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Revue Futuribles Mir@bel
Numéro no 454, mai-juin 2023
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  • Qui contrôle quoi ? - Hugues de Jouvenel p. 3-4 accès libre
  • Les États face aux géants du Net : Vers une alliance de raison ? - Jean-François Soupizet p. 5-23 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Dans notre numéro de septembre-octobre 2021, Jean-François Soupizet avait présenté « les géants du Net face aux États ». Dans cet article, il montrait la montée en puissance d'une poignée de groupes mastodontes du numérique, principalement américains et chinois, devenus incontournables dans de nombreux domaines des secteurs tant privé que public. Face à un tel pouvoir, se posait — et se pose toujours — la question de la protection des usagers et des citoyens, mais aussi de l'indépendance des États vis-à-vis de ces « Big Tech ». Un peu moins de deux ans plus tard, le contexte a changé (notamment en raison de la guerre en Ukraine et de la fragilisation de l'économie mondiale) et des signes de fébrilité, sinon des coups durs, se sont fait jour dans l'univers du numérique, susceptibles de modifier un peu les équilibres entre les géants du Net et les États. Dans ce nouvel article, Jean-François Soupizet montre comment la situation a évolué sous l'effet de la conjoncture, mais aussi sans doute de changements plus structurels. Compte tenu de leur poids et de leur omniprésence dans la vie économique et sociale, les géants du Net restent des acteurs majeurs et incontournables, moteurs de l'innovation. Mais ils doivent aussi composer avec les États, d'une part en raison des tensions géopolitiques à l'œuvre (Chine / États-Unis, Russie / Europe…), d'autre part en raison des régulations qui se mettent en place en matière de gouvernance numérique, à différentes échelles. Jean-François Soupizet termine en confrontant à ces changements les scénarios qu'il avait envisagés en 2021, et en proposant un scénario supplémentaire d'évolution vers une relation plus collaborative entre les Big Tech et les pouvoirs étatiques, y compris à l'échelle mondiale. S.D.
    In our September-October 2021 issue, Jean-François Soupizet examined the issue of 'The Internet Giants vis-à-vis Nation-States'. In that article, he showed the rise of a handful of colossal digital companies, largely American and Chinese, that had become dominant central players in many fields in both the private and public sectors. In the face of such power, the question arose of how citizens and users are to be protected — a question still unanswered — and also how states are to remain independent in relation to these 'Big Tech' corporations. A little less than two years on, the context has changed (particularly because of the war in Ukraine and the increased fragility of the global economy) and signs of feverishness have emerged — not to mention some serious setbacks — in the digital world, which are likely to modify somewhat the balance of power between the Internet giants and states. In this new article, Jean-François Soupizet shows how the situation has changed as a result of the developing economic situation, but probably also of more structural changes. Given their influence and omnipresence in economic and social life, the Internet giants remain engines of innovation and, generally, major players which simply cannot be ignored. But they also have to find an accommodation with states, partly on account of the geopolitical tensions at play (China/USA, Russia/Europe etc.) and partly because of digital governance regulations that are being put in place at different levels. Jean-François Soupizet closes by reviewing the scenarios he had considered in 2021 in the light of these changes and by proposing an additional scenario in which we move towards a more collaborative relationship between the Big Tech corporations and states, including at the global level.
