Contenu du sommaire : VSS dans les médias

Revue Cahiers du genre Mir@bel
Numéro no 78, 2025
Titre du numéro VSS dans les médias
Texte intégral en ligne Accès réservé
  • Éditorial : Face à la menace, que faire en tant que revue féministe ? - p. 5-8 accès réservé
  • Introduction. Médiatiser les « violences sexistes et sexuelles » : Enjeux épistémologiques et méthodologiques - Charlotte Buisson, Giuseppina Sapio p. 9-46 accès libre
  • De quoi « le tribunal médiatique » est-il le nom ? : Les journalistes et les droits de la défense à l'ère #MeToo - Mallaury Bolanos p. 47-70 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article confronte la dénonciation d'un « tribunal médiatique » en contexte d'accusations pour violences sexistes et sexuelles à la méthode d'investigation des journalistes à l'origine des révélations. Pour ce faire, un corpus de 202 articles de la presse nationale française a été analysé, ainsi qu'une dizaine d'entretiens menés auprès de journalistes ayant enquêté et publié sur une ou plusieurs accusations. Il met ainsi en exergue la lutte pour une définition légitime des violences, entre une approche les reléguant à des situations interpersonnelles d'ordre privé, et une approche systémique justifiant leur publicisation.
    This article addresses the phenomenon of denunciation of supposedly existing « trials by media » in the context of sexual violence allegations, and examines the investigative methods used by the journalists who report the stories. To this end, the analysis draws on a corpus of 202 articles from the French national press was analysed, along with approximately ten interviews with journalists who investigated and reported on one or more allegations. It highlights the ongoing struggle to establish a legitimate definition of violence, between an approach that confines it to private interpersonal situations and a systemic approach that justifies its public disclosure.
  • Occulter la réalité du viol : Une histoire de la radio et de la télévision publiques françaises (1970-1990) - Marine Beccarelli p. 71-97 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article étudie le traitement médiatique et les représentations du viol et des violeurs dans les médias audiovisuels publics français, dans une perspective historique, des années 1970 au début des années 1990, à partir d'un corpus d'archives conservées à l'INA (Institut national de l'audiovisuel). La question du viol, absente du paysage médiatique à la fin des années 1960, émerge brusquement dans les médias français au milieu de la décennie 1970, en marge d'un procès pour viol renvoyé devant la cour d'assises, dans un contexte où les féministes commencent à dénoncer ces violences. Tour à tour apparenté à un non-sujet, à de simples affaires de faits divers ou à un véritable problème de société, le viol connaît au cours de la période un traitement médiatique non linéaire. Après avoir été nié ou passé sous silence, le problème public du viol émerge, parfois présenté à l'antenne comme le symptôme de la domination des hommes sur les femmes. Toutefois, assez vite, les rédactions des émissions de radio et de télévision, essentiellement masculines, réorientent leur traitement de la question. Minimisant l'ordinaire des violences sexuelles ou détournant le regard, ces médias traitent le plus souvent de viols commis en dehors de la sphère privée, par un violeur inconnu de la victime. Si la télévision et la radio jouent un rôle crucial dans la médiatisation des violences sexuelles durant les décennies 1970 et 1980, ces médias contribuent, dans le même temps, à mettre à distance ce crime en créant une figure altérisée du violeur, et en passant sous silence, la plupart du temps, la question des violences intrafamiliales. Malgré une irruption de l'inceste via l'émission TV Les Dossiers de l'écran en 1986, c'est seulement à partir des années 1990 que le mythe du violeur inconnu commencera à être véritablement, et très progressivement, écorné.
