Contenu du sommaire : Revue de l'OFCE n°55
Revue | Revue de l'OFCE (Observations et diagnostics économiques) |
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Numéro | no 55, 1995 |
Titre du numéro | Revue de l'OFCE n°55 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Chronique de conjoncture
- L'offre devance la demande - Département des Diagnostics de l'OFCE, Philippe Sigogne, Jacky Fayolle, Hélène Baudchon, Odile Chagny, Amel Falah, Olivier Passet, Françoise Milewski, Valérie Chauvin, Hervé Péléraux p. 5-94 Après l'accélération prononcée de l'activité et du commerce mondiaux en 1994, le ralentissement intervenu depuis le début 1995 est largement généralisé au sein des pays de l'OCDE. Le manque de dynamisme de la consommation et le déficit de confiance des ménages en est un facteur général, même si cette caractéristique commune participe de phases différentes du cycle conjoncturel, selon les pays. Les pays anglo-saxons, spécialement les États-Unis, sont en voie de connaître une fin de cycle sans drame, prolongée par le recours au crédit à la consommation. Au Japon, la faiblesse de la consommation est la contrepartie d'une préférence exacerbée pour la liquidité et alimente le risque de spirale déflationniste qui menace ce pays. À partir de points de départ évidemment différents, la zone anglo-saxonne et le Japon ne devraient pas enregistrer des taux de croissance supérieurs à 2% en 1996 et ne seront pas des locomotives de la croissance mondiale. En Europe, le retour de comportements de précaution parmi les consommateurs peut handicaper la réalisation des projets d'investissement aujourd'hui formulés par les entreprises et s'opposer ainsi à la confirmation d'une expansion régularisée. Les déséquilibres dans le partage des revenus et le sentiment d'insécurité économique expliquent cet attentisme. Les disparités européennes, entre pays aux monnaies surévaluées et pays aux monnaies sous-évaluées ou en voie de l'être, contribuent aussi à geler la capacité d'expansion européenne. Dans les premiers pays, l'activité est entravée par le handicap de compétitivité ; dans les seconds, les résurgences inflationnistes et les réactions de la politique monétaire qu'elles suscitent pénalisent la demande interne. La normalisation de la situation monétaire, sur le front des taux de change, est ainsi nécessaire au retour de l'expansion européenne. Elle corrigerait les distorsions actuelles de compétitivité. Cette chronique de conjoncture fait l'hypothèse d'une telle normalisation, en particulier par une certain redressement du dollar sur l'horizon de prévision. La conjoncture allemande devrait contribuer à un dénouement positif du blocage européen en 1996. En Allemagne, le surcroît de revenus, après la généralisation des hausses salariales, paraît suffisant pour vaincre les réticences à consommer. Les exportateurs allemands bénéficieraient des achats de biens d'équipement par les industriels européens et de la poursuite de la reconstitution de leurs parts de marché. La politique monétaire allemande accompagnerait ce mouvement. La croissance allemande, après 2,5% en 1995, pourrait se rapprocher ainsi de 3% en 1996, sans pour autant atteindre ce chiffre. En France, la reprise a marqué une pause au premier semestre 1995, après l'emballement de 1994. Un environnement européen moins porteur et un contexte monétaire français nettement plus restrictif qu'anticipé en début d'année, ont sensiblement pesé sur l'activité. Le palier actuel débouche-t-il sur un retournement à la baisse ou bien un redémarrage ? Le pessimisme des entreprises n'a pas, pour le moment, conduit à une inflexion sensible des comportements de dépense, dans un sens restrictif : les embauches se développent, fussent-elles parfois à temps partiel et souvent à durée déterminée. Les salaires individuels s'accélèrent. Les investissements prévus n'ont pas été mis en cause. Les stocks, en revanche, ont pâti du retournement des anticipations. La logique de la prévision dépend crucialement de la consommation future des ménages. Davantage de revenus salariaux et de prestations soutiendraient la hausse du revenu global, malgré les prélèvements supplémentaires. Une reprise de la demande extérieure, dès le début de 1996, conforterait les exportations. La croissance de l'investissement des entreprises pourrait alors s'amplifier, aucun obstacle financier ne venant obérer les dépenses. En revanche, le contexte serait restrictif pour l'investissement et la consommation publics ; l'investissement en logements reculerait. Malgré une reprise de la formation des stocks, interrompue en 1995, la croissance du PIB serait de 2,5% seulement l'an prochain après 2,9% cette année. La reprise envisagée dépend des hypothèses de politique économique. La normalisation financière anticipée peut buter sur des tensions intra-européennes et accroître l'incertitude des entreprises. Un comportement plus prudent en matière d'embauchés et de politique salariale briserait