M51). Created in 1878 by Hippolyte Guénaire, an auxiliary astronomer at the Paris Observatory, the production of this popularized image for the new astronomical museum was no less complex. Indeed, the production process borrowed heavily from the model of truth from nature. And yet, if we pay close attention to the discourse surrounding these representations, to Guénaire's versatility and to the various indications of an intermedial hybridity (to be linked with the rise of astrophotography), it seems clear that they are part of a pivotal context in which the regulating ideal of mechanical objectivity is asserting itself. Not without echoing the circulation of images from our contemporary space telescopes, Guénaire's painting sheds light on the hybrid nature of astronomical imagery in the second nineteenth century.
- À la croisée des épistémé : les peintures photographiques d'Hippolyte Guénaire - Charly Pellarin-Régis p. 291-307
Actualités
- Un siècle vexillaire : les trois âges du drapeau algérien - Salim Chena p. 311-332 Qu'est-ce qu'une communauté politique de destin, ce qu'a cherché à produire le projet idéologique du FLN ? Le hirak, à compter de février 2019, a montré combien le drapeau était l'objet d'un dissensus entre les « marcheurs » et le « pouvoir ». L'article entend être une contribution aux réflexions sur les rapports ordinaires au politique qui constituent la trame des existences stato-nationales entre acceptations, tolérances et résistances sociales à un ordre symbolique appelé à garantir la pérennité de l'État et l'autorité de celles et ceux qui y trouvent leur intérêt. En s'attachant aux rapports vexillaires des Algérien·nes, l'article questionne surtout ce qui fait que le drapeau est plus qu'un étendard : un lien quasi-organique avec une communauté imaginée, un territoire de rattachement et des sentiments partagés que transforment les circonstances.What is a political community of destiny, as the FLN ideological project intended to create? The hirak, starting in february 2019, showed how much the flag was a point of contention between demonstrators and le pouvoir. This article contribute to the understanding of ordinary politics that constitutes state-centered human existences between acceptance, tolerance and resistance to symbolic orders founding States' authority and interests of those in positions of power. Through vexillar practices and representations of Algerians, the article intends to analyze what makes that a flag is more than a simple emblem. It is a quasi-organic manifestation of an imagined community, a territory and shared feelings that circonstances can change.
- Un siècle vexillaire : les trois âges du drapeau algérien - Salim Chena p. 311-332
Grand entretien
- Une entreprise de déconstruction des stéréotypes liés à la conquête spatiale : Entretien avec Gérard Azoulay, directeur de l'Observatoire de l'espace du CNES - Gérard Azoulay, Laurent Martin, Laurence Guignard p. 335-346
- Une entreprise de déconstruction des stéréotypes liés à la conquête spatiale : Entretien avec Gérard Azoulay, directeur de l'Observatoire de l'espace du CNES - Gérard Azoulay, Laurent Martin, Laurence Guignard p. 335-346
Hors cadre
- « Dreyfus sur la toile » ! : La projection documentaire dans le militantisme dreyfusard - Guillaume Delangue p. 349-366 En 1898-1899, l'affaire Dreyfus bat son plein, et les dreyfusards se mobilisent en meetings et dans la presse pour défendre le capitaine condamné. Au même moment, l'éducation populaire connaît un grand succès en intégrant des projections à la lumière oxhydrique dans ses enseignements. C'est notamment le cas dans le milieu des universités populaires. Les dreyfusards vont reprendre à leur compte ce « pré-cinéma », et introduire la projection de supports visuels dans leurs conférences afin d'illustrer le propos des orateurs. Parmi les supports projetés, on trouve des photographies de Dreyfus, Esterhazy, Zola, Picquart, et des autres grands protagonistes de l'affaire. Des images en lien avec Dreyfus sont donc politiquement récupérées, projetées, et réinterprétées au service d'une cause militante. Les mouvances de gauche et les ligues républicaines sont aux manettes de ces « conférences documentaires » qui vont de l'été 1898 au procès en révision de Dreyfus. Elles se tiennent principalement en région parisienne et s'exportent mal en dehors des villes, contrairement aux grands meetings de la Ligue des droits de l'homme qui partant des métropoles réussissent à s'implanter dans les campagnes.In 1898-1899, the Dreyfus Affair was at its peak, and the dreyfusards mobilized in meetings and in the press to defend the condemned captain. At the same time, popular education enjoyed great success in integrating oxyhydric light projections into its teachings. This is particularly the case in popular universities. The dreyfusards will appropriate these methods, and introduce the projection of visual aids in their conferences in order to illustrate the speech of the speakers. Among the projected supports, there are photographs of Dreyfus, Esterhazy, Zola, Picquart, and the other great protagonists of the “Affair”. Pictures of Dreyfus are politically recovered, projected, and reinterpreted in the service of a militant cause. The Left parties and republican leagues led these "documentary conferences" which took place from the summer of 1898 to the Dreyfus second trial. They are organized mainly in the Paris region and do not export well outside the cities, contrary to the big meetings of the League of Human rights which take place in city and in the countryside.
- « Dreyfus sur la toile » ! : La projection documentaire dans le militantisme dreyfusard - Guillaume Delangue p. 349-366