Contenu du sommaire : Inégalités, progrès technique et internationalisation

Cette étude compare l'évolution du marché du travail en France et aux États-Unis entre 1970 et 1993. Cette comparaison est menée d'un point de vue agrégé et par niveaux de qualification définis de manière homogène entre les deux pays. À long terme, les inégalités salariales globales diminuent en France alors qu'elles augmentent aux États-Unis. Ceci reflète des déformations opposées de la distribution des salaires. Les inégalités intergroupes connaissent-elles aussi des évolutions contraires. Enfin, à partir de l'étude jointe des distributions salariales et des taux de chômage, on tente d'évaluer l'impact de la compression salariale française sur le niveau élevé du taux de chômage.

Le biais technologique. Une analyse économétrique sur données individuelles Sur les vingt dernières années, la structure de la main-d'œuvre des entrepri­ses s'est déformée au profit des personnels les plus qualifiés, alors que la main-d'œuvre non qualifiée a dû faire face à un chômage élevé et persistant. L'objectif de cette étude est de tester l'hypothèse d'un progrès technique biaisé en faveur de la main-d'œuvre qualifiée. Elle présente trois originalités. Premièrement, les estimations sont réalisées au niveau de l'entreprise. Deuxièmement, nous mesu­rons le progrès technique par cinq types d'innovation différents qui permettent de décomposer le biais technologique. Troisièmement, l'innovation est endogène.

Le déclin de la demande de travail non qualifié. Une méthode d'analyse empirique et son application au cas de la France Le déclin de la part des salariés faiblement diplômés dans l'emploi s'explique en premier lieu par le manque de dynamisme de la demande s'adressant aux secteurs où ils sont proportionnellement nombreux. La diffusion des nouvelles technologies et le développement du commerce international ne semblent en revanche pas véritablement défavorables à la main-d'œuvre la moins formée. Nous testons et rejetons l'hypothèse d'un biais technologique.

L'ordinateur : un outil de sélection ? Utilisation de l'informatique, salaire et risque de chômage À l'aide d'enquêtes statistiques et d'interviews de salariés, nous mettons en évidence les effets de sélection qui sont favorisés par la mise en place de l'informatique dans les entreprises. En particulier, cette sélection se voit sur les salaires - les salariés utilisant l'informatique étaient déjà mieux payés avant de commencer à utiliser cet outil (toutes choses égales d'ailleurs) que les non-utilisateurs -comme sur le risque de tomber au chômage plus faible pour les utilisateurs.

Evolution du commerce extérieur français et ajustement des emplois. Le rôle de l'intra-branche et de la qualité des produits L'objet de cet article est de chercher à vérifier l'existence d'une relation entre ajustement de l'emploi et nature du commerce de la France durant les années quatre-vingt. Les théories du commerce international nous enseignent que les ajustements sectoriels en termes d'emplois liés aux modifications des échanges extérieurs doivent être sensiblement différents selon la nature même des flux d'échange : inter-branche ou intra-branche, et selon le degré et la nature de la différenciation des produits quand le commerce est intra-branche. Les principaux résultats confirment l'existence de certains liens emploi-nature des flux commerciaux. En particulier, les pertes en emploi sont assez sensibles au classement des produits en termes de qualité (plus de la moitié des pertes d'emploi dues au commerce sont attribuables aux produits de basse qualité).

Inégalités, rigidité salariale et pressions redistributives. Vers une remise en cause du « modèle européen » ? On analyse une société hétérogène où les agents ont des qualifications différentes. Dans un premier temps, les agents choisissent collectivement un niveau de compression salariale. Cette compression salariale crée du chômage et change la distribution des revenus. Dans un second temps, les agents votent sur un taux d'imposition, taux qui finance des transferts redistributifs. Parce que la rigidité salariale change la richesse relative du votant médian, elle change aussi le taux d'imposition. On montre alors que les employés, dans la mesure où ils ne sont ni trop riches, ni trop pauvres, vont favoriser une certaine rigidité salariale, soit parce qu'elle augmente leur salaire (pour les plus pauvres d'entre eux), soit parce qu'elle réduit leurs impôts (pour les plus riches d'entre eux). C'est donc la classe moyenne qui bénéficie de ces institutions, tandis que les chômeurs et les extrêmes de la distribution des revenus y sont opposés.

On présente un modèle de recherche bilatérale où les agents diffèrent par leur dotation en capital humain et où les travailleurs de différentes qualifications sont des substituts imparfaits : le processus d'appariement entre les agents se traduit alors par la segmentation endogène du marché du travail, et l'inégalité salariale va dépendre du degré de segmentation du marché du travail. Les principaux résultats sont les suivants : 1) la dispersion salariale globale ainsi que les dispersions entre les groupes et au sein des groupes augmente avec l'hétérogénéité relative du capital humain ; 2) l'inégalité salariale au sein des groupes diminue, alors que les inégalités globale et entre les groupes s'accroissent quand le processus d'appariement devient plus efficace ; 3) les dispersions salariales globale, entre les groupes et au sein des groupes augmentent sous l'effet du progrès technique.

L'article présente un modèle dynamique d'équilibre général avec chômage, pour le commerce entre deux zones avec deux biens et deux facteurs de production qui sont deux types de travail. Chômage et inégalités croissent avec l'ouverture des économies et le progrès technique. Cette tendance peut cependant être contrecarrée par une politique de formation. Par ailleurs, le progrès peut être une conséquence de l'ouverture. Vitesse d'ouverture et intensité de la formation apparaissent alors comme des facteurs clés d'une évolution dont les déterminants réels ne sont pas nécessairement les déterminants apparents.