le cheminement de la reprise. Enfin, les particuliers eux-mêmes finissent par être sensibles à la dévalorisation de leurs actifs, qu'ils soient immobiliers ou financiers. La croissance du PIB, bien que faible, permettrait une nette baisse du chômage : un contenu plus intense en emplois, un accent mis sur le traitement social et une moindre croissance de la population active y concourraient. Peu supérieure à la croissance du potentiel productif, la croissance du PIB ne comblerait pas le creux acquis durant les années précédentes : le niveau du potentiel ne serait pas atteint à l'horizon de la prévision. L'économie française resterait donc en sous-utilisation des capacités de production, avec toutes les pressions désinflationnistes que cela implique.Supply Ahead of Demand Département des diagnostics Following the sharp pick up of the world output and trade, the slow-down observed since the beginning of 1995 is widely spread among the OECD coun- tries. Sluggishness of private consumption and lack of consumer confidence are common features, even if they partake of different business conditions, according to countries. Anglo-Saxon countries, especially the United States, are about to experience a soft landing with an extended borrowing boom on the consumer side. In Japan, the consumption weakness stems from of an exacerbated preference for liquidity ; it is feeding the deflationary risk that threatens the country. From obviously different starting points, the Anglo-Saxon area and Japan shouldn't experience growth rates higher than 2 % in 1996 and won't pull world growth. In Europe, the return of consumers to a precautionary behavior can hamper the carrying out of the investment plans currently envisaged by firms and thus stop the confirmation of a regularized expansion. The imbalances in the income sharing and the feeling of economic uncertainty explain this wait-and-see attitude. The European discrepancies, between countries whose currency is over- valued and those whose currency is or may get undervalued, also impede the European expansion capacity ; in the latter, the expected return of inflation and the change in monetary policy it feeds are about to restrain the domestic demand. The normalization of the monetary situation, as far as exchange rates are concerned, is needed for the European expansion to come back. It would correct the current distortions in competivity. This forecast assumes a slightly higher dollar, as part of such a normalization. — German economic conditions should contribute to undoing the European hang-up in 1996. In Germany, the additional income gained through widespread wage increases seems to be sufficient to overcome the consumers' reluctance. The German exporters should benefit from delivering more investment goods to European industry and from rebuilding their market shares. The German monetary policy would put up with this evolution. The German growth could come near to 3 % in 1996, from 2,5 % in 1995. In France, the recovery broke during the first half of 1995, after the 1994 bolting. A less buoyant European environment and a more restrictive monetary context than expected have markedly weighed on activity. Will the current plateau lead to a downturn or to a restart ? The business pessimism hasn't curbed the spending behavior yet : hiring has developed though partly on part- time or temporary bases. Individual wages have speeded up. Planned investments have not been challenged. Inventories, on the contrary, have suffered from the downturn in expectations. The logic of this forecast relies crucially on the future private consumption. More wages and welfare benefits should sustain the increase in global income, in spite of tax increases. A revival of the external demand from early 1996 should reinforce exportations. The growth of business investment could then develop, as no financial constraint would impede spending. On the contrary, the environment should be more restrictive for public investment and consumption ; housing would decrease. In spite of the resumption of stock piling, the GDP growth would decelerate to 2,5 % next year from 2,9 % this year. The expected revival depends on economic policy assumptions. The financial normalization could come up against intra-European pressures and worry firms. A more cautious behavior in hiring and wage setting would hamper the revival process. Finally, households are getting sensitive to the depreciation of their assets, be they financial or real estate. The GDP growth, though weak, should enable a marked decrease of unemployment : a more job-oriented growth, the stress on social treatment and a slower increase of workforce should help. Slightly exceeding the growth of the potential output, the GDP growth could not fill the gap inherited from past years up to the horizon of this forecast. The French economy would thus post persistent excess capacities, with all the disinflationary pressures it implies.
