Contenu du sommaire
Revue | Revue Française de Science Politique |
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Numéro | 45e année, n°5, 1995 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Articles
- Drogue, facteur de délinquance? D'une image à son usage - Michel Setbon p. 747-774 La lutte contre la drogue, organisée en France dans le cadre de la loi de 1970, prend pour cible les usagers de drogue présentés comme à l'origine d'une délinquance secondaire d'approvisionnement dont serait victime l'ensemble de la population. Ainsi, l'action contre la drogue, propriété de la police et de la justice, aurait aussi pour effet de lutter contre la délinquance touchant aux biens et aux personnes, conséquence supposée qui contribue à justifier la priorité de la répression antidrogue et le maintien du délit d'usage dans le cadre de la sécurité publique. Une étude de cas dans une ville moyenne française marquée par un taux élevé de délinquance et d'infractions à la législation sur les stupéfiants cherche à vérifier la réalité de cette représentation causale et d'en mesurer les conséquences opérationnelles. Une double analyse, qualitative des pratiques policières, et quantitative de leurs effets en termes d'interpellations, montre que les faits ne correspondent que fort peu à la représentation. Les données statistiques ne permettent pas de valider la représentation causale drogue-délinquance; mais surtout les pratiques policières, ciblées sur des publics particuliers, contredisent cette représentation : la lutte antidrogue ne contribue dans les faits que de façon marginale à la lutte contre la délinquance. La priorité accordée à une stratégie particulière de lutte contre la drogue a pu être identifiée comme la variable explicative de ce constat que le poids des techniques policières et une répartition cloisonnée des compténces viennent renforcer.Drugs: a factor of delinquency ? From an image to its use The fight against drugs, organized in France in accordance with the law of 1970, punishes drug users presented as being at the origin of a secondary delinquency, that of drug supply, of which the general population is a victim. Thus, the fight against drugs, waged by the police and the courts, is supposed to result in a fight against delinquency touching property and people, a consequence which justifies the priority of anti-drug repression and the maintenance of the offense of drug use within the framework of public security. A case study in a medium-sized French city with a high rate of delinquency and drug law infractions seeks to verify the reality of this causal representation and to measure its operational consequences. A two-fold analysis, a qualitative study of police practices and a quantitative one of their effects on police questioning, shows that the facts correspond only weakly to the representation. Statistical data do not support the drug-delinquency causal representation. Above all, police practices, targeted on specific populations, contradict this representation : the fight against drugs contributes only marginally to the fight against delinquency. The priority granted to a particular strategy in the fight against drugs is identified as the explanatory variable of that finding, reinforced by the weight of police techniques and a compartmentalized distribution of powers.
- Les nouveaux clivages dans la politique belgo-flamande - Marc Swyngedouw p. 775-790 ou d'extrême droite) et de la mobilité accrue des électeurs montrent que le modèle de clivages esquissé pour la période d'après guerre est en pleine mutation. L'étude des nouveaux clivages de l'espace politique belge-flamand (réalisée à partir d'un échantillon représentatif d'électeurs flamands âgés de 18 à 65 ans, et après les élections du 24 novembre 1991) indique que le clivage matérialisme/postmatérialisme avancé par R. Inglehart y est explicitement présent. Néanmoins la théorie de R. Inglehart ne suffit pas pour décrire l'espace électoral flamand. Un clivage «ouverture culturelle universaliste/enfermement culturel particulariste » a, lui aussi, une influence significative sur le comportement électoral.The new cleavages in Belgian-Flemish politics All the analyses of the postwar Belgian political system, especially in Flanders, highlight -the role of three cleavages : economic, ideological or philosophical, and communitarian. Studies of the rise of the new parties (the Greens and the Far Right) and of increased voter mobility show that the pattern of cleavages outlined for the postwar period is in full flux. A study of the new cleavages of the Belgian-Flemish political space, carried out on a representative sample of Flemish voters, aged 18 to 65, after the 24 November 1991 elections, indicates that the materialist/postmaterialist split identified by R. Inglehart is clearly present. Nevertheless, R. Inglehart's theory does not suffice to describe the Flemish electoral space. A « universalist cultural opening/particularist cultural withdrawal » cleavage also has a significant influence on voting behavior.
