Contenu du sommaire : Écologie et dominations (2)

Revue Actes de la recherche en sciences sociales Mir@bel
Numéro no 256, avril 2025
Titre du numéro Écologie et dominations (2)
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  • Pages de début - p. 1-3 accès libre
  • Environnement ou emploi ? : Enquête sur l'écologisme ouvrier dans l'usine d'Alteo Gardanne - Mody Diaw, Valérie Deldrève p. 4-21 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    L'écologisme ouvrier est défini, dans la littérature, comme un écologisme de classe articulant étroitement des préoccupations environnementales et sociales, comme la lutte contre les pollutions et la défense de l'emploi industriel. Partant des controverses publiques sur les méfaits sanitaires et environnementaux des boues et poussières rouges issues de la production d'alumine à Alteo-Gardanne (sud-est de la France), cet article s'intéresse aux préoccupations qui animent les ouvriers de l'usine, silencieux lors des controverses publiques. Croisant les apports de la justice environnementale et de la sociologie du travail, il montre combien sont déterminantes les situations de travail, variables selon les statuts d'emploi. Ainsi, au-delà d'une croyance commune dans la capacité technique d'écologiser le procédé de production, les ouvriers se divisent, selon leur inégale exposition aux risques liés à leurs situations de travail, sur la dangerosité des résidus rejetés hors de l'usine.
    In the literature, workers' ecology is defined as a class-based ecology that closely links environmental and social concerns, such as the fight against pollution and the defence of industrial jobs. Taking as its starting point the public controversies over the health and environmental damage caused by the sludge and red dust produced by alumina production at Alteo-Gardanne (south-east France), this article looks at the concerns of the plant's workers, who were silent during the public controversies. Drawing on contributions from environmental justice and the sociology of work, it shows the extent to which work situations, which vary according to employment status, are a determining factor. Over and above a shared belief in the technical capacity to make the production process greener, the workers are divided over the dangerousness of the waste discharged from the plant, depending on their unequal exposure to the risks associated with their work situations.
  • Une politisation oblique des écologies populaires : Travailler et vivre face à la prédation extractive en Andalousie - Doris Buu-Sao p. 22-41 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    En Andalousie, la mine de Riotinto pose la question de la place accordée aux classes populaires dans l'appréhension de la crise écologique. L'impératif de transition énergétique justifie la réouverture de mines métalliques comme Riotinto, dont le cuivre est nécessaire aux infrastructures qui produisent et transportent les énergies renouvelables. Avec ses sept communes de 15 000 habitant·es, le bassin minier de Riotinto est marqué par les déchets toxiques, accumulés au cours d'un siècle et demi d'industrie minière, et par le chômage structurel depuis la fermeture de la mine au tournant du XXIe siècle. Aujourd'hui, les promesses d'emploi et de croissance associées à la relance minière font de ses habitant·es, qui vivent en première ligne au pied d'industries polluantes (mine, enfouissement de déchets industriels, agro-industrie), de fervents soutiens de l'extraction. Pourvoyeuse d'emplois, la mine produit aussi des nuisances sur les corps humains et leur environnement biophysique. À partir d'une ethnographie des expériences de travail et d'habitat à l'ombre de la mine, cet article analyse les « écologies populaires » en contexte minier, au sens des rapports aux problèmes écologiques qui résultent de conditions d'existence façonnées par la proximité à la mine. L'article montre comment l'environnement physique et social du bassin minier de Riotinto est profondément marqué par la mine, qui nourrit à nouveau les espoirs d'une vie meilleure. Il développe ensuite ce qui, dans la nouvelle mine, contraint la politisation de l'expérience que font les travailleur·ses de la toxicité minière. Il analyse enfin le transfert d'un sens critique politisé de la scène du travail industriel vers l'espace résidentiel et son inégale expression, d'une fraction à l'autre des classes populaires du bassin minier.
    In Andalusia, the Riotinto mine raises the question of the position of the working classes in addressing the ecological crisis. The imperative of energy transition justifies the reopening of metal mines like Riotinto, since the copper is needed for the infrastructures that produce and transport renewable energies. With its seven communities of fifteen thousand inhabitants, the Riotinto mining basin has been marked by toxic waste accumulated over a century and a half of mining, and by structural unemployment since the mine closed at the turn of the 21st century. Today, the promises of jobs and growth associated with the mining recovery have turned the inhabitants, who live on the front line of polluting industries (mining, landfill of industrial waste, agro-industry), into enthusiastic supporters of mining. While the mine provides jobs, it also affects human bodies and their biophysical environment. Based on an ethnography of the working and living conditions in the shadow of the mine, this article analyses the ‘popular ecologies' in the mining context, in the sense of the attitudes to ecological problems that result from living conditions shaped by proximity to the mine. The article begins by showing how the physical and social environment of the Riotinto area has been profoundly altered by the mine, which is once again fuelling hopes for a better life. It then looks at how the new mine is limiting the politicisation of workers' experience of mining toxicity. Finally, it analyses the transfer of a politicised critical sense from the industrial workplace to the residential space, and how it is unevenly expressed among different sections of the working classes in the mining basin.