- L'offre devance la demande - Département des Diagnostics de l'OFCE, Philippe Sigogne, Jacky Fayolle, Hélène Baudchon, Odile Chagny, Amel Falah, Olivier Passet, Françoise Milewski, Valérie Chauvin, Hervé Péléraux p. 5-94
- Quand les marchés triomphent : une projection de l'économie mondiale à l'horizon 2002 - Équipe Mimosa, ???II, OFCE, Henri Delessy, Henri Sterdyniak, John Baude, Frédéric Busson, Bruno Coquet, Hervé Le Bihan, Frédéric Lerais, Murielle Fiole p. 95-150 Les années récentes ont été marquées par le triomphe des marchés et la mondialisation croissante des échanges de marchandises et des flux de capitaux. Mais les marchés sont versatiles : leur mimétisme les conduit à des phases d'engouement excessif suivies de replis brutaux. Les gouvernements sont de moins en moins armés devant une instabilité grandissante. Imposant des politiques économiques vertueuses, le triomphe des marchés ne se fera-t-il pas au détriment de la croissance et de l'emploi ? Après la récession des années 1991-93, la plupart des pays de l'OCDE ont retrouvé en 1994-96 une croissance à un rythme de 2,8 à 3%. Toutefois, le déficit de croissancce n'a généralement pas été récupéré. Une croissance plus vigoureuse nécessiterait une forte coordination internationale des politiques budgétaires, monétaires et salariales : celle-ci étant impossible, la plupart des pays doivent se résigner à une croissance trop faible, mais vertueuse. La plupart des pays se trouvent confrontés à un dilemme : accélérer la croissance pour résorber le supplément de chômage ou réduire leur déficit public. Surveillés par les marchés, ils sont vite contraints de choisir des politiques budgétaires restrictives. Les craintes de résurgence de l'inflation, celles des marchés ou celles des Banques centrales, bloquent rapidement toute flambée de croissance. Selon notre projection, la croissance de l'ensemble des pays de l'OCDE serait de l'ordre de 2,8% de 1994 à 1996 ; elle fléchirait à 2,0% en 1997 et 1,2 en 1998, puis remonterait à 2,1 % en 1999 et 2,6 en 2000-2002. Ces fluctuations correspondent à la dynamique de l'investissement productif. Une fois que le taux d'investissement atteindrait un niveau satisfaisant, le rythme de la croissance demeurerait médiocre, en l'absence d'éléments moteurs : les politiques budgétaires resteraient relativement restrictives, le niveau des taux d'intérêt réels à long terme resterait élevé, la consommation des ménages serait bridée par la faiblesse des hausses de salaires; enfin, les importations des zones hors OCDE (Asie peuplée, PECO, CEI, Amérique latine) augmenteraient fortement, mais ces zones exporteraient aussi beaucoup, concurrenceraient les pays développés et n'accumuleraient guère de déficits extérieurs massifs. La croissance des Etats-Unis (2,2 % l'an en moyenne de 1994 à 2002) serait proche de sa croissance potentielle ; le Japon rentrerait dans le rang (2,4 % de croissance annuelle). En Europe, les pays du Sud connaîtraient une croissance plus vigoureuse et plus inflationniste (3,4 % l'an) ; l'Allemagne bénéficierait de l'essor de sa partie orientale (2,9 % de croissance ; 2,3% pour l'Ouest) ; la France, le Royaume-Uni et l'Italie connaîtraient des croissances modérées (2, 1 %). Le taux de chômage européen resterait important, même si sa hausse serait enrayée. Les taux d'inflation restent compris entre 2 et 3% pour la plupart des grands pays de l'OCDE. Les risques d'une forte résurgence de l'inflation dans les grands pays sont très limités, car la croissance est relativement modérée; les pays qui se rapprocheraient du plein-emploi (Etats-Unis, Allemagne) ont des autorités monétaires peu disposées à laisser l'inflation augmenter. L'UEM se ferait en 1999, mais ne regrouperait qu'un noyau dur de pays européens. La plupart des PECO, après avoir connu une chute de production dramatique et touché le fond en 1992 ou 1993, sont en train de remonter la pente à un rythme relativement rapide, et leur taux de croissance devrait atteindre 5 % dans les années à venir. La remontée n'est toutefois pas encore assurée pour la Russie. Au