Contenu du sommaire : Politiques migratoires et défis ethnoraciaux en Corée du Sud et au Japon
| Revue |
Migrations société |
|---|---|
| Numéro | vol. 37, no 200, avril-juin 2025 |
| Titre du numéro | Politiques migratoires et défis ethnoraciaux en Corée du Sud et au Japon |
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- Pages de début - p. 2-3

Éditorial
- Une normalisation en trompe l'œil : les inquiétants alliés européens du Rassemblement national - Vincent Geisser p. 5-19

- Une normalisation en trompe l'œil : les inquiétants alliés européens du Rassemblement national - Vincent Geisser p. 5-19
Politiques migratoires et défis ethnoraciaux en Corée du Sud et au Japon
- Introduction. Politiques migratoires et défis du pluralisme ethnoracial en Corée du Sud et au Japon - Hélène Le Bail, Hui-yeon Kim p. 23-32
Depuis plusieurs décennies, la Corée du Sud et le Japon font face à un phénomène démographique et migratoire inédit. En dépit d'une histoire marquée par une tradition de fermeture aux échanges extérieurs et par une vision des deux pays se percevant comme des nations mono-ethniques et mono-culturelles, ces derniers partagent désormais des défis communs liés au vieillissement de la population et à un déficit croissant de main-d'œuvre. La présence de minorités au sein des sociétés coréenne et japonaise, qu'il s'agisse de descendants de leurs diasporas, d'immigrés de différentes origines ethniques ou, dans le cas du Japon, de minorités issues des anciennes colonies, représente pour elles un défi en matière d'intégration et de transformation sociale. Les contributions réunies dans ce dossier analysent, d'une part, les politiques mises en place par ces pays afin de favoriser l'immigration, mais qui produisent de multiples formes de hiérarchisations et par là de discriminations ; d'autre part, elles étudient les processus de racialisation et les situations de xénophobie dans ces deux sociétés. - Le Japon ouvre ses portes à l'immigration : 15 ans de réformes pour attirer une main-d'œuvre qualifiée et non qualifiée - Oumrati Mohamed, Hélène Le Bail p. 33-48
L'intensification des défis démographiques et la pénurie croissante de main-d'œuvre au Japon ont suscité des appels à l'assouplissement de la loi sur le contrôle de l'immigration instaurée en 1990. Ces revendications, portées par des acteurs économiques et politiques préoccupés par le ralentissement de certains secteurs économiques clés, ont conduit à un débat national sur l'avenir de la politique migratoire. Dans ce contexte, des réformes ont été engagées ciblant d'abord, dès les années 2010, l'accueil de travailleurs qualifiés avec la création du statut de résidence « professionnels hautement qualifiés ». Cependant, cette stratégie n'a pas suffi à combler les besoins économiques pressants, en particulier dans les secteurs nécessitant une main-d'œuvre moins qualifiée. Ces secteurs étant encore plus durement impactés, le gouvernement a fini par permettre à des travailleurs étrangers moins qualifiés d'intégrer le marché du travail japonais en introduisant, en 2018, le statut de résidence « compétences spécifiques », notamment pour des secteurs comme les soins à la personne, le bâtiment et les travaux publics. Si ces mesures traduisent une rupture avec une politique migratoire historiquement restrictive, elles soulèvent néanmoins des interrogations quant à la possibilité que le Japon devienne un « pays d'immigration ». - La politique diasporique de la Corée du Sud : hiérarchisation et « privilège occidental » - Hui-yeon Kim p. 49-61
Face à une crise démographique croissante, la Corée du Sud a amorcé, dès la fin des années 1990, une politique d'immigration ciblée visant à attirer les membres de la diaspora coréenne, initialement les citoyens américains d'ascendance coréenne, puis progressivement les minorités coréennes de Chine et des anciens pays de l'URSS. Dans le cadre de cette stratégie, des distinctions nettes ont été établies entre les migrants en fonction de leur origine géographique et du niveau de développement économique de leur pays d'origine. Cet article analyse comment la Corée du Sud cherche à favoriser la venue et l'intégration des descendants de Coréens venant des États-Unis, contribuant ainsi à la construction d'un « privilège occidental » dans ce contexte asiatique. Il explore également les limites de cette politique, en particulier les situations de déclassement social auxquelles certains migrants américains peuvent être confrontés. En examinant cette politique diasporique, l'article met en lumière la hiérarchisation ethnoraciale qui structure les politiques migratoires sud-coréennes et ses effets au regard des défis que pose la diversité culturelle et sociale. - L'illusion d'un « retour » au pays des ancêtres : expériences migratoires de la diaspora coréenne post-soviétique en Corée du Sud - Eunsil Yim p. 63-78
