Contenu du sommaire : Passionnés, fans et amateurs

L'article propose un bilan critique de la recherche sur les fans, telle qu?elle s?s'est développée dans les pays anglo-saxons, et dans une moindre mesure en France, en revenant sur les principaux thèmes qui ont organisé les réflexions sur ce thème depuis environ quarante ans. Sont tour à tour abordées les qu'estions de la bonne distance du chercheur ? qui s'est souvent lui-même un fan ? à l'égard de son objet, des intérêts et limites des métaphores religieuses pour traiter des « cultes médiatiques », des principales caractéristiques du fan (consommateur passif vs co-producteur du sens des oeuvres) et des enjeux identitaires attachés au statut de fan.

La sociologie nous a habitués à une lecture critique du goût. Une analyse réflexive de l'activité des amateurs ouvre à un point de vue plus attentif à leurs pratiques pour se le révéler. Les amateurs ne « croient » pas au goût des choses. Au contraire, ils doivent se les faire sentir. À partir de cas divers (escalade, vin, musique), l'auteur développe une approche pragmatiste du goût comme activité et travail sur les attachements, technique collective pour se rendre sensible aux choses, à son corps, à soi-même, aux situations. C'est aussi mettre la réflexivité du côté des amateurs – et non pas seulement de sociologues soucieux de ne pas biaiser leurs analyses.

Le mode d'ancrage des passions culturelles, dont l'origine se situe le plus souvent dans l'enfance ou l'adolescence, explique assez largement les formes qu'elles prennent à l'âge adulte ainsi que la place qu'elles occupent dans l'existence des personnes concernées en regard des autres dimensions de la vie sociale. Deux grands modèles d'articulation entre passion culturelle, activité professionnelle et vie familiale se dégagent : celui du « jardin secret » où la passion fonctionne comme le support d'une identité «pour soi» construite à l'écart des identités statutaires et celui de l'engagement total où elle apparaît comme le pivot autour duquel s'est organisé l'ensemble de la vie de la personne.

Manga, animation, le succès de la pop culture japonaise en France est reconnu et elle possède ses fans. Faire commerce de ces objets implique donc de s'adresser à ce public particulier : les vendeurs se trouvent ici confrontés à des clients se considérant eux-mêmes comme des experts. Il peut donc être problématique pour les professionnels d'affirmer leurs compétences, et la cohabitation peut mener au conflit. L'ethnographie d'une boutique lilloise montre ainsi comment les vendeurs ont tenté d'établir des catégories propres au lieu, afin de marquer la limite entre communauté des fans et statut professionnel.

Les récits de fans (ou fanfictions) sont les textes que certains enthousiastes écrivent pour prolonger, anticiper ou amender le produit médiatique qui les passionne et dont la publication se fait aujourd'hui à plus grande échelle sur internet. À partir de l'étude de textes inspirés par la franchise Harry Potter, cet article se propose d'interroger cette activité créative qui nécessite un réel investissement et qui met effectivement en avant les tensions dans lesquelles se trouvent les fans. L'observation des conditions concrètes dans lesquelles sont mis en ligne ces textes et la mise en perspective de leurs contenus en tenant compte de leurs auteurs seront l'occasion de discuter la notion d'attachement dont il faut restituer la complexité.