    This article examines the media coverage and representations of rape and rapists in French public broadcast media from a historical perspective, covering the period from the 1970s to the early 1990s, based on a body of archives from the INA (Institut national de l'audiovisuel). The issue of rape, which was absent from the media landscape in the late 1960s, suddenly emerged in the French media in the mid-1970s, in the wake of a rape trial before a criminal court, at a time when feminists were beginning to address this societal problem. Considered in turn as a non-issue, a minor news item, or a serious societal problem, rape received inconsistent media coverage during this period. After being ignored or denied, rape emerged as a public issue, sometimes presented in the media as a symptom of male domination over women. However, the predominantly male radio and television editorial staffs quickly shifted their coverage of the issue. Minimizing or turning a blind eye to the everyday nature of sexual violence, the media most often reported on rapes committed outside the private sphere by rapists unknown to their victims. While television and radio played a crucial role in the coverage of sexual violence during the 1970s and 1980s, these media also contributed to distancing this crime by creating an othered image of the rapist and, in most cases, ignoring the issue of domestic violence. Despite the emergence of incest as a topic in the TV show Les Dossiers de l'écran in 1986, it was not until the 1990s that the myth of the unknown rapist began to be truly and very gradually dismantled.
  • Juger au cas par cas ? : L'influence du droit sur l'individualisation du viol dans la presse écrite française (1980-2020) - Claire Ruffio p. 99-128 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    L'évolution de la médiatisation du viol depuis 1980 montre la prégnance d'un traitement fait-diversier du sujet, caractérisé par l'intérêt pour des situations relatées en raison de leur dimension supposément exceptionnelle. Les enquêtes de victimation suggèrent pourtant qu'en plus d'être statistiquement fréquent, le viol s'observe au sein de tous les groupes et secteurs sociaux. Cet article propose d'expliquer l'écart entre la réalité sociologique du crime sexuel et sa représentation médiatique par les effets du droit sur les représentations et pratiques journalistiques. Il s'agira plus précisément de comprendre dans quelle mesure l'importance accordée par les rédactions au cadre légal entourant toute publication contribue à l'individualisation du cadrage médiatique du viol. Les ressorts de la difficile autonomisation du champ journalistique à l'égard du champ juridique en matière de couverture de faits criminels seront plus généralement examinés à partir de l'analyse de près de 24 428 Unes et articles produits par 14 journaux, de 50 entretiens et de 18 observations conduites avec des journalistes et leurs principales sources.
    The evolution of media reporting on rape since 1980 shows the prevailing tendency to frame the issue as a news item, characterized by an interest in situations reported for their supposedly exceptional nature. However, surveys of victims suggest that, in addition to being statistically frequent, rape can be observed in all social groups and segments of society. This article seeks to explain the gap between the sociological reality of sexual crime and its representation in the media by examining the effects of the law on journalistic representations and practices. More specifically, it aims to understand to what extent the importance attached by media outlets to the legal framework surrounding any publication on the issue contributes to the individualization of the media framing of rape. The reasons behind the difficulty of the news media to operate independently of the legal system when covering crime will be examined more generally through an analysis of nearly 24,428 front pages and articles from 14 newspapers, 50 interviews, and 18 observations conducted with journalists and their main sources.
  • Croyabilité : Violence sexuelle, médias et politique du doute - Sarah Banet-Weiser, Kathryn Claire Higgins, Morgane Iserte p. 129-164 accès réservé
  • Le cadrage prohibitionniste des affaires de violence dans la pornographie : Analyse des discours institutionnels et médiatiques - Béatrice Damian-Gaillard, Florian Vörös p. 165-195 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article interroge la manière dont les institutions en charge du débat public endossent la dénonciation féministe prohibitionniste de la pornographie en tant que violence sexiste à éradiquer. Il retrace d'abord la constitution d'une coalition antipornographie dans le sillage de MeToo au croisement des espaces journalistiques, politiques et de la société civile. Il interroge ensuite les procédés rhétoriques et narratifs de montée en généralité par lesquels des faits de violences sont présentés comme inhérents à la pornographie dans son ensemble. Il montre enfin comment l'institutionnalisation de cette dénonciation empêche l'écoute des travailleurs·euses du sexe et des recherches en droit et sciences sociales sur les enjeux de régulation.
    This article examines how French institutions involved in shaping public debate endorse a prohibitionist feminist perspective that frames pornography as a form of gender-based violence to be eliminated. It begins by tracing the emergence of an anti-pornography coalition situated at the intersection of journalism, politics, and civil society, in the wake of the #MeToo movement. The article then analyzes the rhetorical and narrative strategies of generalization that portray pornography as a whole as intrinsically violent. Finally, it demonstrates how the institutionalization of this discourse marginalizes the voices of sex workers and obscures contributions from legal and social science research on regulation issues.
