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Revue | Revue historique |
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Numéro | no 629, janvier 2004 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Pratiques judiciaires et rhétorique monastique à la lumière de notices ligériennes (fin XIè siècle) - C. Senséby p. 3 Dans le Val de Loire, à la fin du XIe siècle, les comptes rendus judiciaires d'origine monastique sont des textes élaborés avec soin. Leurs rédacteurs excellent dans la manipulation de l'information. Ils font des choix rhétoriques, définissent de véritables stratégies discursives afin de présenter leur version idéale d'un règlement de conflit. Vers 1070, pour certains de ces lettrés, le but d'un plaid est de discerner le vrai et de faire droit à l'issue d'une procédure rigoureuse ; pour d'autres, vingt ans plus tard, il est d'établir la concorde et de permettre le pardon lors d'un rituel de réconciliation. C'est pourquoi, vers 1090, des notices judiciaires sont soumises délibérément à une réécriture, adaptées au nouveau contexte politique, religieux et intellectuel caractérisé par l'affirmation des idées réformatrices et par l'idéologie de paix. Ces textes, éminemment idéologiques, proposent une mémoire façonnée des pratiques judiciaires et, au-delà, de l'histoire des communautés religieuses.In the Val de Loire at the end of the eleventh century, legal monastic accounts were carefully elaborated texts. Their scribe excelled in manipulating information. They made rhetorical choices, defined true discursive strategies to produce their ideal version of settlements of conflicts. Towards 1070, for some of these scholars, the purpose of a plea is to establish the truth and assert their rights at the end of a strict procedure. For others, twenty years later, it is to make peace and allow forgiveness during a ritual of reconciliation. That is the reason why, toward 1090, judicial narratives were deliberately rewritten, according to the new political, religious and intellectual context that was characterized by the affirmation of innovative ideas and an ideology of peace. These strongly ideological texts suggest a reconstituted history of the judicial practices and, therefore, of religious communities as well.
- "Era nato uno monstro, cossa horendissima". Monstres et tératologie à Venise dans les Diarii de Mario Sanudo (1496-1533) - A. Martignoni p. 49 À la lumière des Diarii de Marin Sanudo, chronique vénitienne rédigée entre 1496 et 1533, l'enquête vise à saisir la figure emblématique du monstre en cette fin de Moyen Âge et début d'époque moderne. Les nombreux témoignages livrés par le chroniqueur offrent l'occasion non seulement de revenir sur une présence, celle du monstre, qui se veut paroxystique, proposant ainsi une esquisse typologique de la figure monstrueuse, mais aussi de rendre compte des particularités qui lui sont propres, liées à une nature qui s'impose comme autre. Replacés dans un contexte historique sensible et particulièrement propice aux signes eschatologiques, aux frémissements religieux qui se teintent de couleurs paniques, les monstres suscitent le désir de compréhension, de regard, de connaissance. Le monstre interroge et sa présence semble hanter l'imaginaire collectif. Moins proche des figures étranges surgies de cet Orient merveilleux qui fascinait l'Occident, le monstre des Diarii ressemble plus à l'humain déformé dans l'excès ou dans la soustraction des parties corporelles. Il reste néanmoins signe et donc langage autre perçu dans une tension sensible entre la curiosité et la répulsion. Il est signe à replacer dans les desseins de Dieu, il est métaphore monitoire de la colère divine qui condamne l'humanité pécheresse. Enfin, le monstre devient aussi instrument politique, langage de propagande. Le pouvoir s'intéresse à lui, nouvel oracle à consulter ou à faire taire à jamais. Dans sa polyphonie de significations, de fonctions et de formes, le monstre se montre et doit être montré parce qu'il est toujours porteur de sens qui le transcende.Based on the Venetian chronicle Diarii written between 1496 and 1533 by Marin Sanudo, this research work aims at seizing the importance of the symbolic figure of the monster in those crucial decades when the Middle Age was fading away and the Modern Age was beginning. On the one hand, the many testimonies supplied by the chronicler allow us to look at the paroxysmal figure of the monster from the point of view of its typological descriptions, but on the other hand the chronicler also reveals the many particularities which are peculiarly associated with this monstrous figure. These particularities tend to represent the monster as an entirely different natural entity. Put into an historical context particularly sensitive and receptive towards eschatological signs and towards distressing expressions of religious ardour, the figure of the monster stimulate our desire of comprehension and of knowledge. The monster hits the sensibility of the believers and the unanswered fearful questions elicited by its enduring presence seem to obsess the collective imaginary. Differently from the strange but marvellous Oriental creatures that strongly fascinated the West, the monster depicted in Marin Sanudo's Diarii looks in the excess or absence of its physical limbs more a deformed human being than an unnatural creature. Nevertheless, the monster is sign and symbol of a different language, perceived by the believers with mixed feelings of curiosity and repulsion. Certainly, it is a sign that needs interpreting within the boundaries of the divine scheme. From this point of view, the monster is the visible and warning metaphor of God's anger at men, a God ready to punish a sinful humanity. But the monster also becomes a political tool in the hand of the authorities, it becomes an effective tool of propaganda. With its polyphony of significations, of functions and of shapes, the monster reveals itself and needs to be revealed, because in spite of its difference and variety its appearance and presence is always carrier of meaning.
