Contenu du sommaire : Féminismes
Revue | L'Homme et la société |
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Numéro | no 158, 4e trimestre 2005 |
Titre du numéro | Féminismes |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Une illusion sans illusion - Michel Kail p. 5
Féminismes. Théories, mouvements, conflits
- Les renouvellements générationnels du féminisme : mais pour quel sujet politique ? - Marc Bessin, Elsa Dorlin p. 11-27
- Lectures masculines de la théorie féministe : la psychologisation des rapports de genre dans la littérature sur la masculinité - Anthony Mac Mahon p. 27-51 Les critiques de la masculinité, formulées par des hommes, s'appuient le plus souvent sur des théories féministes qui développent, implicitement ou explicitement, des récits psychologisants de la subjectivité masculine, par exemple en termes de « manque relationnel » ou de « désir de dominer ». Le fait pour les hommes d'être élevés par une femme est central à de tels récits. L'auteur de cet article s'oppose à ce type de littérature en s'appuyant sur l'analyse, politiquement plus robuste, développée par le féminisme matérialiste. Il révèle ainsi les faiblesses empiriques et théoriques propres à ces analyses de la subjectivité masculine. Il montre également de quelle façon le concept de la masculinité peut fonctionner comme une réification idéaliste des pratiques masculines d'appropriation du travail domestique féminin, notamment le travail de soin effectué par les femmes. Privilégiant une compréhension thérapeutique des pratiques masculines, leur domination des femmes serait le fruit malencontreux d'une identité masculine endommagée — cette littérature obscurcit, en les présentant comme des pratiques « à l'insu de leur plein gré », les pratiques politiques intéressées de domination et d'exploitation des hommes vis-à-vis des femmes.Critiques of masculinity made by men most often rely upon feminist theories that develop, whether implicitly or explicitly, psychological explanations of masculin subjectivity, for example in terms of a « relational incapacity » or a « desire to dominate ». The fact that men are raised by women is central in such approaches. By giving priority to a therapeutic understanding of masculin practices it is suggested that the domination of men over women is a consequence of their own damaged masculinity. In this way, the question of intentionality is obscured, as is the political domination and exploitation of women by men. Using feminist materialism would offer a more effective and politically robust approach to the problem, by revealing the empirical and theoretical weaknesses of the analyses of masculin subjectivity. It would also show in what ways the concept of masculinity can work as an idealist reification of masculin practices of appropriation of the domestic work of women.
- Les rapports sociaux de sexe à l'université : au coeur d'une triple dénégation - Coline Cardi, Delphine Naudier, Geneviève Pruvost p. 49-73 En privilégiant une approche en termes de rapports sociaux de sexe, cet article éclaire la question de l'interrelation entre hommes et femmes au sein de l'université. Cette interrelation prend sens au regard de l'histoire et d'un contexte organisationnel et institutionnel spécifique. En outre, il s'agit de croiser les rapports sociaux de sexe avec d'autres rapports sociaux (âge, classe sociale par exemple) afin d'en mesurer à la fois l'effet propre et l'entrelacement. Plutôt que de placer toutes les déterminations sociales sur le même plan, cette analyse procède par enchâssement en ne partant pas d'emblée de la question du genre ou de la sexualité à l'université, mais du rapport pédagogique idéaltypique, censé subsumer tous les autres rapports sociaux. Ces trois rapports sociaux ont en commun de fonctionner à l'université sur le mode de la dénégation.The interrelations between men and women at the university can be elucidated by placing them within historical, organisational and institutional contexts. By comparing them to other relational factors, such as age and social class, they can be measured in terms of idealtypical pedagogical relations which can be considered as including the other social relationships. These social relationships are similar in that denial is a major element of their functioning.
- Entre colère et distance : les « études féministes » à l'université - Muriel Andriocci p. 73-93 Cet article a pour objet l'analyse des effets des études féministes/études genre sur les étudiantes qui ont suivi, dans le cadre de leurs études supérieures à l'université, des enseignements se revendiquant (plus ou moins explicitement) d'une problématique en termes de rapports sociaux de sexe. Il tente de montrer que l'hétérogénéité des effets de ces enseignements est liée à la diversité des expériences de l'injustice que rencontrent les femmes. Si ces savoirs issus, à l'origine, d'une lutte politique et dispensés, aujourd'hui, dans certaines universités, sont en mesure de formaliser, de contextualiser ou de resocialiser des souffrances liées aux normes oppressives de genre — et éventuellement de déboucher sur une lutte plus ou moins formelle pour leurs transformations — ils sont par ailleurs canalisés et disciplinés par l'académie.The effects of feminist and gender studies on university students are problematical as concerns the social relations of sex. The heterogeneity of the effects of this teaching is linked to the diversity of the unjust experiences of women. If knowledge and understanding that was originally produced by political struggle is now taught in certain universities and is capable of formalizing, contextualizing and resocializing suffering links to oppressive gender norms, it is nevertheless conditioned and focused by the academy.