cours des prochaines années, l'essor du commerce international profiterait aux pays du Sud, permettant un rééquilibrage de la croissance à l'échelle mondiale. Mais celle-ci serait encore inégalement répartie entre les différentes régions : l'Asie du sud- est se développerait vivement, tandis que l'Afrique ne parviendrait pas à s'extraire de ses difficultés.Recent years have been marked by the triumph of markets, and the internationalization of real and financial flows has continued at an outstanding pace. But markets are fickle : driven by mimetism, they can switch from excessive attraction to sudden withdrawals. The triumph of markets imposes virtuous economic policies on countries : will it be achieved at the expense of growth and unemployment ? After the 1991-93 recession, most OECD countries have recovered growth at a rate of 2.8 to 3 per cent in 1994-95. Yet, in most cases, the output gap has not been offset. A steadier growth would require a strong international coordination of fiscal, monetary and wage policies. Such coordination being out of reach, most countries face a dilemma : whether to spur growth in order to clear excess unemployment, or to reduce budget deficits. As governments are under the scrutiny of markets, they are rapidly forced into the restrictive budget policy option. So markets' or central banks' fears of a return of inflation are quickly restrain any surge in growth. Our forecast is that GDP growth for OECD countries will be 2.8 per cent on average between 1994 and 1996. Growth should thereafter decline to 2.0 per cent in 1997 and 1.2 per cent in 1998, and then take-up again at 2.1 per cent in 1999 and 2.6 per cent for 2000-2002. These flucuations reflect the dynamics of productive investment. Once the investment rate will have reached a satis- tying level, growth should remain sluggish, for lack of alternative sources. Indeed, we expect fiscal policies to be kept restrictive, long term real interest rates to remain high and consumer expenditure to be refrained by moderate wage increases. Futhermore, even if imports from non-OCDE areas are forecast to grow steadily, so are their exports, resulting in additional competition for deve- lopped countries and a weak improvement in their current account. Actual growth in the US, with an average of 2.2 per cent between 1994 and 2002, should be close to its potential rate. Japan should rejoin the average OCDE pace of growth (2.4 per cet over the same period). In Europe, Germany is expected to benefit from the expansion in its eastern part (growth of 2.9 per cent for the whole of Germany, 2.7 per cent for the western part) ; growth in France, Italy and the UK is expected to be moderate (2.1 per cent) ; in southern Europe, growth is expected to be more steady (3.4 per cent), but in a more inflationary context. According to our projection, European unemployment is to remain high, even if its rise is halted. Inflation rates are forecast to remain in the 2-3 per cent range in most large OCDE countries. In a context of moderate growth, risks of a serious surge in inflation in large countries are very small. In the case of those economies that are forecast to come near to full-employment (the US, Germany), the committment of their central banks to low price increases leaves little prospects for inflation. EMU would be achieved in 1999, but only a « hard core » of European countries would be concerned. Most Central and Eastern Europe Countries, after experienceing dramatic falls in output, bottoming out in 1992 or 1993, should recover at a steady rate of 5 per cent in the future years. But such a recovery is not yet guaranteed in the case of Russia. For the following years, we expect the development of international trade to benefit the southern countries, contributing to reequilibrate growth at the world level. Nevertheless, strong disparities in growth rates within the southern countries are expected to persist : whereas South-East Asia should carry on its development at a vigourous pace, Africa is not expected to overcome its current difficulties.