  • Risques sanitaires : anticiper pour mieux gérer - Sylvie Znaty, William Dab, Kévin Jean p. 25-42 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Après la crise sanitaire de 2020-2021, l'association Futuribles International a mis en place, en 2022, un forum prospectif Santé 2040 incluant notamment des travaux sur les relations entre santé et environnement1. En écho à ces travaux, la revue Futuribles publie, dans ce numéro, un article de Sylvie Znaty, William Dab et Kévin Jean sur la prise en compte des risques sanitaires, leur nature et la nécessité de mieux les anticiper dans les organisations, publiques comme privées. On a malheureusement, en France comme ailleurs, fait l'expérience de ce que pouvait coûter (au sens large : humain, économique, politique…) une crise sanitaire, et l'on mesure désormais l'importance de l'anticipation des risques et de la prévention en matière de santé. Mais concrètement, comment faire et surtout comment bien faire ? Après un rappel de ce que recouvre la gestion des risques sanitaires, cet article décrit en quoi peut consister une politique en la matière et les outils sur lesquels elle doit s'appuyer : principes directeurs, cartographie des risques, etc. — des éléments essentiels mais susceptibles de varier selon le point de vue adopté (épidémiologiste, entrepreneur, juriste…). Les auteurs soulignent également la différence d'appréhension des problématiques de santé suivant le pays considéré — on ne court pas les mêmes risques dans les pays du Sud que dans ceux du Nord, dans une région industrielle que dans une région agricole… Qui plus est, les risques sanitaires que l'on rencontre aujourd'hui sont très souvent plurifactoriels, ce qui complique encore leur anticipation et leur prévention en raison de la diversité des acteurs concernés. En raison de ces différents éléments et pour tenir compte de l'environnement, qui constitue lui aussi un élément majeur dans les conditions d'exposition au(x) risque(s) d'une population, les auteurs invitent à adopter une approche prospective intégrée, résolument intersectorielle, afin d'élaborer des scénarios de gestion des risques. Ils terminent par une réflexion sur les enjeux du principe de précaution, dans le cadre institutionnel de la France, avec en ligne de mire : informer, rassurer, protéger des citoyens très (trop ?) (parfois mal) informés… S.D. 1Présenté sur la page https://www.futuribles.com/folder/forum-prospectif-sante-2040/
    In 2022, after the pandemic of 2020-2021, the Futuribles International association set up a 'Health 2040' Forum involving, among other things, work on the relations between health and the environment. Reflecting this work, Futuribles is publishing an article in this issue by Sylvie Znaty, William Dab and Kévin Jean on the handling of healthcare risks, their nature, and the need to anticipate them better in both public and private organizations. Unfortunately, both in France and elsewhere, we have seen the potential costs (in the broad sense: human, economic, political etc.) of a healthcare crisis, and we are now aware of the importance of risk-anticipation and prevention where health is concerned. But how, concretely, do we act and, most importantly, how do we act effectively? After reminding us of what the management of healthcare risks entails, this article describes what the elements of a policy in this area might be and the tools on which it has to draw: general guidelines, risk mapping etc. All of these are essential, but are likely to vary, depending on the standpoint adopted (whether as epidemiologist, entrepreneur, lawyer etc.). Znaty et al. also stress the different ways health issues are conceived in different countries — the same risks do not exist in the global South as in the North, in an industrial region as an agricultural one etc. Moreover, the healthcare risks we encounter today are very often multifactorial, which further complicates, on account of the diversity of the actors involved, how they can be foreseen and prevented. Given these different factors and, in order also to take into account the environment, which is also a major factor in the conditions of a population's exposure to risk(s), the authors suggest adopting a firmly cross-sectoral, integrated foresight approach to developing risk management scenarios. They close with some thoughts on issues around the precautionary principle within the French institutional framework, taking as their aim to inform, reassure and protect citizens who are highly (too highly?) informed — but sometimes misinformed.
  • Futurs d'antan

    • Vieillir demain : Comment s'organiser pour faire bon ménage avec les futures populations âgées - Alain Parant p. 43-58 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Le projet de réforme des retraites présenté par le gouvernement français suscite, depuis fin 2022, de vifs débats sur le report de l'âge de la retraite. Mais le vieillissement démographique appréhendé à l'aune de la proportion croissante du nombre de personnes âgées — phénomène commun à tous les pays mais singulièrement plus marqué dans les pays industrialisés — entraîne bien d'autres questions que celle de l'équilibre financier du système de retraite par répartition. Elles ont d'ailleurs donné lieu depuis longtemps à plusieurs rapports en France, notamment : Politique de la vieillesse, en 1962, rapport de la Commission d'étude des problèmes de la vieillesse, présidée par Pierre Laroque ; puis Vieillir demain, en 1980, fruit des travaux du groupe Prospective personnes âgées, présidé par Robert Lion, dans le cadre de la préparation du VIIIe Plan (1981-1985). Notre rubrique « Futurs d'antan » a vocation à reprendre des extraits de textes anciens qui, après un certain temps, s'avèrent particulièrement prémonitoires. En l'occurrence, Alain Parant rend compte du rapport Vieillir demain pour montrer, 40 ans plus tard, la pertinence de nombre de ses recommandations concernant « l'adaptation de notre société au vieillissement » et dresser un bilan sans concessions des actions qui l'ont suivi. Ce bilan est assez révélateur du piètre usage que les pouvoirs publics font des travaux de prospective, en tout cas en France, et de leur propension à l'inaction s'agissant des adaptations qu'exigent des problèmes de fond. H.J.