Loin d'être la migration d'une population diasporique dans son pays d'origine, le retour en Corée du Sud des Coréens de l'ex-Union soviétique, communément appelés Koryŏ saram, est la conséquence d'une immigration de travail. Les migrants Koryŏ saram, qui selon les estimations seraient aujourd'hui plus de 100 000, échappent difficilement à une logique de précarisation sociale. Russophones et ne parlant pas la langue coréenne, ils subissent des traitements discriminatoires, non seulement sur le marché du travail, comme le traitement salarial différencié par rapport aux nationaux, mais aussi dans la vie quotidienne. Cette recherche met en évidence la position ambivalente des Koryŏ saram en Corée du Sud, à la fois membres de la diaspora coréenne et migrants économiques. En évitant les écueils de l'ethnocentrisme, elle s'attache à saisir les enjeux identitaires et sociaux inscrits dans leurs expériences migratoires, notamment les mécanismes de précarisation spécifiques auxquels ils sont exposés. À cet effet, cet article propose de combiner une étude sociohistorique des contextes d'émigration et d'immigration, une ethnographie des expériences migratoires, ainsi qu'un examen des institutions et des normes identitaires qui orientent les processus d'insertion dans la société sud-coréenne. - Les Coréens Chōsen-seki au Japon : une inclusion sous conditions - Rika Lee p. 79-96
Cet article étudie comment les Chōsen-seki Zainichi — descendants de Coréens qui ont été déplacés ou ont migré au Japon pendant la période coloniale (1910-1945) et qui continuent à y résider — composent avec l'ambiguïté juridique, la stigmatisation, leur identité personnelle et collective. Bien qu'ils soient des résidents de longue date, les Chōsen-seki sont de facto apatrides et font l'objet d'une surveillance étatique, d'une suspicion sociale et d'une mobilité restreinte. Dans le même temps, ils sont partiellement intégrés à la sphère culturelle japonaise par le biais de la « vague coréenne » (Hallyu), qui véhicule des représentations esthétisées et dépolitisées de la coréanité, détachées de l'histoire coloniale ou des tensions géopolitiques. Cette dynamique reflète un mode d'inclusion sous conditions dans lequel des formes limitées de reconnaissance coexistent avec une marginalisation structurelle plus profonde. Pour analyser ces contradictions, l'article utilise deux cadres conceptuels : celui de « semi-réfugié », qui rend compte de la liminalité juridique et politique des Chōsen-seki, et celui de « minorité ethno-racialisée », qui met en évidence leur exclusion symbolique au sein de l'ordre ethno-national du Japon. Basée sur 17 entretiens avec des personnes appartenant à la troisième et à la quatrième génération, l'étude explore la manière dont les enquêtés négocient leur identité, leur appartenance et leur non-reconnaissance par la population japonaise dans la vie quotidienne. Leurs récits révèlent que pour contrer cette stigmatisation ils mettent en œuvre différentes stratégies — allant du silence à la ré-identification sélective, en passant par la prise de distance — façonnées par la mémoire familiale, les contraintes liées au genre et les contradictions entre reconnaissance culturelle visible et exclusion persistante de certains droits civiques. En conclusion, cet article invite à repenser l'incorporation des immigrés au Japon à travers un cadre prenant en compte l'injustice historique, l'indétermination juridique et l'héritage de l'empire colonial. - Les étudiants subsahariens en Corée du Sud. Ambivalence d'une politique entre attraction et exclusion - Hyunjee Kim p. 97-112
Les dispositifs de la politique migratoire coréenne, pensés pour répondre à des enjeux démographiques et économiques, ont longtemps été centrés sur les immigrés asiatiques et se sont progressivement ouverts à des profils plus diversifiés, notamment depuis les années 2010. Ce tournant reflète l'ambition internationale de la Corée du Sud de s'affirmer sur la scène mondiale. Cette étude s'intéresse aux étudiants d'Afrique subsaharienne que l'État sud-coréen cherche à attirer par le biais de mesures spécifiques. À partir de l'analyse des instruments de politique migratoire, de l'examen des discours officiels et de soixante-huit entretiens semi-directifs, elle explore d'abord la manière dont les enjeux internationaux renouvellent les stratégies d'attraction des étudiants africains. Elle examine ensuite l'exclusion sociale et économique ainsi que les discriminations raciales subies par les étudiants subsahariens et s'intéresse à leurs projets migratoires, qu'ils choisissent ou soient contraints, après leurs études, de rester en Corée du Sud, de migrer ailleurs ou de rentrer dans leur pays d'origine. In fine, l'article met en évidence le décalage entre les objectifs affichés par le discours gouvernemental sud-coréen et les aspirations réelles de ces étudiants, en montrant comment la discrimination et l'exclusion socioéconomique façonnent leurs trajectoires après l'obtention de leur diplôme. - La « condition noire » et sa mutation dans le Japon contemporain - Chikako Mori p. 113-128
Cet article s'intéresse au processus de racialisation des personnes noires au Japon, en s'inspirant notamment du concept de « condition noire » formulé par l'historien Pap Ndiaye. Il s'appuie sur un corpus composé de sources écrites (journaux, archives gouvernementales, romans, travaux scientifiques, documents publiés par des associations de défense de la cause noire) et audiovisuelles (films et émissions de télévision). Dans un premier temps, nous retraçons la représentation des Noirs au Japon et son évolution du XVIIe siècle à nos jours. Puis, dans un deuxième temps, nous étudions la manière dont la catégorie des Japonais noirs s'est construite. Enfin, dans un troisième temps, nous questionnons la spécificité du cas japonais.
- Introduction. Politiques migratoires et défis du pluralisme ethnoracial en Corée du Sud et au Japon - Hélène Le Bail, Hui-yeon Kim p. 23-32
- Bibliographie - Christine Pelloquin p. 129-133

