Contenu du sommaire : À la racine du vouloir et de l'agir en philosophie médiévale

Revue Revue des Sciences Philosophiques et Théologiques — RSPT Mir@bel
Numéro tome 107, no 2, avril-juin 2023
Titre du numéro À la racine du vouloir et de l'agir en philosophie médiévale
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  • À la racine du vouloir et de l'agir en philosophie médiévale

    • Présentation - Tobias Hoffmann p. 177-181 accès réservé
    • Un libre arbitre radical ? : Volonté et raison, de Robert Grosseteste à Jean Duns Scot - Kristell Trégo p. 183-204 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Si la volonté n'est pas la raison, mais que l'une et l'autre concourent au libre arbitre, peut-on dépasser cette dualité ? À la suite de Grosseteste, le concept de racine a un temps pu être mobilisé pour penser l'identité de l'âme à elle-même, en dépit de la variété, et distinction, de ses puissances. Mais le modèle de la racine, qui suggère des puissances qui proviennent de l'âme, pour s'en séparer, convient-il pour rendre compte de cette identité dans la différence ? Nous examinons le recours à ce modèle chez trois auteurs oxoniens du milieu du xiiie siècle, puis sa reprise chez Thomas d'Aquin, avant de considérer le choix fait par Duns Scot de l'idée d'une contenance unitive.
      If the will is not reason, but if both contribute to free choice, can one overcome the separation between reason and will? Following Grosseteste, the concept of root could be used for a certain time to conceptualize soul's identity with itself, despite the plurality and distinction of its powers. But is the model of root, which suggests that the powers come forth from the soul so as to separate themselves from the soul, well suited to account for this identity within difference? I examine the use of this model by three Oxford thinkers of the mid-thirteenth century, and then the way Aquinas takes it up, before considering Duns Scotus's choice of the idea of a continentia unitiva.
    • Radix libertatis : Du libre arbitre radical à l'enracinement de la liberté - Olivier Boulnois p. 205-227 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      La philosophie médiévale a cherché la « racine de la liberté » (donc le libre arbitre radical), tantôt dans la raison (Siger de Brabant), tantôt dans la volonté (Henri de Gand), tantôt dans une combinaison des deux : la volonté comme sujet, la raison comme cause (Thomas d'Aquin). Faut-il donner raison à l'une de ces positions, et sont-elles « libertariennes » ( libertarian) ou compatibilistes ? Au lieu de répondre à cette question, l'auteur essaie plutôt de chercher le sol nourricier, plus profond encore, qui donne sens à ce débat : à ce niveau plus fondamental que la dispute scolaire, la liberté consiste, non dans la faculté d'agir autrement, mais dans la manifestation du bien.
      Medieval philosophy sought the “root of freedom” (that is, radical free choice) in reason (Siger of Brabant), in the will (Henry of Ghent), or in a combination of both: the will as subject, reason as cause (Thomas Aquinas). Should we agree with one of these positions, and are they libertarian or compatibilist? Instead of answering this question, the author looks for the deeper, nourishing soil that gives meaning to this debate: at a level more fundamental than that of the academic dispute, freedom consists not in the ability to do otherwise, but in the manifestation of the good.
    • L'existence du mal radical chez Pierre de Jean Olivi - Stève Bobillier p. 229-253 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Pierre de Jean Olivi utilise a de nombreuses reprises le terme « radical » dans son œuvre. Si ce dernier désigne parfois un fondement, on le trouve aussi au sens d'un absolu ou d'un extrême. Ainsi, Olivi use de la notion de « mauvaiseté radicale » qu'il définit comme le fait de « vouloir de toutes ses forces ce qui est le plus outrageant à Dieu et aux siens ». Dans cet article, nous essayons de préciser ce qu'Olivi entend par cette définition. Nous montrons qu'il ne s'agit pas de vouloir le mal pour le mal, bien que selon Olivi, les cas d'acrasie stricte soient réels. En effet, les personnes acratiques comprennent, de manière universelle et actuelle, que leur choix est contraire au bien. L'option acratique provient d'une volonté absolument autodéterminée et capable des opposées. Le motif de ce choix consiste en un amour orgueilleux de soi à ce point démesuré qu'il s'oppose à la volonté de Dieu et qu'il utilise autrui comme un moyen de pouvoir. Enfin, nous montrons qu'Olivi utilise également le terme de « vertu radicale », réalité si forte qu'elle s'approche d'une forme d'annihilation de soi au profit de Dieu.
