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Revue 20 & 21. Revue d'histoire Mir@bel
Numéro no 155, juillet-septembre 2022
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  • Articles

    • Entre nationalisme, fascisme et ambition politique : L'itinéraire du franciste André Rainsart - Antoine Limare p. 3-21 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Personnage central du Parti franciste, membre de nombreuses ligues d'extrême droite des années 1930 et inlassable activiste nationaliste, André Rainsart demeure une figure méconnue des droites radicales françaises. Son itinéraire politique qui l'entraîne depuis ses premiers éclats militants en province au sommet du Mouvement franciste de Marcel Bucard, puis de la Milice de Darnand, est celui d'une ascension réussie mais aussi d'ambitions contrecarrées. Durant la guerre il est, en vain, l'un des partisans de la collaboration et de l'instauration d'un régime national-socialiste en France. À travers le parcours d'André Rainsart, c'est la question du fascisme français, de ses aspirations comme de ses limites, qui se trouve posée.
      A key person in France's Mouvement franciste, a member of many far-right political groups in the 1930s, and a tireless nationalist activist, André Rainsart nonetheless remains a little-known figure of the French radical right. From his early militant success at the regional level, Rainsart would ultimately come to lead Marcel Bucard's Francist political party and subsequently the Darnard Milice (militia). His trajectory was thus a story of success—but also one of thwarted ambitions. During the war, Rainsart supported collaboration with the Germans and the establishment of a national-socialist regime in France, both projects ultimately leading to failure. Rainsart's political career is therefore an interesting vantage point from which to analyze the aspirations and limits of French fascism.
    • L'épuration à Paris : Justiciables et jugements de la cour de justice de la Seine à la Libération - Gilles Morin p. 23-41 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      À l'issue de la Seconde Guerre mondiale, la cour de justice de Paris, capitale de la collaboration et surtout du collaborationnisme, a jugé quelque 8 000 personnes et condamné les deux tiers d'entre elles à des peines variables. L'article établit tout d'abord les caractéristiques socioprofessionnelles de la population épurée, la chronologie et les échelles de peine, et les motifs retenus contre les condamnés. Cette échelle reflète les priorités des épurateurs et de la population et démontre que la collaboration militaire et surtout celle des auxiliaires des services de répression nazis ont été les plus sévèrement punies, devant la délation, la persécution des Juifs et la collaboration économique.
      In the aftermath of the Second World War, and against the backdrop of a city which had been the center of collaboration, but more importantly of “collaborationism,” the Court of Justice of Paris judged some 8,000 individuals and sentenced two-thirds of them to various punishments. This article shall establish the socio-professional statuses of the individuals affected by this purge, outline a chronology of events, and examine the range of sentences handed down, as well as the justifications for the latter. The article will posit that this system reflected the priorities of the French people as well as those of the main actors of the purge. Similarly, it appears that the most severe punishments were reserved for military collaborators, especially those who helped Nazi law enforcement services, ahead of informants, those who persecuted Jews, or those engaged in economic collaboration.
    • Les procès de Maurice Bardèche (1948-1954) : Combats pour l'honneur de la Résistance ou premiers procès du négationnisme ? - Jean-Marc Dreyfus p. 43-56 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      La publication en 1948 du livre de Maurice Bardèche Nuremberg, ou la Terre promise provoqua de vives réactions et des procédures judiciaires qui durèrent plus de cinq ans. L'ouvrage est aujourd'hui largement considéré comme le premier livre négationniste de l'Holocauste – même si le terme n'existait pas à l'époque. Cet article entend étudier aussi bien le contexte intellectuel de publication de l'ouvrage que le détail des procès à rebondissements qui furent intentés à l'auteur. Les documents des procédures montrent que si la crainte d'un déni de la réalité des crimes nazis était présente, ce furent surtout les discours révisionnistes sur Vichy et la Résistance qui motivèrent les plaignants.
      In 1948, the publication of Maurice Bardèche's pamphlet Nuremberg, or the Promised Land provoked strong reactions in France and triggered legal proceedings that would last over five years. Today, the book is largely considered to be the first to deny the Holocaust's existence. This article studies the intellectual context of this publication, in conjunction with the details of several legal actions taken against its author. Prosecution and trial documents show while the fear of denying the reality of Nazi crimes was present, it was largely the revisionist narratives regarding the Vichy government and the French Resistance that motivated plaintiffs.
    • Morphologie de l'athlète du docteur Thooris : Une œuvre eugéniste à la source de la détection sportive (années 1920-1950) - Éric Claverie, Jean-François Loudcher, Julien Krier p. 57-74 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      L'article décline la trajectoire et l'œuvre de ce médecin français. Par ses écrits et expérimentations anthropotechniques, il étend une école française de morphologie au secteur sportif. Il s'implique ainsi à la Fédération française d'athlétisme. À cette occasion, il publie son ouvrage phare, La Vie par le Stade, somme dans laquelle il établit les critères d'une morphologie sportive efficiente. Plus encore, l'auteur idéalise un type morphologique supérieur : le Franc. De cette idéalisation tenant plus du fantasme que de la scientificité, il est possible de deviner une tendance eugéniste glissant progressivement vers une idéologie raciste plus ouvertement affirmée durant l'Occupation. Au final, les positions de Thooris apportent la preuve de l'existence d'une forme d'eugénisme dans le milieu sportif, secteur acceptant plus volontiers l'idée de sélection des individus.
