Contenu du sommaire : L'image rituelle

Revue Cahiers d'anthropologie sociale Mir@bel
Numéro n°10, 2014
Titre du numéro L'image rituelle
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • L'image rituelle. Carlos Fausto, Carlo Severi [Dirs]

    • Introduction
      - Carlos Fausto, Carlo Severi p. 9-13 accès libre
    • Articles
      • L'effigie, le cousin et le mort. Un essai sur le rituel du Javari (Haut-Xingu, Brésil) - Carlos Fausto, Isabel Penoni p. 14-37
      • Le contexte relationnel du cannibalisme funéraire wari' - Aparecida Vilaça p. 38-53 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
        Cet article est une analyse du cannibalisme funéraire wari' (Txapakura, Rondônia, Brésil), fondé sur les narrations détaillées d'informateurs ayant participé eux-mêmes à ces rites, à partir d'une critique de la conception de « condensation rituelle » développée par Houseman et Severi (1998) dans leur analyse du Naven Iatmul. Ma critique est basé sur le fait que les auteurs prennent comme point de départ de l'action une notion « individuée » de la personne ordinaire qui est étrangère a l'univers wari' ainsi qu'aux conceptions de beaucoup d'autres groupes natifs, en Amazonie et ailleurs. Je propose une analyse alternative basée sur la notion de « dividu », formulée par la New Melanesian Ethnography, et plus particulièrement par M. Strathern. Je veux montrer que le rituel funéraire wari', et d'autres rituels briévement analysés à la fin de l'article, n'ont pas comme but central de l'action rituelle la production de personnes qui condensent differents rôles sociaux, mais au contraire, ils visent la décompactation  de rôles multiples superposés au quotidien.
        In this article I analyze the funerary cannibalism of the Wari' (Txapakura, Rondônia, Brazil), based on detailed narratives from informants who had themselves taken part in these rites, and using as a point of departure a critique of the concept of « ritual condensation » developed by Houseman and Severi (1998) in their analysis of the Iatmul Naven. My critique focuses on the fact that the authors take the starting point of the action to be an « individuated » notion of the ordinary person that is foreign to the Wari' universe, as well as to the conceptions of many other native groups in Amazonia and beyond. I propose an alternative analysis based on the notion of the « dividual » formulated by the New Melanesian Ethnography, in particular by M. Strathern. I look to show that the Wari' funerary ritual, along with other rituals briefly analyzed at the end of the article, does not take as its central aim of ritual action the production of persons who condense different social roles, but on the contrary, who to unpack multiple roles that are superimposed in everyday life.
      • Langue et musique chez les Kuikuro du Haut-Xingu - Bruna Franchetto, Tommaso Montagnani p. 54-76 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
        Chez les Kuikuro du Haut-Xingu il existe un genre de musique rituelle de flûte appelé Kagutu. Dans le mythe d'origine de cette musique, les esprits appelés Itseke chantent les suites Kagutu en prononçant chacun leur nom propre au début des pièces. Dans cet article nous analysons la façon dont la musique instrumentale évoque certains traits de la langue kuikuro au moyen d'un processus d'imitation musicale de la structure prosodique des noms propres. Le langage est en outre un support mnémonique lors de la phase d'apprentissage de la musique rituelle, et ceci grâce à un processus reposant sur l'utilisation d'un système codifié de succession de syllabes. Dans la deuxième partie de l'article nous montrons que non seulement chez les Kuikuro il est possible de parler d'une structuration linguistique de la matière musicale, mais aussi d'une musicalité propre à la langue parlée. Cette idée est exprimée par les Kuikuro principalement dans le discours local sur les différences dialectales caribe du haut-Xingu.
        The Kuikuro people of Upper-Xingu, perform on the flute a ritual music called Kagutu. In their origin myth, spirits called Itseke sing kagutu music announcing their names at the beginning of each piece. In this article, we analyze the links between instrumental music and language by showing the process of musical imitation of their names in the prosodic structures. Language is also a mnemonic support during kagutu apprenticeship. Kuikuro musicians use a codified system of syllable combinations in order to remember the music before they perform it on the flute. In the second part of the text, we focus on the musicality of the spoken language, expressed in the local metalinguistic speech about dialect differences among Carib speaking people of Upper-Xingu.
      • Le chant des flûtes : musique des esprits chez les Wauja du Haut-Xingu - Acácio T.-C. Piedade p. 77-92
      • La voix du mongɔngɔ ou comment faire parler un arc musical - Julien Bonhomme p. 93-111 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
        À partir de l'exemple d'une tradition religieuse du Gabon, l'article étudie l'attribution d'une forme d'agentivité aux artefacts rituels et plus particulièrement aux instruments de musique. Dans le Bwete, la harpe et l'arc musical sont en effet censés « parler ». Ils sont dotés d'une voix conçue à l'image de celle des hommes, mais prêtée aux entités surnaturelles dont le rituel sert à convoquer la présence. Cet anthropomorphisme repose sur un savoir symbolique de type mythique, mais également sur deux procédés iconiques complémentaires : un iconisme visuel qui donne à voir un visage et un iconisme sonore qui fait entendre une voix. Le premier procédé est illustré par l'effigie anthropomorphe qui décore la harpe ; le second, par la technique voco-instrumentale de l'arc musical.