- Union monétaire et fédéralisme - Pierre-Alain Muet p. 151-170 La perspective de l'Union monétaire a suscité un renouveau d'intérêt pour un thème ancien de la littérature économique et politique : le fédéralisme. Quels enseignements peut-on tirer des expériences fédérales pour la construction européenne ? La première partie de l'article examine les mécanismes de redistribution et de stabilisation économique dans les principaux Etats fédéraux. La seconde analyse les apports de la théorie économique du fédéralisme à la réflexion sur la nature de la construction européenne, notamment dans la perspective de l'Union monétaire. On examine successivement: l'organisation des pouvoirs dans l'Union, l'articulation de la politique monétaire et des politiques budgétaires et l'allocation des choix publics entre les différents niveaux institutionnels. La conclusion plaide pour un renforcement des mécanismes de solidarité notamment budgétaires qui devrait accompagner une plus grande démocratisation des structures communautaires.Monetary Union and Federalism Pierre-Alain Muet The prospect of monetary union has renewed an interest in an old theme of the economic and political literature : federalism. What lessons can be drawn from existing federations for the building of Europe ? The first part of the paper surveys the main features of existing federations and the impact of federal budgets in stabilizing regional business cycles. The second part analyses the contribution of the economic theory of federalism as it reflects on European integration and the prospect of monetary Union. It examines the following points : the organisation of powers in EU ; the problem of coordinating fiscal and monetary policies ; and the allocation of public choices between different levels of government. The conclusion advocates for a strengthening of solidarity mechanisms within the Union, in particular on the budgetary side, which should parallel a higher democratization of Community institutions.
- L'« atterrissage en douceur » de l'économie américaine : vers un nouveau mode de conduite de la politique monétaire ? - Anton Brender, Florence Pisani p. 171-209 Un examen de la politique monétaire américaine depuis l'après-guerre montre que celle-ci est loin d'avoir toujours été préventive. L'action entreprise en 1994 a été plutôt originale : sans qu'aucune tension sur les prix ne soit encore perceptible en février 1994, la Réserve fédérale a relevé ses taux. Une telle action préventive se justifie par les délais d'action de la politique monétaire : l'inflation étant sensible avec retard à l'activité, qui elle-même réagit avec retard à la politique monétaire, cette dernière se doit d'être conduite en anticipation. Ce « nouveau » mode de conduite de la politique monétaire suppose donc que la Réserve fédérale ajuste en permanence et graduellement son action pour l'adapter à la marche effective de l'économie. Tel a été le cas tout au long de l'année 1994 et au début de l'année 1995 : alors que ses prévisions ont été, dans une large mesure erronées, la Réserve fédérale a fait preuve de pragmatisme et a su composer avec les évolutions inattendues tant des marchés financiers — et en particulier des anticipations de taux — que de l'économie réelle, en ajustant le rythme et l'intensité de ses mouvements de taux.The « Soft Landing » of the Americain Economy : Toward a New Regulation Scheme of the Monetary Policy Anton Brender, Florence Pisani Looking at US monetary policy from 1950 onwards shows it has seldom been pre-emptive. Without any visible inflationary pressures the Fed, howerer, raised its rates in February 1994 — an rather unusual move. The sought of pre- emptive action is justified by lags inherent in monetary policy : inflation being affected by growth with a lag and growth reacting to monetary policy with another lag, the latter has to be conducted in a pre-emptive way. This « new » approach implies a gradual adjustment of policy to the actual state of the economy. Such was the case in 1994 and at the begignning of 1995 : despite incorrect initial forecasts, the Fed finally managed to slow the US economy. It did so with a succession of rate increases that pragmatically took into account he very sharp rise financial markets imposed to long-term rates.
