Contenu du sommaire
Revue | Revue économique |
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Numéro | vol. 53, no. 2, 2002 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Les théories de la justice distributive post-rawlsiennes. Une revue de la littérature - Denis Maguain p. 165-199 Les théories de la justice distributive post-rawlsiennes Le but de cet essai est de présenter la littérature consacrée au problème de la justice distributive dans le champ de la philosophie politique de tradition rawlsienne, au regard du concept de la responsabilité. Après avoir rappelé la théorie de Rawls, socle des théories égalitaristes modernes, laquelle prône l'égalisation de certains biens sociaux, nous présentons l'approche de Sen, qui met davantage l'accent sur les opportunités de réalisation des individus au sein de la société. La contribution de Kolm en matière d'égalitarisme est également soulignée. Les théories de l'égalité des ressources (incluant divers talents et handicaps) de Dworkin et de « plus grande liberté réelle pour tous » de van Parijs sont mises en relief, pour ensuite passer en revue les théories récentes de l'égalité des chances développées par des auteurs comme Arneson, Cohen, Roemer, Fleurbaey ou encore Bossert.Post-rawlsian distributive justice theories: a survey The purpose of this essay is to review the literature devoted to distributive justice in the Rawlsian tradition of political philosophy, with a concern for the treatment of the notion of responsibility. After reviewing the theory of Rawls - founding theory of modem egalitarianism - which advocates equalization of some social goods, we present Sen's approach which emphasizes "capabilities to function" for individuals in society. The egalitarian view of Kolm is underlined too. The theories of equality of resources (including innate talents and handicaps) of Dworkin and of "real-freedom-for-all" of van Parijs are highlighted for then surveying recent equality-of-opportunity theories developed by authors such as Arneson, Cohen, Roemer, Fleurbaey or Bossert.
- Le rôle de la relation de clientèle comme barrière à l'entrée sur les marchés bancaires - Laurent Weill p. 201-222 Le rôle de la relation de clientèle comme barrière à l'entrée sur les marchés bancaires L'article apporte une justification théorique au rôle de la relation de clientèle comme barrière stratégique à l'entrée sur les marchés bancaires. Une banque qui consent un prêt à un client acquiert un avantage comparatif en termes d'information sur ce client par rapport aux banques concurrentes. Cette asymétrie d'information confère alors à la banque un pouvoir de monopole sur ses clients : la relation de clientèle agit ainsi comme un « switching cost » pour les emprunteurs. Nous élaborons un modèle de barrières à l'entrée stratégiques où la relation de clientèle permet à une banque implantée sur un marché bancaire de prévenir l'entrée d'une banque plus efficiente.Customer relationship as a strategic barrier to entry on banking markets This paper aims at providing theoretical foundations to the role of customer relationship as a strategic barrier to entry on banking markets. A bank which grants a loan to a customer gains a comparative advantage in information on this customer as compared with competitors. This informational asymmetry gives to the bank a monopoly power on its customers: customer relationship acte as a "switching cost" for the borrowers. We elaborate a model of strategie barriers to entry in which customer relationship allows the incumbent bank to prevent the entry of a more efficient bank.
- Stratégies de politique commerciale pour une sortie de la trappe de sous-développement - Arsène Rieber, Thi Anh-Dao Tran p. 223-243 Stratégies de politique commerciale pour une sortie de la trappe de sous-développement Dans le cadre d'un modèle d'économie géographique, nous nous intéressons à la relation existant entre la politique commerciale et les conditions du décollage économique. On confirme notamment dans un modèle trisectoriel que les politiques de libéralisation commerciale et de substitution à l'importation, en influençant l'équilibre entre forces centrifuges et forces centripètes, favorisent la sortie de la trappe de sous-développement. Des externalités technologiques induits par des phénomènes d'apprentissage sectoriels complètent la présence habituelle dans ce cadre théorique d'externalités pécuniaires. Nous montrons ainsi que le degré de diffusion technologique est un paramètre déterminant pour une économie du Sud. Nous concluons également que des politiques commerciales sectoriellement ciblées, au même titre qu'une politique industrielle active, favorisent les changements structurels dans le pays du Sud.Trade policy strategies to get out of the poverty trap Relying on a model of new economic geography, this paper focuses on the relationship between trade policy and the economie conditions of take-off. We confirm notably in a trisectoral analysis that both unilateral trade liberalization and import substitution, while influencing the balance between centrifugal and centripetal forces, may be successful in getting the less developed country out of the poverty trap. In our model, technological externalities resulting from sectoral learn-ing spillovers complete the usual presence in such theoretical framework ofpecuniary externalities. By this way, we show that the degree of technological diffusion is a determining parameter for a Southern economy. We show also that sectoral trade policies, in the same way as an active industrial policy, favour structural change in the less developed country.
