Contenu du sommaire : Interroge les animaux
Revue | Revue des Sciences Philosophiques et Théologiques — RSPT |
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Numéro | tome 106, no 3, juillet-septembre 2022 |
Titre du numéro | Interroge les animaux |
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Interroge les animaux
- Présentation - Laure Solignac, Pascaline Turpin p. 377-382
- « Imite les bêtes » : D'un devenir instinctuel de l'intelligence dans les milieux monastiques du XIe siècle - Pascaline Turpin p. 383-397 La figure de l'animal apparaît de façon surprenante au sein de la spiritualité monastique du XIe siècle de l'Occident médiéval. Le moine est invité à « imiter la bête » dans sa simplicité et dans sa bravoure au combat. Saint Pierre Damien d'une part, et Othlon de Saint-Emmeran d'autre part, invitent tous deux leurs frères à prendre exemple sur les animaux pour accéder à l'état de componction qui unit à Dieu. Les deux spirituels exhortent à une conversion de la raison discursive à « l'intelligence naturelle », faculté qu'il s'agit, si ce n'est de retrouver, du moins d'apprendre à exercer. On assiste à une promotion toute singulière de l'instinct, accompagnée d'une destitution de la raison dans la voie du salut. C'est à l'examen de cette thèse, qui ne laisse pas d'étonner en ce qu'elle désigne l'absence de rationalité comme chemin sûr qui mène à Dieu, que cet article est consacré.The figure of the animal appears in a surprising way within the Medieval West's monastic spirituality of the eleventh century. The monk is invited to « imitate the animal » in his simplicity and his bravery in combat. Saint Pierre Damien on the one hand, and Othlon de Saint-Emmeran on the other, both invite their brothers to take the example of animals to reach the state of compunction which unites one with God. The two spirituals urge a conversion from discursive reason to « natural intelligence », a faculty with respect to which there is a question, if not of rediscovery, at least of learning its exercise. On view here is an altogether singular promotion of instinct, accompanied by an abandonment of reason, on the road to salvation. It is to the examination of this thesis, which is surprising in its designation of the absence of rationality as a sure path that leads to God, that this article is devoted.
- « Comme si elles avaient part à la raison » : Les animaux et la raison d'après les cisterciens et les frères mineurs (XIIe-XIIIe siècles) - Laure Solignac p. 399-420 La distinction entre ce qui est rationnel et ce qui ne l'est pas, si structurante pour la fin de l'Antiquité et le Moyen Âge, empêche-t-elle de concevoir une condition animale commune aux bêtes et aux hommes, et surtout la possibilité d'une entente et d'une intelligence entre eux ? Cet article montre que cette distinction agit comme un obstacle épistémologique dans la cosmologie et l'anthropologie du cistercien Guillaume de Saint-Thierry, pour qui la raison constitue à la fois le sommet de la vie animée et la faculté qui met irrémédiablement l'homme à part. C'est sous la pression d'une expérience, celle de François d'Assise, que cette distinction, sans jamais être annulée, se trouve suspendue chez les auteurs franciscains qui méditent sur la vie du Poverello : « comme si elles avaient par à la raison », les bêtes forment avec François d'Assise une communauté de créatures qui se comprennent grâce à une intelligence plus vaste que la rationalité humaine.Does the distinction between what is rational and what is not, so structural for late Antiquity and the Middle Ages, prevent us from conceiving of an animal condition common to animals and men, and especially the possibility of an accord and understanding between them? This article shows that this distinction acts as an epistemological obstacle in the cosmology and anthropology of the Cistercian Guillaume de Saint-Thierry, for whom reason constitutes both the pinnacle of animated life and the faculty which irremediably sets man apart. It is under the pressure of an experience, that of Francis of Assisi, that this distinction, without ever being negated, finds itself suspended among the Franciscan authors who meditate on the life of the Poverello: « as if they took part in reason ». The beasts form with Francis of Assisi a community of creatures who understand each other thanks to an intelligence that is broader than human rationality.