      This article describes the life and work of the French doctor Thooris. Through his writings and anthropotechnical experiments, Thooris expanded the application of morphology to the world of sport. After becoming involved with the “Fédération française d'athlétisme,” he published his seminal publication, La Vie par le Stade, in which he established criteria for an efficient athletic morphology. Furthermore, the author idealized a superior body type which he called “le Franc.” Based more on fantasy than science, this idealization revealed the trend toward eugenics, which progressively developed into racist ideology during the Occupation. Ultimately, Thooris' approach provides evidence of eugenics in sports, a sector in which natural selection was more readily accepted.
    • Aux portes du monde sportif : L'entrée de l'Union soviétique dans les fédérations internationales sportives (1945-1952) - Sylvain Dufraisse p. 75-87 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Durant la fin des années 1940, les dirigeants d'URSS font de l'internationalisation du sport un de leurs objectifs. Il devient nécessaire de se rapprocher des fédérations internationales pour les intégrer au moment où la guerre froide tend les relations entre États. Cet article souhaite éclairer ce processus en s'intéressant à trois fédérations non centrales de l'espace international des sports à la fin des années 1940 : les fédérations internationales de volley-ball, de tennis de table et de boxe. Il s'agit ainsi de comprendre comment trois fédérations, dirigées pour la plupart par des Occidentaux, en viennent à inviter leurs homologues soviétiques entre 1946 et 1951, et comment les délégués soviétiques s'immiscent ou s'imposent dans celles-ci.
      In the late 1940s, USSR leadership made the internationalization of sport one of its goals. It became necessary to approach international federations, to join them at a time when the Cold War strained relations between states. This article seeks to understand this process by focusing on three peripheral federations in the field of international sports in the late 1940s: the international federations of volleyball, table tennis and boxing. It will examine how these three federations, mostly led by Westerners, came to invite their Soviet counterparts between 1946 and 1951, and how Soviet delegates got involved and asserted themselves within these groups.
    • « Liberté pour les footballeurs » : L'affaire Perroud et la question du professionnalisme dans le football suisse - Philippe Vonnard, Jérôme Berthoud p. 89-101 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Le 15 juin 1976, le Tribunal fédéral (TF) helvétique décide de débouter le Servette de Genève, l'un des clubs phares du football suisse de l'époque. En été 1972, la formation genevoise est accusée par un de ses joueurs, Georges Perroud, alors en fin de contrat, de l'empêcher de conclure une entente avec un autre club de l'élite. Le but de cette recherche consiste à étudier les enjeux et les conséquences de « l'affaire Perroud » sur le football suisse d'élite. L'article s'intéresse aux conditions favorables à la transformation d'une situation conflictuelle en une affaire judiciaire et évoque le rôle majeur de celle-ci dans la légalisation du professionnalisme.
      On June 15, 1976, the Federal Supreme Court of Switzerland decided to dismiss the case of Servette de Genève, one of the leading Swiss football clubs at the time. In the summer of 1972, one of the players of the Geneva-based club, Georges Perroud—at the end of his contract at the time—accused Servette of preventing him from concluding an agreement with another elite club. The aim of this research is to study the stakes and the consequences of the “Perroud Affair” on elite-level soccer in Switzerland. In particular, it looks at the conditions that were favorable to transforming the conflict into legal proceedings and describes the latter's significant consequences on the legalization of professionalism in sport.
    • « Prisonniers de guerre français » ou « prisonniers de guerre juifs » ? : La captivité des combattants juifs et le rôle du régime de Vichy - Galit Haddad p. 103-116 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Suite à la défaite française de mai-juin 1940, près de 1 800 000 soldats français sont capturés par l'armée allemande. Parmi ces prisonniers de guerre, on compte entre 10 000 et 15 000 combattants d'origine juive. En dépit de leur judéité, ils bénéficient d'un statut relativement protégé derrière les barbelés, et c'est ainsi qu'ils échappent au sort génocidaire réservé aux juifs de France. Retraçant les modalités de captivité des prisonniers de guerre d'origine juive des forces armées françaises, cet article vise à mettre au jour la singularité de l'expérience de ces captifs en 1940-1945 à travers un regard croisé : d'une part, l'expérience concrète, « au ras du sol », de la discrimination raciale – appliquée de manière aléatoire et ad hoc – par les autorités des camps (oflags et stalags), et, d'autre part, le rôle que joue la politique collaborationniste de Vichy sur le destin de cette minorité de prisonniers de « race israélite ».
