Contenu du sommaire : Féminin, Féminité, Féminisme

Cet article pose le constat d'un évincement historique de la question du clitoris dans les discours tant psychanalytiques que philosophiques quant à la jouissance de la femme et en avance certaines raisons. Même si Lacan a su dépasser les conceptions freudiennes désuètes concernant la sexualité au féminin en théorisant la jouissance Autre ou pas-toute phallique, nous en questionnons l'articulation logique à travers l'immuabilité de l'unique opérateur des formules de la sexuation qu'est le phallus. Aussi, à partir du réel du corps, nous nous questionnons sur le rôle que pourrait jouer le clitoris, élevé au rang de symbolique, au même titre que le phallus pour le pénis, dans l'articulation de cette jouissance Autre, représentant d'une altérité, non complémentaire à la jouissance phallique.

L'auteur parcourt le chemin des différentes épreuves ou expériences qui ont trait au sang des femmes. Tout d'abord le sang de la puberté, les règles, le tabou du féminin, son ambivalence et ses rites. Puis, le sang de la défloration, celui de la vie sexuelle, le vaginisme, le tabou de la virginité. Ensuite, le sang du maternel : l'accouchement et ses tabous. Enfin, le tarissement du sang lors de la ménopause, le vécu de castration, le sentiment du vide, la perte de séduction et les deuils inévitables. Une définition est donnée de l'angoisse de castration féminine.

En 2022, nous avons organisé à Paris, un colloque en hommage à l'étude de Sigmund Freud sur Daniel Paul Schreber. En est issu un livre, réunissant certaines contributions qui y furent présentées ; à elles se sont ajoutées d'autres, représentatives du questionnement sur le genre (Prado de Oliveira, 2024). Le présent article présente l'évolution de ma pensée au sujet de ces thèmes, ainsi qu'une lecture, plus d'un siècle après son expérience, de l'aventure psychique et physique de Schreber.

En Tunisie, pour préserver leur virginité, certaines jeunes filles sont soumises dès l'enfance au « tasfih », une pratique magico-religieuse visant à les rendre inviolables en empêchant toute pénétration sexuelle avant le mariage, qu'elle soit consentie ou forcée. Cet article présente une vignette clinique analysant le cas de « Meriem », une jeune mère célibataire, dans le cadre d'une recherche clinique que nous avons menée sur la souffrance des mères célibataires en Tunisie, résultant du rejet social et familial lié à leur grossesse hors mariage. Les données ont été recueillies par le biais d'entretiens cliniques semi-directifs. Le cas de Meriem met en lumière la complexité culturelle et sociale de la condition féminine dans la société tunisienne et maghrébine, ainsi que l'« obsession » de certaines familles traditionnelles tunisiennes à préserver la virginité de leur fille jusqu'au mariage, au point de « contrôler » son corps par le « tasfih ».

Si la grande majorité des victimes de violences conjugales sont des femmes et les auteurs des hommes, il serait dommageable d'occulter l'existence de la violence des femmes au sein du foyer. Parmi les services spécialisés dans la prise en charge des personnes auteures de violences intrafamiliales, certains ont fait le choix de rendre accessibles leurs services aux femmes qui reconnaissent agir différentes formes de violences auprès de leur (ex-)partenaire, de leur(s) enfant(s) ou de leurs proches. L'article propose un récit d'expériences qui illustrent comment les représentations du féminin et du masculin sont au cœur du travail d'accompagnement de ces femmes autant dans l'accueil en groupe qu'en individuel et cela autant du côté des bénéficiaires du service que des professionnels.

Si l'inceste concerne la société, il concerne aussi l'ensemble de la famille, à commencer par la mère. Comment expliquer que celle-ci reste si souvent aveugle au climat incestuel ou à l'inceste ? Après un rappel de la théorie sur la névrose traumatique, l'autrice analyse le roman Le Voyage dans l'Est, le film Une famille de Christine Angot, le livre de témoignage de Caroline Darian Et j'ai cessé de t'appeler Papa, publié en avril 2022, dix-huit mois avant l'ouverture du procès de son père Dominique Pélicot, ainsi qu'une vignette tirée de sa clinique de psychothérapie analytique, en se focalisant sur les réactions des mères. Elle en conclut que les causes de leur aveuglement sont variables : emprise, déni par crainte de l'effondrement, refus de renoncer à des avantages économiques et à un statut social, rivalité… Elle observe aussi souvent une fusion mère-fille. Un arsenal thérapeutique reposant sur une psychothérapie analytique peut cependant aider la personne à se délester du plus lourd de l'inceste ou de l'incestuel et à devenir sujet de sa propre vie, dans un contexte où la société semble peu à peu vouloir une sortie de la culture délétère de l'inceste.

