Contenu du sommaire : Passage au politique

Revue Revue Française de Science Politique Mir@bel
Numéro 35e année, n°3, 1985
Titre du numéro Passage au politique
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Passage au politique

    • Introduction - Jean-François Bayart p. 341-342 accès libre
    • L'énonciation du politique - Jean-François Bayart p. 343-373 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Alors que prévalaient les analyses de la sociologie de la domination et de la dépendance, certains politistes ont commencé, à la fin des années 1970, à relativiser l'étendue et l'intensité du contrôle qu'exerçaient les régimes autoritaires, voire totalitaires, sur les groupes sociaux qui leur étaient subordonnés, et à s'interroger sur l'activité politique autonome de ceux-ci. D'une façon générale, la science politique a néanmoins pris un retard considérable dans l'exploration de ces problématiques « par le bas » si l'on prend comme étalon les acquis de l'historiographie ou de l'anthropologie. Sa contribution est pourtant irremplaçable dans la mesure où les travaux les plus novateurs de ces disciplines contournent le problème du pouvoir et de l'Etat. Pour comprendre la revanche croissante des sociétés sur celui-ci, en Afrique ou en Asie, il convient de dépasser les analyses binaires classiques, telles que l'illustre par exemple le concept de « société civile », et de raisonner en termes dénonciation du politique. A cet égard, les traditions occidentales du politique et de l'Etat se croisent avec les traditions autochtones du pouvoir. C'est à ce point de confluence que s'inventent de nouvelles problématiques légitimes du politique dont les mouvements identitaires, religieux ou musicaux par exemple, sont l'un des principaux creusets. Ils annoncent probablement une réappropriation croissante de l'Etat par les sociétés.
      At the time of the prevalence of analyses of the sociology of domination and dependency, some political scientists, in the late 1970s, began to relativize the scope and the intensity of the contrat exerted by authoritarian or totalitarian régimes on the social groups which were subordinate to them, and to investigate these groups' autonomous political activity. Generally speaking, political science has lagged in ils exploration of these problematics of « the lower level » when compared to what historiography and anthropology have achieved. Ils contribution is nevertheless indispensable, for the most innovative research in these disciplines avoids the problem of power and of the state. To understand the growing revenge of Society on the state, in Africa or in Asia, it is necessary to go beyond the classic binary analyses as illustrated by the concept of « civil society », and to reason in terms of enunciation of politics. In that respect, the Western traditions of politics and of the state meet the native traditions of power. It is at this junction that new legitimate problematics of politics appear, with identification movements, religions or musical for example, as major melting pots. They probably signal a growing reappropriation of the state by society.
    • Chine : la victoire ambiguë du Vieil homme - Jean-Luc Domenach p. 374-401 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis la mort de Mao, le régime communiste a été contraint de reconnaître l'altérité du social et de laisser la société réoccuper une partie de l'espace qu'il avait précédemment neutralisé. L'analyse d'émeutes rurales dans les années 1958-1962 indique que la collectivité paysanne n'avait jamais rompu tous les ponts avec le pouvoir communiste. Dans les campagnes, l'innovation totalitaire a été plus réduite qu'on ne le croit souvent. Le corps à corps entre le pouvoir et la société rurale n'a jamais cessé. C'est le rapport de forces qui a évolué au profit de la collectivité villageoise, permettant au « Vieil homme » de réapparaître au grand jour. Mais ce dernier a été modifié par le temps, et la politique de modernisation du régime l'expose à de nouveaux et graves dangers.
      Since Mao's death, the communist regime has been forced to recognize the otherness of the social component and to allow society reoccupy part of the previously neutralized space. An analysis of the 1958-1962 rural riots indicates that the peasant community had never broken totally with communist power. In the countryside, totalitarian innovation was more limited than often believed. The struggle between the authorities and rural society had never ceased. The balance of power then changea in favor of the village community as a whole, enabling the « Old man » to reappear in the open, but changed by the passage of time. The regime's policy of modernization is exposing him to new and serions dangers.
    • État et société en Afghanistan - Olivier Roy p. 402-423 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'opposition entre Etat et société n'a pas seulement une évidence empirique en Afghanistan mais repose sur l'histoire même de la constitution de l'Etat afghan à partir d'une confédération tribale au 18e siècle. D'une part, les tribus pashtounes considèrent que l'Etat est fait pour gérer les autres groupes ethniques, d'autre part la société villageoise a mis en place tout un processus de marquage et d'évitements de l'institution étatique, elle-même taraudée par les clientélismes et les groupes de solidarité. Cependant dans la société civile, comme dans l'actuelle résistance, on trouve des références étatiques, non pas à l'Etat-nation afghan, mais renvoyant à l'umma musulmane. La société civile reste une société de droit, grâce au droit religieux (shariat), malgré la rémanence des groupes de solidarités (qawm).