- Monnaie de compte et système de paiements chez James Steuart. Quel rôle pour la stabilité bancaire ? - Michel Piteau p. 245-271 Monnaie de compte et système de paiements chez James Steuart. Quel rôle pour la stabilité bancaire ? La littérature qui place l'analyse du système de paiements au centre de la théorie monétaire s'inscrit dans une certaine tradition. Cet article vise à préciser la place singulière qu'y tient James Steuart quand, au XVIII siècle, dominent encore paiement comptant et monnaies partielles. Il est, en effet, un des premiers à examiner les implications du développement d'une monnaie de crédit conçue comme monnaie complète et à souligner la nécessaire solidité du système bancaire. La première partie montre pourquoi, afin de lutter contre la thésaurisation et la spoliation des créanciers induites par le nominalisme de l'unité de compte, il soutient la généralisation de la monnaie de banque confondue avec une monnaie de compte stable. La seconde partie précise comment, avec la bancarisation de la création monétaire, Steuart met en évidence le rôle, comme unité de compte et étalon des paiements différés, du numéraire des contrats de prêt accordés par le système bancaire. Un système en la stabilité duquel les agents ont confiance grâce à une réglementation et une surveillance prudentielles efficaces.How to understand the frequently conflicting relationships between sociology and economy? Noticing that the accusations which are exchanged from one discipline to the other are most often unconvincing, we will propose the following interpretation: underlying these oppositions one can identify a problem, which lies ai the very heart of the social sciences. This problem is related to the tensions between, on the one hand, frames of analysis which don't take into account the moral motives put forward by the actors and, on the other hand, f rames which, at the opposite, are bent on integrating the way people justify themselves or develop criticisms. In this paper, we will outline the boundaries between different programs in the social sciences, according to that scheme of interpretation, and some of the problems which they are compelled to tackle. Finally, we will propose some paths aiming at integrating into a single frame the approaches which lay stress on a compelling necessity and the approaches which whish to bring attention to the moral justifications delivered by the actors themselves.
Economie et sociologie
- Présentation - Olivier Favereau p. 273-274
- Nécessité et justification - Luc Boltanski p. 275-289 Comment interpréter les relations souvent tendues qu'entretiennent l'économie et la sociologie ? Face au caractère peu convaincant des accusations qui peuvent s'échanger entre ces deux disciplines, nous proposerons l'idée suivante : sous-jacent à ces oppositions disciplinaires se trouverait un problème, tout à fait central dans les sciences sociales, qui est celui de la relation entre, d'une part, des constructions qui éloignent de leur système d'interprétation les motifs moraux et, d'autre part, des constructions qui, au contraire, leur sont attentives et entendent tenir compte de la façon dont les personnes se justifient ou, à l'inverse, se livrent à la critique. Dans cet article, nous tracerons à grands traits les lignes de partage entre différents courants des sciences sociales en fonction de ce principe de division, et nous examinerons certains des problèmes qui se posent à chacun d'eux. Nous présenterons enfin des pistes visant à rendre possible l'intégration dans un même cadre des approches qui mettent plutôt l'accent sur le poids de la nécessité et des approches qui se veulent attentives aux exigences de justification.How to understand the frequently conflicting relationships between sociology and economy? Noticing that the accusations which are exchanged from one discipline to the other are most often unconvincing, we will propose the following interpretation: underlying these oppositions one can identify a problem, which lies ai the very heart of the social sciences. This problem is related to the tensions between, on the one hand, frames of analysis which don't take into account the moral motives put forward by the actors and, on the other hand, f rames which, at the opposite, are bent on integrating the way people justify themselves or develop criticisms. In this paper, we will outline the boundaries between different programs in the social sciences, according to that scheme of interpretation, and some of the problems which they are compelled to tackle. Finally, we will propose some paths aiming at integrating into a single frame the approaches which lay stress on a compelling necessity and the approaches which whish to bring attention to the moral justifications delivered by the actors themselves.