- Mémoire et mouvement : Pour une approche intentionnelle de la mémoire animale à la fin du XIIIe siècle - Véronique Decaix p. 421-442 Cet article est consacré à l'étude de la mémoire des animaux dans les commentaires latins au De memoria et reminiscentia d'Aristote de la fin du XIIIe siècle. Il s'intéresse plus particulièrement au lien entre mémoire et mouvement chez les animaux supérieurs. Contre une approche mécaniste qui explique les mouvements des animaux comme une réponse à un stimulus extérieur, l'argument central consiste à montrer qu'il est possible de trouver le motif présidant à leurs mouvements dans leur expérience, et qu'ainsi le rapport entre mémoire et mouvement devrait faire l'objet d'une réévaluation. Dans cet article, nous tâchons de défendre une approche intentionnelle du mouvement et de la mémoire animale, s'appuyant sur l'opération de l'estimative, et mettant en lumière la rationalité des comportements animaux.This article is devoted to the study of animal memory in the Latin commentaries on Aristotle's De memoria et reminiscentia from the end of the 13th century. It takes a particular interest in the link between memory and movement in higher animals. Against a mechanistic approach which explains the movements of animals as responses to external stimuli, the central argument shows that it is possible to find the motive presiding over their movements in their experience, and thus that the relationship between memory and movement should be reassessed. In this article, we try to defend an intentional approach to animal movement and memory, based on the operation of estimation, and highlighting the rationality of animal behavior.
- Pierre de Jean Olivi, les animaux et le jugement rationnel ou non rationnel - Juhana Toivanen p. 443-464 Si l'on prend la rationalité au sens strict et médiéval du terme, les bêtes ne sont pas « rationnelles ». Mais si l'on adopte un sens plus large et actuel de cette notion, alors les auteurs médiévaux s'accordent à attribuer aux animaux des capacités cognitives particulièrement sophistiquées que l'on peut qualifier de rationnelles. Pierre de Jean Olivi relève ainsi que le sens commun des bêtes constitue une puissance de jugement capable de rassembler, de composer et même de comparer des informations afin de répondre adéquatement à une situation ou de résoudre un problème. Il n'en considère pas moins que l'homme seul est un animal rationnel et libre, donc non réductible à une « bête intellectuelle », cette fameuse expression ne désignant rien d'autre que la fiction d'un être humain qui serait intelligent mais privé de libre arbitre.If we take rationality in the strict, medieval sense of the term, animals are not « rational ». But on a broader and more current meaning of this notion, medieval authors agree in attributing to animals particularly sophisticated cognitive abilities that can be described as rational. So it is that Pierre de Jean Olivi notes that the common sense of animals constitutes a power of judgment capable of gathering, composing and even comparing information in order to respond adequately to a situation or to solve a problem. He nevertheless considers that man alone is a rational and free animal, who is therefore not reducible to an « intellectual animal », this famous expression designating nothing other than the fiction of a human being who would be intelligent but deprived of free will.
Articles
- Le destin de l'État-nation dans la mondialisation : une réalité paradoxale - Bénédicte Renaud-Boulesteix p. 465-488 La question de la liberté politique effective des hommes dans un monde globalisé travaille la crise de l'État-nation. Cette crise ne renvoie nullement à un déclin mais à une double contradiction, celle d'être à la fois le lieu de naissance de la liberté du citoyen et celui d'une volonté collective contrainte, pour ne pas dire contrariée dans certains cas. Il ne s'agit pas de louer ou blâmer la dynamique de la mondialisation mais d'en comprendre l'ambivalence dès lors que l'on envisage l'alliance de la puissance et de la volonté comme facteur d'une liberté nationale plus effective au plan interne et dans l'ordre international. À la fois irréductible et dépassable, l'État-nation comme réalité critique surgit dans l'entre-deux-guerres dans les débats qui animent tous les milieux intellectuels, notamment catholiques comme en témoignent les positions clivées entre Joseph Delos et Gaston Fessard. Ce premier moment fonde les interrogations qui travaillent notre réflexion présente balancée entre la volonté de replacer les nations démocratiques au cœur de la marche globalisée du monde et la nécessité d'intégrations stratégiques régionales.The question of the effective political freedom of men in a globalized world affects the crisis of the nation-state. This crisis in no way refers to a decline but to a twofold contradiction, that of being both the birthplace of the freedom of the citizen and that of a constrained collective will, not to say thwarted in certain cases. It is not a question of praising or blaming the dynamics of globalization but of understanding its ambivalence when one considers the alliance of power and will as a factor in a more effective national freedom at the internal level as well as in the international order. At once irreducible and surpassable, the nation-state as a critical reality emerged in the interwar period in the debates that animated all intellectual circles, particularly Catholic ones, as evidenced by the divided positions of Joseph Delos and Gaston Fessard. This initial moment establishes the questions at work in our present reflection, balanced between the desire to put democratic nations back at the heart of the globalized world and the need for regional strategic integrations.
- Le destin de l'État-nation dans la mondialisation : une réalité paradoxale - Bénédicte Renaud-Boulesteix p. 465-488
Bulletins
- Bulletin Humanisme et rationalité - Mathieu Guillermin p. 489-543
- Bulletin d'Islamologie (IX) - Emmanuel Pisani p. 545-566