        This article deals with a Gabonese religious tradition and studies how agency is ritually ascribed to artifacts, most notably to musical instruments. In the Bwete religion, the harp and the musical bow are said to « speak ». Their voice is conceived on the model of the human voice, but it is assigned to the supernatural entities whose presence is enacted by the ritual. This anthropomorphism is not only based on symbolic representations, such as mythical narratives, but also on two complementary forms of iconicity : visual iconicity representing the human face, and sound iconicity replicating the human voice. The harp's anthropomorphic effigy is a clear example of the former kind of iconicity ; the vocal-instrumental technique of the musical bow exemplifies the latter.
      • Technologies cognitives du voyage chamanique. Cas iakoutes - Charles Stépanoff p. 112-146 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
        En Sibérie, la qualité d'agent ne se définit pas seulement par la faculté d'exercer des pouvoirs causaux ou par la possession d'une intériorité, mais aussi par une capacité de mouvement sur un territoire propre et des routes familières. Au cours du rituel chamanique iakoute, les participants partagent une expérience cognitive collective consistant à coordonner le territoire virtuel des esprits et l'espace réel de la scène rituelle. L'hypothèse défendue dans cet article est que cette coordination est rendue possible par trois types de procédés mis en œuvre par le chamane – linguistiques, gestuels et matériels –, qui se renforcent conjointement pour former ensemble une « technologie cognitive ».
        In Siberia, the quality of agent is defined not only by a capacity to exert causal power or by the possession of interiority, but also by a skill to move on a proper territory and on familiar tracks. Among Yakuts, during the shamanic ritual, participants share a collective cognitive experience, consisting in coordinating spirits' virtual territory with the real space of the ritual scene. The hypothesis defended in this article is that this coordination is made possible through three kinds of processes performed by the shaman : linguistic, gestural and material, and that these processes reinforce each other and form together a « cognitive technology ».
      • Être Patrocle. Rituels et jeux funéraires dans l'Iliade - Carlo Severi p. 147-173 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
        Dans cet article nous voudrions montrer comment l'approche relationnelle, née de l'analyse d'un rituel, peut éclairer des situations où l'interaction se trouve inscrite dans des contextes autres que rituels. Soit parce que ces interactions ne satisfont pas, comme certaines formes de jeux, toutes les conditions qui définissent normalement une situation cérémonielle, soit parce qu'elles se trouvent inscrites non pas dans un seul rite, mais plutôt dans des cycles d'actions qui mobilisent différents rituels. Pour cette première exploration, qui poursuit aussi une recherche commencée ailleurs sur la relation rituelle entre morts et vivants en Grèce ancienne (2010), nous prenons comme point de départ les jeux funéraires destinés, dans l'Iliade, à honorer la mémoire de Patrocle.Quelques considérations sur le cannibalisme funéraire des Wari' nous permettent ensuite de relever un deuxième point. L'interprétation de certains rituels n'est concevable que si nous passons d'une perspective focalisée sur les manifestations diverses d'un seul rituel, à l'analyse des relations de relations qui peuvent s'établir au sein de cycles où chaque rituel constitue une condition logique pour l'interprétation de l'autre. Parallèlement à l'étude des interactions quasi-rituelles, dont nous avons essayé d'interpréter ici un premier exemple dans les jeux funéraires de l'Iliade, l'analyse des situations méta-rituelles ouvre une autre voie à la généralisation de l'approche relationnelle inaugurée, voici bientôt vingt ans, avec notre essai sur le Naven (1994).
        This article aims to show how the relational approach, which stems from the analysis of a ritual, can help us understand situations in which interaction happens in non-ritual contexts. Either because these interactions don't fulfill all the conditions that usually define a ceremonial situation, like certain kinds of games do, or because they find themselves not in a rite alone, but rather in cycles of actions that imply different rituals. In this first exploration, which also continues another research on the ritual relation between the dead and the living in ancient Greece (2010), the starting point is the mortuary games in honor of the memory of Iliad's Patroclus. A few considerations about Wari' mortuary cannibalism allow us then to build a second point. The interpretation of some rituals is only conceivable if we move from a perspective focused on different manifestations within one ritual alone, to the analysis of relations between relations that can appear in cycles in which each ritual is a logical condition for the interpretation of the other. In parallel of the study of almost ritual interactions, in which we tried to interpret a first example with the mortuary games in the Iliad, the analysis of meta-ritual situations opens another way to the spread of the relational approach introduced, nearly twenty years ago, with our essay about the Naven (1994).