- Être jeune féministe aujourd'hui : les rapports de génération dans le mouvement féministe contemporain - Liane Henneron p. 93 Depuis les années 1970, le mouvement féministe s'est transformé. Une nouvelle génération de militantes s'est constituée apportant de nouvelles formes d'organisation et de militantisme. Deux générations et deux manières différentes de militer coexistent aujourd'hui. Cette cohabitation peut être riche mais elle ne va pas sans problèmes. Le mythe des années 1970 pèse sur la nouvelle génération et confère une légitimité aux anciennes pour définir ce que devrait être le féminisme aujourd'hui. Ce rapport de génération est intimement lié à l'image du mouvement. En effet, les jeunes représentent souvent la « nouveauté » féministe, leur présence étant considérée à la fois comme un enjeu pour le mouvement et comme une menace potentielle pour sa continuité.The feminist movement has been transformed since the 1970s. A new generation of activists has brought new forms of organization and activism. Two generations and two different ways of acting now coexist. The myth of the 1970s overshadows the new generation and confers legitimacy on the previous generation in the definition of what feminism should be today. This generational relationship it intimately linked to the image of the movement. The young arAbstracte often considered a necessary new element, and a potential threat to the continuity of the movement.
- Les aventures d'une « alliance objective ». Quelques moments de la relation entre mouvements homosexuels et mouvements féministes au XXe siècle - Sébastien Chauvin p. 111-130 Les relations entre mouvements féministes et mouvements homosexuels se sont nourries des rhétoriques politiques dominantes de chaque période : l'individualisme libéral dans l'Allemagne de 1904, le gauchisme libérationniste dans la France des années 1970, puis, dans une certaine mesure, le discours des « droits » dans les années 1990, à la fois épaulé et concurrencé, dans les années 2000, par un nouveau radicalisme « queer » qui offre aux féministes et aux militants homosexuels au moins autant de nouveaux points de convergence que de nouvelles occasions de conflit. Mais ces relations ont surtout varié avec les manières dont on a problématisé l'homosexualité et la féminité, et défini les rapports entre « sexe », « genre » et « sexualité » — définitions mouvantes que les mouvements ont eux-mêmes contribué à façonner et à transformer.The relations between feminist movements and homosexual movements have been reinforced by political language dominant in each period : liberal individualism in the Germany of 1904, the libertarian radicalism in France in the 1970s and, to a certain degree, the new « queer » radicalism in the early years of the twenty-first century which offer feminists and homosexual activists new points of contact as well as conflict. These relations are especially differentiated by the ways that homosexuality and feminity are problematized and defined by the relations between « sex », « gender » and « sexuality » — fluctuating definitions that the movements themselves have helped create and transform.
- Art et féminisme, un no man's land français ? - Géraldine Gourbe, Charlotte Prevot p. 131-144 Nous nous interrogerons sur la nature du lien possible entre féminisme et art contemporain. Entre frottements et glissements, crispations et engouements, depuis les années soixante, cette rencontre d'influences s'énonce clairement. Notre réflexion pourrait se construire suivant deux axes à la fois proches et distincts, à savoir l'apport du féminisme dans l'art contemporain, et l'apport de l'art contemporain dans le féminisme. Nous choisirons le premier, tout en gardant à l'esprit que les échanges sont multiples et se rencontrent en de nombreux points.Nous souhaitons diriger notre pensée et nos interrogations, dans un contexte français volontairement flou et nous nous demanderons s'il est possible que la France demeure l'un des derniers pays à regarder encore le féminisme comme une « option » exotique dans le panorama de la pratique artistique, critique et pédagogique contemporaine ?The nature of the possible link between feminism and contempory art since the 1960s can be studied in terms of the contribution of feminism to contemporary art and that of contemporary art to feminism. In the French context, the major question is whether France is the last country to consider feminism as an « exotic » choice in artistic, critical and educational practices.
- La « différence sexuelle » et les autres - Vincenza Perilli p. 145-168 Face aux problèmes soulevés par les femmes « minorisées », le temps est venu de tenter une exploration critique de certaines des catégories les plus répandues dans la réflexion et la doxa féministes. Sur le fond d'un plus général refoulement de l'histoire du racisme italien, cet article, en partant des premières occurrences du binôme sexe/race dans les féminismes occidentaux des années soixante-dix, cherche à explorer la problématique prise en compte des autres « différences », et notamment celle de « race », par le féminisme italien. Celui-ci est connoté aujourd'hui par une hégémonie de la notion de « différence sexuelle » qui, en particulier dans l'acception proposée par les théoriciennes de la Libreria delle donne de Milan, risque de faire obstacle à la compréhension des rapports complexes entre les formes diverses de domination concernant le sexe et la « race » et, par conséquent, à la constitution d'une perspective critique et de lutte.Because of the problems faced by women, often thought of as a « minority », there is need for a critical exploration of certain categories present in feminist thinking. A major consideration in this regard is the relation between sex and race. The notion of « sexual difference » which predominates in Italian feminist thought, in particular that of the Libreria delle donne in Milan, risks creating confusion when analyzing the complex relations between the different forms of domination concerning sex and « race » and, consequently, in the elaboration of a critical perspective and its application in struggle.