- Action collective et changement politique en Allemagne de l'Est. Le « tournant » de la RDA (1989-1990) - René-Pierre Chibret p. 791-822 C'est par une approche combinant les problématiques de la "transition démocratique" et de la "mobilisation des ressources" que ce texte tente de comprendre de façon approfondie les processus socio-politiques et les dynamiques de conflit au coeur du changement politique qu'a vécu la R.D.A. en 89-90.Collective action and political change in east Germany The 1989-1990 east German « turning point» The turning point in East Germany in 1989-1990 represents, as all the transformations that affected Eastern Europe, a case of political rupture which does not easily fit into the framework of political change analysis. Developmentalist theories, dominating the study of these « revolutions » but handicapped by the lack of an analytical model of revolutionary action, show their explanatory weakness in the East German field. An approach combining the problematics of « democratic transition » and « resource mobilization », based on an interactionist method and a theory of collective action, can be used for a renewed and deeper understanding of the socio-political processes and the conflict dynamics at the heart of that change. On that basis, three major factors are outlined : the role of the mobilization of civil society and of the opening of opportunities in the birth and the emergence of the crisis, that of the interactions between elite strategies and popular actors in the rupture dynamic, and finally, the cultural dimension of the East Germans' commitment in the conflict.
- Les paradigmes à l'épreuve de l'air du temps. Quand le discours des sciences sociales sur l'exception chinoise légitimait la révolution - Yves Viltard p. 823-856 Par-delà les théories, les paradigmes scientifiques s'accordent avec l'esprit du temps. Ils ont la force de l'évidence. Leur usage normal n'exige pas d'explications ou de démonstrations. Ils participent de la croyance et règlent la compréhension de la réalité dans la communauté savante où ils s'imposent. Au début des années 1950, la sinologie américaine, accusée par le sénateur McCarthy d'avoir perdu la Chine, vit sa compétence remise en cause. Le paradigme totalitaire ordonna le savoir sur la Chine pendant vingt ans. En 1960 la viabilité et l'authenticité du régime ne faisaient plus de doute. Le régime fut perçu comme une menace majeure pour la sécurité des États-Unis. Les études sur la Chine contemporaine furent inventées en vue de mieux connaître, de mieux comprendre un totalitarisme innovateur et chinois. Dans les années 1970, le paradigme du totalitarisme fut abandonné par la communauté scientifique. Le paradigme révolutionnaire le remplaça. La révolution chinoise gagna en légitimité et en universalité, et fut comprise par une bonne partie de la recherche américaine comme apportant à travers une expérience inédite une contribution précieuse à l'histoire de l'humanité, donnant une nouvelle autorité au discours sur l'exception chinoise.Paradigms and the spirit of the times. When social science discourse of Chinese exceptionalism Justified the revolution Beyond theories, scientific paradigms agree with the spirit of the times. They have the strength of the obvious. Their normal use demands no explanations or demonstrations. They share the characteristics of beliefs and organize the understanding of reality in the scholarly community in which they prevail. At the beginning of the 1950s, American sinology, accused by Senator McCarthy of losing China, saw its competence challenged. The totalitarian paradigm structured knowledge on China for 20 years. By 1960 the viability and authenticity of the regime were no longer in doubt. It was perceived as a major threat to US security. Studies on contemporary China were invented in order to improve knowledge and understanding of the innovative Chinese totalitarianism. In the 1970s, the totalitarian paradigm was forsaken by the scholarly community and replaced by the revolutionary paradigm. The Chinese revolution gained in legitimacy and universality and was understood by a large portion of American research as bringing, through a new experiment, a precious contribution to the history of mankind, providing new authority to the discourse on Chinese exceptionalism.
- Drogue, facteur de délinquance? D'une image à son usage - Michel Setbon p. 747-774
Lectures critiques
- Idées, institutions et relations internationales - Pascal Vennesson p. 857-866
- À propos d'un livre de Raphaël Draï, Gallicanisme versus communautarisme : défi ou aporie - Bruno Étienne p. 866-876
Comptes rendus
- Mario Caciagli, Pier Vincenzo Uleri (dir.), Democrazie e referendum - Yannis Papadopoulos, Isabelle Moroni p. 876-879
- Bruno Jobert (dir.), Le tournant néo-libéral en Europe - Christian Lequesne p. 879-881
- Anthony Giddens, Les conséquences de la modernité - Gil Delannoi p. 882-885
- Revue des revues - p. 886-889
- Informations bibliographiques - p. 890-906