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Revue | Revue française d'économie |
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Numéro | vol. 10, no. 4, 1995 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Les obstacles à l'emploi - Pascal Salin p. 3-35 Deux séries de facteurs sont essentiels pour comprendre le chômage français et donc pour lui apporter des solutions: —la première série de facteurs est constituée par l'ensemble des réglementations qui introduisent des rigidités sur le marché du travail et empêchent l'ajustement entre les offreurs et les demandeurs de travail. Parmi elles figure évidemment le salaire minimum. Mais toutes les réglementations du marché du travail jouent également un rôle. Ainsi en est-il de la définition légale du temps de travail. De ce point de vue, il faudrait non pas diminuer la durée du travail, mais, bien au contraire, rendre possible son augmentation ; -la deuxième série de facteurs est constituée par les obstacles que crée l'actuel système de prélèvements obligatoires. Parce qu'il conduit à l'irresponsabilité, il détruit tout le système d'incitations qui conduit les uns à proposer leurs services de travail, les autres à entreprendre et donc à embaucher. Ce ne sont pas seulement les impôts et cotisations prélevés sur les salaires qui sont responsables du chômage, mais les autres également, par exemple l'impôt sur le revenu. Ce qui est atteint par les impôts et cotisations, quelle que soit la définition administrative de leur assiette, c'est l'acte d'échange entre le salaire et les services de travail. C'est pourquoi les cotisations sociales ne sont pas seulement un prélèvement sur les salaires, mais aussi un impôt sur l'activité entrepreneuriale, qui en est donc découragée. La croissance du salaire indirect par rapport au salaire direct est un facteur d'irresponsabilité qui réduit les incitations productives. Une réforme profonde de l'ensemble du système des prélèvements obligatoires est donc nécessaire pour résoudre le problème de l'emploi, qu'il s'agisse des cotisations sociales, des cotisations-chômage ou des impôts. Il convient par contre de refuser des solutions qui sont souvent présentées comme évidentes, par exemple le partage du travail, l'allégement des charges pour les bas salaires, la promotion du travail à temps partiel ou le développement volontariste des services, toutes mesures dont le caractère malthusien — et donc inopérant pour l'emploi — est facile à démontrer.Two categories of factors have to be considered in order to understand the French unemployment problem and, therefore, to bring solutions: —the first category of factors is constituted by the whole set of regulations which are introducing rigidities on the labour market and prevent adjustment between labour supply and demand. The minimum wage is one of them . But all other labour regulations also play a role, for instance the legal definition of the working time. From this point of view it would be necessary — to solve employment problems — not to decrease the legal working time, but to make possible a longer working time; —the second category of factors is constituted by the obstacles created by the present tax system, as well as the social security system. Because these systems induce irresponsibility, they destroy all the system of incentives by which some people are led to propose their labour services, and others to develop firms and to hire workers. Unemployment does not stem only from those taxes and social security contributions which are assumed to be paid on wages, but from all other ones, for instance the income tax. Whatever is the administrative definition of a tax, what is in fact affected by taxes is the exchange of a wage against labour services. This means that social security contributions are not only levied on wages, but are also a tax on firm activity. The growth of the indirect wage in comparison with the direct wage is a cause of irresponsibility which reduces productive incentives. Therefore a deep reform of the overall system of taxation and social security contributions — as well as unemployment compensations - is necessary in order to solve the unemployment problem. Besides, it is necessary to reject proposals which are often considered as obvious solutions, for instance sharing the working time between workers, alleviating social security contributions on low wages, promoting partial time jobs, or voluntarily developing services. All these measures are malthusian and they would not cure the unemployment problem, quite the contrary.