  • Entretien croisé avec Caroline Vinet (Prenons la Une), Coline Folliot (Association des Journalistes LGBTI+) et Marie Barbier (La Déferlante) - CharIotte Buisson, Giuseppina Sapio, Jeanne WetzeIs p. 197-213 accès réservé
  • Hors-champ

    • Les salons de coiffure trans à Bogota : Beauté, travail et activisme - Alanis Bello Ramírez, Sara Roumette p. 215-258 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      L'article d'Alanis Bello Ramírez s'inscrit dans la filiation de la sociologue Luz Gabriela Arango (qui fut sa directrice de thèse à l'Université Nationale de Colombie). Arango a initié en Colombie les études de care et a fait des salons de beauté et de coiffure un objet d'étude privilégié du souci des autres et de soi-même. L'originalité de leur travail à toutes les deux est de proposer un abord non frivole du secteur de l'esthétique, fondé sur des recherches empiriques rigoureuses réalisées dans toutes les classes sociales et les genres. En s'intéressant aux salons de coiffure trans, l'autrice met en lumière leur importance non seulement en termes de socialisation, mais en tant qu'espace politique. Loin d'une approche misérabiliste des femmes trans, marquées par le stigmate de la prostituée, et qui ne trouvent souvent pas d'autre métier que celui de coiffeuse dans les quartiers populaires (ici au Sud de Bogota), l'article montre comment la coiffure fait l'objet d'une réappropriation positive en termes d'empowerment, de bien-être et d'activisme LGBTQI tout en soulignant les limites de ces « écoles de moralité » où les femmes trans accèdent à un revenu et une forme de respectabilité mais y demeurent cantonnées par une société misogyne et violente.
      Alanis Bello Ramírez's article follows in the footsteps of sociologist Luz Gabriela Arango (who was her PhD supervisor at the National University of Colombia). Arango pioneered care studies in Colombia and focused her research on beauty and hair salons as a prime setting for studying care for others and oneself. Their work is unique in that it offers a serious take on the beauty industry, based on rigorous empirical research across all social classes and genders. Focusing on trans hair salons, Analis Bello Ramirez highlights their importance not only as places for socializing, but also as political spaces. Far from a miserabilist approach to trans women, who are stigmatized as prostitutes and often find no other job than that of hairdresser in working-class neighborhoods (here in southern Bogota), the article shows how hairdressing is being positively reclaimed in terms of LGBTQI empowerment, well-being, and activism, while highlighting the limitations of these “schools of morality” where trans women can earn an income and gain a form of respectability but remain confined by a misogynistic and violent society.
    • Hobbes et la critique politique du mariage - Cécile Housset, Miguel León Pérez p. 259-282 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article veut apporter une interprétation renouvelée de la pensée de Hobbes pour ce qui concerne la singularité, souvent remarquée, de sa position sur les relations entre hommes et femmes, ainsi que le rapport que celle-ci entretient avec le pacte politique. La compréhension hobbesienne du mariage est à la fois juridique et anthropologique : il existe un lien direct entre la structure juridique du mariage et la structure des liens affectifs entre hommes et femmes dans ce type de relation. Cette conception nous permet de repenser le pacte politique du point de vue de l'amour, même si, finalement, le discours hobbesien montre qu'on a besoin de la crainte des hommes pour expliquer l'assujettissement des femmes à travers le mariage.
      This article aims to offer a deeper interpretation of Hobbes's thinking on the often-noted singularity of his position on gender relations and its relationship to the political contract. Hobbes's understanding of marriage is both legal and anthropological: there is a direct link between the legal structure of marriage and the structure of emotional bonds between men and women in this type of relationship. This understanding allows us to rethink the political contract from the perspective of love, even if, ultimately, Hobbes' discourse shows that fear of men is needed to explain women's subjection through marriage.
  • Notes de lecture

  • Hommage à Pierre Tripier - Jacqueline Heinen p. 325-330 accès réservé