      The pension reform bill tabled by the French government has prompted intense debate since late 2022 on pushing back the retirement age. However, demographic ageing, measured by the increasing percentage of old people in the population — a phenomenon common to all countries but distinctly more marked in the industrialized ones — raises many more questions than simply the financial stability of the system of pay-as-you-go pensions. Several reports have been devoted to these in France over many years, including the 1962 report Politique de la vieillesse [Old-Age Policy] by The Commission for the Study of the Problems of Old Age, chaired by Pierre Laroque, and Vieillir demain [Growing Old Tomorrow], the 1980 report of the Foresight Group on the Elderly, chaired by Robert Lion, as part of the groundwork for the Eighth Economic Plan (1981-1985). Our 'Futures of Yesteryear' column picks up on extracts from old writings that turn out, some time later, to have been particularly prescient. In this case, Alain Parant looks back, 40 years on, at the 'Growing Old Tomorrow' report, to show the relevance of many of its recommendations on 'adapting our society to an ageing population' and to offer an uncompromising assessment of the actions that followed. That assessment gives some insight into the very poor use public authorities make of foresight studies — in France, at least — and their tendency to inaction when it comes to coping with deep-seated problems.
  • Le mirage des classes moyennes en Afrique - Marc Lautier p. 59-72 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Le contexte inflationniste qui pèse sur l'économie mondiale depuis plus d'un an, lié aux conséquences de la guerre engagée par la Russie en Ukraine, met à mal le pouvoir d'achat d'une partie importante des consommateurs, en Europe comme ailleurs. Les premiers touchés par cette situation sont, bien évidemment, les ménages à bas revenus et issus de la classe moyenne, qui peuvent rapidement basculer dans la pauvreté. Si ceci vaut dans les pays développés, c'est encore plus prégnant dans les pays en développement, à commencer par ceux du continent africain dont la croissance économique mise beaucoup sur l'essor des classes moyennes. Or, sans même tenir compte des évolutions récentes ayant suivi la crise Covid et le conflit en Ukraine, cette émergence des classes moyennes en Afrique reste très hypothétique, comme le montre ici Marc Lautier. Après un bref rappel de la situation économique en Afrique subsaharienne, principal gisement mondial de population active, actuel et à venir, Marc Lautier revient sur la notion de classe moyenne et son apport en matière de développement socio-économique. Il montre combien les définitions et analyses de la classe moyenne diffèrent et font souvent preuve d'un excès d'optimisme. Retenant pour sa part le niveau de revenu et la capacité de consommation qu'il confère aux individus (autrement dit, une population sortie de la pauvreté), Marc Lautier montre que les classes moyennes, à l'exception sans doute de l'Afrique du Sud, devraient rester très marginales en Afrique subsaharienne, y compris à long terme. Elles ne représenteraient guère plus de 4 % de la population d'ici 2030, ne permettant pas de tirer la croissance de la demande et d'enclencher une expansion économique solide et durable. À un horizon plus lointain, la situation est moins figée et dépendra très largement de la dynamique démographique régionale. S.D.
    The inflationary atmosphere that has dominated the global economy for more than a year, related to the effects of the war initiated by Russia in Ukraine, has devastated the purchasing power of a substantial swathe of consumers, both in Europe and elsewhere. The first to be affected by this situation are, quite obviously, households with low income and middle class backgrounds who can rapidly slide into poverty. If this is true in the developed nations, it is even more so in developing countries, beginning with the nations of Africa whose economic growth depends greatly on the rise of the middle classes. Yet, even leaving aside recent developments in the wake of the Covid crisis and the war in Ukraine, this emergence of middle classes in Africa remains very much hypothetical, as Marc Lautier demonstrates here. After briefly reminding us of the economic situation in Sub-Saharan Africa, the main global reservoir of current — and future — working-age populations, Marc Lautier examines the notion of the middle class and its contribution to socio-economic development. He shows the extent to which definitions and analyses of the middle class differ and often display excessive optimism. Opting personally for a definition based on income level and the purchasing power it confers on individuals (in other words, a population that has emerged from poverty), Lautier shows that, except probably in South Africa, the middle classes seem likely to remain very marginal in Sub-Saharan Africa — including in the long term. They are likely to represent little more than 4% of the population by 2030, which would not provide demand-pull growth and trigger a lastingly positive economic dynamic. Looking further into the future, the outlook is not so cut-and-dried and will depend very greatly on regional demographic dynamics.