- Comment expliquer la présence d'organisations à but non lucratif dans une économie de marché?: l'apport de la théorie économique - Bernard Enjolras p. 37-66 Le secteur à but non lucratif constitue un secteur non négligeable de notre économie qui reste cependant sous exploré tant sur le plan empirique que théorique. De récents travaux anglo-saxons et français permettent de mieux cerner cette réalité. Le programme de recherche du secteur à but non lucratif traite deux types de problématiques : la problématique de l'origine (pourquoi les organisations à but non lucratifs existent-elles?) et la problématique du comportement (en quoi se différencient-elles d'autres formes d'organisations?). Le présent article présente dans un premier temps les contributions théoriques majeures qui traitent de la question des origines. Cinq contributions sont envisagées: la première considère les organisations non lucratives comme producteur de biens publics. Un second groupe d'analyses explique la différence entre organisation non lucrative et organisation lucrative en recourant à la notion d'asymétrie informationnelle et aux échecs contractuels qui s'en suivent. Le troisième type de contribution fait porter l'accent sur la fonction entrepreunariale à l'origine des organisations non lucratives. Une synthèse des précédentes approches a été réalisée autour de la notion de « partie prenante » (stakeholder). Par ailleurs les analyses en termes de bien public et d'échecs contractuels ont fait l'objet d'une critique à partir de l'approche en terme d'échec philanthropique. Dans un second temps une approche socio-économique des organisations non lucratives est avancée à partir du problème de la coordination de l'action. On peut en effet considérer que les institutions sont créées afin d'aider les agents économiques à résoudre les problèmes récurrents de coordination auxquels ils ont à faire face. Dans cette perspective l'organisation non lucrative peut être comprise comme un mécanisme de compromis permettant de gérer les tensions entre quatres logiques de coordination : les logiques marchandes, domestiques, solidaires et civiques.The nonprofit sector constitute an important part of our economy but remains under-explored at empirical level as at theoritecal level. Recent re- searchs allow us to better understand this reality. The nonprofit sector research program deals with two kinds of problems: the problem of origins (why nonprofit organizations do exist?) and the problem of behavior (in what are they different of other kind of organizations?). This paper presents in a first step the main theoritical contributions dealing with the origins problem. Five contributions are presented: the first one considers nonprofit organizations as public goods producers. A second cluster of theory analyse the difference between nonprofit and forprofit organizations using the concepts of informational asymetry and contract failures. A third sort of contribution insists on the entreprenarial function which is at the starting point of these organizations. A synthesis of these approaches has been attempted aroud the notion of stakeholder. In other respects the analysis in terms of public goods and in terms of contract failure have been criticized from the point of view of philanthropic failure. In a second step a socio-economic approach of nonprofit organizations is put foreward starting from the problem of coordination of actions. It is indeed possible to considerate that institutions are created in order to help economic actors to solve the reçurent coordination problems they have to face. In this perspective the nonprofit organization can be understood as a compromise mechanism allowing to manage tensions between four logics of coordination: the market, domestic, solidaristic and civic logics.
- Enseignement supérieur et emploi: sur-investissement éducatif? - Jean-Yves Leroux p. 67-100 After United States, Europeans countries have entered into a period of mass higher education.This phenomenon began in France in the sixties. Since, it has been growing more and more: nowadays, nearly fifty per cent of young people are studying in the higher educationnal system; they were only twenty per cent fifteen years ago. For the future, this trend should keep on up to the end of the century. In such a context, one of the most important question is: will this future high-qualified manpower find a job, and if so, which job? If one could be still optimistic as concerns the situation of the graduates on the labor market four or five years ago, it is no more the same today: diplomas do not prevent any more from unemployment or low-paid jobs. Some economists say that individuals and society invest too much in higher education: as a consequence investments in human capital yields lower rates of return. If one see the problem from an economical point of view, Government should try to limit the output of the higher educationnal system. But from a political point of view the problem is more difficult to solve because the efficiency of the scolar system cannot be assessed only from the labor market side but also from the social side i.e. keeping the social peace by satisfying demand for education.