      Following France's defeat in May–June 1940, more than 1.8 million French soldiers were captured by German forces. These prisoners of war included some 10,000 to 15,000 French combatants of Jewish origin. Despite their Jewishness, these individuals were granted a relatively protected status within the camps, and therefore escaped the genocidal fate reserved for other Jews in France. This paper seeks to uncover the specificity of this POW experience from 1940–1945 by following the modalities of their captivity as Jewish POWs of the French army. It will jointly consider the concrete experience “from below” of the arbitrary and ad hoc racial discrimination by camp authorities (oflags and stalags), and the role of Vichy collaborationist policy in the fate of this minority of prisoners of war of “Jewish race.”
    • Un « organisateur collectif » : la presse et la gouvernementalité militante jeunes communistes en France - Jedediah Sklower p. 117-134 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Dans la tradition socialiste, la presse est un outil fondamental de la « gouvernementalité militante » d'un mouvement politique, soit l'ensemble des normes, pratiques, procédures par lesquelles il cherche à « conduire les conduites » de ses troupes. Cet article décrit le dispositif médiatique de la Jeunesse communiste en France entre 1955 et 1981. Ses militants et militantes sont constamment incités à produire et à diffuser une multiplicité de supports de propagande conformément aux méthodes prescrites par le mouvement, mais aussi à faire preuve d'initiative. La mise en scène de diffuseurs modèles, les concours d'émulation, la quantification de ces activités contribuent à leur formation/subjectivation militantes et à leur intégration au conglomérat communiste.
      Within the socialist tradition, the press is a key instrument of a political movement's “militant governmentality”: namely the norms, practices, and procedures through which it seeks to “guide the conduct” of its troops. This paper describes the press apparatus of the French Communist Youth party between 1955 and 1981. The movement's activists were constantly incited to produce and distribute a variety of partisan materials, following the movement's methods while also demonstrating initiative. Their militant training and subjectivation and their integration into the broader Communist conglomerate were strengthened by the recognition of model activists, competitions and contests, and the quantification of these activities.
    • « Lutter contre l'invasion marxiste, c'est un devoir » : L'UNI contre la « subversion marxiste » de 1968 à 1981 - Bryan Muller p. 135-149 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Fondée en réaction aux événements de 1968, l'Union nationale inter-universitaire (UNI) a pour objectif de combattre la « subversion marxiste » qui serait à l'œuvre dans le pays. Pour ce faire, elle déploie une politique antisubversive anxiogène à l'endroit de la population. L'association universitaire est très préoccupée par le sort des jeunes, jugés plus influençables. Elle défend des valeurs conservatrices et estime que la jeunesse est corrompue par un marxisme décadent. Pour protéger l'avenir de la nation, l'UNI diabolise les mouvements communistes et gauchistes. Elle contribue à la fabrique gaulliste d'un ennemi de l'intérieur, sans se rendre compte de son décalage avec la société dans laquelle elle s'inscrit.
      Founded in reaction to the events of 1968, the Union nationale inter-universitaire (UNI, Inter-university Union) sought to combat the “Marxist subversion” that was allegedly undermining the country. To do so, it deployed an anti-subversion policy that increased the population's anxiety. The university association was very concerned about the fate of young people, who were considered more susceptible to influence. It defended conservative values and believed that youth were corrupted by decadent Marxist ideals. To protect the future of the nation, the UNI demonized communist and leftist movements, contributing to the Gaullist fabrication of an enemy from within, without realizing how out of step it was with the society in which it was embedded.
    • Un Plan sur la comète : Le manifeste Sur un oubli dans le Plan Monnet et la genèse oubliée de la politique de l'enseignement supérieur et de la recherche en France après-guerre - Pierre Verschueren p. 151-179 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      En 1947, les parlementaires français reçoivent un court manifeste intitulé Sur un oubli dans le Plan Monnet. Un appel aux pouvoirs publics, suivi de plus de 500 signatures de scientifiques, qui protestent contre l'absence de la recherche scientifique dans les projets du commissariat général du Plan. C'est la première fois qu'un mouvement aussi fort émerge parmi les « travailleurs scientifiques », dans le but de réclamer une intervention directe de l'État et la fixation d'une politique globale de l'enseignement supérieur et de la recherche. Les scientifiques eux-mêmes revendiquent ainsi une réorganisation des cadres institutionnels de leur activité qui en fasse un investissement national, levier du développement de l'appareil productif.
      In 1947, French parliamentarians received a short manifesto entitled Sur un oubli dans le Plan Monnet. Un appel aux pouvoirs publics (Regarding an oversight in the Monnet Plan. An appeal to the government), followed by more than 500 signatures provided by researchers and scientists. This text protested against the absence of scientific research in the projects of the General Planning Commission. It was the first time that such a strong movement emerged among “scientific workers,” with the aim of asking for direct intervention by the State and the establishment of a global policy for higher education and research. The scientists themselves demanded a reorganization of the institutional frameworks of their activity, with a view to spurring national investment and the development of a productive apparatus.
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