      The opposition between state and society in Afghanistan is not only an empirical fact ? it is also based on the very history of the constitution of the Afghan state starting from a tribal confederation in the I8th century. On the one hand, the Pashtoon tribes consider that the state is there to manage the other ethnie groups ; on the other hand, village society has established a process of marking and shunning of the institution of the state, itself pestered by clientelism and solidarity groups. However, in civil society, as in the present resistance movement, references to the state are found, not to the Afghan nation-state, but to the muslim umma. Civil society remains based on law, thanks to religious law (shariat), despite the persistence of solidarity groups (qawm).
    • Les oulémas, l'intelligentsia et les islamistes en Égypte. Système social, ordre transcendantal et ordre traduit - Gilles Kepel p. 424-445 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'émergence, dans l'Egypte contemporaine, d'un discours islamiste visant à « exprimer les valeurs centrales de la société » peut s'analyser par différenciation d'avec deux discours intellectuels autres, celui des oulémas et celui de l'intelligentsia. Si les premiers ont majoritairement, dans la période récente, légitimé le système social au nom de l'ordre transcendantal, les seconds ont fait de même au nom de l'ordre traduit. Par opposition à eux. les islamistes - qui exercent la fonction d'intellectuels mais n'en ont point le statut - produisent un discours qui réactive le conflit entre système social et ordre transcendantal. Ce discours a un effet mobilisateur afin de transformer le système social par le moyen du jihâd, et il s'emploie à discréditer oulémas comme intelligentsia en les éliminant du marché des produits intellectuels.
      The emergence in contemporary Egypt of an islamic discourse seeking to « express the central values of society » can be analysed by stressing ils differences with respect to two other intellectuel discourses, that of the ulema and that of the intelligentsia. While a majoritv of the former legitimized the social System in the name of the transcendental order, the lutter dit it in the name of the translated order. In opposition, the islamicists, who perform the function of intellectuals without having their status, produce a discourse which reactivates the conflict between social system and transcendental order. This discourse has a mobilizing effect meant to transform the social system by jihâd, and attempts to discredit the ulema as intelligentsia by eliminating them from ihe market of intellectual products.
    • L'énonciation du pouvoir et de la richesse chez les jeunes « conjonctures » de Lomé (Togo) - Comi Molevo Toulabor p. 446-458 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les jeunes « conjonctures » de Lomé, tout en étant mécontents du chômage qui les frappe, se bornent à dénoncer en douceur les privilèges de la classe politique. Cette attitude, qui se traduit par l'apathie à l'égard du système politique, peut se comprendre à la lumière d'un certain nombre de facteurs politiques et culturels qui occultent la clarté du discours contestataire. Située dans cet espace protestataire, l'apathie apparaît comme un choix politique important dans un régime qui entend mobiliser le pays.
      Lomé's young victims of economie conditions (« conjonctures »), although unhappy with unemployment, criticize gently the privileges of the political class. Their apathy vis-à-vis the political system can be understood in the light of political and cultural factors which mask the clarity of the contestation discourse. Set in thls protest space, apathy can be seen as an important political choice within a regime which intends to mobilize the country.
    • La palabre de l'indépendance : les ordres du discours nationaliste au Cameroun (1948-1958) - J. Achille Mbembé p. 459-487 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les analyses du mouvement nationaliste au Cameroun ont privilégié, jusqu'à présent, le versant marxisant de ses énoncés. Fortes de cette perspective, elles ont conclu à son identité communiste. Mais un recours à un corpus nouveau, fait de textes oraux ou écrits produits à divers niveaux, en des lieux et à des époques différentes, et par une pluralité d'acteurs, permet de faire éclater l'apparence monolithique du discours nationaliste. Les énoncés en langue nationale (Basaà en particulier) mettent en relief des catégories politiques proprement autochtones. Celles-ci ne gomment sans doute pas les apports extérieurs. Mais elles les débordent au moment même où elles tentent d'établir avec eux des passerelles, des continuités et des ruptures. La perception du politique et de son énonciation dans les langues propres aux acteurs enrichit l'intelligibilité que l'analyste peut avoir de la problématique du passage ou du non-passage au politique.
      Analyses of the nationalist movement in Cameroon have favored the marxist side of ils enunciations. From this perspective, the conclusion was that it was communist. Analysis of a new corpus of oral and written texts produced at various levels, different times and places by a variety of actors breaks this monolithic appearance of the nationalist discourse. Statements in native languages (Basaà, in particular) make clear the genuinely autochtonous political categories. While these categories do not cancel out the external influences, they go beyond them while seeking to set up bridges, continuities and ruptures. The perception of politics and of ils enunciation in the languages of the actors deepens the analyst's potential understanding of the problematic of the passage or non passage to politics.
  • Notes Bibliographiques

  • Informations bibliographiques - p. 499-540 accès libre
  • Cours et travaux inédits de science politique (année 1984)