- Inégalités singulières et plurielles : les évolutions de la courbe du revenu disponible - Louis Chauvel p. 211-240 Inégalités est un mot que l'on a longtemps écrit au pluriel et pensé au singulier. Si les travaux récents soulignent de plus en plus souvent la multidimensionnalité du phénomène inégalitaire, l'idée que nous avons des inégalités, et surtout des inégalités économiques, est souvent dichotomique. Le modèle mental spontané est fait, la plupart du temps, de deux mondes possibles entre lesquels nous devrions faire un choix plus ou moins nuancé : d'une part, un monde d'égalité où le sort de chacun serait semblable et moyen, et, d'autre part, un monde d'inégalité, fait de la polarisation, de la scission, voire de l'affrontement, d'une classe de riches très riches, et d'une classe de pauvres très pauvres. Vraisemblablement, la réalité des inégalités économiques est bien plus complexe que ne le suggère cette vue de l'esprit, même si nous restons, un siècle après Pareto, Lorenz et Gini, à la recherche d'un ou du bon indicateur d'inégalité : bien que l'échelle du revenu soit unidi- mensionnelle, la répartition de ce revenu pose des problèmes multidi- mensionnels, ce qui apparaît dans la comparaison de différents pays occidentaux. Ce paradoxe vient de ce que le jeu de la répartition n'est pas nécessairement le partage d'un gâteau entre deux classes seulement de la population (les riches contre les pauvres), mais un équilibre tripolaire, puisque les classes moyennes viennent nécessairement brouiller le jeu dichotomique en prélevant leur part, plus ou moins importante. Ce partage en trois catégories peut conduire à des formes extrêmement différentes de la courbe de répartition du revenu. Aussi proposons-nous ici une méthode différente des approches traditionnelles. Elle est fondée sur la combinaison de trois mesures complémentaires d'inégalité, concernant respectivement les revenus modestes, moyens et gros. Ces trois indicateurs sont associés à une représentation graphique, le strobiloïde (du grec στροβιλς toupie), qui permet d'objectiver la pyramide sociale, qui présente plutôt la forme d'une toupie. Cette représentation permet de comparer les différents systèmes nationaux de répartition et d'en suivre les déformations progressives. Nos analyses rejoignent, pour la plupart des pays occidentaux, l'hypothèse souvent formulée de rétrécissement de la classe moyenne (shrinking middle class), mais cette implosion de la classe moyenne connaît une intensité fort différente selon les pays, et peut avoir des conséquences différentes sur les populations les plus pauvres ; il peut en résulter une aggravation de la pauvreté, mais, au contraire, la mise en œuvre de filets de sécurité et de minimums plus généreux peut conduire au maintien de la condition voire à une amélioration relative du sort des plus démunis. Ce paradoxe, incompréhensible lorsque l'on manipule un indicateur global d'inégalité tel que le coefficient de Gini, peut trouver ici une solution. Par ailleurs, la courbe proposée permet de simuler l'impact que pourrait avoir l'alignement de la courbe de répartition française sur différents modèles étrangers, permettant ainsi de repérer les gains et pertes des différents niveaux de revenus. Au vu de tels résultats, il apparaît que les pays étudiés sont caractérisés par des formes extrêmement différentes de la répartition. Ce constat permet ainsi de réfuter l'idée séculaire de Vilfredo Pareto (1896- 1897) selon laquelle il existerait une seule forme, universelle, de la répartition du revenu. Les particularismes que nous mesurons montrent combien, au contraire, le revenu se répartit de façon spécifique et variable selon les expériences nationales et les choix explicites ou implicites réalisés par les sociétés, les acteurs et les configurations institutionnelles nationales : moins déterministe qu'il n'y paraît, la courbe de répartition du revenu montre l'importance de degrés de liberté dont nous n'avons que rarement conscience. Ces inégalités économiques ne sont donc en rien une << donnée », et moins encore le résultat d'une « loi » universelle répondant à une