  • Les conditions sociales d'une écologie populaire : Mobilisation environnementale et rapports de classe au sein d'une ferme urbaine en quartier populaire - Clothilde Saunier, Julien Talpin, Antonio Delfini p. 42-59 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    À travers une enquête ethnographique au sein d'une ferme urbaine roubaisienne qui défend des objectifs de justice environnementale, cet article questionne les conditions d'alliances entre classes moyennes et populaires. L'enquête permet de saisir les difficultés de telles alliances, en dépit d'un travail militant intensif en ce sens. La condition sociale et écologique de militant·es majoritairement de classe moyenne crée une distance avec les classes populaires difficile à surmonter, générant des conflits d'usage avec certain·es habitant·es du quartier. Quand les militant·es tentent de mobiliser les méthodes du community organizing pour dépasser ces frontières sociales, ils n'y parviennent que partiellement. L'article montre combien la construction de ces alliances demeure fragile et limitée.
    The ethnographic study of an urban farm in Roubaix that promotes environmental justice questions the conditions for alliances between the middle and working classes. The article reveals the difficulties of such alliances, despite intensive militant work. The social and ecological condition of the mostly middle-class activists creates a distance between them and the working classes that is difficult to remedy, generating conflicts of use with some local residents. When activists attempt to mobilize community organizing methods to overcome these social boundaries, they are only partially successful. The article shows how fragile and limited these alliances remain.
  • Garder un troupeau et sauvegarder la nature ? : Nouveaux entrants et anciens bergers face à l'écologisation du travail en alpage - Gaspard Sénéchal p. 60-77 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    À partir d'une enquête ethnographique, l'article analyse les conséquences de l'écologisation d'un métier agricole – le gardiennage de troupeau en alpage – sur la condition sociale des bergers. Il montre qu'en redéfinissant le travail de berger d'alpage comme celui d'un gestionnaire d'espace naturel par l'élevage, les politiques de conservation de la nature favorisent l'entrée dans l'activité d'agents de la petite bourgeoisie culturelle qui accompagnent la rénovation écologique de ce vieux métier agricole dans le cadre d'une stratégie de reconversion. L'écologisation conduit aussi à disqualifier une partie des travailleurs, les anciens bergers, qui ne parviennent pas à s'approprier les nouvelles normes pour définir leur activité comme écologique. L'article insiste alors sur les luttes au sein de l'espace professionnel et leurs enjeux, en montrant comment, à l'intérieur même d'une profession, les enjeux écologiques redéfinissent les conditions pour se maintenir dans une activité productive et sur un territoire.
    Based on an ethnographic investigation, this article analyzes the consequences of the greening of an agricultural profession - herding cattle in alpine pastures - on the social status of shepherds. It shows that, by redefining the job of alpine shepherd as that of a manager of natural spaces through livestock farming, nature conservation policies are encouraging the entry into the profession of agents of the cultural petty bourgeoisie who are accompanying the ecological renovation of this old agricultural profession as part of a reconversion strategy. Ecologization also leads to the disqualification of some of the workers, the former shepherds, who are unable to adopt the new standards defining their activity as ecological. The article then focuses on the struggles within the professional space and what is at stake, showing how, even within a profession, ecological issues redefine the conditions for remaining in a productive activity and on a territory.
  • Le sanglier dans la lutte des chasses : De la diffusion de la « chasse-gestion » à l'accaparement bourgeois des forêts et des animaux - Benoît Coquard p. 78-95 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Dans les forêts du nord-est de la France, la diffusion de la « chasse-gestion » – une norme environnementale visant à maximiser les populations de sangliers – a profondément transformé les pratiques cynégétiques et les rapports de classe entre chasseurs. À travers une double enquête ethnographique menée à plus de dix ans d'intervalle dans le même massif forestier, cet article analyse comment la rationalisation de la chasse a favorisé l'embourgeoisement des groupements de chasseurs et accentué les divisions au sein des classes populaires.
    In the forests of northeastern France, the expansion of “hunting management” practices – an environmental norm aimed at maximizing animal populations – has profoundly transformed hunting practices and class relations among hunters. Through a double ethnographic study conducted more than a decade apart in the same forest massif, this article analyzes how the rationalization of hunting has facilitated the gentrification of hunting groups and deepened divisions within the working class.
  • Tableau postface

  • Pages de fin - p. 102-104 accès libre