- Etude empirique de l'effet Laffer en France au cours des années 1980 - Philippe Lacoude p. 101-156 Après les Etats-Unis, les pays européens sont entrés dans l'ère de l'enseignement supérieur de masse. Le phénomène qui a débuté en France dans les années soixante a pris une ampleur toute particulière ces dernières années en ne cessant de s'amplifier: près de la moitié des jeunes des générations concernées fréquente aujourd'hui les établissements d'enseignement supérieur contre à peine un cinquième au début des années quatre- vingt et l'élévation prévisible des taux de poursuite d'études parmi les bacheliers ne laisse augurer aucune inflexion de cette tendance à l'horizon de la fin du siècle. Un des problèmes fondamentaux qui se trouve soulevé dans un tel contexte et compte tenu de la situation actuelle de l'emploi est bien évidemment celui des perspectives d'emploi pour cette main-d'œuvre hautement qualifiée. Si jusqu'au début des années quatre- vingt-dix, un certain optimisme était justifié eu égard à la situation des jeunes diplômés sur le marché du travail, il n'en est plus de même aujourd'hui et les études prospectives ne sont pas de nature à faire disparaître les craintes que l'on peut formuler en ce domaine. La question du sur-investissement éducatif doit alors être posée et avec elle, celle de la régulation de l'output de l'appareil de formation. Est-il souhaitable d'enrayer la course aux diplômes ? Pour répondre, il faut garder à l'esprit que l'efficacité de l'appareil éducatif doit être appréciée non seulement sur la base de sa dimension fonctionnelle explicite i.e. fournir des qualifications au système productif, mais aussi à l'aune de sa fonction implicite: assurer la paix sociale en satisfaisant une demande d'éducation qui s'exprime dans le corps social comme la revendication du libre exercice du droit à la poursuite d'études.Regularly, governments had to face economic crisis, which bring about decreasing tax returns. This paper aims to examine whether a policy of tax increase is the best way to restore the budget balance. As a matter of fact, the tax system exercise effects on human action. If the burden is increasing, the individuals might have incentives to sell less taxed marketable work at the expense of other occupations. The tax returns might then vary in inverse ratio of the tax level. This principle, known for more than two centuries, may be called the "Laffer effect", by the name of the economist who "rediscovered" it in 1978. After reviewing the theoretical grounds which establish that effect, i.e. the substitutions between work and leisure on one hand, and present and future consumption on the other, we survey some foreign examples of tax changes. To conclude, we give an original interpretation of some recent economic data, that tend to prove an increase in tax returns following the French reforms of the tax schedule in 1987.
- L'insaisissable entreprise de l'économie et du droit - Thierry Kirat, Marie-Claire Villeval p. 157-203 Les développements théoriques et méthodologiques en économie accordent désormais une place centrale à l'entreprise. La réflexion sur la nature contractuelle et institutionnelle de l'entreprise, qui constitue l'objet central de cet article, invite à mobiliser notamment les théories contractualistes et la Nouvelle Economie Institutionnelle. Mettant en avant les notions de faisceau de contrats et de structure de gouvernance, ces approches tendent toutefois à résumer les dimensions collectives de la firme à un ensemble de relations inter-individuelles. La nature institutionnelle de la firme est alors réduite à une collection de contrats centralisés. La recherche de ces fondements institutionnels de l'entreprise conduit alors à interroger la pensée institutionnaliste américaine du début du siècle et les analyses françaises contemporaines. Les conceptions théoriques de l'entreprise sont éprouvées à un triple niveau. —La firme peut-elle se réduire à un faisceau de contrats interindividuels? On peut en effet distinguer des approches fonctionnelles (la firme est analysée à travers les fonctions qu'elle assume en termes de coordination) et des approches institutionnelles (la firme comme institution centrale du capitalisme). —Penser la coordination comme une activité fondée sur des règles appelle une réflexion sur la nature de ces règles. La firme est analysable comme une institution sociale qui fournit des modes normatifs de comportement largement fondés sur des règles juridiques. Or, le droit a connu également un débat entre approches contractualistes et approches institution- nalistes de l'entreprise qu'il est intéressant de confronter au débat économique. —Les formes et les frontières de la firme sont encastrées dans des contextes sociaux et historiques. Cet encastrement de la firme dans un ensemble économico-juridique interroge les processus par lesquels l'organisation et la