  • Les populismes européens : Poussée de la droite radicale et fin du moment hybride - Gilles Ivaldi p. 73-86 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    La France traverse, depuis quelques mois sinon quelques années, un épisode inquiétant de fragilisation de ses institutions et connaît une diffusion croissante du sentiment de défiance à l'égard des partis politiques en place. Les grands gagnants, dans cette situation, sont les partis politiques extrêmes, à gauche comme à droite de l'échiquier politique, qualifiés plus globalement de « populistes ». Mais cette situation n'est pas propre à la France : en Europe, bien d'autres pays sont confrontés à l'émergence de mouvements populistes, depuis plusieurs décennies parfois (Italie, Hongrie, Allemagne, Royaume-Uni…). Après avoir rappelé ce que l'on qualifie de populisme ainsi que les facteurs qui lui permettent de prospérer, Gilles Ivaldi revient, dans cet article, sur les « moments populistes » qui ont marqué les dernières années en Europe. Il souligne en particulier les évolutions récentes (crise sanitaire, crise économique, guerre en Ukraine) qui ont pu « hybrider » les débats politiques, économiques, sociaux…, et altérer (temporairement) les perspectives du populisme dans certains pays. Mais, s'appuyant sur les travaux du CEVIPOF, il montre aussi combien les enjeux plus structurels qui font le lit des mouvements populistes (économiques, identitaires…) perdurent ; et surtout combien la droite radicale populiste conserve, voire renforce ses positions — globalement plus dominantes que celles des populismes de gauche. En phase de normalisation institutionnelle dans plusieurs pays et continuant à propager leurs thèmes de prédilection dans l'espace public, ces partis de droite populiste pourraient bien connaître un nouveau cycle de progression en Europe. S.D.
    For some months now, if not some years, France has been going through a worrying phase of its institutions becoming more and more fragile and its current political parties increasingly losing the trust of the public. The main winners in this situation have been the extreme political parties of both Right and Left, parties described more generally as 'populist'. But this situation is not specific to France: many other countries in Europe have faced the emergence of populist movements, in some cases over several decades (Italy, Hungary, Germany, the UK etc.). After reminding us what is meant by populism, and also of the factors that enable it to flourish, Gilles Ivaldi goes back here over the 'populist moments' that have marked Europe in the last few years. He emphasizes recent developments in particular (the pandemic, the economic crisis, the war in Ukraine) that have enabled political, economic and social debates to be 'hybridized' and have (temporarily) altered the prospects for populism in some countries. However, drawing on studies by CEVIPOF, he also shows the extent to which the more structural issues conducive to (economic or identity-based) populist movements persist; and, above all, the extent to which the populist radical Right is maintaining and even strengthening its positions — more dominant overall than those of Left populisms. These right-wing populist parties, which are in a phase of institutional normalization in several countries and continuing to spread their favoured themes in public space, may well be set for a new cycle of advance in Europe.
  • Chronique européenne

    • Quel avenir pour les pays du Partenariat oriental ? - Jean-François Drevet p. 87-96 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      L'invasion de l'Ukraine par la Russie a conduit, entre autres conséquences, à accélérer l'agenda d'examen de la candidature de Kiev à l'entrée dans l'Union européenne (UE). Si les critères requis pour une adhésion sont encore loin d'être remplis1, cette accélération a ravivé les discussions relatives aux candidatures engagées ou à l'approche d'autres pays de la périphérie orientale de l'Union (Balkans, Caucase…). Cette chronique propose de faire le point sur les relations entre l'UE et les pays du Partenariat oriental (Ukraine, Moldavie, Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie). Après un rappel historique (concernant les amorces d'intégration régionale avec la Russie et les candidatures à l'UE des pays des Balkans), Jean-François Drevet présente les scénarios d'évolution possible pour ces pays, au-delà de la politique européenne de voisinage qui régit actuellement leurs relations avec l'UE. Qui est ou pourrait être candidat à l'Union ? Dans quelles conditions ? Il précise ainsi la situation de chacun de ces six pays vis-à-vis de Bruxelles et Moscou, et examine la compatibilité de cette situation avec une entrée dans l'UE. S.D. 1Voir notamment la chronique européenne « L'Ukraine, 28e État membre ? », Futuribles n° 449, juillet-août 2022, p. 109-116.
      The invasion of Ukraine by Russia has led, among other things, to an accelerated timetable for considering Kyiv's European Union (EU) candidacy. Though the membership criteria are still far from being met, that speeding-up process has revived discussion of the candidacies of, or approaches by, other countries on the eastern periphery of the EU (the Balkans, the Caucasus etc.). This European Chronicle offers an update on the situation with regard to the EU and the countries of the Eastern Partnership (Ukraine, Moldavia, Georgia, Armenia, Azerbaijan and Belarus). After a historical recap (on the beginnings of regional integration with Russia and the EU candidacies of the Balkan countries), Jean-François Drevet outlines scenarios on how these countries may possibly develop beyond the European Neighbourhood Policy, which currently governs their relations with the EU. Who is, or could be, a candidate for EU membership? In what conditions? With these questions in mind, he details the situation of each of these six countries vis-à-vis Brussels and Moscow and assesses the compatibility of that situation with EU entry.
  • Actualités prospectives

  • Lu, vu, entendu