      Peter Olivi repeatedly uses the word “radical” in his works. While this word sometimes means a foundation, it also includes the sense of something absolute or extreme. In this sense, Olivi uses the expression “radical evil”, which he defines as “willing with all one's force something that is most insulting toward God and those who belong to him.” In this article, I try to make clear what Olivi means by this definition. I show that the issue is not willing evil for the sake of evil, although for Olivi, there are real cases of strict akrasia. In fact, the acratic understand actually and in general that their choice is contrary to the good. The possibility of acratic action is rooted in a will that is absolutely self-determining and able to will otherwise. The motive of such a choice consists in proud self-love, which is so excessive that it contradicts the will of God and uses others as a means to power. Finally, I show that Olivi also uses the expression “radical virtue,” which is so strong that it approaches a form of self-annihilation for the sake of God.
    • À la source de l'argument Etiamsi daremus de Grégoire de Rimini : Le De libero arbitrio de Saint Augustin - Pascale Bermon p. 255-279 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      La présente contribution analyse un texte célèbre de Grégoire de Rimini, extrait de son commentaire des Sentences publié à Paris en 1346, livre II, distinction 34-37, question 1, qui demande « si Dieu est la cause efficiente immédiate du péché actuel ». Ce texte porte sur les fondements de l'éthique. Grégoire de Rimini y affirme en substance que si Dieu n'existait pas, agir contre la droite raison équivaudrait tout de même à commettre un mal. Ce texte est considéré comme la première formulation de l'autonomie de la morale par un théologien philosophe. On en propose ici une relecture, attentive à sa logique argumentative et au jeu des autorités tirées du De libero arbitrio d'Augustin qu'il met en œuvre. L'Ordre des Ermites de Saint Augustin est associé de multiples manières au renouveau de l'augustinisme dès la période du premier humanisme de Pétrarque (1304-1374). La façon dont Grégoire de Rimini traite la question des racines de l'agir moral illustre à quel point il figure au premier plan du renouveau scolastique et humaniste de l'érudition augustinienne au xive siècle.
      This contribution analyzes a famous text by Gregory of Rimini of his Sentences Commentary published in Paris in 1346, book II, distinction 34-37, question 1, which asks whether God is the immediate efficient cause of an actual sin. This text concerns the foundation of ethics. Gregory essentially claims that if God did not exist, acting against right reason would nevertheless mean doing evil. It is deemed to be the first formulation by a philosopher-theologian of the autonomy of ethics. This article proposes a reading of this text that pays attention to the argumentative logic and to the use of authoritative statements taken from Augustine's De libero arbitrio. The order of the Augustinian Hermits is in several ways associated with the renewal of Augustinianism beginning with the time of the humanism of Petrarch (1304-1374). The way in which Gregory discusses the question of the root of moral agency shows to what extent he is a protagonist of the scholastic and humanist renewal of Augustinian erudition in the fourteenth century.
    • La souveraineté de la droite raison : Jacques Almain, lecteur de Grégoire de Rimini - Ide Lévi p. 281-305 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Dans ses Moralia, Jacques Almain (v. 1480-1515) aborde la question du fondement des interdits moraux : tout péché est-il péché parce qu'il est interdit ? Il présente comme étant la plus probable l'opinion des maîtres qui ont affirmé qu'il existe bien des actes intrinsèquement mauvais, c'est-à-dire des actes dont Dieu lui-même ne peut faire qu'il soit au pouvoir de l'homme de les accomplir sans par là pécher. Pour exposer cette opinion, Almain reprend la thèse de Grégoire de Rimini selon laquelle il existe, en amont des « interdits impératifs » essentiellement contingents, des « interdits indicatifs » issus de la droite raison, plus fondamentaux que les premiers, par lesquels les actions peccamineuses sont nécessairement proscrites. Mais la relecture de Grégoire par Almain place au centre de l'analyse métaéthique de ces interdits nécessaires l'activité législatrice d'une droite raison souveraine. Car les jugements de la droite raison ne semblent fondés sur aucune objectivité antécédente au jugement lui-même – ce qui anticipe à certains égards la révolution kantienne.