régulation de cet ensemble se transforment. S'appuyant sur une revue des analyses contractualistes, évolutionnistes et institutionnalistes de la firme, les auteurs examinent les opportunités d'une confrontation entre droit et économie pour étayer une approche théorique de la firme comme institution sociale singulière.The concept of firm is central in current theoretical and methodological developments in economic theory. The analysis of the contractual and institutional nature of the firm, which constitutes the purpose of this article, requires to refer to contractarian theories and New Institutional Economics. Based on the notions of "governance structure" and "nexus of treaties", these theories however tend to limit the collective dimensions of the firm to inter-individual relationships. As a consequence, the institutional nature of the firm is reduced to a mere collection of contracts. The search for the institutional foundations of the firm article leads to investigate the American Old Institutional Economics and current approaches to institutions and firm. The theoretical analyses of the firm are tested at a threefold level. —Can the firm be reduced to a nexus of inter-individual contracts? As a matter of fact, one can distinguish between functional (i.e.: the firm matters because it assumes functions such as coordination) and institutional viewpoints (i.e.: the firm matters as a central institution of capitalism). —If coordination reveals to be a rule governed activity, one can legitimely question the nature and significance of these rules, notably judicial ones. The firm, as a social institution, relatively detached from individual participants, provides normative patterns of behaviour largely based on the legal provision of rules. In Law, the same debate between contractarian and institutional approaches to the firm has occured, that could be fruitfully confronted to the economic debate. — The forms and the boundaries of enterprises are embedded in social and historical contexts. Considering the firm as being involved in a legal- economic nexus leads to question the processes by which the organisation and the regulation of the nexus evolve. From a theoretical survey of contractarian, evolutionary and institutional analyses of the firm, the authors proceed to an examination of the opportunities of cross-fertilization between Law and Economics for building a theoretical approach to the firm as a specific social institution.
- Libéralisme et justice sociale: la clause lockéenne des droits de propriété - Ai-Thu Dang p. 205-238 Le débat anglo-saxon sur la nature d'une société juste, relancé par la publication du livre de J. Rawls, Théorie de la justice, mobilise à la fois des philosophes et des économistes. Le but de cet article est de donner un aperçu de ce débat foisonnant à travers l'analyse des multiples reformulations de la clause lockéenne des droits de propriété. La combinatoire de la propriété, de la liberté et de l'égalité organise l'espace de discussion sur la justice. Deux points seront mis en évidence : d'une part, les reformulations de la clause lockéenne des droits de propriété par R. Nozick et H. Steiner reproduisent les deux figures polaires en germe dans la pensée de Locke, l'individualisme pro- priétariste et l'égalitarisme. D'autre part, nous soulignerons les difficultés logiques qu'il y a à penser essentiellement la justice dans un cadre dominé par les relations contractuelles interindividuelles (Nozick), ou sur la base d'une égalité de départ à chaque génération sans pour autant tenir compte du processus de domination ou d'exploitation à l'œuvre dans le problème de l'inégalité des possessions (Steiner). Peut-on fonder vraiment une société juste sans recourir à une entité ou à un principe holiste qui surplombe les individus?J. Rawls' A Theory of Justice revitalizes the Anglo-Saxon debate on the nature of a just society. Both philosophers and economists have intervened in this debate. The aim of this article is to provide an overview of this debate through the reinterpretations of the Lockean proviso on property. The space of discussion is structured by the concepts property, liberty and equality. Two points will be outlined: first, Nozick and Steiner's reinterprations of the Lockean proviso on property reproduce two aspects of Locke's thought, possessive individualism and egalitarianism. Secondly, logical difficulties in Nozick and Steiner's analysis are emphasized. Nozick's theory of justice takes place within the framework of inter- individual contractual relationships whilst Steiner's analysis is based on initial generationel equality but does not take into account the processus of domination or exploitation, which underlies the problem of inequality of ownership. Can we really construct a theory of justice in the absence of a holist entity or principle?
- Résumés - p. 239-246
- Auteurs - p. 247-248