- Critique multiple : Les stratégies rhétoriques féministes islamiques - Miriam Cooke p. 169-188 En s'intéressant aux mobilisations des femmes dans les pays arabes post-coloniaux, l'auteure montre que les militantes féministes islamiques parviennent à articuler leur conviction religieuse à leur combat pour l'égalité des femmes et des hommes selon une conscience multiple de leur condition d'oppression. À partir de cette conscience, elles portent une « critique multiple » : participant d'une identité plurielle (musulmane, féministe, ex-colonisée), que certain(e)s jugent inconciliable soit avec la religion, soit avec le féminisme, soit avec la Nation, elles tissent des réseaux et des alliances politiques inédites et savent en titrer stratégiquement parti pour faire avancer leur revendication.Multiple Critique: Islamic Feminist Rhetorical Strategies Active Islamic feminists combine religious convictions with their struggle for equal rights between men and women through a multiple consciousness of their oppressed condition. This consciousness fosters a « multiple critique » derived from a plural identity (Muslim, feminist, ex-colonized people) that some consider irreconcilable with religion, feminism and/or nationality. Partisans of this multiple critique form networks and unconventional political alliances in order to advance their program.
- Katrina à La Nouvelle-Orléans : réflexions sur le genre de la catastrophe - Judith Ezekiel p. 189-200 En s'intéressant aux mobilisations des femmes dans les pays arabes post-coloniaux, l'auteure montre que les militantes féministes islamiques parviennent à articuler leur conviction religieuse à leur combat pour l'égalité des femmes et des hommes selon une conscience multiple de leur condition d'oppression. À partir de cette conscience, elles portent une « critique multiple » : participant d'une identité plurielle (musulmane, féministe, ex-colonisée), que certain(e)s jugent inconciliable soit avec la religion, soit avec le féminisme, soit avec la Nation, elles tissent des réseaux et des alliances politiques inédites et savent en titrer stratégiquement parti pour faire avancer leur revendication.This article looks at the impact of Hurricane Katrina on African American women in New Orleans, as well as the racialized and gendered US and French media representations of the catastrophe. The author draws a parallel with the situation and coverage of the African immigrant women evicted during the same period from the substandard Parisian hotels after a series of fires. She argues that these women singularly embody the intersectionality of race and gender as well as both societies, inability to conceptualize and take into account these intersections.
- Sphère publique, sphère politique : le cas des associations de femmes en Mongolie - Anna Jarry-Omarova p. 201-218 Jürgen Habermas démontre comment, par l'appropriation de l'espace public, un sujet politique — le bourgeois — peut s'approprier l'espace politique. Ce n'est pourtant pas le cas pour les femmes. L'analyse de leur investissement de l'espace public en Mongolie permet d'apporter quelques éléments de compréhension.On comprend tout d'abord que les révolutions successives — soviétique puis démocratique — n'ont pas bouleversé l'ordre des rapports sociaux de sexe, les femmes restant socialement assignées à la sphère privée. On comprend aussi que dans la pratique sociale, elles investissent différentes aires de l'espace public, comme les marchés, les associations et même les médias. Mais on comprend aussi qu'elles restent prises dans le piège de leur « catégorie femmes » qu'elles tentent de valoriser, seul argument que leur laisse avancer la sphère virile politique. Ce qui étouffe alors leur véritable rôle citoyen, celui-là même dont on pourrait penser qu'il leur permettrait l'accès à la sphère politique.Jürgen Habermas shows how the bourgeoisie can appropriate political space by the appropriation of public space. However, this does not apply to women. Analysis of how women have occupied public space in Mongolia reveals why. Successive revolutions in Mongolia have not upset the social relations of sex ; women have remained socially assigned to the private sphere. The masculin political sphere has left them only their identity as women, which limits their participation as citizens and, thusly, their access to the political sphere.
Notes critiques
- La parité, nouveau paradoxe des luttes féministes ? - Laure Bereni p. 219-227
- Sub-culture et pseudo- science - André-Marcel d'Ans p. 228-231
- Comptes rendus - p. 233-256
- Revue des revues - Thierry Pouch p. 257-266