- Les notaires royaux de Montluçon à l'époque moderne : l'institution, les offices, la pratique et les hommes - S. Gibiat p. 81 Apparus sous le règne de François Ier et institutionnalisés en 1597, les notaires royaux à la résidence de Montluçon n'ont jamais formé une communauté professionnelle structurée, en dépit de leur nombre relativement élevé (de 8 à 15 officiers, selon les périodes). Le marché des offices témoigne d'un long marasme de l'institution, tout au long de la première moitié du XVIIIe siècle, suivi d'une période de renouveau sans précédent de 1760 jusqu'à la Révolution. Témoins privilégiés des pratiques socioprofessionnelles très partagées des officiers ministériels des petites villes, les notaires de Montluçon s'adonnaient très naturellement au cumul des offices de judicature, même si la formation professionnelle du groupe s'est accrue au siècle des Lumières. Du fait du rôle de médiation de la cité montluçonnaise entre ville et campagne, trois types d'études bien distincts s'y côtoient : « étude urbaine de plein exercice », « étude de périphérie » et « étude d'appoint ». L'origine géographique et l'insertion sociale des notaires dans la ville témoignent de leur participation croissante, au XVIIe et au XVIIIe siècles, à la régénération des élites traditionnelles de cette petite capitale administrative et économique du centre de la France.Created in the reign of François I. and definitely established in 1597, French royal notaries in Montluçon never formed a structured professional corporation, despite of their high number (8 to 15 officers). According to office trade, the institution suffered a long slump during the first part of the 18th Century, whereas it describes an unexpected rise from 1760's till the French Revolution. Commonly the notaries in Montluçon dealt also with several offices of the law, in spite of the growing level of their professional knowledge in the Enlightenment. Because of the mediating position of this small city between town and country, three types of offices may be distinguished : « urban office », « suburban office » and « secondary practice ». Geographical origins and social position of the notaries in the town explain that they took a great contribution in the regeneration of the traditional elite, living in such a small bureaucratic and economic capital of Central France.
- Les investissements français dans le bassin danubien durant l'entre-deux-guerres : pour une nouvelle interprétation - P. Marguerat p. 121 Dans l'entre-deux-guerres, les entreprises françaises ont procédé à des investissements massifs dans le Bassin danubien, investissements assurant à l'économie française et à la diplomatie française des positions clés. Ces investissements ont été réalisés grâce à la conjonction des ressources de grandes banques d'affaires et de grandes entreprises industrielles dans des sociétés d'investissement mixtes d'un type nouveau (esquisse de capital financier). Si, avec le temps, les positions ainsi acquises se sont affaiblies, ce n'est pas dû au manque intrinsèque de moyens financiers, comme on l'affirme souvent, mais à la difficulté qu'ont éprouvées banques et entreprises industrielles à poursuivre leur collaboration : dans certains cas, la banque s'est retirée, provoquant de graves difficultés de financement pour l'atout contrôlé (cas de Skoda) ; dans d'autres cas, la banque a fait prévaloir ses propres objectifs, financiers, voire spéculatifs, entraînant le dépérissement de l'atout contrôlé (cas de la Steava romana). Cette incapacité à collaborer, aboutissant à la dissolution de l'ébauche de capital financier qui s'était constituée, s'explique par l'éloignement traditionnel des grandes banques et des grandes entreprises industrielles en France.During the inter-war period, the French firms carried out massive investments in the Danube Basin, which assured the French economy and the French diplomacy key positions. These investments proceeded from the conjunction of the means of big investment banks and big industrial enterprises within mixed investment companies of a new kind (outline of financial capital). The fact that these positions grew weaker is not due to the intrisinc lack of ressources, as often suggested, but to the difficulties of banks and industrial firms to cooperate : in some cases, the bank interrupted its collaboration, with the effect of bringing about grave financial troubles to the controlled asset (case of Skoda ; in other cases, the bank imposed its targets, which were of financial or speculative nature, so that it provoked the extinction of the controlled asset (case of Steava romana). This inability to collaborate, ending in the dissolution of the financial capital, is explained by the traditional estrangement of the big banks and of the big industrial firms in France.
Comptes rendus
- p. 163Notes bibliographiques
- p. 243Listes des livres reçus au bureau de la rédaction
- p. 269Ouvrages analysés dans les comptes rendus et les notes bilbiographiques de la présente livraison
- p. 273