Varia
- Entre-soi ethnique, intégration et émancipation des normes : le cas des immigrés chinois en Île-de-France - Isabelle Attané, Ya-Han Chuang p. 137-152
À partir d'une enquête intitulée « Immigrés chinois à Paris et en région parisienne » menée en 2020-2021, cet article s'intéresse aux liens sociaux en tant que ressource au fil du parcours migratoire. Il s'appuie sur le volet qualitatif de l'enquête qui repose sur la réalisation d'entretiens semi-directifs. L'article apporte un éclairage sur la relation entre la composition des liens tissés par les enquêtés et leurs objectifs en matière d'intégration, qui peuvent se limiter à la dimension économique ou s'étendre à la sphère sociale, par une recherche de mixité de leur entourage. Les résultats montrent également que les ressources potentiellement procurées par l'entre-soi ethnique ne sont pas forcément un atout, notamment dans le cadre de relations verticales. Enfin, l'article montre que sortir de l'entre-soi ethnique peut aussi être un moyen de s'émanciper des normes sociales chinoises, susceptibles de se perpétuer en contexte migratoire, en particulier dans le monde du travail.
- Entre-soi ethnique, intégration et émancipation des normes : le cas des immigrés chinois en Île-de-France - Isabelle Attané, Ya-Han Chuang p. 137-152
Note de lecture
- Nouveautés documentaires du CIEMI - Christine Pelloquin p. 159-160

- Soumettre un texte à la revue - p. 161-163

- Pages de fin - p. 165-180



