Contenu du sommaire : Des notions en dispute

La dispute récurrente entre Braudel et Gurvitch a pris une nouvelle tournure en 1958 lorsque chacun explicita son approche des temps. Braudel estime que sa distinction entre trois durées historiques (longue, moyenne et courte) devrait offrir un cadre épistémologique et méthodologique commun aux sciences sociales, sociologie comprise. La typologie des temps sociaux de Gurvitch ne lui semble pas opératoire : elle est trop qualitative. Gurvitch lui répond que réalité et temps historiques se rapportent à des genres particuliers de temps sociaux, qualitatifs-quantitatifs, discontinus-continus... L'étude de ces derniers confirmerait que l'historien et le sociologue ne peuvent concevoir de la même manière leur objet et leur méthode. Esquisse d'une analyse critique.

C'est en tant que catégorie de l'entendement que Durkheim aborde le temps. Restituer son approche du temps ainsi que celle de ses disciples, en particulier Henri Hubert, conduit à interroger les fondements de sa sociologie de la connaissance. Le sociomorphisme, dynamique structurante des représentations collectives, constitue la principale intuition de la sociologie durkheimienne de la connaissance. Après avoir rendu compte des acceptions multiples de ce concept, nous montrerons qu'il est inopérant pour une partie importante des catégories dont Durkheim prétend expliquer la genèse, en particulier celle du temps. Cette investigation de la pensée du fondateur conduira ainsi à une remise en cause de sa pertinence globale. L'instabilité conceptuelle de la notion de représentations collectives, la dualité du psychisme humain ainsi que le rôle prépondérant accordé par Durkheim à l'effervescence sociale dans sa théorie du sacré constitueront les lieux de convergence critique de cet article.

Au Cap (Afrique du Sud), le nouvel an est célébré depuis plus d'un siècle et demi par des parades de rue et des compétitions de chœurs et de troupes carnavalesques. Elles rassemblent des milliers de personnes qui, du temps de l'apartheid, avaient été classées dans la catégorie coloured (métis). Ces fêtes du nouvel an sont nées d'usages sociaux de la rue résultant des conditions de vie matérielle dans les quartiers à population majoritairement « métisse » ; la rue devint ainsi non seulement un espace de sociabilité mais un lieu de création contredisant les stéréotypes négatifs attribués aux « métis ». Ces fonctions furent gravement mises en péril par le classement en « zone blanche » de ces quartiers puis par l'interdiction de défiler dans le centre-ville du Cap édictée après 1976. Ces mesures entraînèrent une lutte symbolique pour le droit à l'espace urbain qui ne rejoignit pas directement le combat politique des années 1980 mais exprima, en plus d'une opposition implicite à l'apartheid, l'idée partagée par un grand nombre de « métis » que Le Cap, « Cité-mère » de l'Afrique du Sud, est « leur » ville.

L'étude de l'œuvre politico-sociale rousseauiste sera abordée selon une perspective qui souligne le rôle joué par la théorie sociale, et apportera une réponse à la question de l'unité de la philosophie de l'auteur. On soulignera le lien existant entre les thèses défendues dans le Discours sur l'inégalité, d'un côté, et le Contrat social et l'Émile, de l'autre. On veut montrer que l'œuvre de Rousseau est un événement fondamental pour la constitution de la politique moderne car elle réalisa, quoique de manière négative, la subordination intellectuelle du domaine de la politique à la réalité sociale.

Si l'existence du « modèle suédois » est avérée dans la littérature scientifique et les représentations, l'étude montre toutefois que les différentes périodes d'affirmation de cette spécificité correspondent à l'investissement d'acteurs différents qui ne poursuivent pas les mêmes intérêts, ne passent pas les mêmes alliances et ne favorisent pas les mêmes politiques. Il faut retracer la genèse et le développement du « modèle suédois » lui-même, ou plutôt de ce qu'on pourrait qualifier d'exception suédoise, pour éviter certaines difficultés dues aux intérêts que porte en lui ce terme. Mais il faut aussi restituer l'histoire de l'intérêt qu'on lui a porté et des lectures qu'on en a données aux différentes périodes qu'on peut distinguer. C'est ainsi qu'on peut mieux comprendre les raisons de l'attention internationale qui a été portée à ce modèle et celles pour lesquelles sa fin a été si souvent proclamée.

Cet article propose une analyse de la bifurcation à partir d'un corpus d'une soixantaine de récits de vie recueillis auprès de personnes en réorientation professionnelle. La reconversion professionnelle volontaire appréhendée comme une situation choisie par l'individu montre des cassures dans les trajectoires biographiques marquées par des changements d'univers professionnels, des ruptures familiales, un éclatement de la sphère relationnelle, et une perte de repères du soi. La thèse soumise ici est que le sens de l'événement n'est interprétable qu'à l'intérieur d'une biographie particulière, elle-même inscrite dans un plan de sens à géométrie variable défini par des conditions objectives de contexte où les événements surviennent et déclenchent la réinterprétation du sens, imprimant une direction au devenir de la trajectoire. Le sens semble révisable à l'infini, il est contingent dans la bifurcation du regard porté par les autruis significatifs tour à tour déclencheurs ou soutiens de la reconversion professionnelle volontaire.