Comment comprendre que des épisodes de violences conjugales perdurent et peuvent déboucher sur un féminicide ? L'auteur, s'appuyant sur ses précédents travaux et sur l'œuvre de René Kaës, propose de considérer la récurrence des scènes de violence comme pouvant traduire l'existence d'une alliance inconsciente, organisée pour chacun des conjoints autour de traumatismes. L'identification projective, l'utilisation du corps propre, ainsi que la réexternalisation sur l'autre, organisent les défenses contre la résurgence des traces des éprouvés traumatiques et tentent encore et toujours de faire advenir les représentations en souffrance.

Des dynamiques spécifiques des psychosexualités féminine et masculine pourraient être responsables du fait de questionner la relation des sexes, de vouloir dépasser la différence des sexes, de ne pas se sentir à l'aise dans son genre. La « récusation » (Freud, 1937c) de la féminité pourrait jouer un rôle important : les hommes et les femmes pourraient vouloir échapper à une castration fantasmée et à une passivation, associées au « féminin ».

L'objectif de cet article est de contribuer à l'étude du binôme symbolique féminin-passivité dans la construction de l'identité, entre transmissions familiales et élaboration des expériences infantiles. Il propose l'analyse psychodynamique rigoureuse et prudente d'un cas clinique rencontré en psychothérapie, affranchie de certaines conceptions culturelles patriarcales et obsolètes à propos des femmes, comme du féminin. Fondée sur un référentiel psychanalytique différenciant « passivité » et « passivation », l'analyse proposée vise à mettre en lumière les aspects dynamiques ou mortifères des parts féminines de l'identité et du rapport à la position passive, dans la vie psychique de tout individu. Il y apparaît que cette passivité peut être à la fois une contrainte, une limitation, mais aussi une force puissante, au service du développement puis de l'enrichissement de la personnalité.

Cette dernière décennie, la communauté trans* a connu des changements majeurs en termes de visibilité médiatique, politique et littéraire, bouleversant au passage les réflexions des clinicien.nes dans leur pratique et leurs offres de soin. Par ailleurs, l'Occident assiste à une augmentation « subite » et spectaculaire du nombre d'adolescentes désirant changer de genre et/ou de sexe, a priori sans signes précurseurs durant l'enfance. Comment interpréter une telle progression ? Comment accompagner ces jeunes dans leur quête d'eux-mêmes en plein cycle pubertaire ? Dans le même temps, les mouvements féministes s'évertuent sans relâche à mettre en lumière les rapports de pouvoir entre les sexes et tentent de réécrire une Histoire profondément androcentrée. À l'heure où certain.es tirent la sonnette d'alarme et parlent de « contagion sociale » et d'« effet de mode », ce phénomène signerait-il une forme de résistance inconsciente au patriarcat en se réappropriant un corps profondément public et politique ? L'invisibilisation historique des femmes et le forçage à correspondre aux attentes du système hétéro-patriarcal offriraient-ils des pistes pour appréhender cette « augmentation » ? Par l'intermédiaire d'une méthodologie qualitative, nous investiguerons les expériences d'adolescent.es transmaculins autour des catégories émergentes suivantes : l'(im)possibilité d'être femme ; un souhait de s'extraire du carcan normatif ; un effet d'ascension sociale au travers de privilèges ; une santé mentale sans cesse questionnée et des préférences sexuelles mobiles elles aussi.

Malgré de nombreuses tentatives de théorisation à travers les courants et époques, la catégorie « femme » semble demeurer problématique pour la théorie féministe. Les femmes, positionnées du mauvais côté de la balance de pouvoir, considérées comme le pendant par défaut du sujet masculin universel, remettent aussi sur le métier la féminité comme attribut fluctuant. À travers un panorama conceptuel et historique des féminismes, l'article cherche à renouer le fil d'un sujet du féminisme : comment, à partir d'une catégorie fuyante et objet de conflit, le mouvement féministe parvient-il à organiser une lutte politique et collective ?

Cet article a pour objectif de contribuer à la construction d'une perspective politique en clinique. Celle-ci repose sur la notion de « savoir situé » développée par la philosophe féministe américaine Donna Haraway, qui suggère que chaque connaissance s'exprime depuis un point de vue singulier et qu'il serait erroné de considérer cette position comme étant simplement neutre. Face aux perspectives dominantes au sein de la psychologie académique, reposant principalement sur des logiques quantitatives, biologisantes et rationalistes, la standpoint theory suggère que les perspectives dominées et minorisées sont plus à même de faire valoir un « privilège épistémologique » décisif qui est développé dans l'article. L'étude de l'humain « en situation » est ici enrichie et renouvelée, et offre des pistes concrètes pour l'intégration d'une perspective politique en clinique qui est sans doute trop peu souvent questionnée et assumée.