      In his Moralia, James Almain (ca. 1480-1515) asks a question concerning the foundation of moral prohibitions: Is every sin a sin because it is prohibited? Almain judges as most probable the opinion of the masters who claimed that there are intrinsically evil acts, that is, those which not even God can render possible for a human being to perform without sinning. To expound this view, he takes up the thesis by Gregory of Rimini according to which there are “indicative prohibitions,” which are based upon right reason and which proscribe sinful actions in a necessary way, in addition to “imperative prohibitions,” which are essentially contingent and which are less fundamental than the indicative prohibitions. But Almain's reading of Gregory places the legislative activity of right reason at the center of the metaethical analysis of these necessary prohibitions. Right reason seems to be perfectly sovereign, as its judgements do not seem to be founded upon any objectivity that would be antecedent to the judgment itself. Thus he anticipates in certain respects the Kantian revolution.
  • Articles

    • Libéralisme consensualiste et réalité politique : quels repères pour une démocratie apaisée ? - Herbert Koffi Eklou, Bilakani Tonyeme p. 307-324 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      La société contemporaine connaît de nombreux conflits qui tendent à mettre à mal le vivre-ensemble harmonieux. Le pluralisme qui caractérise les sociétés contemporaines est souvent considéré comme étant l'origine de ces conflits. C'est pourquoi le libéralisme consensualiste cherche une sorte d'entente permanente entre les différentes oppositions au sein de la société afin de résorber ces conflits et ainsi d'éviter l'explosion sociale qui demeure une menace incessante. Seulement le consensualisme ne semble pas être si efficace pour mettre fin aux conflits sociaux qui s'accroissent de plus en plus. Pire, l'on a l'impression qu'au lieu d'être une voie d'apaisement social, le consensualisme constitue plutôt une source supplémentaire de conflits. C'est la raison pour laquelle le consensus falsifiable apparaît de nos jours comme une alternative plus adaptée aux réalités des sociétés contemporaines pour atténuer ces conflits.
      Contemporary society currently experiences numerous conflicts that tend to undermine harmonious coexistence. Often considered to lie at the origin of these conflicts is the pluralism characterizing contemporary societies. This is why consensual liberalism seeks a kind of permanent agreement among society's various opponents in order to resolve conflicts and thus avoid an incessantly threatening social explosion. And yet, consensualism would appear ineffective in putting an end to ever growing social conflicts. Worse, one has the impression that instead of serving as a means of social pacification, consensualism rather emerges as yet another source of conflict. This is why falsifiable consensus now appears to be an alternative better adapted to the realities of contemporary societies for the mitigation of conflicts.
    • Terminologie paulinienne de la conversion : absence ou nouveauté ? - Firmin N. N'tayé p. 325-348 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Malgré l'usage peu fréquent qu'il fait des termes epistrophè, epistrepheïn, metanoïa et metanoeïn, Paul n'accorde pas moins d'importance à la conversion dans ses écrits. À partir de la distinction qu'il établit entre la conversion- epistrophè et la conversion- metanoïa et du double mouvement qui les caractérise, il appelle ses auditeurs à la conversion au moyen d'un langage nouveau, notamment de nouvelles métaphores.
      Although we could arguably acknowledge his infrequent usage of terms epistrophè, epistrepheïn, metanoïa and metanoeïn, Paul still values conversion in his writings. From the distinction he establishes between epistrophè-conversion and metanoïa-conversion and the double movement that characterizes them, with a new language, especially new metaphors, he beckons his audience to conversion.
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