Commerce Nord-Sud, inégalités et croissance endogène Cet article développe un modèle de croissance endogène simple à deux pays, reposant sur une semi-spécialisation internationale, c'est-à-dire que l'un des pays (Nord) dispose d'un secteur Recherche et Développement et d'un secteur de pro­duction et que l'autre pays (Sud) est spécialisé dans la production de biens de consommation. Nous obtenons que l'ouverture des échanges est positive pour la croissance mais peut être négative en termes de PIB et augmente les inégalités entre les qualifiés et les peu qualifiés du Nord. Les mécanismes sont différents de ceux de la théorie des avantages comparatifs et reposent sur la taille du Sud. La présence d'un salaire minimum dans le Nord provoque des pertes d'emplois non qualifiés. Un calibrage du modèle donne des effets actuels limités sur les pays industrialisés, mais potentiellement importants avec l'émergence des géants démographi­ques.

Croissance et inégalités dans un modèle Nord-Sud Deux types d'explications sont proposés habituellement pour rendre compte du creusement des inégalités dans les vingt dernières années : a) un progrès technique biaisé (c'est-à-dire se traduisant par l'adoption de technologies plus intensives en capital humain) ; b) la concurrence accrue des pays à bas salaires. Nous construisons un modèle de croissance Nord-Sud où l'innovation et l'imitation sont les deux moteurs de la croissance. Nous y étudions en particulier l'impact d'un accroissement de la qualité des innovations, de l'efficacité des chercheurs du Nord et des imitateurs du Sud sur les taux de croissance et d'imitation, ainsi que sur les inégalités salariales. Nous présentons aussi une variante du modèle, qua­lifiée d'européenne, où les salaires relatifs sont fixes dans le Nord. Ceci nous permet d'étudier l'impact du progrès technique et de la concurrence des pays à bas salaires sur le chômage, ainsi que les conséquences, en termes de croissance et de chômage, d'une modification de la norme salariale dans le Nord.

Innovation, imitation et rattrapage en présence de rigidités sur le marché du travail On étudie, dans un cadre théorique majorant les effets de la concurrence des pays à bas salaires, les justifications et l'impact prévisible de l'accord portant sur la propriété intellectuelle signé dans le cadre du GATT. Le Nord, au marché du travail non qualifié rigidifié par un salaire minimum, innove grâce à sa dotation en tra­vail qualifié et à des rentes d'innovation partiellement réinvesties dans une R&D aux résultats certains. Des générations successives de nouvelles variétés sont produites au Nord, puis imitées au Sud. Pour préserver au Nord le système d'indemnisation des chômeurs non qualifiés, la mise en place d'un accord multilatéral sur le respect de la propriété intellectuelle est démontrée supérieure à la fois à l'instauration d'une clause sociale et à un accroissement de la flexibilité du marché du travail. Malheureusement, cette solution, retenue par le GATT, bute sur le problème de la détermination du niveau optimal de facturation de la technologie.

Immigration et justice sociale Cet article est dédié à la mémoire d'Yves Younes qui nous a quittés en mai 1996, et dont les dernières réflexions sur l'importance du phénomène migratoire dans les États-Unis des années 1980-1790 m'ont beaucoup influencé. L'ouverture des frontières entre le Nord et le Sud peut-elle se retourner contre les plus défavorisés du monde, c'est-à-dire les non-qualifiés du Sud ? Avec deux facteurs de production, les migrations Sud-Nord bénéficient tou­jours aux moins qualifiés du Sud, puisqu'ils y sont le facteur le plus abondant. Mais avec trois facteurs de production (trois niveaux de qualifications, ou deux niveaux et un facteur capital imparfaitement mobile), l'ouverture des frontières peut conduire à une baisse du salaire des moins qualifiés du Sud si leur complé­mentarité avec le travail très qualifié ou le capital du Nord est suffisamment faible comparée à celle des sudistes plus qualifiés. Plusieurs études récentes suggèrent effectivement que les élasticités de complémentarité chutent brutalement au-delà d'un certain écart de qualification. Cependant, rien ne prouve que ces effets soient suffisamment forts pour que l'ouverture optimale des frontières du point de vue de la justice sociale rawlsienne puisse ressembler à la politique de fermeture pratiquée aujourd'hui en Europe, ni a fortiori à une politique d'ouverture aux plus qualifiés du Sud.

Chômage des non-qualifiés et progrès technique Cet article développe une maquette d'équilibre général de moyen terme de l'économie française, dynamique et à anticipations rationnelles, calibrée sur données récentes, permettant d'analyser la progression du chômage et de l'inégalité de celui-ci selon les qualifications. Elle introduit un progrès technique non neutre et deux secteurs, un abrité et un concurrencé. Elle incorpore les principaux paramètres des politiques fiscales, parafiscales et sociales, et devrait être ainsi utile pour évaluer les conséquences de leurs modifications. Un exemple de ces dernières est analysé.

Salaires relatifs, commerce Nord-Sud et progrès technique. Un modèle stylisé d'équilibre général Afin d'expliquer les inégalités salariales croissantes dans la plupart des pays industrialisés, nous proposons dans cet article un modèle stylisé qui permet d'appréhender les effets respectifs et les effets simultanés du commerce Nord-Sud et du progrès technique. L'enjeu est notamment de formaliser l'idée de progrès technique défensif, c'est-à-dire d'endogénéiser ce dernier par rapport aux échanges. Si le progrès technique semble avoir joué un rôle quelque peu supérieur à celui du commerce, il apparaît cependant que, suivant l'élasticité de substitution entre les facteurs de production, ses effets soient nettement plus ambigus que ceux des échanges, et que, dans sa forme endogène, il ait tendance à résorber les inégalités.