- Economics and Sociology - Michael Piore p. 291-300 Economie et sociologie Cet article étudie les apports potentiels de la sociologie pour combler certaines lacunes de la théorie économique. Il examine en particulier sa capacité à expliquer : 1) les supports institutionnels nécessaires au fonctionnement d'une économie de marchés concurrentiels ; et 2) les limites de l'hypothèse de rationalié dans les comportements de choix. L'approche sociologique dominante de ce type de problèmes consiste à postuler l'existence de sphères sociales différentes, mais elle ne dispose pas d'une théorie solide de la façon dont ces sphères se constituent et dont se définissent leurs frontières. Cette absence est d'autant plus dommageable qu'une caractéristique frappante de la période actuelle est la fluidité des frontières, qu'il s'agisse des frontières entre l'entreprise et la vie privée ou entre les sphères économiques et sociales elles-mêmes. En conclusion, l'article indique comment on pourrait construire une théorie de la formation de ces frontières autour d'une notion d'« interprétation », en tant que mode de comportement humain distinct du choix rationnel mais co-existant avec celui-ci.Economies and Sociology This paper explores the potential of sociology to fill certain gaps in economic theory. It examines in particular its capacity to explain: 1) the institutional supports required to make a competitive market work; and, 2) the limits of the assumption of rational choice behavior. The dominant sociological approach to problems of this kind is to postulate the existence of different social realms, but it does not have a strong theory of how these realms corne into existence and how their boundaries corne to be defined. Its failure to provide such a theory is particularly limiting because the salient characteristic of the period in which we are living is fluidity of boundaries, the boundaries of the firm and the family no less than the boundaries between the economie and social realms themselves. The paper concludes with suggestions for how a theory of boundary formation could be built around a notion of "interpretation" as a mode of human behavior distinct from rational choice but co-existing with it.
- Le principe de rationalité et l'unité des sciences sociales - Philippe Mongin p. 301-323 Le principe de rationalité et l'unité des sciences sociales L'article réexamine le principe de rationalité sous l'angle particulier de l'unité des sciences sociales. On a pu défendre l'idée que le principe constituait l'unique loi des sciences sociales, de sorte que celles-ci ne se distingueraient pas profondément entre elles (Popper). On a tout aussi bien défendu l'idée que le principe séparait l'économie, vue comme science des actions rationnelles, et les autres sciences sociales, notamment la sociologie (Pareto). L'article récuse ces thèses opposées à partir de deux considérations générales : le principe a un caractère strictement métaphysique et il n'a pas la force logique requise pour qu'on en tire des déductions intéressantes. L'explication dans les sciences sociales se place à un niveau de spécificité toujours plus grand que celui du principe lui-même. Mais elle se distingue en économie par un degré de spécification extrême des schèmes rationnels qui sous-tendent l'explication ; il en résulte un va-et-vient entre le particulier et le général qui n'a pas d'analogue dans les autres sciences sociales.The rationality principle and the unity of the social sciences The paper revisits the rationality principle from the particular perspective ofthe unity of social sciences. It has been argued that the principle was the unique law of the social sciences and that accordingly there are no deep differences between them (Popper). It has also been argued that the rationality principle was specifie to economics as opposed to the other social sciences, especially sociology (Pareto). The paper rejects these opposite views on the grounds that the rationality principle is strictly metaphysical and does not have the logical force required to deliver interesting deductions. Explanation in the social sciences takes place at a level of specialization that is always higher than that of the principle itself. However, what is peculiar about economies is that it specializes the explanatory rational schemes to a degree unparalled in history and sociology. As a consequence, there is a backward-and-forward move between specifie and general formulations of rationality that takes place in economics and has no analogue in the other social sciences.
- Pour un programme d'économie institutionnaliste - François Eymard-Duvernay p. 325-336 Pour un programme d'économie institutionnaliste L'objectif de ce texte est de tracer les grandes lignes de ce que pourrait être un programme d'économie institutionnaliste, en prenant appui sur les contributions de Luc Boltanski, Philippe Mongin et Michael Piore. L'accent est mis sur la nécessité de développer les liens entre éthique et économie, à rencontre d'une théorie qui se voudrait étroitement positiviste. La branche normative de la théorie économique s'est repliée, dans la seconde économie du bien-être, sur le critère de Pareto, qui est très insuffisant du point de vue de la justice. Il faut donc développer une conception plus exigeante de la justice. De plus, il est nécesssaire de prendre en compte le fait que les agents mobilisent dans leurs transactions des conceptions de ce qui est équitable ou non, particulièrement mais pas exclusivement sur le marché du travail. Comme conséquence de ces orientations, il faut analyser la pluralité des valeurs et principes de justice qui gouvernent les transactions et fondent les comportements.Towards new foundations for institutionalist economics Drawing upon the papers of Luc Boltanski, Philippe Mongin and Michael Piore, this text presents the basic elements of a new institutionalist economies. Its main thrust is to work out the relationship between the economy and Systems of moral judgment. As succh, it would serve as a counterweight to conventional economie theory, whose ambition is to create a wholly positive theory of economy behavior and whose normative content is confined to the new welfare economics, build around the concept of Pareto optimality. This approach fails to recognize that the economie agents themselves use frameworks of moral judgment to organize their transactions, especially, but not on/y, in the labor market. Indeed, because the agents act in this way, a recognition and analysis of moral values and principles of justice and their role in governing transactions is critical to a positive theory of economic behavior itself.