contrainte positive, mais sont le résultat d'interférences complexes entre les situations économiques, les processus institutionnels de protection, et les conceptions, purement normatives et propres à chaque pays, de ce à quoi peut prétendre le citoyen : elles sont les conséquences des normes sociales en vigueur.Singular Versus Plural Inequalities The Evolutions of the Size Distribution of Income Louis Chauvel In many contemporary researches, the multidimensionality of the inequalities is underlined ; nevertheless, our understanding of the phenomenon of economic inequality is often unidimensional. The (popular as well as scientific) representation of inequalities consists of a dichotomical model which refers to two potential worlds : a world of perfect equality where every population member receives the same income, and a world of perfect inequality in which two classes of the population, the poor and the rich, are confronted. Vilfredo Pareto, Max Lorenz and Corrado Gini attempted to build a single indicator for inequality ; therefore they had left us an unidimensional methodological corpus, which is no longer convenient to compare the national differences in the distribution of income : we now know that, even if the income is measured along an unidimensional scale, the problem of its distribution is a multidimensional issue. To go beyond this paradox, we should understand that the distribution of income is not the sharing of a pie between the rich and the poor, but rather between three classes, since the middle class always takes a significant part of the national income. In various western countries, sharing modalities among the three classes lead to various types of distribution. A new method for the analysis of inequality is presented : it is based on the combination of three indicators of inequality respectively for the poor, the middle and the rich classes. These indicators are linked to a specific type of curve, the strobiloid (from the Greek strobilos : tap), allowing the objectivation of the social pyramid, which has in fact the shape of a tap. Such a graphical representation allows a direct comparison of the different national distribution systems and their evolutions. Nowdays, large differences and fast changes appear between the various countries for different years. While our analysis converges to some extent with the shrinking middle class hypothesis, the speed and the extent of such a contraction of the middle class differ among countries. Its consequences on the poor class are also diverse, due to the partial independence between the low and the middle part of the strobiloid : the shrinkage of the middle class may go alongside with the enrichment of the poor — for instance if a more generous minimum income is provided. Such a paradox can not be understood with the classical Gini index, neither with other unidimensional indicators. Moreover, the methodological proposal allows the simulation of the shift of the French strobiloid towards those of Sweden, Netherlands and USA, and the evaluation of the gains and the losses of each class. An important result is the diversity of the shapes of the income distribution curve among western countries. This leads to the refutation of Pareto's idea on the universality of the curve. The actual variety of shapes shows the possibility of a choice in the distribution of disposable income. The curve is not the simple result of an universal deterministic process oriented by the necessities of economic efficiency ; rather, it reveals the equilibrium between confronting social norms.
- Convergences et divergences de quatre sociétés industrielles avancées - Louis Dirn, Louis Chauvel, Michel Forsé, Jean-Pierre Jaslin, Yannick Lemel, Henri Mendras, Denis Stoclet, Laurence Duboys Fresney p. 241-246 L'auteur compare grâce à une nomenclature de tendances d'évolution de la société française, les différences et les ressemblances d'évolution des sociétés française, allemande, québécoise et américaine.
- Summaries in English - p. 247-251
- Cahier de graphiques - Département des diagnostics de l'OFCE, Amel Falah p. 252