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GRAMSCI EN FRANCE, par ROBERT PARIS Les débats de la gauche italienne se référant toujours à Gramsci de manière prioritaire, les modalités de l'introduction de son œuvre et les « lectures » qui en sont proposées en France fournissent peut-être les éléments explicatifs de cette prédominance. L'accent mis sur la doctrine de l'« hégémonie » en occulte, en particulier, le fondement stratégique : la « guerre de position », dont on évite de se demander s'il s'agit ou non d'un retour aux positions classiques de la social-démocratie. Et si l'insistance à souligner le « léninisme » de Gramsci vise d'évidence à le démarquer du marxisme occidental, le silence autour de la « philosophie de la praxis » tend également à masquer la contradiction qui oppose la définition d'une Weltanschauung comme philosophie totale et une stratégie des alliances. La « lecture » française de Gramsci qui met en avant l'analyse des superstructures et la théorie des intellectuels apparaît ainsi conditionnée tout à la fois par la situation des intellectuels sous la Cinquième République et par la conjoncture politique de la gauche française. [Revue française de science politique XXIX (1), février 1979, pp. 5-18.]

LE PARTI COMMUNISTE DE LA RDA ET L'EUROCOMMUNISME, par ANNE-MARIE LE GLOANNEC On aurait pu penser que le SED, le Parti communiste est-allemand, se serait joint sans hésiter au Parti communiste de l'Union soviétique et à ses alliés inconditionnels lorsque ceux-ci déclenchèrent leurs attaques polémiques contre les eurocommunistes. Le SED n'épouse-t-il pas, en effet, les principes essentiels du communisme soviétique et la ligne politique définie par le PCUS ? Or, il n'en est rien. Le SED a fait preuve de la plus grande retenue dans cette querelle et, plus encore, il paraît entretenir de bonnes relations avec les partis communistes d'Europe occidentale. Se pourrait-il qu'il nourrisse des tendances eurocommunistes ou faut-il voir là une manœuvre tactique destinée peut-être à préserver l'unité du mouvement communiste international ? [Revue française de science politique XXIX (1), février 1979, pp. 19-32.]

LE PARTI COMMUNISTE ITALIEN ET L'ADMINISTRATION LOCALE A BOLOGNE (1945-1977), par SEBASTIANO PORCU Les communistes bolonais mettent en œuvre depuis la Libération des politiques administratives qu'ils ont tenté d'adapter aux conditions socio-économiques locales. Durant cette longue période de pouvoir ininterrompu la structure sociale de la ville s'est assez profondément transformée. Quel rapport peut-on établir entre la modification de cette structure sociale et l'assentiment donné par les Bolonais au PCI en évaluant cet assentiment selon deux critères : les suffrages électoraux et les adhésions au Parti ? [Revue française de science politique XXIX (1), février 1979, pp. 33-52.]

?AUTOBIOGRAPHIES DE MILITANTS OUVRIERS, par JEAN PENEFF L'utilisation des autobiographies qui tend à se répandre dans les sciences sociales suppose que soient prises en compte les conditions de leur possibilité : capacité différentielle à verbaliser sur soi, à se prendre comme sujet d'histoire. Cette question méthodologique préalable étant posée, l'analyse des autobiographies d'une dizaine de militants ouvriers appartenant à un même courant syndical (CGTU, CGT), à un même groupe d'entreprises (métallurgie de la région nantaise), permet de dégager une vision de classe caractéristique d'un courant de pensée du monde ouvrier, particulièrement d'une de ses corporations les plus combatives et les plus organisées (les métallos) : conception de l'histoire basée sur l'idée d'un affrontement constant, luttes de groupes anonymes et absence de personnalisation, optimisme final sur l'issue de ces luttes malgré échecs et régressions momentanés. Cela s'exprime à travers une perception singulière de l'histoire locale et nationale, ayant sa propre périodisation, son inscription et ses références, son épopée. [Revue française de science politique XXIX (1), février 1979, pp. 53-82.]

LA BIOGRAPHIE ET SON USAGE EN SOCIOLOGIE, par YVES CHEVALIER Récente en sociologie, l'utilisation de documents personnels pose des problèmes méthodologiques spécifiques qui ont été peu étudiés jusqu'à présent. Par-delà les différents types de documents personnels ? dont les conditions de production doivent être prises en compte par l'analyse ? et indépendamment du fait qu'un « travail sur le texte » est nécessaire lorsqu'on veut mettre une biographie à la disposition du public, on remarquera que ce que l'on appelle « le vécu » informe d'abord sur l'insertion ? la pratique ? ? de l'individu dans une société et une culture déterminées, et ensuite sur la perception que l'individu lui-même en a. Aussi, les documents personnels sont-ils susceptibles de plusieurs analyses, selon les hypothèses de travail de la recherche qui les met en œuvre. [Revue française de science politique XXIX (1), février 1979, pp. 83-101.]

RÉSEAU RELATIONNEL, POUVOIR RELATIONNEL, par JEANNE BECQUART-LECLERCQ Obtenir une intervention, bénéficier d'une recommandation grâce à une relation bien placée, voilà une stratégie répandue en France, efficace voire nécessaire pour l'acteur périphérique qui vise à se réapproprier un peu de pouvoir dans un système centralisé. Une analyse théorique du concept du réseau relationnel, propose d'éclairer ce mécanisme obscur, car peu étudié, et l'envisage dans une optique conflictuelle plutôt que comme régulation du système. Il s'agit d'une relation stratégique, dyadique, interpersonnelle et face à face, asymétrique, relevant plus du don que de l'échange. Le réseau relationnel repose sur des bases d'ancrage qui permettent de manipuler des leviers de pouvoir, grâce à l'ambiguïté relationnelle des acteurs, capital relationnel qui semble se cumuler avec d'autres atouts sociaux et favoriser les favoris. Le réseau relationnel donne à celui qui en bénéficie la possibilité d'échapper aux règles impersonnelles et bureaucratiques, la jouissance du plaisir d'obliger et de personnaliser une action souvent anonyme, et procure l'allégeance symbolique qui produit la légitimité. [Revue française de science politique XXIX (1), février 1979, pp. 102-128.] THE RELATIONAL NETWORK AND RELATIONAL POWER JEANNE BECQUART-LECLERCQ Getting somebody to intervene or obtaining recommendation thanks to well-placed contact is widespread strategy in France which is effective and indeed necessary for the peripheral actor who is seeking to regain little power in centralized system theoretical analysis of the relational network concept is designed to throw some light on this mecanism which is obscure because it has been the subject of very little research and considers it from conflictual standpoint rather than as means of controlling the system It is strategic dyadic inter-personal and face-to-face and asymmetric rela tionship which is more in the nature of gift than an exchange The relational network rests on anchor points which allow the levers of power to be manipulated thanks to the relational ambiguity of the actors relational capital which seems to combine with other social assets and to favour the fortunate The relational network gives those who possess it the opportunity to escape from impersonal and bureaucratic rules the pleasure of rendering services and of personalising an often anonymous action and secures the symbolic allegiance which gives legitimacy Revue fran aise de science politique I) février 1979 pp 102-128.