La cause « trans » s'inscrit-elle dans le prolongement ou au contraire en rupture avec le combat féministe ? À première vue, l'une est la suite logique de l'autre, dès lors qu'il s'agit toujours de revendiquer pour l'individu le droit à l'autodétermination, contre l'enfermement dans une nature qui le contraindrait. Pourtant, la focalisation sur le ressenti comme unique critère acceptable de définition de notre identité d'hommes ou de femmes, outre qu'elle suscite de légitimes inquiétudes dans les rangs féministes, mène le transactivisme à ne plus pouvoir penser l'identité sexuée qu'en mobilisant les stéréotypes de genre que le féminisme s'emploie précisément à combattre.

Comment encore écouter et accompagner les hommes à l'heure du #metoo et du procès des viols de Mazan ? Comment, en tant que psychothérapeute située, féministe et queer, maintenir une oreille attentive à la singularité du sujet sans être trop envahie par les aspects systémiques du patriarcat, ses conséquences sur la santé mentale et le care ? Nous proposons à travers cet écrit de discuter quelques vignettes cliniques qui viennent mettre à mal la soi-disant neutralité de la psy et interroger sa position politique. Nous aborderons la question de l'inégalité de genre dans l'accès aux soins de santé mentale, des conséquences du sexisme sur les hommes et du care genré. Enfin, nous ferons référence à la relation sororale de Silvia Lippi pour tenter de relancer le processus psychique dans la dynamique transféro-contre-transférentielle.

En maison d'accueil spécialisée, les équipes, majoritairement féminines, se confrontent quotidiennement aux mécanismes déshumanisants des troubles archaïques du sujet accueilli. L'autrice s'appuie sur son expérience de psychologue clinicienne en institution pour évoquer les pratiques professionnelles et la place institutionnelle de ces femmes. Les travaux de recherches féministes à propos de l'éthique du care peuvent ouvrir de nouvelles pistes de compréhension clinique de la dynamique spécifique des maisons d'accueil spécialisées. Ainsi, le concept sociologique de dirty work, dans sa double acception de boulot sale/sale boulot, s'articule tant avec l'histoire institutionnelle qu'avec la liminalité de cette clinique de l'extrême. Nous nous penchons sur la notion de « maternage thérapeutique », qui a initialement organisé les pratiques de la vie quotidienne en institutions d'accueil de personnes porteuses de pathologies de type archaïque. L'utilisation ancienne de ce terme, remplacé aujourd'hui par l'expression « soins de nursing », apparaît intimement liée à l'assignation genrée de ces professions. L'essor du concept de contenance, lié à la notion d'enveloppe psychique, est une occasion de modifier nos représentations, mais surtout de revaloriser les gestes quotidiens de ces équipes en approfondissant leur sens.

L'autrice souligne la diversité des violences faites aux femmes, physiques, économiques, psychologiques, et leur ancrage dans les inégalités de genre. Les violences économiques post-séparation sont souvent invisibles mais impactent fortement la santé mentale des femmes. Le texte examine la notion de contrôle coercitif, un outil juridique récent pour identifier les violences psychologiques subtiles. La contribution analyse ensuite la notion controversée d'aliénation parentale, utilisée contre les mères protectrices, et explicite la notion juridique du consentement dans les agressions sexuelles. Enfin, l'autrice insiste sur la non-adéquation de la médiation en cas de violences conjugales, une pratique dangereuse qui ne permet pas une négociation équitable dans un contexte de violences psychologiques ou physiques. Toutes ces violences sont vues comme structurelles et enracinées dans l'histoire du patriarcat, nécessitant des réponses légales adaptées.

Éliane Amado Lévy-Valensi (1919-2006), philosophe et psychanalyste, a profondément marqué la psychanalyse par son approche éthique et humaniste, en valorisant l'empathie et le respect dans la relation thérapeutique. Elle critiquait les dérives dogmatiques de la psychanalyse, qu'elle refusait de voir comme une religion. Son œuvre explore les obstacles de cette discipline, notamment les dangers du transfert, les risques de dépendance thérapeutique, et l'influence des sociétés psychanalytiques. Elle a également cherché à établir des ponts entre psychanalyse et religion, en démontrant leur complémentarité possible. Son engagement pour une psychanalyse ouverte, critique et multidisciplinaire reste une source d'inspiration.